Gestation pour autrui
La gestation pour autrui (GPA) est une pratique sociale de procréation. Une femme, appelée mère porteuse ou gestatrice, est inséminée par des embryons, puis est enceinte et accouche d'un enfant qui est remis à la naissance à la personne ou au couple de commanditaires, appelés aussi « parents intentionnels ». Les embryons ne sont habituellement pas conçus avec l'ovule de la mère porteuse, mais avec celui d'une donneuse d'ovocyte ou de la femme commanditaire – appelée également « mère intentionnelle ».
Les personnes qui ont recours à la gestation pour autrui peuvent être des couples femme-homme, en cas d'infertilité féminine liée à l'absence d'utérus (syndrome de Rokitansky-Küster-Hauser ou MRKH), à sa malformation ou à la suite de son ablation chirurgicale (hystérectomie), ou des hommes célibataires[1] ou en couple homosexuel. Plusieurs cas de figure sont possibles. Les parents d'intention peuvent être aussi les pères et mères génétiques de l'enfant si le couple n'a pas recours à un don de gamètes (ni don d'ovocyte, ni don de sperme), ou bien ils n'ont qu'un lien génétique partiel (recours à un don de sperme ou d'ovocyte) ou nul avec l'enfant. Le vocabulaire employé pour nommer la mère porteuse varie : elle est parfois aussi appelée « mère de naissance » ou simplement « mère » lorsque le droit s'appuie sur le principe que la mère est celle qui accouche (mater semper certa est, « la mère est toujours certaine » en latin). Le terme « gestation pour autrui » est lui-même débattu, certains préférant parler de maternité pour le compte d'autrui ou de recours à une mère porteuse, en fonction du regard porté sur cette pratique.
Le statut légal de la gestation pour autrui varie selon les pays. Interdite dans certains pays, comme la France, au nom du principe d'indisponibilité du corps humain, elle est autorisée dans d'autres, sous des conditions variables concernant par exemple les critères d'accès à cette méthode de procréation, l'autorisation ou l'interdiction d'une rémunération de la mère porteuse (on parle alors de « GPA commerciale » dans les cas où la rémunération est autorisée et de « GPA altruiste » lorsque la GPA ne peut se faire que sans compensation financière), les droits des parents intentionnels sur les décisions de santé au cours de la grossesse, et l'accès des enfants à leurs origines biologiques. Dans d'autres pays, la gestation pour autrui ne fait l'objet d'aucune mention légale explicite.
Du fait des variations de législations, des différences de technologie médicale et de revenus selon les pays et de la liberté de circulation des personnes, certains ont parlé de « tourisme procréatif ». Cette pratique engendre ensuite parfois un problème juridique quand il s'agit de transcrire les actes de naissance délivrés à l'étranger[2],[3]. En effet, certaines juridictions ne reconnaissent pas la gestation pour autrui comme un mode de procréation légal, au nom du principe de non-marchandisation du corps humain et parce que la mère porteuse est considérée comme pleinement mère. Elles refusent alors de reconnaitre le statut de parents aux personnes revenant avec un ou des enfants conçus par mère porteuse à l'étranger, même si le pays de naissance autorise la GPA et a établi une filiation entre l'enfant et les parents intentionnels. Une des raisons invoquées est que la mère de naissance n'apparaît plus sur la filiation de l'enfant, ce qui est considéré comme un mensonge aux yeux de la législation de certains pays, dont la France.
Finalité de la gestation pour autrui
Le recours aux mères porteuses est utilisé par des femmes qui, malgré une fonction ovarienne conservée, ne peuvent mener une grossesse à terme, soit du fait d'une absence d'utérus (d'origine congénitale ou après chirurgie : hystérectomie), soit du fait d'une malformation congénitale ou acquise (syndrome d'Asherman, prise de Distilbène par la mère de la mère intentionnelle) ou d'un léiomyome.
C'est également une voie utilisée par des couples d'hommes ou de femmes dans le cadre d'un projet homoparental. Si les ovocytes ne sont pas ceux de la mère porteuse, mais d'une autre femme, on sera alors bien dans un cas de « gestation pour autrui ». Dans le cas contraire, il s'agira d'une procréation pour autrui (voir ci-dessus). Se pose alors la question des droits du deuxième parent, parfois appelé « parent social » : si l'Angleterre reconnaît la parenté du conjoint de même sexe depuis 2006 au titre de supportive parent, celui-ci ne possède souvent aucune autorité légale (et donc aucun droit) sur l'enfant dans la plupart des autres pays, dont la France.
