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0.1. Objet d’étude

Cette étude se propose de traiter le tiers-lieu en tant qu’objet. La difficulté intrinsèque à cet objet concerne son positionnement conceptuel incertain. À vrai dire, l’objet ne semble pas en posséder. En tant que tel, il est reconnaissable au travers d’innombrable représentation, mais il n’est selon toute vraisemblance, rattaché à aucune classe. Ses caractéristiques restent vagues. Le tiers-lieu s’appréhende dans une multitude de dimensions. Sa compréhension est ainsi dictée par le regard disciplinaire qui l’observe. Il peut être fonctionnel ou prospectiviste. Il peut être traité comme un service que l’on propose ou comme une situation. Le terme lui, semble être construit en creux. Malgré cela, son usage se répand, tout comme ce qu’il paraît nommer. A priori cette relativement large appropriation peut être comprise comme l’écho d’une nécessité. La nécessité de nommer quelque chose dont la présence se fait sensiblement ressentir. À ce stade, le tiers-lieu paraît artificiel. Comme un objet qui doit être construit. C’est possiblement le cas et cela explique le choix du point de vue employé pour l’étudier. Car pour traiter le tiers-lieu en tant qu’objet il parait inévitable dans un premier temps, de convenir de ce qui constitue cet objet. Ce qui le compose et ce qui le maintien dans le temps. Et c’est ici que se complique la situation. Sa composition est difficilement synthétisable en une cartographie, même dynamique, à moins d’en réduire la circonférence. Il est cependant certain que ce terme recouvre une unité de sens même si celle-ci demeure absente des radars. Ce lieu du tiers se rapporte à quelque chose. Encore faut-il trouver et définir ce quelque chose. C’est à cette condition semble-t-il, que l’objet pourra véritablement s’épanouir.

0.2. Plan commenté

Cette étude envisage ainsi de débusquer le tiers-lieu. De le saisir dans toute sa complexité pour essayer d’en exprimer toute la simplicité. Elle l’appréhende comme un concept à définir. Pour y parvenir elle construit une enquête qui se déplie en trois parties. Les deux premières parties étudient, avec une variété de méthode, les représentations actuelles et passés du tiers-lieu. À la lumière de ces enseignements, la troisième partie tente quant à elle de dégager une représentation clarifier de l’objet en le présentant notamment comme un concept.

Dans la première partie, la signification du terme sera appréhendée au travers des mots qui le désigne dans le langage courant et dans l’usage professionnel. Il apparaîtra que les représentations actuelles du tiers-lieu se déclinent en fonction de thématiques. Celles-ci sont censées exprimer ce terme obscur, voir par endroit le justifier et lui donner ainsi une incarnation. L’étude de la littérature quant à elle dégagera des perspectives en démontrant que ce tiers-lieu peut être en différents endroits. L’examen des mots du tiers-lieu, lorsqu’ils ne sont pas reliés par un trait d’union, clarifiera ensuite les contours de l’objet. À partir de ces enseignements, une première formule sera énoncée. Celle-ci sera qualifiée de minimale et permettra de diminuer la part d’inconnu de l’objet tiers-lieu. Le tiers-lieu sera ainsi identifié à une classe d’objet et certaine de ses propriétés seront qualifiés. Afin d’être nuancées, ces propriétés seront ensuite observées analytiquement sous les traits d’institutions dédiés. Deux typologies d’institutions serviront de point d’appui : dans un premier temps, le tiers-lieu sera appréhendé comme un agencement institutionnel au travers des troisièmes lieux conceptualisées par Ray Oldenburg. Les troisièmes lieux seront distinguées des tiers-lieux et replacées dans leur contexte d’usage initial. Il sera démontré que les troisièmes lieux caractérisent en particulier des institutions à usages commerciales dont l’un des principaux attrait est de favoriser les relations de sociabilité entre individus. La fonction trialectique du troisième lieu sera ainsi observée comme une construction par défaut dans la relation duale qu’e
ntretient le lieu des activités domestiques et le lieu des activités productives. Dans cet interstice, c’est particulièrement l’étude de la structure relationnelle propre au troisième lieu qui sera abordée et notamment l’entrelacement des relations de services avec les relations de sociabilité. Dans un second temps le tiers-lieu sera appréhendé dans son historicité, au travers de l’étude de certaines structures sociales de la sphère publique bourgeoise au XVIIIe siècle chez Jürgen Habermas. L’apparition d’une sphère publique critique, dans sa compréhension contemporaine, sera envisagée comme une des conséquences de la réunion d’individu privée notamment dans les salons et les cafés. Par les indices laissés par la littérature, il sera possible d’obtenir des éclairages sur le rôle joué par ces agencements institutionnels dans la construction d’un système politique représentatif censé succédé à l’ancien régime. Leurs fonctions sociales seront particulièrement étudiées notamment les pratiques conversationnelles et les habitudes critiques. Par l’étude de ces deux typologies d’institution, soit les troisièmes lieux et les structures sociales de la sphère publique, la formule minimale pourra être affinée et de nouveaux critères pourront être ajoutés. Une seconde formule sera à ce moment énoncé. Qualifié d’intermédiaire, elle résumera en une proposition les principaux critères qui en l’état peuvent être attribué à l’objet tiers-lieu.

