Système nerveux entérique

Le système nerveux entérique est la partie du système nerveux autonome qui contrôle le système digestif aussi bien pour l'activité motrice (péristaltisme, vomissements, complexes moteurs migrants, réflexes entériques) que pour les sécrétions et la vascularisation. La neurogastroentérologie qui est l'étude du système nerveux entérique a fait de nombreux progrès à la fin des années 1990.

17 : nerf innervant le tube intestinal.

Description

L'innervation du tube digestif est régie par deux réseaux nerveux : un réseau intrinsèque, appelé le système nerveux entérique qui comprend des neurones situés dans la paroi du tube digestif, et un réseau extrinsèque, apporté par des fibres nerveuses extérieures.

Le système nerveux entérique est constitué principalement de deux plexus ganglionnaires qui s'étendent sur toute la longueur du tube digestif : le plexus myentérique (ou plexus d'Auerbach), qui se trouve entre les muscles longitudinaux et les muscles circulaires, et le plexus sous-muqueux (ou plexus de Meissner), situé entre ces derniers et la muqueuse intestinale. Le premier contrôle la motricité et le second les sécrétions : toutefois, cette relation n'est pas aussi binaire et il existe de nombreuses interconnexions entre les deux plexus. Il est à noter qu'il existe un plexus sous-séreux, situé sous la tunique externe (la séreuse) mais il est inconstant et joue un rôle mineur dans les processus relatifs à la digestion. De plus, dans le chorion de la muqueuse (tissu conjonctif aréolaire), des fibres nerveuses s'organisent en un plexus muqueux appelé le plexus d'Isawa. Son rôle est inconnu.

Bien qu'il soit en interaction avec les autres parties du système nerveux autonome, le système entérique fonctionne de façon indépendante des autres centres nerveux. Les deux plexus qui le composent forment un tissu réticulaire, c'est-à-dire organisé en réseau de cellules densément connectées les unes aux autres sans autre structure particulière, tout comme le cerveau, d'où ses autres noms (en anglais gut's brain , littéralement « cerveau viscéral » ; « deuxième cerveau » selon les Taoïstes ou le professeur d'anatomie Michael D. Gershon (en) qui a promu cette expression dans son livre The second brain ; un des centres du Qi dans la culture sino-japonaise[1][réf. insuffisante], [réf. nécessaire]).

Le système entérique comporterait, selon les estimations, environ 500 millions de neurones[2] tapissant la paroi intestinale (200 fois moins que le cerveau et cinq fois plus que la moelle épinière et à peu près autant que dans le cortex d'un macaque rhésus[3]). Pour le neurogastroentérologue Jean Fioramonti « L’intestin a le même nombre de neurones que le cerveau. Il est le seul organe à avoir son propre système nerveux »[4]. Les « neurones du ventre » s'occupent de la digestion et si l'être humain n'avait disposé que d'un seul cerveau (« celui du haut »), l'humain aurait été absorbé en permanence par ce processus très complexe et n’aurait pas pu développer d’autres activités intellectuelles. Le fait d’avoir deux cerveaux a joué un rôle majeur dans notre évolution », souligne Cécile Denjean (auteur du documentaire : « le ventre notre deuxième cerveau »). Plus de 90 % de la sérotonine, un neurotransmetteur qui participe à la gestion des émotions[5] produite par le système nerveux entérique réside dans l'intestin ainsi qu'environ 50 % de la dopamine.

Les neurones sont répartis sur les deux principaux centres nerveux, le plexus ganglionnaire et le plexus myentérique que l'on peut catégoriser en trois types distincts : neurones sensitifs, neurones effecteurs et interneurones. Il faut y ajouter le plexus d'Isawa situé dans la muqueuse intestinale dont le rôle est inconnu.

  • Les neurones sensitifs peuvent être de type mécano-, thermo-, ou chémorécepteurs.

Les neurones effecteurs peuvent être de type moteur ou glandulaire.

  • Les neurones moteurs (motoneurones) sont à l'origine de deux types de mouvements : les cadences rythmiques qui constituent le péristaltisme et les mouvements réflexes en réponse à une stimulation des neurones sensitifs. Ils sont plus présents dans le plexus myentérique d'Auerbach.
  • Les neurones glandulaires (neurones vaso-sécréto-moteurs) contrôlent la sécrétion des glandes et le débit sanguin local.Ils sont préférentiellement localisés dans le plexus sous-muqueux de Meissner.

On retrouve au sein du système entérique l'essentiel des neurotransmetteurs du système nerveux central (sérotonine, acétylcholine, noradrénaline, GABA, etc.), mais également des neurotransmetteurs spécifiques tels que le VIP, le NO, la leu-enképhaline, met-enképhaline, neuropeptide Y, la cholécystokinine, la bombine...