Rôle et statut de la gestatrice
Leur condition dans les pays qui ont légalisé la pratique de la gestation pour autrui est très variable :
- Au Royaume-Uni, la mère a le plus souvent recours à une agence spécialisée qui se charge de la mettre en relation avec les parents commanditaires. Il est interdit aux agences de faire de la publicité et elles ne peuvent agir que dans un but non lucratif. La gestatrice ne peut pas être rétribuée mais elle peut obtenir le remboursement raisonnable des frais qu'elle a engagé pour mener à bien sa grossesse. Elle dispose d'un délai de 6 semaines pour revenir sur sa décision et garder l'enfant[4].
- En Russie, la mère doit être âgée entre 20 et 35 ans, avoir déjà un enfant et ne pas avoir de maladies psychiques ou somatiques. Des agences spécialisées recrutent les candidates mais un commerce sauvage de particulier à particulier s'est développé par l'intermédiaire d'Internet. La mère porteuse reçoit des indemnités mensuelles et une rémunération. En contrepartie, elle signe un document par lequel elle renonce à ses droits sur l'enfant et accepte de la confier à des tiers qui deviennent légalement les parents du bébé. Un commerce très lucratif s'est développé et l'offre des mères porteuses dépasse la demande des couples commanditaires[5].
- En Inde, les cliniques médicales recrutent les mères selon des critères de beauté, d'âge, d’obéissance et de détresse économique. La gestatrice doit obtenir le consentement de son époux. Elle signe un contrat de travail mais n'en reçoit pas toujours la copie. Sa rémunération dépend du poids du bébé. Elle est bien souvent logée par la clinique pendant neuf mois collectivement et doit se soumettre aux règles imposées par les médecins et par le couple commanditaire en matière de nourriture, de déplacements, de visites de ses enfants… Elle doit allaiter le bébé et s'en occuper les premières semaines de vie sur la demande du couple commanditaire. Elle n'a aucun pouvoir de contrôle ni de décision pendant toute la procédure[6].
- En France, un rapport du Sénat datant de juin 2008 propose de légaliser la pratique de la gestation pour autrui à condition de respecter des règles précises qui visent à protéger la gestatrice et qui mettent en avant l’altruisme de la candidate. Le rapport recommande que la gestatrice doit déjà avoir un enfant, qu'elle ne peut pas porter le bébé de sa fille, qu'elle ne peut pas être la mère génétique, qu'il lui faut l'autorisation d'une commission et d'un juge, qu'elle ne peut pas prétendre à une rémunération mais seulement à un dédommagement raisonnable et qu'elle ne peut pas conduire plus de deux grossesses pour autrui[7].
Problèmes éthiques
Le principe et la pratique de la GPA soulèvent un certain nombre de questions éthiques. Celles-ci concernent notamment les droits de la mère porteuse quant au risque de marchandisation du corps humain et d'atteinte de la dignité des femmes, ainsi que du respect du lien qui s'établit entre la mère et l'enfant pendant la grossesse.
- Dans les pays où la rémunération de la mère porteuse est autorisée dans le cadre d'une GPA légale :
- la conclusion de la transaction, par laquelle la mère porteuse remet l'enfant qu'elle a porté en échange d'une somme d'argent, soulève des inquiétudes relatives à la marchandisation du corps humain ;
- certaines femmes peuvent être poussées par la pauvreté à accepter un travail qui ne répondrait pas aux règles habituelles du droit du travail ;
- Dans certains pays ou aux termes de certains contrats, la mère porteuse est privée du droit de garder l'enfant qu'elle a porté, quels que soient les liens affectifs éventuellement apparus au cours de la grossesse.
- Même si aucune étude scientifique ne le démontre, certaines personnes s'inquiètent pour le développement psychologique de l'enfant, qui pourrait être perturbé par la « complexité » de sa filiation, qui distinguerait la mère génétique, la mère porteuse, et éventuellement la mère légale. À ce sujet, Geneviève Delaisi de Parseval, psychanalyste spécialiste de bioéthique, estime que cette complexité est en réalité une « chance » pour l'enfant[réf. souhaitée].
