Éducation aux médias et à l'information

L’éducation aux médias et à l’information vise à développer les connaissances et les compétences des individus pour leur permettre d’utiliser avec discernement les médias de manière critique et créative tant dans la vie quotidienne que professionnelle.

Pour les articles homonymes, voir EMI.

Par le terme «médias», on entend tous les moyens d’information, de communication, de divertissement, d’influence, de réseautage, d’enseignement et d’apprentissage, d’organisation du quotidien, etc., autrement dit, non seulement les médias de masse traditionnels (livres, journaux, cinéma, radio, télévision), mais aussi les médias numériques (Internet, réseaux sociaux, applications de communication, agents conversationnels, dispositifs de réalité virtuelle ou augmentée, jeux informatiques, etc.)[1].

L'éducation aux médias et à l'information est, dans le système éducatif français, un enseignement pluridisciplinaire, présenté dans les programmes des cycles 2 et 3 (du CP à la 6e)[2] et du cycle 4 (de la 5e à la 3e). Il apparaît pour la première fois dans la loi d'orientation et de programmation pour la refondation de l'École de la République du 8 juillet 2013[3].

Son objectif est de permettre aux élèves d'acquérir une culture de l'information et des médias. Il s'appuie sur les préconisations de l'UNESCO qui promeuvent une nécessaire maîtrise de l'information pour devenir citoyen d'une société numérique. Il s'inscrit dans le parcours Citoyen, l'un des quatre parcours éducatifs prévus par la loi de refondation de l'école de 2013.

Origines

L'information et les médias dans l'enseignement français avant l'éducation aux médias et à l'information

Depuis 1973, dans les établissements du secondaire, le Centre de documentation et d'information (CDI) est un lieu didactisé dédié aux apprentissages associés à la notion d'information[4]. La circulaire de missions du confirme le rôle des personnels responsables du CDI pour ces apprentissages, avec l'Initiation à la recherche documentaire (IRD)[5]. En 1989, la création du CAPES de documentation est une nouvelle étape pour instituer des apprentissages info-documentaires sous la responsabilité du professeur documentaliste.

En 1983, est créé le CLEMI, Centre de liaison pour les moyens d’information, devenu en 2007 le Centre de liaison de l'enseignement et des médias d’information. Cet organisme fait partie du réseau CANOPE et sert à promouvoir et accompagner l'éducation aux médias dans les établissements du primaire et du secondaire. Les médias sont compris ici comme les médias d'information, avec des partenariats proposés avec des chaînes de télévision et des stations de radio. Peu à peu le CLEMI a proposé un accompagnement des enseignants également pour l'utilisation d'outils de production et d'expression à utiliser avec les élèves, dans le sens d'une « éducation par les médias ». Aujourd'hui le CLEMI développe des outils pour les enseignants pour travailler avec des médias en classe (journal imprimé, webradio, webTV...), avec un ensemble de conseils relatifs au droit de l'information.

Dans leur pratique pédagogique, les professeurs documentalistes ont largement contribué au développement de l'éducation aux médias dans les collèges et lycées, en complémentarité avec l'initiation à la recherche documentaire et le développement de la production documentaire des élèves à l'issue des recherches. Dans les années 2000, le développement du parc informatique dans les collèges et lycées a favorisé cette évolution. Depuis 2004, les professeurs documentalistes sont davantage associés, dans leur formation, aux Sciences de l'information et de la communication, avec dans leur pratique des apprentissages qui participent d'un développement de la culture informationnelle des élèves : connaissance des environnements informationnels et numériques, savoirs relatifs à la recherche d'information et à l'exploitation de cette information pour des productions documentaires, connaissance des médias d'information, des médias sociaux, de l'histoire de la communication, développement de notions de droit de l'information[6]. On parle alors d'information-documentation ou d'apprentissages info-documentaires, en complémentarité avec l'éducation aux médias, avec des éléments communs avec l'informatique. Alors qu'il existe une formation initiale en information-documentation, pour le CAPES de documentation, il n'en existe pas pour l'éducation aux médias.

