Problème 1
Soient G un groupe, x et y deux éléments de G. Prouver que xy et yx ont le même ordre[1].
- Indication : utiliser le fait que si l’ordre d'un élément z est fini, cet ordre est le plus petit nombre naturel n > 0 tel que zⁿ = 1.
Soient G un groupe, x et y deux éléments de G. Prouvons que xy et yx ont le même ordre.
Soit n un nombre naturel > 0 tel que (xy)n = 1 (à supposer qu'un tel n existe). Nous avons donc :
- ,
le premier membre étant formé de n facteurs xy. Cela peut encore s'écrire :
- ,
avec n-1 facteurs yx. En multipliant à gauche par x⁻¹ et à droite par x, nous trouvons :
- ,
avec maintenant n facteurs yx. Comme le second membre est égal à 1, nous avons donc (yx)ⁿ = 1.
Nous avons ainsi prouvé que, pour tout nombre naturel n > 0 tel que (xy)ⁿ = 1, on a aussi (yx)ⁿ = 1. De même, pour tout nombre naturel n > 0 tel que (yx)ⁿ = 1, on a aussi (xy)ⁿ = 1.
Ainsi, l’ensemble (éventuellement vide) des nombres naturels n > 0 tels que (xy)ⁿ = 1 est égal à l’ensemble (éventuellement vide) des nombres naturels n > 0 tels que (yx)ⁿ = 1.
En tenant compte qu'un élément z est d'ordre fini si et seulement si l’ensemble des nombres naturels n > 0 tels que zⁿ = 1 n’est pas vide et que, dans ce cas, l’ordre de z est le plus petit élément de cet ensemble, nous trouvons que xy et yx ont le même ordre, fini ou infini.
Remarque : la considération de la relation de conjugaison dans un groupe nous fournira une démonstration plus élégante.
Problème 2
Soient f un homomorphisme d'un groupe G dans un groupe H et x un élément de G. Montrer que l’ordre de f(x) divise celui de x. (On admet que la notion de divisibilité peut s'étendre aux cardinaux infinis, un cardinal a étant dit diviser un cardinal b s'il existe un cardinal c tel que ac = b.) Si, de plus, f est injectif, montrer que x et f(x) ont le même ordre.
Soit a l’ordre de x. Pour prouver que l’ordre de f(x) divise celui de x, on peut évidemment se borner au cas où a est fini (car un cardinal infini est divisible par tout cardinal dénombrable non nul). Nous avons , d'où, puisque f est un homomorphisme, . D'après la théorie, ceci entraîne que l’ordre de f(x) divise a. On peut dire aussi que f induit un homomorphisme de <x> dans H et que, d’après le premier théorème d'isomorphisme, ; puisque g(<x>) = f(<x>) = <f(x)>, on a donc . Ainsi, l’ordre de <f(x)> divise l’ordre de <x>, autrement dit l’ordre de f(x) divise l’ordre de x. Si maintenant f est injectif, alors g l'est aussi, donc , donc le résultat peut s'écrire , autrement dit l’ordre de x est égal à l’ordre de f(x).
Problème 3
Soient f un homomorphisme d'un groupe G dans un groupe H d'ordre fini a. Soit x un élément de G d'ordre fini premier avec a. Montrer que f(x) = 1.
Soit b l’ordre de x. D'après le problème précédent, l’ordre de f(x) divise b. D'autre part, puisque f(x) appartient à H, l’ordre de f(x) divise l’ordre a de H (théorie). Ainsi, l’ordre de f(x) divise à la fois a et b. Par hypothèse, a et b sont premiers entre eux, donc l’ordre de f(x) est égal à 1, autrement dit, f(x) = 1.
Problème 4
a) Soient G un groupe, a et b deux entiers rationnels premiers entre eux. Prouver que si x est un élément de G tel que x peut se mettre sous la forme avec , et que y peut être pris égal à une puissance de x.
D'après le théorème de Bachet-Bézout, il existe des entiers rationnels r et s tels qu'ar + bs = 1, d'où
- ,
ce qui peut s'écrire
Par hypothèse, xa = 1, donc notre résultat peut s'écrire
- ,
donc l'énoncé est vrai avec y = xs.
b) Soit G un groupe fini d'ordre a, soit b un entier rationnel premier avec a. Prouver que l’application de G dans lui-même est une permutation de G (et, bien sûr, un automorphisme de G si G est commutatif).