En France, en mars 2009, l'Académie nationale de médecine avait averti d'un « risque de dérive » s'il y avait à l'avenir une « demande de pure convenance sans indication médicale », et qu'en outre il conviendrait de revenir sur les fondements de la loi bioéthique de 1994[8]. Roger Henrion, porte-parole de l'Académie Nationale de Médecine rappelle en mai 2014 que « les risques physiques et psychiques à court et surtout à long terme, en particulier pour l'enfant, sont encore mal évalués et dans le cas où le législateur serait conduit à autoriser la GPA, celle-ci devrait être assortie d'une démarche d'évaluation des risques rigoureuse, objective et strictement encadrée »[9].
État du droit comparé
- Certains pays ont légiféré pour autoriser la pratique de la gestation pour autrui avec plus ou moins de latitude et de dispositifs d'encadrement des pratiques. Il s'agit par exemple des pays suivants : Afrique du Sud, Royaume-Uni, Argentine, Australie (en majeure partie), Brésil, Canada, États-Unis (la plupart[10] des États depuis la jurisprudence de 1993 instituée par l'affaire Johnson v. Calvert[11]), Géorgie, Grèce, Iran[12], Israël, Roumanie, Russie, Ukraine. Dans deux pays, la Géorgie et l'Ukraine (dès 1997), on permet d'exercer « la donation de l’ovule ou du sperme et la maternité porteuse ».
- La Belgique, le Danemark, la Hongrie, la Pologne, l'Irlande, l'Inde, le Luxembourg et les Pays-Bas n'interdisent pas la gestation pour autrui.
- D'autres pays ou états, comme l'Allemagne, la France et le Québec, interdisent strictement la gestation pour autrui, et ne préconisent en conséquence aucun dispositif d'encadrement de cette pratique. Par exemple, le Code civil du Québec contient une disposition similaire à l'article 16-7 du Code civil français, l'article 541 disposant que « Toute convention par laquelle une femme s'engage à procréer ou à porter un enfant pour le compte d'autrui est nulle de nullité absolue » ; la filiation par procréation assistée avec don de gamètes est en revanche reconnue[13].
Allemagne
La gestation pour autrui est interdite en Allemagne, qui ne reconnait pas non plus la parentalité acquise par gestation pour autrui à l'étranger[14].
Canada
Il n'y a pas de loi fédérale traitant exclusivement de ce sujet. En revanche, le Parlement du Canada a voté en 2004 une loi fédérale sur la procréation assistée et interdit la gestation pour autrui à titre onéreux.
Alberta
En Alberta, la loi de 2003 relative à la famille prévoit que les contrats de gestation pour autrui ne sont pas exécutoires. Par décision de justice, on peut reconnaître la mère génétique comme mère légale de l'enfant (si celle-ci est différente de celle qui a mise l'enfant au monde) avec la permission de la mère qui a mis l'enfant au monde.
Nouvelle-Écosse
En Nouvelle-Écosse, le juge peut établir la filiation de l'enfant à l'égard de ses parents intentionnels si un accord entre la mère porteuse et le couple a été signé avant la conception et qu'au moins l'un des deux parents est le géniteur[15].
Québec
L'article 541 du code civil du Québec dispose : « Toute convention par laquelle une femme s'engage à procréer ou à porter un enfant pour le compte d'autrui est nulle de nullité absolue. » Cela implique que toute entente entre les parents souhaitant un enfant et la mère porteuse ne sera pas reconnu par les tribunaux. La mère porteuse ne peut donc pas exiger de recevoir une indemnisation et, en revanche, elle n'a pas d'engagement à remettre l'enfant à quiconque lors de sa naissance.
Autres provinces
Les autres provinces n'ont pas de législations traitant de la gestation pour autrui à titre gratuit. En ce qui concerne la reconnaissance d'une filiation, les lois fédérales ont tendance à favoriser la mère porteuse.
Espagne
Le , la Dirección General de los Registros y del Notariado, en Espagne, a accepté la requête déposée devant cette juridiction par un couple d'hommes, qui avaient utilisé les services d'une mère porteuse en Californie. L'Espagne avait refusé la transcription des actes d'état civil sur les registres espagnols[16].