De la Media and Information Literacy (MIL) à l'éducation aux médias et à l'information (EMI)

Avant les années 1990, les sciences de l'information étudient principalement les compétences relatives à la recherche d'information. La Media Literacy, un champ de recherche qui émerge aux alentours des années 1970, s’intéresse traditionnellement à l'analyse de l'information et à sa diffusion à travers différentes formes de médias.

En 2003, l'UNESCO organise une conférence internationale à Prague pour débattre de l'importance de l’Information literacy[7]. Dans la déclaration qui en résulte, cette dernière est définie comme une clé pour le développement social, culturel et économique des pays, des institutions et des individus du XXIe siècle. La maîtrise de l'information devient indispensable dans le cadre du droit de chacun à pouvoir apprendre tout au long de la vie. En 2005, la conférence d'Alexandrie introduit de nouveau l'information literacy, présentée maintenant comme un droit de l'homme, nécessaire à la démocratie[8]. Elle a pour objectif de donner à tous les citoyens les moyens d’acquérir une réelle maîtrise de l’information.

En 2012, l'UNESCO parle désormais de Media and Information Literacy ou M.I.L[9]. Dans la traduction française du « programme de formation pour les enseignants », l’acronyme est traduit par E.M.I. (Éducation aux Médias et à l’information)[10]. Deux domaines distincts sont désormais associés : l’éducation aux médias (media literacy) et l'éducation à l'information (information literacy). En matière d'éducation à l'information il s'agit pour les élèves d'être capable de "reconnaître quand émerge un besoin en information puis de trouver, évaluer et enfin exploiter cette information"[11]. L'éducation aux médias a quant à elle pour objectif de permettre aux élèves de comprendre les fonctions des médias, d'en évaluer les effets, et d'être capable de les utiliser et de s'exprimer par leur biais. Aujourd’hui ces deux domaines sont fortement liés à la maîtrise du numérique (en matière de fonctionnement, d'évaluation, de production). Ainsi, les réflexions autour de la littératie de l'information englobent également les littératies médiatique et numérique. On parle alors de translittératie[12]. Les enseignants sont considérés comme les acteurs incontournables pour en promouvoir le développement.

Les trois grands domaines du programme de formation des enseignants sont :

  1. La connaissance et compréhension des médias et de l’information dans la perspective du débat démocratique et de la participation sociale ;
  2. L'évaluation des textes médiatiques et des sources d’information ;
  3. La production et utilisation des médias et de l’information.

L'EMI est une combinaison des Sciences de l'information et des Sciences des médias, au niveau mondial, en France sous l'angle des Sciences de l'information et de la communication. L’intérêt d'être un « lettré » en information et média est alors de se positionner dans la société numérique : nous aurions besoin d'être capable d'utiliser, de comprendre, de se renseigner, de créer, de communiquer et d'avoir une pensée critique. Il serait important d'avoir la capacité de réellement accéder, organiser, analyser, évaluer et créer des messages sur différents supports. La nature évolutive de l'EMI comprend des travaux créatifs et la naissance de nouveaux champs de connaissances, ainsi publier et collaborer de façon responsable nécessitent des connaissances éthiques, culturelles et sociales.

L’EMI en France

Le concept de la formation à la maîtrise de l’information est considéré comme crucial par l’UNESCO, pour permettre aux populations de faire face au défi du bon usage de l’information. C’est dans cette perspective que se situent les apprentissages scolaires avec notamment l’éducation aux médias et à l’information. Du fait d'un contexte particulier, l'éducation aux médias et à l'information, transversale dans le système éducatif français, tend à se démarquer d'un modèle international[13]. Elle se distingue de l'information-documentation, domaine d'enseignement des professeurs documentalistes. En tant que telle, l'éducation aux médias et à l'information n'est instituée que pour le cycle 4, de la 5e à la 3e. Pour autant, en considération de contenus en information-documentation et en éducation aux médias, l'EMI peut apparaître, de manière plus ou moins dense, dans les autres cycles et au lycée.

