Pédopsychiatrie

La pédopsychiatrie est la branche de la psychiatrie consacrée aux enfants, depuis la naissance jusqu'à l'entrée dans l'âge adulte. Les praticiens de cette discipline sont appelés pédopsychiatres. La pédopsychiatrie recouvre l'étude, le diagnostic, le traitement et la prévention des troubles mentaux qui affectent les enfants. Elle entretient des liens étroits avec la médecine, la psychologie du développement, la biologie, la sociologie, et les sciences de l'éducation, et la psychiatrie adulte.

Nature de la discipline

Comme la psychiatrie, c'est une discipline de frontières (médecine, psychologie, pédagogie). Mais en outre elle concerne des êtres en développement et en devenir, ce qui rend délicate l'appréciation de la pertinence des tableaux cliniques qui peuvent si vite se modifier. Comme la psychiatrie, elle se trouve, en tant que branche de la médecine, dans l'impossibilité de faire l'impasse sur l'existence, scientifiquement problématique, de l'esprit, de la psyché.

Comme la psychiatrie, elle est tiraillée entre une vision privilégiant la biologie (génétique, neuroanatomie et neurophysiologie, neuropsychologie, neurosciences, etc.) et une autre mettant l'accent sur le psychisme (processus d'apprentissage, processus psychologiques, affectivité, psychanalyse des enfants ; psychanalyse des adolescents). C'est une discipline qui s'adresse à l'enfant (ou l'adolescent), son objet apparent, mais également aux parents, ainsi qu'à l'entourage social, dont l'école.

La pédopsychiatrie, ou psychiatrie de l'enfant et de l'adolescent (aussi appelée adopsychiatrie) est marquée elle aussi par la tendance à la classification descriptive par symptôme, dénommés « troubles » (disorder) (troubles obsessifs compulsifs, hyperactivité et déficit d'attention, etc.) pouvant s'appuyer sur un classement par type d'organisation des processus mentaux (organisation psychotique, névrotique, etc.) Les corrélations entre comportements et/ou troubles et imagerie cérébrale ne doivent pas abuser : ce qui se manifeste en trouble grave se manifeste également en anomalies ou particularités du fonctionnement cérébral. L'un est le décalque de l'autre, et n'apporte au fond aucune infirmation ou confirmation quelconque à une hypothèse. Le psychisme niche dans le cerveau, ses troubles également, rien n'est immatériel si ce n'est peut-être la question du sens des symptômes et du vécu subjectif.

Toutes les disciplines somatiques de la médecine ne peuvent exister sans les principes physiopathologiques, de même la pédopsychiatrie ne peut exister sans la constitution d'une modélisation de la pathologie pédo-psychiatrique. Le terme modélisation étant compris au sens des modélisations économiques ou météorologique, c’est-à-dire l'essai de saisir l'évolution de systèmes complexes d'interactions entre des forces élémentaires pourtant parfaitement repérables (monnaie, échanges, prix, quantité pour l'économie, pressions, masses d'air et de vapeur d'eau par exemple pour la météorologie, fonctionnement cérébral pour la pédopsychiatrie) à l'aide de la création d'objets abstraits mais qui, en tout cas, rendent possibles des modèles explicatifs. Cette modélisation (théories psychiatriques) est certes idéologique, mais elle est un outil indispensable. L'absence affichée d'une telle modélisation (système objectif ou athéorique) est hautement suspecte. La clef de la modélisation gît dans la classification proposée, d'où les polémiques actuelles. Chaque modèle possédant ses forces et ses faiblesses, une vue croisée est parfois très éclairante.

L'appellation par exemple de « troubles obsessionnels compulsifs » en lieu et place de celui « d'obsessions » voire de « névrose obsessionnelle », loin d'être sans impact, oriente implicitement les choses. Ce qui compte dans les « T.O.C » ce sont justement les manifestations visibles, surtout quand elles sont envahissantes et gênantes. Le but du médecin est d'abord de ne pas nuire (« Primum non nocere ») puis d'adoucir les symptômes gênants (« Deinde curare »). Le critère d'amélioration, voire de guérison, parfois impossible (pas de restitution ad integrum) sera la diminution, voire l'apaisement des symptômes. Si l'on évoque une « névrose obsessionnelle », on postulera que les manifestations sont le reflet d'une certaine organisation de la psyché, possédant des causes et une articulation psychique interne. Le but du traitement sera la modification, même lente ou incomplète, de cette organisation psycho-pathologique. Le critère d'amélioration sera la modification de l'organisation, même si la sédation des troubles est un élément important.