États-Unis
Aux États-Unis, par défaut, la gestation pour autrui tout comme la procréation pour autrui était régie par les lois de l'adoption et du don de sperme. Toutefois, à la suite des affaires de Bébé M, en 1987, et de Johnson v. Calvert[11] en 1993, de nombreux états ont légiféré à propos des mères porteuses, en général pour encadrer cette pratique et clarifier les règles de filiation[17] (à l'exemple de l'État de New York, où la loi signée par le gouverneur Mario Cuomo permet seulement une indemnisation de la mère porteuse[17] ; des lois similaires ont été passées en Arkansas, en Floride, dans l'Illinois, au Nevada, au New Hampshire, au New Jersey, en Oregon, au Texas, dans l'Utah, en Virginie et dans l'État de Washington[17], ou pour l'interdire complètement, comme dans le Michigan)[18].
Depuis le milieu des années 1970, environ 25 000 enfants sont nés aux États-Unis via cette procédure[19].
En 1988, la Cour suprême du New Jersey a dû trancher l'affaire du Bébé M : la mère porteuse avait alors refusé de remettre son bébé au père biologique et à sa femme. Finalement, le père biologique et sa femme ont obtenu la garde de l'enfant (en), mais la mère porteuse a obtenu un droit de visite.
En 1993, la Cour suprême de Californie a pris une position toute différente dans l'affaire Johnson v. Calvert[11] : les parents intentionnels ont été déclarés comme les parents légaux dans un jugement, qui a fait date. Les juges ont rejeté l'argument selon lequel une femme ne pourrait pas accepter de porter un enfant pour le compte d'un autre en toute connaissance de cause. Selon eux, cet argument perpétuait une conception sexiste de la femme. On ne pourrait dire, en l'espèce, qu'Anna Johnson, infirmière professionnelle qui avait de bons résultats à l'école, par ailleurs déjà mère d'un enfant, ait manqué de moyens intellectuels ou d'expérience personnelle pour prendre une décision éclairée à ce sujet. Cette décision a servi de base à la plupart des jugements en parenté aux États-Unis et a inspiré de nombreuses législations comme celles de la Floride ou de l'Illinois.
Une autre affaire a eu lieu en 2003, en Pennsylvanie, un état qui n'a pas légiféré sur cette pratique. Bien qu'habituellement, les tribunaux donnent raison, lors de conflits de paternité, aux parents qui ont donné ovule ou sperme, le juge Shad Connelly a cette fois-ci donné raison à la mère porteuse, qui avait accouché de triplés[18], du fait que les parents intentionnels n'étaient pas présents lors de l'accouchement et n'avaient pas fait enregistrer à l'état civil les enfants dans la semaine qui avait suivi leur naissance.
En l'absence de législation et de précédents clairs, la cour a considéré, en l'espèce, que l'intérêt supérieur de l'enfant prévalait sur le contrat[18], mais cette décision a été renversée par la Cour supérieure de Pennsylvanie en 2006[20],[21] et les parents intentionnels ont été établis comme les parents légaux. La mère porteuse a tenté de porter l'affaire devant la Cour Suprême de l'Ohio, qui l'a déboutée en 2007[21].
France
Depuis les premières lois de bioéthique, promulguées en 1994, la France interdit la gestation pour autrui à ses citoyens. Cependant, depuis juin 2014, les enfants nés à l'étranger de parents intentionnels français peuvent obtenir la nationalité française à la suite d'un arrêt de la Cour européenne des droits de l'homme, décision confirmée en juillet 2015 par la Cour de cassation. En vertu du jugement du 5 juillet 2017 de la Cour de cassation, le père peut par ailleurs obtenir la reconnaissance du lien de filiation en tant que père biologique de l'enfant, tandis que son conjoint ou sa conjointe peut devenir parent par adoption simple[22].
Le Comité consultatif national d'éthique rapporte que la gestation pour autrui est selon ses défenseurs une méthode de procréation médicalement assistée (PMA), mais qu'au contraire selon la jurisprudence de 1991 de l'assemblée plénière de la cour de Cassation elle est une adoption illégale, au regard principalement du principe d’ordre public de l'indisponibilité du corps humain[23].