Dans l’Éducation nationale

Depuis , l'éducation aux médias et à l'information est inscrite dans le code de l'éducation comme devant être dispensée à tous les élèves des collèges[14]. Selon la loi, la formation scolaire « développe les connaissances, les compétences et la culture nécessaires à l'exercice de la citoyenneté dans la société contemporaine de l'information et de la communication. »[15]. Le Conseil supérieur des programmes intègre ce nouvel enseignement, mais uniquement dans le cycle 4. Denis Tuchais, professeur documentaliste, est chargé de développer un programme[16].

L'EMI est désormais instituée en tant qu'enseignement dans les programmes de cycle 4, dans le cadre de la réforme du collège 2016[17]. L'éducation aux médias et à l'information s'inscrit aussi dans le Parcours citoyen, elle y est mise en lien avec l'Enseignement moral et civique (ou EMC), dans le contexte particulier des attentats et des questionnements sur la lecture des médias et sur l'utilisation importante des médias sociaux en ligne par les enfants[18]. Cependant, l’EMI reste un enseignement transversal et non une discipline scolaire. Certes, elle touche plus particulièrement plusieurs disciplines mais les notions info-documentaires ne figurent pas de manière équilibrée dans leurs programmes et sont traitées de manière variée. C’est dans ce contexte que les professeurs documentalistes interviennent[19]. Au sein de l'équipe pédagogique, l'organisation de cet enseignement est une des compétences des professeurs documentalistes, « enseignants et maîtres d'œuvre de l'acquisition par tous les élèves d'une culture de l'information et des médias », avec la nécessité pour eux de « maîtriser les connaissances et les compétences propres à l'éducation aux médias et à l'information », selon le référentiel de compétences professionnelles actualisé en [20]. Cette transversalité de l’EMI pose la question de la cohérence pédagogique, mais aussi celle de la cohérence de l’évaluation, étant donné que plusieurs professeurs travaillent sur cet enseignement.

La question d'un curriculum info-documentaire est alors un enjeu primordial. C'est pourquoi, le Groupe de Recherche sur la Culture et la Didactique de l'Information a défini douze propositions pour un curriculum des notions qui seront transdisciplinaires pour des enseignements, des apprentissages cohérents et pertinents pour les élèves. Leurs objectifs principaux sont donc la connaissance et la compréhension des pratiques informationnelles indispensable aujourd'hui pour les jeunes générations afin d'élaborer une intellectualisation, la perspective d'une translittératie qui est primordiale dans ce curriculum avec notamment l'intégration de l'EMI et de l'enseignement info-documentaire. Par ailleurs, la matrice disciplinaire, la définition des finalités éducatives, la question de la progressivité des apprentissages, les démarches pédagogiques, les activités à proposer aux élèves, les différents objets didactiques, les articulations avec les autres disciplines, les différentes évaluations et la question de la formation des formateurs figurent parfaitement dans ce curriculum, permettant une inscription dans un cadre commun des différentes disciplines[21].

L'EMI fait partie des objectifs d'acquisition des compétences du socle commun de connaissances, de compétences et de culture[22] pour tous les élèves de la primaire à la fin du collège, de l'école publique comme de l'école privée sous contrat.

À l'école élémentaire (programmes du cycle 2 et cycle 3)

Pour le cycle 2, du CP au CE2, il est fait mention de l'EMI dans les programmes : elle « permet de préparer l'exercice du jugement et de développer l'esprit critique »[23]. C'est, dans le domaine 2 du Socle commun, « fréquenter des bibliothèques et des centres de documentation pour rechercher de l'information », de même que « la familiarisation aux techniques de l'information et de la communication contribue à développer les capacités à rechercher l'information, à la partager, à développer les premières explicitations et argumentations et à porter un jugement critique », que « la fréquentation et l'utilisation régulières des outils numériques au cycle 2, dans tous les enseignements, permet de découvrir les règles de communication numérique et de commencer à en mesurer les limites et les risques ».