Si la classification française actuelle (Classification française des troubles mentaux de l'enfant et de l'adolescent[1]) est d'inspiration psychanalytique, la Classification internationale des maladies (CIM-10) et la classification américaine (DSM-IV) sont l'écho d'une vision par « trouble » existant par eux-mêmes, à l'exception notable des troubles envahissants du développement, qui sont détachés en tant qu'entité clinique, alors que les tableaux observés sont très disparates.

Âge des patients

En théorie, la pédopsychiatrie s'adresse aux enfants et aux adolescents de la naissance à l'âge adulte qui selon la loi française correspond à la majorité légale, soit 18 ans révolus mais les services médicaux de pédopsychiatrie accueillent parfois des jeunes connus jusqu'à 20-25 ans.

L'âge limite supérieur de l'accueil dans le dispositif français de pédopsychiatrie public (psychiatrie infanto-juvénile), comme en pédiatrie, a été défini par l'usage hospitalier qui observe qu'à 15 ans et trois mois, la puberté étant terminée, le corps étant adulte, les soins (et ce qui va de pair, les moyens financiers et surtout humains) sont pris en charge par les services adultes. En pratique, la majorité des services de pédopsychiatrie reçoivent jusqu'à l'âge de 16 ans (- 9 mois de "vacuité utérine") qui correspond à la fin de l'obligation scolaire, et, donc du début du monde du travail...

L'engouement et le développement ponctuel de nouvelles structures associant la prise en charge d'adolescents et de jeunes adultes (15-25 ans) ne permettent pas de généraliser cette limite supérieure. La France présente par ailleurs un manque important de places hospitalières avec accueil jour et nuit (services dit « à plein temps ») de pédopsychiatrie. Il faut par ailleurs souligner, qu'une partie de l'activité pedopsychiatrique s'exerce au sein du secteur medico social (exemples : IME, CMPP, CAMSP) et l'âge d'agrément de ses structures est lui aussi variable (pour les CMPP, structures ambulatoires il est souvent de 0 à 20 ans).

Historique

États-Unis

Aux États-Unis, le premier service de psychiatrie infantile fut créé par Leo Kanner en 1930 dans un hôpital de Baltimore (à l'Hôpital Johns Hopkins)[2].

En France

La pédopsychiatrie prend son essor, en France, autour de l'école de la Salpêtrière, entre les deux guerres mondiales, sous l'impulsion de Georges Heuyer[3] qui s'émancipent à la fois des modèles psychiatriques centrés sur l'Asile et de la pédagogie.

Elle a connu, dans les années 1960-1980, l'arrivée des psychanalystes comme Michel Soulé, Roger Misès, Serge Lebovici, René Diatkine, etc..

Dans les années 1990-2010, elle connaît l'arrivée de visions centrées sur le trouble et sur l'abord neuro-scientifique et les interactions entre la biologie et l'environnement.

La pédopsychiatrie, en France, est un cas particulier aux yeux des observateurs extérieurs : elle est le seul pays où la psychanalyse prend tant d'importance[4],[5].

Traitements

Dans tous les cas, c'est l'abord clinique qui constitue la richesse de la pédopsychiatrie. Abord clinique dont le principal est l'observation, l'écoute et le dialogue avec les jeunes patients et leurs familles.