Cette formule intermédiaire servira également de grille de lecture pour la seconde partie de cette étude, à savoir l’étude des représentations actuelles de l’objet tiers-lieu. La manière dont ces représentations ont été reconnues et approchées sera détaillée. Les particularités de l’objet tiers-lieu, tout du moins dans ses représentations actuelles, ont dictées le positionnement méthodologique employé pour obtenir des informations. Ce positionnement sera dès lors largement explicité. Il découlera ainsi une étude empirique de l’objet tiers-lieu sur le mode de l’enquête. Pour cette enquête, chacune des propriétés énoncées dans la formule intermédiaire sera confrontée aux représentations actuelles de l’objet tiers-lieu. Trois grandes propriétés traversent cette formule. La première avance que le tiers-lieu est une configuration sociale et que l’apparition de cette configuration sociale est permise par des services aux caractéristiques variés. Afin d’appréhender la supposé configuration sociale de l’objet tiers-lieu, les différentes manières d’avoir accès et de se procurer les services seront analysées. Le récit du parcours et des discours de deux initiateurs seront ensuite rapportés afin de percevoir les motivations intrinsèques à la mise en situation de l’objet, c’est-à-dire à l’élaboration d’un tiers-lieu en tant que service. La seconde propriété suggère que par ce ou ces services une multitude d’individus entre en relation et partage leurs jugements individuels sur différents sujets. Les caractéristiques de ces individus seront ainsi étudiés. Ces caractéristiques concerneront principalement l’âge, l’activité professionnelle et la typologie d’usage qui est fait du service. La manière dont les individus échangent des informations et expriment publiquement leurs jugements sur différents sujets fera l’objet d’un développement particulier. Ce développement concernera la façon originale qu’on les individus de représenter leurs jugements individuels par une activité de conception de service notamment. Il sera à ce propos observé que cette modalité spécifique de représentation des jugements est envisagée comme le principal vecteur d’un mouvement de transformation de la réalité des individus. La dernière propriété caractérise quant à elle la manière dont le tiers-lieu en tant que service engage l’ensemble des individus dans une dimension collective équilibrée. La structure relationnelle qui relie les individus entre eux sera ainsi examinée. Plus précisément, les interdépendances, les évolutions de posture, les rapports de contribution et de rétribution, ainsi que le partage des responsabilités.

Au regard de l’ensemble des informations recueilli dans les deux premières parties de cette étude, la troisième partie proposera une représentation finale de l’objet tiers-lieu. Déjà, les invariant entre les troisièmes lieux oldenburgien, les structures sociales de la sphère publique habermassienne, et les tiers-lieux en tant que service seront relevés. Ensuite, eut égard aux informations de l’enquête, de substantielles précisions seront apposés à la représentation intermédiaire de l’objet. Cela concernera en particulier la manière dont il est régulé lorsqu’il s’appréhende comme un service, c’est-à-dire la manière dont les individus invente des règles, des valeurs et des normes pour assurer sa gestion. Cela concernera également les rapports d’échange et tout particulièrement la cohabitation de différents niveaux d’échanges entre les individus et entre les individus et le service. Les habitudes critiques propres au tiers-lieu seront également détaillées notamment la présence d’une critique qualifié de discursive en tant qu’elle procède d’argumentation raisonnée et médiatisée par un discours, et la présence d’une critique qualifié de poïétique en tant qu’elle s’incarne par un mouvement de production d’une représentation d’un jugement principalement sous la forme d’artefacts. Enfin, les différents régimes de conceptions d’artefacts propres au tiers-lieu en tant que service seront étudiés.

C’est à l’issu de cette enquête que le tiers-lieu sera à priori formellement définie. Sa définition sera qualifiée de conceptuelle car elle intégrera le tiers-lieu dans une classe d’objet et énoncera quelques caractéristiques qui distingueront l’objet tiers-lieu de la classe à laquelle il appartient. La proposition de représentation du tiers-lieu en tant que concept sera ensuite argumentée en détail. La classe de l’objet et chacune de ses caractéristiques seront explicitées. Le choix des termes employés sera mis en cohérence par rapport à l’ensemble des informations de l’étude. Pour conclure, le tiers-lieu sera envisagé comme un objet qui peut être étudié proprement, au regard de différentes disciplines, et ce à partir de la définition conceptuelle proposée. L’opportunité d’une définition procédurale sera également évoqué cependant d’après l’état actuel des connaissances sur l’objet tiers-lieu, seul trois invariants pourront être proposé.

0.3. Objectif fondamental

L’objectif fondamental de cette étude est de concevoir le tiers-lieu en tant qu’objet conceptuel identifiable. Elle postule que l’objet tiers-lieu ainsi clarifié pourra pleinement s’épanouir. Elle souhaite en somme que les représentations successives du tiers-lieu puissent se reposer sur un socle conceptuel suffisamment construit pour exprimer leur nécessité intrinsèque. Car si le tiers-lieu est une configuration sociale celle-ci peut surgir en d’innombrables endroits et en des temporalités illimitées. Les raisons qui poussent aux surgissements du tiers-lieu sont d’ailleurs nombreuses. L’étude de ses incarnations institutionnelles ou servitielles en donne quelques indices. Cependant, indépendamment des particularités de chaque situation, le tiers-lieu semble apparaître lorsque plusieurs individus ou organisations doivent négocier une trajectoire décisive dans leur propre trajectoire. Il peut dès lors être envisagé comme une étape de constitution d’un référentiel commun entre individu et entre organisation. C’est à partir de ce référentiel que des décisions conséquentes peuvent être prises par chacun. Le tiers-lieu se démarque en cela de l’espace public politique.


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