Le système nerveux entérique permet un contrôle local de la motilité et des sécrétions digestives sans passer par des centres d'intégrations du système nerveux central (dans le cerveau, ou dans la moelle épinière). Par exemple, le passage du bol alimentaire dans l’œsophage fait intervenir un processus de motilité coordonné appelé le péristaltisme. Ce mouvement permet l'acheminement du bol alimentaire jusque dans l'estomac et ne fait intervenir que le système nerveux entérique, et plus particulièrement, le plexus myentérique. Les réflexes locaux sont donc pris en charge par le système nerveux entérique. L'innervation extrinsèque, constituée de fibres para- et ortho-sympathiques, seront chargées d'une régulation de l'activité en fonction des situations, de l'apport vasculaire, ou encore de l'intégration de la motilité digestive dans sa globalité. Par exemple, l'arrivée du bol alimentaire dans l'estomac va engendrer un réflexe plus loin dans le tube digestif, comme dans le côlon (réflexe gastro-colique) qui va pousser les fèces vers le rectum : un tel réflexe, qui fait intervenir deux segments éloignés, va passer par les afférences et les efférences extrinsèques.

Innervation extrinsèque

Le système nerveux entérique étant considéré lui-même comme une troisième subdivision du système nerveux autonome (ou végétatif), il possède des fonctions autonomes et peut fonctionner indépendamment d'une innervation extrinsèque. Toutefois, le système digestif reçoit également une innervation par des fibres orthosympathiques et parasympathiques qui forment l'innervation extrinsèque du système digestif. Ces fibres nerveuses sont connectées aux plexus ganglionnaires entériques faisant partie intégrante du système nerveux entérique et font donc le lien avec l'innervation intrinsèque.

L'innervation parasympathique est principalement assurée par le nerf vague (X), également appelé nerf pneumo-gastro-entérique. Le nerf vague porte son nom en raison de la vaste étendue de son innervation : c'est également le nerf parasympathique principal. Il assure l'innervation parasympathique de quasiment tout le tube digestif et de ses glandes annexes : œsophage, estomac, duodénum, jéjunum, iléum, côlon ascendant, côlon transverse, pancréas. Toutefois, l'innervation parasympathique de la partie distale du tube digestif est assurée par des fibres parasympathiques d'origine sacrales, qui cheminent à travers des nerfs splanchiques pelviens. Les neurones préganglionnaires parasympathiques proviennent respectivement du noyau moteur dorsal du vague et de la colonne intermédiolatérale des segments sacrés S1, S2 et S3. Le nerf vague et les nerfs splanchniques pelviens acheminent les axones des neurones préganglionnaires vers la paroi du système digestif : les neurones préganglionnaires font synapses avec des neurones postganglionnaires parasympathiques intrapariétaux ou parfois extrapariétaux pour les glandes annexes. Les neurones postganglionnaires parasympathiques intrapariétaux font partie intégrante du système nerveux entérique et sont disséminés dans les plexus ganglionnaires entériques.

L'innervation orthosympathique est assurée par les ganglions de la chaine prévertébrale, notamment par les ganglions coeliaque, mésentérique supérieur et mésentérique inférieur. Les neurones préganglionnaires sont situés dans la colonne intermédiolatérale des segments spinaux thoracolombaires T5 à L2/L3 et rejoignent les ganglions orthosympathiques de la chaine prévertébrale en cheminant à travers les nerfs splanchniques grand thoracique et petit thoracique principalement. Ils font alors synapse dans ces ganglions avec un neurone postsynaptique orthosympathique, et ces derniers rejoignent la paroi du tube digestif où elles font synapse avec des neurones des plexus entériques.

Habituellement, les efférences parasympathiques augmentent les activités digestives en augmentant la vascularisation, les sécrétions et la motricites, tandis que les efférences orthosympathiques ont un rôle opposé, en inhibant les processus liés à la digestion. L'innervation orthosympathique est distribuée de manière plutôt uniforme à l'ensemble du tractus gastrointestinal, contrairement à l'innervation du parasympathique qui est plus abondante au niveau des régions orales et anales. La distribution anatomique des ganglions du système nerveux autonome explique que l'étendue de la partie du tractus gastrointestinal qui réagit est assez différente selon que la stimulation provient du versant parasympathique ou orthosympathique ; en effet, les fibres parasympathiques post-ganglionnaires naissent directement dans les plexus même du tube digestif, et le territoire innervé est donc plus réduit. Au contraire, les ganglions sympathiques sont le plus souvent localisés en dehors du tube digestif, et les fibres postganglionnaires qui s'en échappent contrôlent un territoire plus vaste.

