mettre de l’eau dans son vin

Français

Étymologie

→ voir mettre, eau et vin
Cette locution fut lexicalisée dès 1640 par Oudin, qui lui donne le sens de « se modérer, se reconnoistre, passer sa colère » [1]. En 1694, selon l’Académie française : « On dit proverbialement qu’un homme a mis de l’eau dans son vin pour dire qu’il a moderé son emportement »  [2]. Cet usage peut être illustré par ces vers de Boileau :
  • Ce guerrier, dans l’Église aux querelles nourri,
    Est robuste de corps, terrible de visage,
    Et de l’eau dans son vin n’a jamais su l’usage [3]
    .

Locution verbale

Gravure de Jacques Laignet, vers 1660

mettre de l’eau dans son vin \mɛ.tʁə də lo dɑ̃ sɔ̃ vɛ̃\ (se conjugue → voir la conjugaison de mettre)

  1. (Figuré) Modérer son impétuosité, ses prétentions, ses ambitions.
    • Par La Fayette et Rochambeau,
      L’Anglais, dans le monde nouveau,
      Sous le pied s’est vu couper l’herbe.
      Il est moins fier et moins superbe,
      Il a mis de l’eau dans son vin ;
      Et l’Europe entière en refrain
      Répète à l’envi ce proverbe.
       (Ange-François Fariau de Saint-Ange, cité dans Correspondance secrète, politique et littéraire, John Adamson, Londres, 1788, t. 14, p. 394)
    • Au sortir du prêche, les paysans disaient bien : « Celui-là, il faut qu’il mette de l’eau dans son vin. Quand la barbe lui sera venue, il apprendra à chapitrer plus doucement son monde, et à ne pas en remontrer à ceux qui en ont plus vu que lui. »  (Rodolphe Töpffer, Le Presbytère, J.-J. Dubochet, 1846, p. 272)
    • Quant à suivre les conseils du père Sainte-Beuve, « ménager la chèvre et le chou, mettre de l’eau dans son vin, s’arranger en un mot pour réussir près du public », c’est trop difficile et trop et trop chanceux.  (Gustave Flaubert, lettre à Ernest Feydeau, 15 juillet 1861, dans Œuvres complètes, Club de l’honnête homme, Paris, t. 14, 1975, p. 75)
    • Je trouve que tu devrais t’appliquer à ternir, à ensabler le diamant de ton style de manière à ce qu’il brille à peine. Mets de l’eau dans ton vin, beaucoup d’eau !  (Jean Dubuffet, Lettres à J. B., 1946-1985, Hermann, 1991, p. 64)
    • Moi, quand j’étais petite, je voulais devenir Dieu. Le Dieu des chrétiens, avec un grand D. Vers l’âge de cinq ans, j’ai compris que mon ambition était irréalisable. Alors, j’ai mis un peu d’eau dans mon vin et j’ai décidé de devenir le Christ.  (Amélie Nothomb, Stupeur et Tremblements, Albin Michel, Paris, 1999)

Vocabulaire apparenté par le sens

Traductions

Prononciation

Références

  • [1] Antoine Oudin, Curiositez françoises, pour supplément aux dictionnaires, ou Recueil de plusieurs belles propriétez, A. de Sommaville, Paris, 1640, p. 175. On retrouve la même définition dans Jean-Baptiste de La Curne de Sainte-Palaye, Dictionnaire historique de l’ancien langage françois, ou Glossaire de la langue françoise depuis son origine jusqu’au siècle de Louis XIV, 1749, L. Favre, Niort / H. Champion, Paris, t. 10, 1882, p. 260.
  • [2] Dictionnaire de l’Académie française, première édition, 1694 → consulter cet ouvrage (eau)
  • [3] Nicolas Boileau, Le Lutrin, chant V, 1683.
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