D'après la théorie, pour tout élément x de G. Donc, d’après le point a), l’application de G dans lui-même est surjective. Puisque G est fini, cette application est donc bijective, ce qui prouve l'énoncé.
Remarque : l'énoncé b) nous servira dans la démonstration du théorème de Gaschütz.
Problème 5. Ordre du composé de deux éléments commutant entre eux
Soient G un groupe, a et b deux éléments de G, d'ordres finis r et s respectivement. On suppose que a et b commutent.
a) Prouver que l’ordre de ab est fini et divise le ppcm de r et s.
Soit m le ppcm de r et s. Puisque a et b commutent, nous avons
- (1) (ab)m = ambm.
Puisque m est multiple de l’ordre de a, am = 1. De même, bm = 1. Donc la relation (1) donne (ab)m = 1, donc l’ordre de ab divise m.
b) Montrer que l’ordre de ab n’est pas forcément égal à ppcm(r, s).
Soit a un élément d'ordre fini n > 1 (on sait que le cas se présente). Posons b = a-1. Alors a et b commutent et dans les notations du point a), r = s = n. Puisque ab = 1, l’ordre de ab est égal à 1 et est donc distinct de ppcm(r, s) = ppcm(n, n) = n.
c) On suppose que ⟨a⟩ ⋂ ⟨b⟩ = 1 (où ⟨x⟩ désigne le sous-groupe de G engendré par l'élément x de G). Prouver que l’ordre de ab est égal à ppcm(r, s).
Soit d l’ordre de ab. D'après le point a), d divise ppcm(r, s). Il suffit donc de prouver que d est multiple de ppcm(r, s). Nous avons (ab)d = 1, d'où, puisque a et b commutent, adbd = 1, d'où ad = b-d, donc la valeur commune de ad et de b-d appartient à ⟨a⟩ ⋂ ⟨b⟩ = 1, donc ad = bd = 1. Il en résulte que d est multiple à la fois de r et de s, donc est multiple de ppcm(r, s).
Remarque. Nous verrons au chapitre Produit de groupes que, sous les hypothèses du point c), le sous-groupe engendré par a et b est la somme directe de ⟨a⟩ et ⟨b⟩, ce qui permet de rattacher l'énoncé à un fait plus général.
d) Dans le groupe des permutations de l’ensemble à trois éléments {1, 2, 3}, on considère la permutation (1 2) qui échange 1 et 2 (c'est-à-dire applique 1 sur 2 et 2 sur 1) et laisse 3 fixe ; on considère de même la permutation (2 3) qui échange 2 et 3 et laisse 1 fixe. Montrer que l’ordre de (1 2)(2 3) ne divise pas le ppcm des ordres de (1 2) et (2 3). (Ceci montre que l'énoncé du point a) devient faux si on en supprime l'hypothèse selon laquelle a et b commutent.)
On vérifie facilement que (1 2) et (2 3) sont d'ordre 2. D'autre part, (1 2)(2 3) est la permutation qui applique 1 sur 2, 2 sur 3 et 3 sur 1. On vérifie facilement que cette permutation est d'ordre 3, donc l’ordre de (1 2)(2 3) ne divise pas le ppcm des ordres de (1 2) et de (2 3).
e) Prouver que si r et s sont premiers entre eux, l’ordre de ab est rs.
Le groupe ⟨a⟩ est d'ordre r et le groupe ⟨b⟩ d'ordre s. L'ordre du sous-groupe ⟨a⟩ ⋂ ⟨b⟩ divise donc à la fois r et s. Puisque r et s sont premiers entre eux, ceci montre que ⟨a⟩ ⋂ ⟨b⟩ = 1. D'après le point c), l’ordre de ab est donc ppcm(r, s). Puisque r et s sont premiers entre eux, leur ppcm est égal à leur produit, donc l’ordre de ab est rs.
f) Montrer qu'il existe deux entiers u et v tels que l'ordre de aubv soit égal à ppcm(r, s).