Pour le début du cycle 3, en CM1 et CM2, l'EMI se fait en continuité du cycle 2 pour « familiariser les élèves avec une démarche de questionnement dans les différents champs du savoir. Ils sont conduits à développer le sens de l'observation, la curiosité, l'esprit critique et, de manière plus générale, l'autonomie de la pensée. »[24] Ainsi « les élèves se familiarisent avec différentes sources documentaires, apprennent à chercher des informations et à interroger l'origine et la pertinence de ces informations dans l'univers du numérique ». La compétence « s'informer dans le monde du numérique » est mise en avant, en histoire et géographie, avec en particulier un thème en CM2, « Communiquer d'un bout à l'autre du monde grâce à l'Internet ». En sciences et technologie, c'est « Effectuer des recherches bibliographiques simples et ciblées[, extraire] les informations pertinentes d'un document et les mettre en relation pour répondre à une question » ou encore « Identifier des sources d'informations fiables ».

Au collège (programmes du cycle 3 et cycle 4)

À la fin du cycle 3, en 6e, les enseignants, pour l'EMI, sont renvoyés aux programmes du cycle 4, au-delà de ce qui existe pour le CM1 et le CM2[24]. Il existe toutefois des éléments associés à l'information-documentation et aux médias :

  • « les élèves découvrent le fonctionnement du centre de documentation et d’information. Le professeur documentaliste intervient pour faire connaitre les différents modes d'organisation de l'information (clés du livre documentaire, bases de données, arborescence d'un site) et une méthode simple de recherche d'informations. »
  • « Outre la recherche d'informations, le traitement et l'appropriation de ces informations font l'objet d'un apprentissage spécifique, en lien avec le développement des compétences de lecture et d'écriture. En 6e, le professeur documentaliste est plus particulièrement responsable de ces apprentissages, en lien avec les besoins des différentes disciplines. »

L'EMI est mise en œuvre tout au long du cycle 4, de la 5e à la 3e[25]. Elle s'articule autour de trois axes :

  • une connaissance critique de l’environnement informationnel et documentaire du XXIe siècle,
  • un accès à un usage sûr, légal et éthique des possibilités de publication et de diffusion,
  • une maîtrise progressive de sa démarche d’information, de documentation.

Afin d'encadrer et de définir les compétences à développer par les élèves dans le cadre de l'EMI, le Ministère de l'Éducation Nationale a publié en un référentiel composé de 27 énoncés, énumérant des savoir-faire et des savoirs, réparties en quatre parties[26] :

  • Utiliser les médias et les informations de manière autonome,
  • Exploiter l'information de manière raisonnée,
  • Utiliser les médias de manière responsable,
  • Produire, communiquer, partager des informations.

Six compétences relèvent de l'éducation aux médias, les autres de l'information-documentation. La mise en œuvre est interdisciplinaire, selon les programmes, avec quelques indications dans le texte. En français, par exemple, « on veille à développer, avec le CDI et le professeur documentaliste, les compétences essentielles et omniprésentes maintenant à tous les niveaux de la formation, relatives au traitement de l'information, à la connaissance et à l'usage des médias. » Les EPI, enseignements pratiques interdisciplinaires, sont notamment propices au développement des savoirs associés à la recherche et à la publication d'informations.

Au lycée général, technologique et professionnel

En lycée l’EMI est travaillée en pluridisciplinarité. Elle est donc présente dans les programmes des différentes disciplines enseignées au lycée général et technologique[27],[28] ainsi qu'au lycée professionnel[29]. Tous les enseignants doivent participer à l’éducation aux médias et à l’information (EMI) en lien avec leur discipline. Le professeur documentaliste, quant à lui, exerce un rôle central puisqu’il est désigné comme «enseignant et maître d'œuvre de l'acquisition par les élèves d'une culture de l'information et des médias » dans la circulaire qui définit ses missions[30].