GPA pratiquée en France
La gestation pour autrui et la procréation pour autrui sont regroupées sous le vocable de « maternité pour autrui » interdite en France depuis la décision de la Cour de cassation de 1991 :
« Attendu que, la convention par laquelle une femme s’engage, fût-ce à titre gratuit, à concevoir et à porter un enfant pour l'abandonner à sa naissance contrevient tant au principe d'ordre public de l'indisponibilité du corps humain qu'à celui de l'indisponibilité de l'état des personnes »
— Cour de cassation, Assemblée plénière, du 31 mai 1991, 90-20.105, Publié au bulletin[24]
Cette jurisprudence a été confirmée en partie par la loi de bioéthique de 1994. L'article 16-7 du Code civil dispose que : « Toute convention portant sur la procréation ou la gestation pour le compte d'autrui est nulle »[25]. L’article 227-12 du Code pénal sanctionne la provocation à l'abandon d'enfant, l'entremise en vue de l'adoption ou en vue de la gestation pour le compte d’autrui[26]. L'article 227-13 du Code pénal sanctionne l'atteinte à l'état civil d'un enfant (simulation d'enfant…)[27].
Mais le principe de l'indisponibilité du corps humain (règle de droit non écrite que la Cour de cassation avait mise en avant) n'a pas été retenu mais remplacé par le principe de la non-patrimonialité du corps humain introduit par l'article 16-1 du Code civil :
« Chacun a droit au respect de son corps. Le corps humain est inviolable. Le corps humain, ses éléments et ses produits ne peuvent faire l'objet d'un droit patrimonial »
— Article 16-1 du Code civil[28]
Un groupe de travail du Sénat consacré à la maternité pour autrui s'est prononcé en 2008 en faveur d'un encadrement strict de la gestation pour autrui en France[7]. Il a considéré que la maternité pour autrui ne pouvait être légalisée qu'en tant qu'instrument au service de la lutte contre l'infertilité, au même titre que les autres techniques d'assistance médicale à la procréation. Ces recommandations, formulées par la majorité des membres du groupe de travail, n'engagent ni la commission des lois, ni la commission des affaires sociales du Sénat[29].
En revanche, l'Office parlementaire d'évaluation des choix scientifiques et technologiques s'est opposé à la levée de la prohibition de la GPA, en affirmant d'une part que rien ne permettrait de garantir l'absence de rémunération occulte de la mère porteuse, en l'absence de toute possibilité matérielle d'anonymat, et d'autre part qu'aucune étude n'avait été faite sur les conséquences pouvant résulter des pratiques de GPA sur les enfants nés ainsi, ni sur la famille des femmes concernées[30].
Dans le cadre de la révision des lois de bioéthique, le Conseil d'État a rendu, en mai 2009, un avis préconisant le maintien de l'interdiction de la gestation pour autrui en France, tout en proposant que « la situation juridique des enfants nés à l'étranger par recours à cette pratique soit aménagée, de façon que ceux-ci ne soient pas pénalisés par le fait que leurs parents d'intention ont eu recours à une pratique interdite en France »[31].
En mai 2015, un collectif de personnalités et d'intellectuels parmi lesquels Yvette Roudy, Michel Onfray, Nicole Péry, Sylviane Agacinski, Éliette Abécassis, José Bové, Anne-Yvonne Le Dain, Martine Segalen, Nathalie Heinich, Marie-Jo Bonnet, Alice Schwarzer, signe une tribune dans Libération demandant « l'arrêt immédiat de la gestation pour autrui ». Ils dénoncent les « risques sévères pour la santé » des mères et des enfants et condamnent « l'exploitation des femmes les plus démunies »[32]. Cette pétition s'inscrit dans le cadre de l'initiative internationale Stop Surrogacy Now.
GPA pratiquée à l'étranger pour des Français
Depuis 2002, les tribunaux ont été saisis à plusieurs reprises par des requérants voulant obtenir la transcription sur les registres d'état civil d'actes de naissance effectués à l'étranger et concernant des enfants nés à la suite d'une GPA. Ainsi, la Cour d'appel de Paris a accepté le la transcription dans les registres français d'état civil du Service central d'état civil d'un acte de naissance américain, ceci dans l'« intérêt supérieur de l'enfant »[33]. Aux termes de cet arrêt, la filiation transcrite devait alors être celle du géniteur (le père biologique) et de la mère intentionnelle. Cependant, l'arrêt a été cassé par la Cour de cassation le , au motif que le ministère public pouvait se prévaloir d'un intérêt à agir en contestation des transcriptions, la transcription de ces actes étant contraires à la conception française de l'ordre public international (les enfants conservaient alors leurs actes de naissance américains et n'étaient donc pas privés d'état civil)[34].