Grâce à la décomposition en facteurs premiers, on peut trouver des entiers r1, r2, s1 et s2 tels que r = r1r2, s = s1s2, s1 divise r1, r2 divise s2 et pgcd(r1, s2) = 1. On a alors ppcm(r, s) = r1s2 et d'après le point c), puisque ar2 est d'ordre r1 et bs1 est d'ordre s2, l'ordre de ar2bs1 est r1s2.
g) Il résulte du point a) que si deux éléments d'un groupe commutent entre eux et sont d'ordres finis, leur composé est d'ordre fini. Puisqu'un élément et son inverse ont le même ordre (voir chapitre théorique), les éléments d'ordre fini d'un groupe abélien G forment donc un sous-groupe de G. Montrer que dans le groupe (groupe multiplicatif des matrices carrées inversibles de taille 2 à coefficients dans ), les éléments
- et
sont d'ordres finis mais que AB est d'ordre infini.
Le calcul donne
- d'où (matrices diagonales) donc A est d'ordre 4. Le calcul montre également que donc B est d'ordre 3.
D'autre part,
- .
Par récurrence sur n, on en tire . Donc, pour tout nombre naturel n > 0, le coefficient de la première ligne et de la seconde colonne de est égal à n et est donc non nul, donc donc AB est d'ordre infini.
Problème 6
Prouver que tout groupe d'ordre 4 est commutatif.
Soit G un groupe d'ordre 4. D'après le théorème de Lagrange, l’ordre de tout élément de G divise 4. S'il existe un élément d'ordre 4, G est cyclique et donc commutatif. Dans le cas contraire, x2 = 1 pour tout élément x de G, donc G est commutatif d’après un problème de la série Groupes, premières notions.
Problème 7
Soient G un groupe fini et p un nombre premier.
a) Montrer que si H et K sont deux sous-groupes distincts d'ordre p de G, H et K ont une intersection triviale, c'est-à-dire que H ⋂ K = 1.
Puisque H ⋂ K est un sous-groupe de H, son ordre divise p, donc, puisque p est premier, l’ordre de H ⋂ K est égal à 1 ou à p. S'il était égal à p, alors H ⋂ K serait égal à H tout entier et, de même, à K tout entier, donc H et K seraient égaux, ce qui est contraire aux hypothèses. Donc l’ordre de H ⋂ K est égal à 1, autrement dit H ⋂ K = 1.
b) Montrer que le nombre des éléments d'ordre p de G est égal à n (p - 1), où n désigne le nombre des sous-groupes d'ordre p de G.
Tout élément d'ordre p de G appartient à un ensemble H - {1}, où H est un sous-groupe d'ordre p de G (prendre pour H le sous-groupe de G engendré par l'élément en question). Réciproquement, si H est un sous-groupe d'ordre p de G, tout élément de H - {1} est d'ordre p (car l’ordre d'un tel élément divise p et est distinct de 1). Donc l’ensemble des éléments d'ordre p de G est la réunion des ensembles H - {1}, où H parcourt les sous-groupes d'ordre p de G. D'après le point a), ces ensembles H - {1} sont deux à deux disjoints. Comme ils sont tous de cardinal p - 1, l'énoncé en résulte.
Remarque. On trouvera une démonstration un peu différente et plus générale dans les exercices de la série Automorphismes d'un groupe cyclique.
Problème 8
Soient G un groupe cyclique d'ordre n noté multiplicativement, k un entier naturel et d le plus grand diviseur de k et n.
a) Montrer qu'un élément x de G est puissance k-ième dans G si et seulement s'il est puissance d-ième dans G.
Toute puissance k-ième est évidemment une puissance d-ième. Prouvons, réciproquement, que si un élément x de G est une puissance d-ième, c’est une puissance k-ième. Soit y un élément de G tel que x = yd. Puisque d est le plus grand commun diviseur de k et n, il existe des entiers rationnels a et b tels que ak + bn = d (théorème de Bachet-Bézout). Alors x = yak ybn. D'après la théorie, yn = 1, donc x = yak, donc x est bien puissance k-ième dans G.
b) Sous les hypothèses du point a), montrer que si un élément x de G est puissance k-ième dans G, les éléments y de G tels que yk = x sont en nombre d.