À la suite de la réforme du lycée et donc à la rénovation des programmes d’enseignement, le CLEMI propose des documents qui recensent la présence de l’« éducation aux médias et à l’information » et de l’« éducation aux données » dans l’ensemble des programmes du lycée[31]. À ce titre, le CLEMI a identifié que 88 % des programmes de lycée professionnel et 64 % des programmes de lycée général et technologique offrent la possibilité de faire de l’EMI[32].


Quelques exemples de liens avec l'EMI dans les nouveaux programmes du lycée :

- en SNT (Sciences Numériques et Technologies) : l’EMI est associée à la partie « Impact sur les parties humaines » dans le programme de seconde générale et technologique.

- en EMC (Enseignement Moral et Civique) : l’EMI est présente dans le thème intitulé « La liberté, nos libertés, ma liberté » du programme de lycée professionnel en relation notamment avec la question de la démocratie et de la liberté de la presse, de l’entrée internet et liberté ou encore celle de la liberté d’expression. Ces notions sont également présentes dans le programme de seconde générale et technologique dans les axes 1 et 2 du programme d’EMC intitulés « Des libertés pour la liberté » et «Garantir les libertés, étendre les libertés : les libertés en débat ».

- dans l'option Droit : l’EMI est liée avec la partie « Création et technologie numérique », du programme optionnel de terminale générale, pour aborder la question de la propriété intellectuelle, la protection des données à caractère personnel ainsi que l’intelligence artificielle et la justice.

- en Français : l’EMI peut être abordée en relation avec la partie « S’informer, informer : les circuits de l’information » du programme de seconde professionnelle.

Dans l'enseignement agricole

Sous la tutelle du Ministère de l’agriculture de l’agroalimentaire et de la forêt, l’enseignement agricole français est une spécificité de la métropole par l'organisation des enseignements, les disciplines et les expérimentations pédagogiques.

L’EMI n'est pas mentionnée explicitement dans les programmes, mais elle est abordée de la seconde professionnelle au Brevet de Technicien Supérieur Agricole dans différentes disciplines. Celles-ci sont organisées en modules pluridisciplinaires, ce qui permet une transversalité des apports. Les enseignants de français, histoire-géographie, éducation socio-culturelle (ESC), info-documentation, technologies de l’informatique et du multimédia abordent l’EMI à des degrés divers dans des modules communs. Il s'agit par exemple des modules EG1 en seconde professionnelle,  EATDD en seconde générale et technologique, M5, M6 M7 en baccalauréat technologique, et M41 en BTSA[33].

Des modules spécifiques au développement d'une culture de l'information et des médias existent en baccalauréat professionnel et en BTSA. En baccalauréat professionnel, la culture de l'information et des médias est développée par l’enseignant d’Éducation socioculturelle et par le professeur documentaliste[34], leurs missions étant définies comme complémentaires : L’enseignant d’ESC aborde le média et l’information. Les objectifs sont les suivants : identifier les enjeux de la communication médiatisée pour se situer dans la vie sociale, civique et culturelle, analyser la diffusion de masse de l’information par les médias, débattre du rôle des médias du point de vue éthique et civique et des enjeux citoyens de la nécessité de s’informer.

Le professeur documentaliste traite, lui, de l’information, de sa création, de sa catégorisation et de son évaluation. Les objectifs sont de répondre à un besoin d’information professionnel ou culturel en mobilisant la connaissance de l’information-documentation, décrypter l’information et son organisation dans la société contemporaine, identifier le besoin d’information, réaliser une typologie de l’information et du document, structurer ces éléments dans le contexte d’un système d’information documentaire (espace ressource, base de données, Web) au travers de l’analyse d’exemples concrets appartenant à la sphère culturelle ou professionnelle, traiter l’information pour un usage ciblé contribuant à la compréhension du relativisme culturel du monde contemporain (recherche, analyse et communication), pratiquer de manière raisonnée la recherche documentaire (besoin, collecte et traitement de l’information), évaluer la qualité de l’information collectée (pertinence, validité, fiabilité), structurer l’information en vue de sa diffusion (réécriture, référencement, classement).

