L'apprentissage de la lecture est un sujet qui intéresse les pédagogues (qui étudient et évaluent les différentes méthodes d'apprentissage de la lecture dans les milieux scolaires). Il est un des apprentissages essentiels de l'école primaire avec l'écriture et les mathématiques, et le premier but de la scolarité obligatoire.

Sur l'action de « Lire »

Revue Enfance

Les éducateurs se sont attachés depuis longtemps à l'étude de la lecture et surtout aux techniques d'apprentissage. Les discussions entre partisans de l'apprentissage par la méthode littérale ou la méthode globale sont, nous semble-t-il, sorties du sujet proprement dit, de l'apprentissage lexique. Ce problème a été trop souvent uniquement posé sur des concepts généraux d'éducation et non point sur le plan perceptivo- linguistique.
Mais, la lecture n'est ni la perception de la lettre, ni sa reconnaissance, ni la compréhension de la signification du mot : elle est ce processus d'analyse et de synthèse qui donne un sens à cette nouvelle forme d'expression linguistique.
La méthode d'apprentissage de la lecture devra donc être celle qui permet la plus rapide automatisation avec le maximum de possibilités d'appréhension des significations.
Nous ne croyons pas qu'il existe une méthode univoque d'apprentissage de la lecture. La recherche des psycho-pédagogues devrait, à notre avis, porter en partie sur les types de difficultés suivant les méthodes d'enseignement et plus particulièrement sur la personnalité des sujets présentant des difficultés d'apprentissage avec telle ou telle méthode. Le groupement de ces types particuliers de personnalité aurait, croyons-nous, une très grande valeur, au niveau infantile, valeur qui dépasserait le cadre propre de la lecture.
La lecture, apprentissage des formules abstraites, ne rentre dans le cadre du concret que par l'enrichissement du langage oral antérieurement acquis. Les troubles du langage joueront donc un rôle capital dans la genèse des dyslexies.
L'apprentissage de la lecture est une forme particulière d'apprentissage, c'est un rétrécissement de nos déjà possibles relations de langage. Les relations inter-personnelles, les relations affectives que cet apprentissage implique ne sont pas du même type que celles de l'apprentissage du langage oral.
L'apprentissage de la lecture est, dans notre société actuelle, l'aboutissement d'une maturation progressive, de l'évolution d'un certain nombre de données qui préparent et permettent un facile apprentissage. Cette organisation temporelle est importante. La désorganisation de certains de ces facteurs peut être néfaste à des moments donnés de cette évolution, « moments féconds de désorganisation » et avoir une moindre importance à d'autres moments.

Jean Foucambert

Aussi le questionnement inlassable des méthodes est-il le premier devoir de chaque enseignant, lequel ne peut se dispenser de participer aux recherches qui contribuent à leur évolution. Et s'il est, aujourd'hui à approfondir, c'est bien celui de la spécificité de l'écrit. Il y a, en effet, de quoi s'étonner lorsqu'on voit le nombre des recherches consacrés à la lecture qui évitent soigneusement le sujet et préfèrent, par facilité ou manque d'imagination en faire une dépendance à l'oral, dans son fonctionnement comme dans son apprentissage.
  • L'enfant, le maître et la lecture, Jean Foucambert, éd. Nathan pédagogie, 1994, p. 187-188
Pour nous, savoir lire c'est comprendre le sens d'un texte écrit ou imprimé et en dégager la signification après la perception des caractères graphiques qui représentent l'idée. La lecture n'est donc pas uniquement la transformation des signes graphiques en éléments sonores sans signification pour l'esprit.
  • La psychologie de la lecture et l'initiative à la lecture par la Méthode globale, J.E. Segers, éd. Boekhandel, 1939, p. 45-46


Lire consiste à prélever des information dans la langue écrite pour construire directement une signification.
  • La manière d'être lecteur, Jean Foucambert, éd. O.C.D.L - SERMAP, 1978, p. 53
L'habitue ou la nécessité de donner, en cours d'apprentissage, la signification d'un mot grâce à sa forme orale, de s'assurer de la compréhension d'un texte en le faisant lire à voix haute, ne doivent pas masquer la nature réel de l'acte de lire et ne sont aucune manière une justification de recours au déchiffrement comme voie d'accès à la lecture.
  • La manière d'être lecteur, Jean Foucambert, éd. O.C.D.L - SERMAP, 1978, p. 53