Le système nerveux autonome répond lui-même à une régulation dépendant de centres nerveux supérieurs localisés notamment au niveau de l'hypothalamus. Cette riche innervation explique les liens étroits entre les émotions, le stress, et certains dysfonctionnements de l'appareil digestif.

Embryologie du système nerveux entérique

Le système nerveux entérique provient des cellules des crêtes neurales de deux territoires :

  • Les cellules des crêtes neurales vagales
  • Les cellules des crêtes neurales lombosacrales

Les cellules des crêtes neurales vagales et lombosacrales fournissent les neurones postganglionnaires parasympathiques, orthosympathiques ainsi que les neurones entériques disséminés dans la paroi, qui s'organisent en plexus entériques (plexus sous-muqueux de Meisser, plexus myentérique d'Auerbach, plexus sous-séreux, plexus muqueux d'Isawa). Par ailleurs, les cellules associées à ces neurones proviennent également des cellules neurales (les cellules satellites). Les cellules des crêtes neurales vagales fournissent l'essentiel des neurones qui innervent le tractus gastro-intestinales : elles forment l'innervation de l'oesophage, l'estomac, le duodénum, le jéjunum, l'iléon, le côlon ascendant, les deux-tiers proximaux du côlon transverse, ainsi que les glandes annexes (le pancréas notamment). En revanche, la partie terminale du tube digestif - du tiers distal du côlon transverse jusqu'au rectum (en incluant le côlon descendant et le côlon sigmoïde) provient essentiellement des cellules des crêtes neurales lombosacrales.

L’importance des cellules des crêtes neurales sacrales dans l’innervation de l’intestin est démontrée par la maladie de Hirschsprung (mégacôlon congénital) qui résulte d’un défaut d’innervation de la portion terminale du côlon par les cellules des crêtes neurales lombo-sacrales.

Origine

Selon le neurophysiologue Michel Neunlist, le système nerveux entérique est même plus que le second cerveau, il est le cerveau original puisque les organismes primitifs pluricellulaires n'avaient pas de système nerveux encéphalique mais un tube digestif innervé. Au cours de l'évolution, les animaux ont développé un système sensoriel complexe (vue, ouïe, odorat) utiles pour chercher la nourriture, ce qui a entraîné le développement de l'encéphale. Chez Homo ergaster, la domestication du feu facilite la digestion par la cuisson des aliments, l'organisme récupérant seize fois plus d'énergie selon le paléoanthropologue Pascal Picq. Ainsi, le développement du système nerveux encéphalique s'explique par cette domestication et la réussite évolutive du système nerveux entérique[6]

Notes et références

  1. Le ventre deuxième cerveau.
  2. Emma Young, « Gut Instincts: The Secrets of your Second Brain », sur New Scientist, New Scientist, (consulté le 8 avril 2015) (ainsi que NeuroScienceStuff, archived 2013-05-04).
  3. (en) Aldo Fasolo, The Theory of Evolution and Its Impact, Springer, (ISBN 978-88-470-1973-7, lire en ligne), p. 182.
  4. Éliane Patriarca, « L’intestin, notre muraille de Chine », http://www.liberation.fr, (lire en ligne).
  5. « Le Ventre, notre deuxième cerveau », Sciences et Avenir, no N°784, , p. 51 « L'intestin produit 95 % de la sérotonine.(...) on sait que 95 % de la sérotonine du corps est produite dans l'intestin ».
  6. Documentaire de Cécile Denjean, « Le ventre, notre deuxième cerveau », Arte France - Inserm - Scientifilms, 2013, 7 min 30 s.

Voir aussi

Filmographie

  • Le ventre notre deuxième cerveau, documentaire de Cécile Denjean, Arte France, 2013, 55 minutes, présentation-débat, diffusé le à 22 h 40 sur Arte. De l'importance des quelques 200 millions de neurones du système entérique et surtout des trillions de bactéries et autres micro-organismes vivants spécifiques qui contrôlent et encadrent, d'une manière beaucoup plus fondamentale qu'il n'y paraît dans les anciennes représentations médicales marquées d'un scientisme étroit, notre système digestif et notre corps en général.

Bibliographie

  • (en) David Grundy, Michael Schemann, « Enteric nervous system », Current Opinion in Gastroenterology, 2005, 21:176—182.
  • (en) Michael D. Gershon, « The second brain », Harper Collins, 1998

Articles connexes

Liens externes

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