Il est à noter que la discipline TIM[35] en bac technologique et en BTSA, met en évidence les notions d’information et de données dans une approche plutôt mathématique de l’information liée au traitement de données et à l’usage de « logiciels de cartographie » ou de système d’information géographique (SIG)[36].

En BTSA les enseignants d’information-documentation, d’éducation socio-culturelle et de français travaillent ensemble dans le module M2.2[37]. Ils développent les objectifs suivants en relation avec l’EMI : répondre à un besoin d’information, mobiliser les concepts et les techniques nécessaires à une recherche et à un traitement de l’information pertinents, mettre en œuvre sa capacité d’organisation et de communication de l’information dans le cadre d’une démarche de médiation documentaire. Sur ces objectifs, le professeur documentaliste est le premier responsable pédagogique : « Les objectifs du programme de documentation abordent d’une part la maîtrise des notions de base : l’information, le document, le système d’information, l’évaluation de la qualité de l’information, les processus mentaux de traitement de l’information et d’autre part la maîtrise des outils documentaires : langages documentaires, référencement des sources, analyse et organisation de l’information. Enfin une démarche de médiation documentaire est à mettre en œuvre par les étudiants. »

Enfin les trois enseignants du module et l’enseignant TIM mettent en œuvre la construction d’un « regard critique, en particulier sur l‘information provenant d‘internet et il est attendu des élèves « l‘acquisition d‘une culture informationnelle qui englobe celle de l‘information, celle de l‘informatique et celle des médias »[36].

Confusions fréquentes et controverses

L'éducation aux médias (EAM) et l'éducation aux médias et à l'information (EMI)

Du fait d'une proximité sémantique évidente, confusion est souvent faite entre l'éducation aux médias, qui concerne les médias d'information, les médias de masse, et l'éducation aux médias et à l'information, qui concerne un plus grand nombre de champs notionnels. Alors qu'ils communiquent autour de l'EMI, plusieurs acteurs de l'éducation nationale ou de la société civile traitent d'éducation aux médias. C'est le cas du CLEMI, qui a par exemple mis à jour sa publication sur l'éducation aux médias dans les programmes scolaires, en 2013, en ajoutant simplement « et à l'information » à sa publication de 2008 sans aller au-delà de l'EAM[38]. C'est aussi le cas de l'association Mediaeducation.fr, qui emploie plusieurs expressions associées à l'information, avec une notion réduite à l'information diffusée par les médias de masse[39]. Autre exemple, l'EMI a fait l'objet d'une convention entre le Ministère de l’Éducation Nationale, de l'Enseignement Supérieur et de la Recherche et le Ministère de la Culture et de la Communication le , essentiellement pour l'éducation aux médias, associée à la mission du Ministère de la Culture et de la Communication en faveur de ces médias, mais avec des confusions à longueur de texte entre les deux expressions de l'EAM et de l'EMI[40].

Se pose alors la question du bien-fondé de la traduction proposée pour la Media and information literacy, qui dans l'exemple français crée des confusions. Celles-ci sont d'autant plus problématiques que c'est un domaine d'enseignement encore jeune qui nécessite une clarté auprès de la société civile pour se développer.

L'information-documentation et l'éducation aux médias et à l'information (EMI)

Lors de la réflexion sur les programmes en EMI, le Conseil supérieur des programmes a procédé à des consultations. Deux acteurs ont en particulier contribué au travail relatif à l'EMI, le GRCDI, Groupe de recherche sur la culture et la didactique de l'information[41], et l'APDEN, Association des professeurs documentalistes de l’Éducation nationale[42]. Au sujet du socle commun comme au sujet de l'EMI, les contributions de ces deux collectifs, l'un de chercheurs en Sciences de l'information et de la communication, l'autre d'enseignants, ont été proposés sous l'angle de l'information-documentation, leur domaine de référence pour l'enseignement secondaire.