Les traitements pédopsychiatriques sont essentiellement psychothérapeutiques et réadaptatifs (traitements éducatifs, rééducations, conditions de vie, relations familiales, insertion scolaire, ergothérapies), plus rarement pharmacologiques…

Néanmoins, le succès de la promotion des amphétaminiques dans certains états d'hyperactivité, celui des antidépresseurs et surtout des normothymiques dans certains états dépressifs, celui des antipsychotiques dans certaines psychoses, celui des anxiolytiques, hors benzodiazépines, dans des situations anxieuses de façon très temporaire justifient parfois le recours aux traitements médicamenteux…

Il existe aussi une recherche pharmacologique de plus en plus importante dans le domaine élargi de l'autisme, même si celle-ci n'en est qu'à des balbutiements, des espoirs naissent et s'évanouissent rapidement : une exception actuelle : les recherches sur l'administration d'ocytocine (« l'hormone de l'attachement ») dans le cadre des troubles envahissants du développement de la personnalité sont très prometteurs et concordants (tests en double aveugle, en particulier[6])...

Les principales affections que la pédopsychiatrie rencontre sont très variées. Elles vont des problèmes temporaires et/ou d'intensité modérées (troubles de l'alimentation, du sommeil, énurésie, encoprésie, angoisses, tristesse), à des tableaux très sérieux : troubles envahissants de développement, tel l'autisme, troubles psychiques graves, telle l'inhibition, l'agitation, l'opposition, les troubles graves du comportement, en particulier à l'école. On aura garde d'omettre la déficience intellectuelle et ses multiples causes qui, bien souvent domine ou agrémente les tableaux cliniques observés. Dans tous les cas, il s'agit de troubles survenant dans l'évolution de l'enfant et se modifiant avec celle-ci.

Notes et références

  1. Roger Misès : Classification Française des Troubles Mentaux de l'Enfant et de l Adolescent, Éditeur : Ehesp (ISBN 2810900825)
  2. (en) « Child Psychiatry Began at Hopkins », Johns Hopkins Medicine (consulté le 4 janvier 2017)
  3. Édouard Séguin, Désiré-Magloire Bourneville, Louis Delasiauve furent aussi des précurseurs
  4. L’autisme sous l’objectif de Catherine Vincent « Le tout dans un contexte de bataille idéologique entre la pédopsychiatrie française, très imprégnée de psychanalyse, et les tenants de techniques comportementalistes, plus prometteuses et nettement plus développées dans les pays nordiques et anglo-saxons. » consulté le 02.02.2014
  5. Marine Lamoureux et Pierre Bienvault, « Autisme, la psychanalyse devra faire ses preuves », la Croix, (lire en ligne)
  6. (en) Andari E, Duhamel JR, Zalla T, Herbrecht E, Leboyer M, Sirigu A, « Promoting social behavior with oxytocin in high-functioning autism spectrum disorders », Proc Natl Acad Sci U S A, vol. 107, no 9, , p. 4389-94. (PMID 20160081, PMCID PMC2840168, DOI 10.1073/pnas.0910249107, lire en ligne [html])

Voir aussi

Articles connexes

  • Myriam David
  • René Diatkine
  • Françoise Dolto
  • Serge Lebovici
  • Michel Soulé
  • René Spitz
  • Hanna Segal
  • Centre médico-psycho-pédagogique

Bibliographie

  • Michel Soulé préf. de Bernard Golse, Histoire de la psychiatrie infantile, Éditeur : Erès, Collection : La vie de l'enfant, 2006 (ISBN 274920576X)
  • Didier-Jacques Duché, Histoire de la psychiatrie de l'enfant, Éditeur : Presses Universitaires de France, 1990 octobre (ISBN 2-13-043271-9)
  • Guy Benoît, Jean-Pierre Klein, Histoire contemporaine de la psychiatrie de l'enfant, collection Que sais-je ?, éditeur : Presses Universitaires de France, avril 2000 (ISBN 2-13-050523-6)
  • Bertrand Cramer, Benvenuto Solca, Des psychanalystes en pédopsychiatrie, Ed.: Presses Universitaires de France, collection Monographies de la psychiatrie, 2010, (ISBN 2130575714)
  • Pierre Delion, La consultation avec l'enfant : Approche psychopathologique du bébé à l'adolescent, Masson, collection Les âges de la vie, 2010, (ISBN 2294706730)
  • François Ansermet, Pierre Magistretti, À chacun son cerveau. Éditeur: Odile Jacob, 2004.
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