En 2011, au nom « des principes essentiels du droit français », la Cour de cassation a refusé « de faire produire effet, au regard de la filiation, à une convention portant sur la gestation pour le compte d'autrui »[35]. L'un des couples concernés par cet arrêt a depuis saisi la Cour européenne des droits de l'homme[36].
La Cour d'appel de Rennes, dans un arrêt rendu en date du 21 février 2012, a confirmé un jugement du Tribunal de grande instance de Nantes, du 17 mars 2011, qui avait ordonné la transcription de l'acte de naissance d'un enfant né à l'étranger, supposément par gestation pour autrui[37]. Le ministère public s'est alors pourvu en cassation.
Une circulaire du ministère de la Justice datée du 25 janvier 2013, dite « circulaire Taubira », a demandé la délivrance d'un certificat de nationalité française pour les enfants nés par gestation pour autrui à l'étranger[38]. Une requête devant le Conseil d'État a été formée contre cette circulaire par plusieurs parlementaires et associations familiales catholiques[39]. Mais le Conseil d'État a débouté la totalité des éléments de cette requête le 12 décembre 2014, en se basant notamment sur l'arrêt du 26 juin 2014 de la CEDH.
En janvier 2014, l'association « Juristes pour l'enfance », qui regroupe avocats, magistrats et universitaires opposés à la reconnaissance de toute forme de GPA, dépose plainte contre X pour alerter la justice française sur la prospection opérée par des entreprises étrangères, notamment américaines, sur le sol français pour offrir des services de gestation pour autrui, pour un montant global d'environ 80 000 euros et un délai moyen de 18 mois. Ces sociétés proposent un certain nombre « d'options », par exemple celle de choisir le sexe de l'enfant. Cette association a également participé au recours déposé en 2013 devant le Conseil d'État contre la « circulaire Taubira », qui favorise l'acquisition de la nationalité française par les enfants nés de mères porteuses, et sur laquelle pourrait s'appuyer le marché de la GPA[40].
Par les arrêts Mennesson et Labassée c. France, la Cour européenne des droits de l'homme (CEDH) sanctionne Paris pour ne pas avoir reconnu des enfants nés légalement à l'étranger d'une mère porteuse le jeudi 26 juin 2014[41]. Les juges ont conclu qu'étant donné aussi le poids qu'il y a lieu d'accorder à l'intérêt de l'enfant lorsqu'on procède à la balance des intérêts en présence, le droit des enfants au respect de leur vie privée a été méconnu[42]. La France n'a pas contesté cette décision de la Cour européenne des droits de l'homme, qui est donc devenue une décision définitive.
« L'arrêt de la CEDH devrait faire jurisprudence, obligeant tous les pays européens à reconnaître les enfants nés à l'étranger d'une GPA »[43]. Toutefois, « la Cour européenne ne s'est aucunement prononcée sur le choix des autorités françaises d'interdire la gestation pour autrui »[44]. En effet, l'arrêt de la CEDH concerne exclusivement les enfants nés de mères porteuses à l'étranger.
En mai 2015, le tribunal de grande instance de Nantes a condamné le ministère public pour ne pas avoir transcrit sur les registres français les états civils d'enfants nés de mères porteuses à l'étranger. Le ministère public a fait appel[45]. Cependant, le , la Cour de cassation a confirmé, par deux arrêts, l'obligation faite au Service central de l'État civil d'inscrire les actes de naissance du moment que ceux-ci « n'étaient ni irréguliers ni falsifiés et que les faits qui y étaient déclarés correspondaient à la réalité »[46]. C'était en effet les noms du père biologique et de la mère ayant porté l'enfant qui figuraient sur l'acte de naissance, ce qui correspond à la filiation réelle de l'enfant au regard du droit français.
La Cour européenne des droits de l’homme a confirmé la jurisprudence Mennesson et a condamné la France pour son refus de reconnaître des enfants nés en Inde à Bombay par gestation pour autrui, dans le cadre de l'arrêt Foulon et Bouvet c. France du 21 juillet 2016 (arrêt définitif rendu le 21 octobre 2016)[47].
