Ricine

La ricine est une protéine (glycoprotéine) très toxique, produite par un arbrisseau de la famille des euphorbiacées, le ricin (Ricinus communis). La ricine est classée comme « agent biologique toxique de catégorie B »[1].

Ricine

Structure moléculaire de la ricine
Caractéristiques générales
Symbole RCOM_2159910
N° EC 3.2.2.22
Ricinus communis
Localisation génome complet : 0 - 0,01 Mb
Entrez 8287993
UniProt P02879
RefSeq (ARNm) XM_002534603.1
RefSeq (protéine) XP_002534649.1
Graines de Ricinus communis contenant de la ricine avec une concentration variant de 1 à 10 %

Chimie, biochimie

La ricine est une glycoprotéine très toxique de poids moléculaire 66 000 DA, formée de deux chaînes polypeptidiques A et B, reliées entre elles par un pont disulfure. La chaîne B permet à la toxine de se fixer à la paroi cellulaire et la chaîne A, responsable des propriétés toxiques, est capable d’inhiber la synthèse des protéines en attaquant l'ARN des ribosomes, entraînant la mort cellulaire.

  • Elle est présente à une concentration variant de 1 à 10 % dans la graine de ricin.
  • Elle peut être extraite de l'huile de ricin incomplètement purifiée.

La molécule de ricine est proche de la curcine produite par Jatropha curcas.

Protéine d'inactivation ribosomique (chaîne A de la ricine)
Structure d'une ricine cristallisée à 2,5 Å (PDB 2AAI[2])
Domaine protéique
Pfam PF00161
InterPro IPR001574
PROSITE PDOC00248
SCOP 1paf
SUPERFAMILY 1paf
Domaine lectine en trèfle β (chaîne B de la ricine)
Domaine protéique
Pfam PF00652
Clan Pfam CL0066
PROSITE IPR000772
SCOP 1abr
SUPERFAMILY 1abr
CAZy CBM13
CDD cd00161
ARNr N-glycosylase
N° EC EC 3.2.2.22
N° CAS 113756-12-0
Activité enzymatique
IUBMB Entrée IUBMB
IntEnz Vue IntEnz
BRENDA Entrée BRENDA
KEGG Entrée KEGG
MetaCyc Voie métabolique
PRIAM Profil
PDB Structures
GO AmiGO / EGO

Toxicologie

La ricine est hautement toxique ;

  • 6 000 fois plus toxique que le cyanure et 12 000 fois plus que le venin du crotale[3].
  • Si elle est ingérée, elle est en grande partie détruite par les enzymes digestives protéolytiques. Mais son absorption sublinguale peut augmenter la quantité absorbée.
  • Elle est mille fois plus toxique inhalée par voie pulmonaire (inhalation) ou parentérale. La ricine dispersée sous forme de poudre ou d'aérosol peut entraîner dans un délai variant de quelques minutes à plusieurs heures des signes d'irritation oculaire (sensation de brûlure, larmoiement, conjonctivite plus ou moins sévère) et pharyngée ainsi qu’une irritation respiratoire plus ou moins marqués : toux, dyspnée, œdème pulmonaire pouvant conduire à un syndrome de détresse respiratoire aiguë (SDRA). Il existe un risque de réaction anaphylactique. La dose létale est de 1 mg/kg[4].
  • La ricine a été utilisée comme poison dans les années 1970, par les services secrets bulgares (« parapluie bulgare ») ou pour des suicides.
    Au delà d'une certaine dose, les effets sont généralement irréversibles. Les symptômes apparaissent en quelques heures, conduisant à la mort de la personne exposée en trois à cinq jours.
  • On craint qu'elle puisse être utilisée dans le cadre d'attaques terroristes (voir bioterrorisme et Plan Biotox). Cela s'est déjà produit dans le passé, et s'est reproduit le 16 avril 2013, dans un courrier adressé au Sénat des États-Unis. Le lendemain () le président américain Barack Obama reçut une lettre contenant également de la ricine[5].

Le mécanisme de sa toxicité n'est en 2017 toujours pas entièrement élucidé. Une étude de 2017 sur la glycolysation publiée dans la revue Nature apporte des détails supplémentaires à ce sujet[6].

Antidote

Les premières molécules protégeant contre la ricine ont été découvertes récemment (2010) par des équipes françaises. Elles ont identifié deux composés chimiques capables de bloquer de manière sélective le transport de la toxine vers les cellules humaines, après l'analyse de 16 500 composés. À la suite de l'injection d'une dose létale de ricine à des souris, elles ont pu remarquer qu'une de ces molécules leur a permis de survivre. Ces travaux ouvrent ainsi la voie à la mise au point d'un antidote[7].

Protection préventive

On dispose maintenant d'une molécule active préventivement, si ingérée avant l'exposition.

En 2010, une équipe[8] a annoncé[1],[9] avoir découvert une molécule dite Rétro-2, qui — in vivo — protège, préventivement, des souris contre la toxine issue de la ricine. Cette molécule semble également protéger de toxines produites par le choléra ou par la bactérie Shigella, cause de dysenteries (shigellose)[1]. Ces chercheurs avaient antérieurement identifié une autre molécule (dite Rétro-1), mais qui ne semble active que in vitro contre la toxicité de la ricine[1]. Le mécanisme de protection est l'inhibition de l'entrée de la toxine dans les cellules cibles, entre les endosomes précoces et l'appareil de Golgi. Les souris exposées à un empoisonnement à la ricine par voie nasale ont toutes survécu (contre 15 % pour le groupe témoin).

