Élamite

L'élamite est une langue morte parlée en Élam jusqu’à l’époque d’Alexandre le Grand. Son usage nous est connu à travers l’écriture élamite cunéiforme, adaptée des systèmes graphiques suméro-akkadiens à partir de 2500 av. J.-C. environ.

Élamite
Hatamtite

Le plus vieux document en élamite retrouvé : traité entre Naram-Sin d'Akkad et un souverain d'Awan, vers 2250 av. J.-C., musée du Louvre
Période Attesté à la fin du XXIXe siècle av. J.-C., extinction aux alentours du IIIe siècle av. J.-C.
Extinction IIIe siècle av. J.-C.
Pays Élam
Région Proche Orient, Iran actuelle
Typologie SOV, agglutinante
Écriture Cunéiforme
Codes de langue
ISO 639-2 elx
ISO 639-3 elx
IETF elx
Échantillon
Texte EKI 18, IRS 33:
U Šutruk-Nahhunte, šak Halluduš-Inšušinak-ik, sunki-k Anzan Šušun-ka. Erientum tipu-h ak hiya-n Inšušinak nap-ir u-ri-me ahan hali-h-ma. hutta-k hali-k u-me Inšušinak nap-ir u-ri in lina tela-k-ni.

Origine et classification

Il est possible (mais non prouvé) qu’un état antérieur de la langue élamite ait été parlé dans les plateaux iraniens dès la fin du IVe millénaire av. J.-C. comme langue vernaculaire de la culture proto-élamite : celle-ci avait en effet inventé son propre système d’écriture, de nature pictographique.

L’élamite était une langue agglutinante sans lien décelable avec les langues sémitiques voisines (à commencer par l’akkadien) ni avec les langues indo-européennes (tel le vieux-perse) et pas davantage avec les langues caucasiennes. Les rapprochements de l’élamite avec le sumérien se sont révélés infructueux ; en revanche, un lien avec les langues dravidiennes (dont l'actuel brahoui) est possible, quoique controversé[1]. Celles-ci sont parlées de nos jours dans le sud du Deccan, mais on soupçonne une extension bien plus vaste à l’âge du Bronze, jusqu’au contact de l’aire culturelle de la vallée de l'Indus (actuel Pakistan). Dans cette dernière hypothèse, la proximité territoriale avec la zone de l'élamite pourrait expliquer des ressemblances.

Caractéristiques linguistiques

Les traits essentiels de la langue élamite sont connus, même s'il reste de nombreuses zones d'ombre en raison de la relative rareté des textes rédigés dans cette langue qui nous sont parvenus.

L’élamite ne connaissait pas les flexions, mais usait au contraire de suffixes et de particules grammaticales. Les noms étaient répartis en genres animé et inanimé, les animés étant déclinés non pas en cas mais en personnes, tandis que les inanimés étaient répartis en trois classes.

  • Animés :
    • Locutif : « -k » le nom animé est celui qui parle (1re personne du singulier)
    • Allocutif : « -t » le nom animé est celui à qui on parle (2e personne du singulier)
    • Délocutif : « -r » le nom animé est celui dont on parle (3e personne du singulier)
    • Pluriel : « -p » le prédicat porte sur plusieurs instances du nom animé (toutes les personnes du pluriel)
  • Inanimés :
    • Classe en : « -me » noms abstraits ou de choses, collectifs animés et inanimés, fonctions et qualités humaines
    • Classe en : « -n » classe ancienne, dite dialectale, contenant des noms de lieux et d’inanimés du genre neutre
    • Classe en : « -t » classe ancienne, dite dialectale, contenant des inanimés représentant un ensemble d’éléments

Les noms animés prenaient ainsi au singulier un suffixe indiquant la personne qui parle (locutif : « sunkik » « (moi) le roi »), la personne à qui l’on parle (allocutif : « *sunkit » « (toi) le roi ») et la personne dont on parle (délocutif : « sunkir » « (lui) le roi »), mais le pluriel était indifférencié (« sunkip » « les rois »), tandis que les noms inanimés ne connaissaient pas semblable distinction (« sunkime » « le royaume », « murun » « la terre »). Ces suffixes étaient répétés sur tous les déterminants : « nappip kikkip ak murip » « les dieux du ciel et de la terre » (et non pas « les dieux des cieux et des terres » malgré les suffixes pluriels répétés sur ciel et terre) ; « sunkik sunkimek » « (moi) le roi du royaume » ; « sunkir sunkimer » « (lui) le roi du royaume » ; « sunkir pahir » « (lui) le roi protecteur » ; « takkime ume » « ma vie » (littéralement « la vie de moi »). Ce type de construction est en soi suffisamment original pour écarter tout lien évident de l'élamite avec les langues contemporaines géographiquement voisines, par exemple le sumérien ; l'absence de caractère ergatif est une autre divergence fondamentale entre l'élamite et le sumérien.