Par hypothèse, nous pouvons choisir un élément y0 de G tel que y0k = x. Il est clair qu'un élément y de G est tel que yk = x si et seulement si (y y0-1)k = 1, donc définit une bijection de l’ensemble des racines k-ièmes de 1 sur l’ensemble des racines k-ièmes de x. D'après la théorie, les racines k-ièmes de 1 sont les racines d-ièmes de 1 et sont en quantité d, d'où l'énoncé.
Problème 9 (Ordre d'une puissance)
Soit G un groupe, soit un élément d'ordre fini de G; on notera cet ordre ; soit un nombre naturel. Prouver que l'ordre de est
Dans le chapitre théorique, on a démontré le résultat suivant :
- Soient H un groupe fini et un nombre naturel; pour tout élément de H, la relation équivaut à la relation
Appliquons cela au groupe H = <x> et à , où est n'importe quel nombre naturel. Nous trouvons que
- pour tout nombre naturel ,
- (1)
Les nombres naturels satisfaisant au membre gauche de l'équivalence (1) sont les multiples naturels de l'ordre de .
Les nombres naturels satisfaisant au membre droit de l'équivalence (1) sont les nombres naturels tels que soit multiple de , autrement dit ce sont les multiples naturels de
Donc, d'après (1), les multiples naturels de l'ordre de sont exactement les multiples naturels de Dès lors, l'ordre de et sont multiples l'un de l'autre, donc ces deux nombres sont égaux.
Problème 10 (Ordre d'une racine)
Soit G un groupe. Pour tout élément , on notera l'ordre de . Soit un élément d'ordre fini de G, soit un nombre naturel dont tout diviseur premier divise (donc n'est pas nul), soit un élément de G tel que yd = x.
a) Prouver que est d'ordre
Indication : on peut utiliser le problème « Ordre d'une puissance » et le théorème de Bézout.
De l'hypothèse et du problème « Ordre d'une puissance » résulte que
- ,
Il suffit donc de prouver que
ce qui revient à prouver que est divisible par
Soit un facteur premier de , soit le plus grand nombre naturel tel que divise Tout revient à prouver que est divisible par , ce qui revient encore à prouver que
- (thèse 1)
Supposons que, par absurde,
- (hyp. 2)
Alors
- (3), où est un nombre naturel
D'après le théorème de Bézout, il existe alors des entiers relatifs et tels que
- ,
d'où
- (4)
Puisque , le résultat (4) peut s'écrire
- (5)
Puisque est divisible par et que (et même ), est un nombre entier, donc nous pouvons élever (5) à la puissance , ce qui donne
- (6)
Puisque, par hypothèse de l'énoncé, , (6) peut s'écrire
- ,
- (7).
D'après (3), , donc est divisible par , donc n'est pas divisible par , donc (7) montre que l'ordre de n'est pas divisible par . C'est impossible, puisque est un facteur premier de et que, par hypothèse de l'énoncé, tout facteur premier de divise l'ordre de . Cette contradiction prouve que l'hypothèse (2) est fausse, autrement dit la thèse (1) est vraie. Comme nous l'avons vu, cela démontre l'assertion du point a).
b) Montrer par un exemple que l'énoncé du point a) cesse d’être exact si on supprime l'hypothèse selon laquelle tout facteur premier de divise l’ordre de .
Soit d'ordre 2 et posons Alors y3 = x3 = x2x = x, donc les hypothèses du point a) abusivement modifié sont satisfaites avec d = 3 et pourtant n’est pas d'ordre 6 (puisqu’il est égal à qui est d'ordre 2). Plus banalement, prenons . Alors, pour n'importe quel nombre naturel , yn = x et pourtant n'est pas d'ordre si est choisi distinct de 1.
Remarque. L'énoncé du point a) admet le cas particulier suivant (qui peut d'ailleurs se démontrer un peu plus simplement que le cas général) : soit G un groupe, soit un élément de G dont l'ordre est une puissance naturelle de nombre premier, soit cet ordre; soit un élément de G tel que , étant un nombre naturel; alors l'ordre de est Dans la suite du cours, on utilisera ce cas particulier sans référence.
Références
- ↑ J.J. Rotman, An Introduction to the Theory of Groups, New York, 1999, p. 44.