Sur la méthode globale ou le cheminement naturel en lecture

La méthode globale n'est pas nouvelle : elle a été réinventé à plusieurs reprises au cours des siècles derniers pour disparaître dans la suite et être supplanté par des méthode dites analytiques-synthétiques. Depuis quelques années, elle a pris un tel essor qu'il semble qu'elle doive être adoptée définitivement parce qu'elle répond le mieux à la psychologie enfantine et aux besoins de la pédagogie nouvelle. Les nombreux essais d'application, fait dans divers pays, semblent démontrer péremptoirement que la méthode globale présente sur les méthodes synthétiques de réels avantages. Depuis quelques années, on l'applique, non seulement dans les classes normaux, mais même dans les instituts de sourds-muets et d'aveugles. Tout ceci prouve également, comme cela a été d'ailleurs le cas dans d'autres domaines, que lorsqu'un progrès se prépare, on le voit surgir de divers côté à la fois : c'est précisément ce fait qui témoigne du bien fondé.
  • La psychologie de la lecture et l'initiative à la lecture par la Méthode globale, J.E. Segers, éd. Boekhandel, 1939, p. 45-46
Les histoires d’enseignants abonnés à la méthode globale pure sont des contes farfelus inventés pour déconsidérer les instituteurs.
  • La Réforme du collège, Émile Jalley, éd. L'Harmattan, 2015, p. 171 sur 224
Enfin la méthode visuelles des phrases n'exclut pas une décomposition (puisque décomposition il faut), et même une décomposition plus précise, plus prompte, plus logique et plus naturelle que celle du mot, de la syllabe et de la lettre, car dans la phrase, il y a une série de petits mots tels que le, la, les, une, ou, en, dès, a, y, qui par eux-même et pris isolément ne signifie rien, mais qui dans la phrase joue un rôle que l'enfant admet et saisit. Or, ces syllabes, il les retrouvera avec leur signification dans des phrases inconnues que finalement il finira par lire.
  • cité par J.-E. Segers in La psychologie de la lecture, 1939 (1907 in La méthode naturelle de lecture et ses bases), Ovide Decroly, éd. Boekhandel, 1939, p. 43


... il existe deux « boîtes », deux « voies » coordonnées, qui fonctionnent ensemble, de façon d'ailleurs différentielle selon le matériel, les moments, et peut-être aussi les lecteurs, 'dans l'apprentissage puis la maîtrise de la lecture'. La voie indirecte, ou analytique, est utilisée de préférence par les enfants dits « phéniciens » pour déchiffrer les mots qui se prononcent « normalement », la voie directe ou globale, basée sur la configuration spatiale du mot, par les sujets dit « chinois » pour les mots irréguliers, c'est-à-dire dont la prononciation ne correspond pas à l'écriture. Après être passé une dizaine de fois par la boîte phénicienne, les mots connus sont stockés dans la boîte chinoise. Les adultes ne lisent jamais en épelant syllabe après syllabe !
  • Critique de la raison en psychologie - La psychologie scientifique est-elle une science ?, Émile Jalley, éd. L'Harmattan, 2007, p. 292
Un aspect pittoresque aussi de cette question réside dans le fait que Wallon était partisan de la « méthode globale » dans l'apprentissage de la lecture, dont il a introduit en France la notion sous l'influence de l'éducateur belge Ovide Decroly. Mais en revanche, ce qui reste ignoré, c'est que le processus d' « expertise » aurait pu s'introduire dans les instances publiques, voici des années (quand ?) la condamnation massive et sans nuance d'une 'soit disant et mythique méthode globale', dont j'ai tendance à penser personnellement qu'elle pourrait bien être due au rejet du soit-disant « marxisme » de Wallon, y compris au niveau de plan Langevin-Wallon, dont l'application a toujours été différée. Des recherches complémentaires seraient bien venues sur ce sujet.
  • Critique de la raison en psychologie - La psychologie scientifique est-elle une science ?, Émile Jalley, éd. L'Harmattan, 2007, p. 292