Le génitif pouvait être exprimé par l’inversion des termes et un suffixe de possession : « Nahhunte-utu pare » « la progéniture de Nahhunte-utu » (littéralement « Nahhunte-utu la progéniture (« par- ») de (« -e ») »). Une autre forme de génitif, plus idiomatique (jamais sur des noms étrangers), reposait sur le suffixe -me : « siyan Inšušinakme » « le temple d’Inšušinak ». Des post-positions pouvaient exprimer un locatif (« Parsip ikka » « chez les Perses », « Našir ma » « à Našir », « siyan appa kuših ma » « dans le temple que j’ai construit »). L’aspect agglutinant se manifestait dans des locutions telles que « duma » « acquérir < prendre-vouloir », ou bien « dama » « attribuer < placer-vouloir ».

Le verbe « faire » à l’aspect accompli (« hutta- ») se conjuguait de la façon suivante :

j’ai fait huttah
tu as fait huttat
il a fait huttaš
nous avons fait huttahu
vous avez fait huttaht
ils ont fait hutta

La phonologie de l’élamite est encore plus mal connue que celle du sumérien, car cette langue nous est parvenue rédigée en cunéiformes, qui s’avèrent ne la retranscrire que très approximativement. Au mieux pouvons-nous identifier certains éléments de grammaire et préciser plus ou moins assurément la signification de certains mots racines. L’énoncé était structuré en racines et bases, qui pouvaient être nominales, verbales ou nominoverbales, sur lesquelles étaient sufixées des particules précisant la nature des unités lexicales ainsi constituées. Les racines terminées par une voyelle pouvaient directement servir de base à des dérivations, mais celles terminées par une consonne devaient recevoir une voyelle thématique pour ce faire.

La langue désignée par le géographe persan Istakhri au Xe siècle de notre ère comme xuzi (du Xuzistān, c’est-à-dire le Khuzistan, nom moderne de la Susiane) était peut-être un avatar tardif de l’élamite, car elle était décrite comme ne ressemblant à aucune autre langue de la région, ni à l’arabe, ni au persan.

L'écriture élamite

Au cours du temps, trois graphies élamites se sont succédé. L'élamite cunéiforme est déchiffré, et le linéaire le serait depuis 2020. Le proto-élamite reste non déchiffré.

Le proto-élamite est la plus ancienne. On la retrouve autour de 2900 av. J.-C. à Suse, capitale d'Élam. L'écriture proto-élamite aurait été développée à partir d'une écriture préexistante qui débouche aussi sur l'écriture mésopotamienne. Elle utilise environ un millier de signes, logographiques et numériques, et sert exclusivement à enregistrer des opérations administratives.

L'élamite linéaire est un système qui est peut-être dérivé du proto-élamite et fut utilisé avec certitude vers la fin du IIIe millénaire av. J.‑C., bien qu'il ait pu être mis au point plus tôt. Son déchiffrement a été annoncé en 2020, la publication définitive étant attendue pour 2021[2].

L'élamite cunéiforme fut en usage de 2500 à 330 av. J.-C., adaptée à partir de l'akkadien. Cette écriture consiste en 130 symboles, soit bien moins que la plupart des autres écritures cunéiformes.

Code

Notes et références

  1. Cf. les travaux de D. McAlpin, par exemple Proto-Elamo-Dravidian, Philadelphie, 1981
  2. « Un Français "craque" une écriture non déchiffrée de plus de 4000 ans, remettant en cause la seule invention de l'écriture en Mésopotamie », sur Sciences et Avenir (consulté le ).

Voir aussi

Bibliographie

  • Françoise Grillot-Susini, L'Élamite - Éléments de grammaire, Geuthner, Paris, 2008, (ISBN 2-7053-3797-0)
  • (en) M. W. Stolper, « Elamite », dans The Cambridge Encyclopedia of the World’s Ancient Languages, sous la dir. de R. Woodard, Cambridge, 2004, (ISBN 0-521-56256-2) p. 60-94

Articles connexes

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