À l'issue des réflexions, il apparaît que les trois axes choisies par le Conseil supérieur des programmes sont assimilables aux axes proposés par le GRCDI et repris dans la conception d'un curriculum en information-documentation par l'APDEN[43]. La logique de présentation de compétences, sans notions associées, dans les programmes d'EMI, s'éloigne par contre du domaine de l'information-documentation à maints égards. Pour autant la confusion est alimentée par le Ministère de l'éducation nationale, dans le dossier Eduscol, avec un discours sur la présence de l'éducation aux médias et à l'information dans les cycles 2 et 3, par exemple, alors qu'il s'agit davantage de traces d'information-documentation et d'éducation aux médias[26].

Perspectives

Avec l’intensification de la numérisation de toutes les sphères de la société et des nouveaux modes de consommation de produits culturels et d’information, le champ de l’éducation aux médias et à l’information doit être étendu à de nouveaux domaines:

Culture informatique

La diffusion rapide des dispositifs automatisés simulant l’intelligence et les capacités conversationnelles des humains (assistant personnel intelligent, agent conversationnelchatbot, etc.) reposant sur les techniques de l’informatique et des sciences cognitives nécessite d’accroître le champ de l’éducation aux médias et à l’information. C’est pourquoi l’informatique, envisagée comme science et technique du traitement automatique de l’information, support des connaissances humaines et des communications, doit être considérée comme faisant partie intégrante de la discipline.

Identité numérique

Internet et les réseaux sociaux permettent de réaliser et de diffuser des informations (textes, photos, vidéos) très aisément, partout et à tout moment. Ces documents peuvent être likés, commentés et relayés par des tiers. L’ensemble de ces informations, ainsi que les traces captées par les applications et services utilisés (géolocalisation, parcours de recherche, documents consultés, etc.), permettent de dresser des profils probabilistes qui conditionnent l’accès à des contenus sur la toile, mais qui peuvent aussi avoir des répercussions dommageables dans l’existence des individus. L’identité numérique d’une personne est constituée par l’ensemble de ces renseignements fournis volontairement ou non, lesquelles participent à son identité globale. La conscience des risques des traces laissées sur la toile et la gestion de l’identité numérique des individus, dès avant la naissance et tout au long de la vie, est un nouvel objectif fondamental pour l’éducation aux médias et à l’information.

Petite enfance

L’usage intense des appareils connectés et des écrans de toute nature est riche de potentiels mais aussi d’effets nuisibles sur le développement des enfants. Des professionnel-le-s de la santé et de la petite enfance ainsi que des spécialistes des médias ont alerté l’opinion publique sur les conséquences de la surexposition aux écrans des parents et des enfants dès leurs premiers mois de vie. L’usage constant des écrans connectés peut affecter gravement la relation parent-enfant et être la cause de troubles sévères de l’attention, du langage, de la motricité et du comportement des enfants en bas âge. Cet enjeu de santé publique constitue un nouveau domaine d’éducation aux médias pour les professionnels de l’enfance. Par ailleurs, l’identité numérique des très jeunes enfants constitue un nouveau domaine de réflexion pour les parents et les professionnel-le-s de la petite enfance.

Environnement

Le développement spectaculaire des usages des technologies numériques à toutes les activités humaines est une source nouvelle de graves menaces pour la biosphère. Dans le domaine de la communication, l’explosion du nombre des appareils connectés en permanence, l’usage intense des réseaux et du cloud computing, l’obsolescence rapide des équipements constituent quelques-uns des facteurs majeurs de l’impact environnemental de la numérisation (matériaux, énergie, pollution) tout au long du cycle de vie des équipements. C’est pourquoi, outre la traditionnelle analyse des discours, la réflexion sur les impacts environnementaux des nouvelles technologies de la communication doit être intégrée dans les objectifs de l’éducation aux médias et à l'information.