Le 21 septembre 2016, la commission des affaires sociales du Conseil de l'Europe a rejeté la notion de GPA altruiste par 19 voix contre 17, mais a adopté une recommandation par 17 voix contre 14 encourageant les ministres des Affaires étrangères à « mettre en place des lignes directrices sur la GPA » afin de « sauvegarder les droits de l'enfant »[48].
Géorgie
En Géorgie, dès 1997, la loi permet d'exercer le don d'ovules, de sperme et la maternité porteuse. La loi n'oblige pas la mère porteuse à céder l'enfant à la fin de la grossesse[49].
Inde
En 2008, la Cour suprême de l'Inde a jugé l'affaire Bébé Manji : un couple japonais était venu dans le Gujarat, à Anand, trouver une mère porteuse, mais avait par la suite divorcé. De ce fait, un problème de filiation a été soulevée, la mère porteuse refusant d'en assumer la charge, de même que la « mère génétique ». La « mère du père génétique » (la « grand-mère paternelle génétique ») est venue en Inde réclamer le droit d'amener avec elle l'enfant au Japon, ce qu'elle a obtenu. En effet, selon le droit japonais, l'enfant, non reconnu par sa (ses) mère(s), devait avoir un passeport indien pour pouvoir entrer sur le territoire japonais ; selon le droit indien, le passeport d'un enfant doit être lié à sa mère. À la suite de la décision de la Cour, un certificat d'identité fut donné au bébé afin qu'il puisse voyager avec sa « grand-mère paternelle génétique »[50]. L'Inde n'avait alors pas de loi concernant la GPA[51],[52],[53].
En août 2016, la ministre des Affaires étrangères indienne a indiqué porter un projet de loi pour que seuls les couples indiens mariés puissent utiliser les services d'une mère porteuse pour procréer : les couples sans enfant, qui ne peuvent en avoir pour des raisons médicales, peuvent demander de l'aide à un parent proche, dans le cadre de la GPA altruiste, sans contrepartie financière pour la mère porteuse[54].
Israël
La loi religieuse (Halaka) et civile israélienne permet la GPA, en s'inspirant de pratiques bibliques[55]. Les parents doivent être juifs et avoir été mariés religieusement, et la mère porteuse doit être divorcée et juive ; l'enfant à naître est reconnu comme juif.
Un cadre juridique précis est mis en place : la rémunération de la mère porteuse est mise sous séquestre, et les parents intentionnels ne peuvent refuser l'enfant. La mère porteuse n'aura aucun lien matériel ou juridique avec l'enfant après la naissance (le bébé sera remis à la mère intentionnelle dès la délivrance).
Ce système vise à remédier à l'infertilité du couple et concerne aussi les couples homosexuels depuis 2014[56].
Royaume-Uni
Le Royaume-Uni autorise la gestation pour autrui[57].
En 1985, le Parlement du Royaume-Uni a voté le Surrogacy Arrangements Act, c'est-à-dire la loi relative à la maternité de substitution. La mère de substitution y est définie comme la femme qui porte un enfant à la suite d'un accord conclu avant le début de la grossesse dont l'objet est de remettre l'enfant à une ou plusieurs personnes appelées à exercer l'autorité parentale. Les accords conclus en vue de procéder à une maternité de substitution n'ont pas force exécutoire. Les intermédiaires ne peuvent pas être rémunérés. Les accords de mère porteuse ne peuvent pas non plus être pris pour un but commercial[57].
En 1990, le Parlement du Royaume-Uni vote le Human Fertilisation and Embryology Act, soit la loi sur l'assistance médicale à la procréation. Cet act crée le Human Fertilisation and Embryology Authority, organe qui a à la fois la charge de surveiller et celle de réguler les activités de fécondation in vitro, d'insémination artificielle, de stockage de sperme et d'embryon humain et de recherche sur les embryons humains. La Human Fertilisation and Embryology Authority dépend du Département de la Santé, c'est-à-dire du ministère britannique de la santé. La Human Fertilisation and Embryology Authority doit également fournir des informations et des conseils aux personnes souhaitant avoir recours à ces pratiques[57]. L’act prévoit que le couple commanditaire peut demander au tribunal que l'enfant soit reconnu comme le leur si[57] :
- le couple est marié ;
- l'enfant a été conçu avec au minimum les gamètes de l'un des deux membres du couple ;
- la demande est faite dans les six mois qui suivent la naissance ;
- au moins un des deux membres du couple est domicilié au Royaume-Uni ;
- les deux membres du couple commanditaire ont dépassé l'âge de 18 ans ;
- le domicile de l'enfant sera le même que celui du couple ;
- l'accord de la mère de substitution est donné plus de six semaines après la naissance ;
- le couple commanditaire n'a pas rémunéré la mère de substitution, bien que le remboursement raisonnable des frais de celle-ci pour mener la grossesse soit admis.