Risque d'attentat

Compte tenu de son pouvoir particulièrement toxique, la ricine pourrait être employée par des terroristes. Ainsi, le 18 mai 2018, le ministre de l'intérieur français Gérard Collomb a annoncé qu’un attentat impliquant une personne projetant une attaque à la ricine aurait été déjoué en France.[10]

Le 20 juin 2018, la police allemande annonce avoir déjoué un attentat à la bombe à la ricine après avoir arrêté un Tunisien à Cologne ayant commencé à synthétiser le poison.[11]

La ricine dans la fiction

Romans

  • Dans son roman La Vengeance du Kremlin (2013), l'écrivain Gérard de Villiers met en scène une équipe de tueurs qui tentent d'assassiner Malko Linge en le piquant à l'aide d'un dard empoisonné à la ricine. Un autre produit chimique létal est employé dans le roman pour assassiner avec succès Boris Berezovsky, le fluorure de sodium.

Séries télévisées et téléfilms

Dans la série Stan Lee's Lucky Man (en), un tueur sévit en empoisonnant ses victimes avec de la ricine dans la saison 2.

Dans la série télévisée Breaking Bad, la ricine est un élément central du début de la saison 2 et des saisons 3, 4 et 5.

Dans la série télévisée Mentalist, la ricine est utilisée dans l'épisode 15 de la saison 2.

Dans la série télévisée Mensonges, la ricine est utilisée dans l'épisode 5 de la saison 3.

Dans la série télévisée NCIS, la ricine est utilisée dans l'épisode 21 de la saison 7.

Dans la série télévisée Monk, la ricine est utilisée dans les deux derniers épisodes de la saison 8.

Dans le téléfilm anglais Complicit, la production et l'acheminement de la ricine vers l'Angleterre est au centre de l'intrigue.

Dans le film The Interview, la ricine est censée être utilisée pour empoisonner le dirigeant de la Corée du Nord Kim-Jong Un, par le biais d'un contact durant une poignée de main.

Dans la série télévisée Designated Survivor dans l'épisode 8 de la Saison 1

Dans la série télévisée Urgences dans l'épisode 2 de la saison 15.

Dans la série télévisée Les Experts : Manhattan dans l'épisode 21 de la saison 3.

Dans la série télévisée Les Experts : Las Vegas dans l'épisode 7 de la saison 2, une restauratrice de livres anciens, Veronica Bradley, est retrouvée morte intoxiquée à la ricine.

Dans la série télévisée Covert Affairs dans l'épisode 12 de la saison 3, Karina Vost, une femme espionnant pour le Mossad est assassinée par empoisonnement à la ricine.

Dans la série de Netflix House of Cards dans l'épisode 4 de la saison 2, où une poudre blanche suspecte fut introduite dans une lettre adressée au Capitole.

Dans la série télévisée Le Sang de la vigne dans l'épisode "Cauchemar en Côtes-de-Nuits"

Dans la série Bitten dans l'épisode "Prisonnier"

Dans la série Tyrant dans l'épisode 2 de la saison 1.

Dans la série The Good Fight, dans l'épisode 3 de la saison 2, Diane Lockart reçoit une lettre au cabinet, contenant de la ricine.

Voir aussi

Articles connexes

Liens externes

Bibliographie

  • Foxwell, B. M. J., Donovan, T. A., Thorpe, P. E. & Wilson, G. The removal of carbohydrates from ricin with endoglycosidases H, F and D and α-mannosidase. Biochim. Biophys. Acta 840, 193–203 (1985)

Notes

  1. Communiqué CNRS n° 1860, intitulé « Découverte de molécules pour se protéger de la ricine, arme du bioterrorisme » 2010/04/16
  2. (en) Earl Rutenber, Betsy J. Katzin, Stephen Ernst, Edward J. Collins, Debra Mlsna, Michael P. Ready et Jon D. Robertus, « Crystallographic refinement of ricin to 2.5 Å », Proteins, vol. 10, no 3, , p. 240-250 (PMID 1881880, DOI 10.1002/prot.340100308, lire en ligne).
  3. « livret_Venins-et-Poisons-1.pdf », sur unilim.fr (consulté le 22 juin 2018).
  4. (Ministère de la santé, France)
  5. Anne-Laure Frémont, « Une lettre contenant de la ricine envoyée à Barack Obama », sur lefigaro.fr, (consulté le 17 avril 2013)
  6. (2017) Comparative glycoproteomics of stem cells identifies new players in ricin toxicity | Nature | doi:10.1038/nature24015 |Mis en ligne le 20 sept 2017|résumé
  7. Inhibition of retrograde transport protects mice from lethal ricin challenge
  8. équipe associant le CEA, l'Institut Curie, le CNRS, l'Afssaps et l'Université de Montpellier, dans le cadre du programme interministériel de R&D NRBC-E (nucléaire, radiologique, biologique, chimique et explosifs) confié au CEA en 2005 par le SGDSN ; résultats publiés en ligne par la revue Cell
  9. B. Stechmann, SK Bai, E. Gobbo, R. Lopez, G. Merer, S. Pinchard, L. Panigai, D. Tenza, G. Raposo, B. Beaumelle, D. Sauvaire, D. Gillet, L. Johannes, J. Barbier. ; Inhibition of retrograde transport protects mice from lethal ricin challenge. Cell, online, (résumé + illustration), 2010
  10. « Nouvel attentat déjoué en France : l'un des deux Égyptiens mis en examen, l'autre relâché », sur lefigaro.fr, (consulté le 15 septembre 2018).
  11. « Allemagne : la police dit avoir déjoué un attentat à la bombe à la ricine », Europe 1, (lire en ligne)
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