Sur la lecture à haute voix et silencieuse

L'étude de la lecture a montré qu'à la différence de l'ancienne école où on cultivait la lecture à haute voix, la lecture silencieuse est la forme socialement la plus importante du langage écrit et qu'elle a encore deux sérieux avantages.
  • Histoire du développement des fonctions psychiques supérieures (1928-1931), Lev Vygotski (trad. Françoise Sève), éd. La Dispute, 2014, p. 350
Dès la fin de la première année de l'apprentissage, la lecture à voix basse dépasse celle à haute voix par le nombre de fixations du mouvement des yeux sur la ligne.
  • Histoire du développement des fonctions psychiques supérieures (1928-1931), Lev Vygotski (trad. Françoise Sève), éd. La Dispute, 2014, p. 350
La prononciation des symboles visuels complique la lecture, les réactions verbales ralentissent la perception, la brident, dispersent l'attention.
  • Histoire du développement des fonctions psychiques supérieures (1928-1931), Lev Vygotski (trad. Françoise Sève), éd. La Dispute, 2014, p. 350
Non seulement le processus de lecture lui-même mais aussi, pour étrange que cela soit, la compréhension sont meilleurs en cas de lecture à voix basse. Les recherches ont montré l'existence d'une certaine corrélation entre vitesse de lecture et compréhension.
  • Histoire du développement des fonctions psychiques supérieures (1928-1931), Lev Vygotski (trad. Françoise Sève), éd. La Dispute, 2014, p. 350
La compréhension, voilà qui est clair pour nous, ne consiste pas en ce que lors de la lecture de chaque phrase nous apparaissent le image de tous objets dont il fait mention. Comprendre ne se ramène pas à ressusciter les image de l'objet ni même à énoncer le mot sonore correspondant, mais bien plutôt à opérer avec le signe lui-même, à le rapporter à une signification, à déplacer rapidement l'attention et à dégager les différents points qui figurent en son centre.
  • Histoire du développement des fonctions psychiques supérieures (1928-1931), Lev Vygotski (trad. Françoise Sève), éd. La Dispute, 2014, p. 351
La lecture à haute voix n'est donc pas une étape vers la lecture silencieuse, elle est un stade élaboré qui suppose déjà une parfaite maîtrise de la lecture; elle ne permet pas d'apprendre à lire, elle suppose qu'on sait lire.
  • La manière d'être lecteur, Jean Foucambert, éd. O.C.D.L - SERMAP, 1978, p. 53
C'est la lecture à haute voix qui est une lecture silencieuse qu'on sonorise.
  • La manière d'être lecteur, Jean Foucambert, éd. O.C.D.L - SERMAP, 1978, p. 53

Sur la méthode syllabique ou les techniques de codage

Les sciences cognitives, et la méthode syllabique dont elles se font aujourd’hui la réclame, sans être fausses, ne sont qu’une partie du vrai.
  • La Réforme du collège, Émile Jalley, éd. L'Harmattan, 2015, p. 172 sur 224
il existe deux « boîtes », deux « voies » (...). Après être passé une dizaine de fois par la boîte phénicienne, les mots connus sont stockés dans la boîte chinoise. Les adultes ne lisent jamais en épelant syllabe après syllabe ! Aussi bien une méthode strictement syllabique est-elle impraticable dans les langues européennes qui, surtout comme le français et l'anglais, ne s'écrivent pas tout à fait comme elles se parlent, et même assez loin de là (ex : mai, mais, maie, mes, mets, m'est, m'ait, m'aient, m'aient...). Ce qui est remarquable, c'est que les pédagogues interviewés dans les médias n'ont jamais l'idée (la compétence ?) d'expliquer cela au public, et on peut se demander pourquoi.
  • Critique de la raison en psychologie - La psychologie scientifique est-elle une science ?, Émile Jalley, éd. L'Harmattan, 2007, p. 292
Ces lois de caractère quasi-platonicien (Foucallt, Jost, Woodworth, Calkins, Münterberg), sont repérées par de telles méthodes comme un catalogue de formes organisant le mouvement sans vie de contenus indifférents et rapportés de l'extérieur à leur structure. Parmi les catégories de matériels (verbal/non verbal ; significatif/non significatif), c'est surtout - pas seulement mais principalement - le matériel verbal non significatif, les fameuses syllabes sans significations d'Ebbinghaus (RUV, ESOJ...) qui a toujours eu la vedette, sous prétexte du contrôle de la pureté scientifique, de la démarche précautionneuse d'une « science pure mais qui n'a pas de main », ainsi que le disait Péguy de la morale kantienne.
  • Henri Wallon - Oeuvres 1 : délire de persécution, psychologie pathologique : principes de psychologie appliquée, les mécanismes de la mémoire (1909, 1926, 1930, 1951), Émile Jalley, éd. L'Harmattan, 2015  (ISBN 978-2-336-37447-5), p. 82-83
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