Suisse
La gestation pour autrui est régulée par la Loi fédérale sur la procréation médicalement assistée (810.11) du 18 décembre 1998 et est illégale en Suisse. L'Article 4 interdit la gestation pour autrui et l'Article 31 punit le praticien qui réalise une gestation pour autrui ou quiconque qui en arrange une. La mère porteuse n'est pas punie par la loi et reste la mère légale de l'enfant.
Toutefois, le , le Tribunal administratif (de) du Canton de Saint-Gall a reconnu à deux pères la filiation légale de leur enfant né par GPA aux États-Unis[58].
Thaïlande
En Thaïlande, il existe un vide juridique sur la question même si le gouvernement entend mettre en place une loi réglementant la gestation pour autrui. La Thaïlande est toujours une destination pour les couples cherchant une mère porteuse[réf. nécessaire].
La nouvelle loi devrait être mise en vigueur vers 2014[réf. nécessaire] mais rien n'est certain. Pour l'instant, le nom du père est inscrit à l'acte de naissance avec la mère porteuse thaï[réf. nécessaire]. Par la suite, les couples ou personnes font des démarches juridiques pour soit obtenir la citoyenneté de l'enfant, ou la pleine garde légale avant le retour dans le pays d'accueil, soit amener l'enfant dans le pays d'accueil où des demandes en justice, adoption ou autre pourront être faites[réf. nécessaire].
Ukraine
En Ukraine, dès 1997, la loi permet le don d’ovules, de sperme et la maternité de substitution.
Le nouveau Code de la famille d'Ukraine (article 123-2) dispose qu'en cas de transfert de l'embryon conçu par les époux à une autre femme, les époux restent les parents de l'enfant, y compris dans le cadre d'une maternité de substitution. L'article 123.3 autorise par ailleurs les époux à recourir à un don d'ovocytes dans le cadre d'une insémination extracorporelle, sans que cela remette en cause leur statut de parents.
Ainsi, les époux qui ont consenti à l'application de techniques de PMA possèdent intégralement l'autorité et les devoirs parentaux par rapport aux enfants nés à la suite de ces méthodes. La partie médicale de cette question est réglementée par le nouvel Ordre du Ministère de la protection de la santé d'Ukraine № 771 en date du 23 décembre 2008[59].
Notes et références
- (en) Cet article est partiellement ou en totalité issu de l’article de Wikipédia en anglais intitulé « Gestational carrier » (voir la liste des auteurs).
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- Baby Manji's
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- Jacques Benillouche, « En Israël, la GPA est pratiquée sans problème et est même justifiée par la Bible », Slate.fr, (lire en ligne).
- (en) Yonah Jeremy Bob, « High Court orders Israel to recognize gay adoption of child born through surrogacy », The Jerusalem Post, JPost.com, (lire en ligne)
- Service des études juridiques, « Étude de législation comparée n° 182 - janvier 2008 - La gestation pour autrui », (consulté le 18 août 2012)
- « Pères légaux d'un bébé né d'une mère porteuse », sur 20 minutes,
- http://www.old.intersono.ua/fr/sur_la_clinique_.html La maternité de substitution en Ukraine - Interosno Medical Center
Voir aussi
Bibliographie
- Muriel Fabre-Magnan, «La Gestation pour autrui; Fictions et réalités » ; Éditions Fayard 2013 , 124 p.
- Alexis Escudero, La reproduction artificielle de l'humain, Le monde à l'envers, 2014 (ISBN 9791091772044)
Articles connexes
- Bébé M
- Homoparentalité
- Procréation médicalement assistée
- Simulation d'enfant
- Naître père
Liens externes
- Étude de législation comparée du Sénat français, no 182-janvier 2008-La gestation pour autrui, Service des études juridiques.
- Docteur Jacques Peter : la gestation pour autrui expliquée par un praticien
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