Sécurité et défense

Pour faire face aux cybermenaces (cybersabotage, cybercriminalité, cyberespionnage, propagande), il ne suffit pas de disposer de spécialistes. Les réseaux numériques sont désormais le vecteur privilégié pour diffuser de l’information fausse ou biaisée directement à des milliers de cibles sélectionnées individuellement sur la base de leur profil d’internaute. Les communautés digitales des médias sociaux et des jeux vidéos en ligne sont des canaux idéaux pour propager des infodémies. Intox et fake news peuvent faire vaciller les démocraties. Pour accroître les indispensables compétences à distinguer le vrai du faux et instiller le goût de l’information de qualité, il faut développer et mettre en œuvre une véritable éducation aux médias de toute la population et l’intégrer dans les politiques de sécurité et de défense des États démocratiques[44].

Notes et références

  1. « Présentation – Éducation aux médias et à l'information (Suisse) », sur educationauxmedias.ch (consulté le )
  2. Éduscol, « Éducation aux médias et à l'information - L'EMI et la stratégie du numérique - Éduscol », sur eduscol.education.fr (consulté le )
  3. LOI n° 2013-595 du 8 juillet 2013 d'orientation et de programmation pour la refondation de l'école de la République, (lire en ligne)
  4. Chapron, Françoise, 1950- ..., Les CDI, centres de documentation et d'information, des lycées et collèges : de l'imprimé au numérique, Paris, Presses universitaires de France, impr. 2012, 315 p. (ISBN 978-2-13-058326-4 et 2130583261, OCLC 795451442, lire en ligne)
  5. « Circulaire n°86-123 du 13 mars 1986 : Missions des personnels exerçant dans les centres de documentation et d'information »
  6. L'éducation à la culture informationnelle : colloque, [Lille, octobre 2008], Villeurbanne, Presses de l'enssib, , 306 p. p. (ISBN 978-2-910227-75-3)
  7. « Déclaration de Prague : vers une société compétente dans l'usage de l'information », sur www.enssib.fr (consulté le )
  8. « Proclamation d'Alexandrie sur la maîtrise de l'information et l'apprentissage tout au long de la vie », sur enssib (consulté le )
  9. http://www.unesco.org/new/fr/communication-and-information/resources/publications-and-communication-materials/publications/full-list/media-and-information-literacy-curriculum-for-teachers/
  10. « Éducation aux médias et à l’information : programme de formation pour les enseignants. », sur www.unesdoc.unesco.org, (consulté le )
  11. information literacy : définition de l'American Library Association, 1989, traduction P. Bernhard
  12. « La translittératie ou la convergence des cultures de l’information : supports, contextes et modalités. », sur HAL, (consulté le )
  13. Marlène Loicq, « Éducation aux médias et problématiques interculturelles. Question de méthodes », Questions de communication, no 22, , p. 285–300 (ISSN 1633-5961 et 2259-8901, DOI 10.4000/questionsdecommunication.6946, lire en ligne, consulté le )
  14. Code de l'éducation : Article L332-5 (lire en ligne)
  15. Code de l'éducation : Article L111-2 (lire en ligne)
  16. « Conseil supérieur des programmes : la composition des groupes chargés de l'élaboration des projets de programmes », sur Ministère de l'Éducation nationale, de l'Enseignement supérieur et de la Recherche (consulté le )
  17. « Annexe 3 Programme d'enseignement du cycle des approfondissements (cycle 4) », sur Ministère de l'Éducation nationale, de l'Enseignement supérieur et de la Recherche (consulté le )
  18. « Onze mesures pour une grande mobilisation de l'École pour les valeurs de la République », sur Ministère de l'Éducation nationale, de l'Enseignement supérieur et de la Recherche (consulté le )
  19. GRCDI, « Notions informationnelles et programmes scolaires : une présence renforcée au collège, mais pour quelle visée didactique ? Partie 1 : Présence des notions informationnelles dans les nouveaux programmes du collège », sur HAL
  20. « Le référentiel de compétences des métiers du professorat et de l'éducation », sur Ministère de l'Éducation nationale, de l'Enseignement supérieur et de la Recherche (consulté le )
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  38. REYNAUD, Florian, « L'EMI : une information-documentation non assumée. », InterCDI,
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  44. « Présentation – Site Éducation aux médias et à l'information (Suisse) », sur educationauxmedias.ch (consulté le )

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