Endophyte

Les endophytes[1] (du grec endo « dans », φυτόν « végétal »; littéralement « à l'intérieur d'un végétal... ») sont des organismes (bactéries ou champignons en général) qui accomplissent tout ou partie de leur cycle de vie à l'intérieur d'une plante, de manière symbiotique (endosymbiote), c'est-à-dire avec un bénéfice mutuel pour les deux organismes ou sans conséquences négatives pour la plante. L'endophyte et son hôte entretiennent une interaction appelée endophytisme.

Vue au microscope électronique à transmission d'une section transversale d'un nodule racinaire bactérien endophyte dans une racine de soja (Glycine max.Essex). La bactérie (Bradyrhyzobium japonicum) a colonisé l'intérieur des racines du soja et y a établi une symbiose fixatrice d'azote. Cette image (en fort grossissement) montre le réticulum endoplasmique, le dictyosome et la paroi cellulaire

Histoire

La plupart des endophytes connus n'ont été découverts que récemment, mais ils sont en réalité omniprésents. On en a trouvé dans presque toutes les espèces de plantes étudiées à ce jour. L'endophytisme microbien est ainsi considéré comme une règle générale chez les plantes[2].

Par exemple, beaucoup de plantes fourragères et d'herbacées économiquement importantes (par exemple, Festuca spp. ou Lolium spp.) vivent avec des champignons endophytes (Neotyphodium spp.), ce qui améliore notamment la capacité de ces plantes à tolérer des stress abiotiques tels que la sécheresse, ainsi que leur résistance aux insectes et mammifères herbivores[3]. Ainsi parmi les plantes engazonnantes, la fétuque élevée, le ray-grass vivace, la fétuque rude, la fétuque rouge gazonnante et la fétuque rouge traçante en contiennent, dans tous les compartiments de la plante, hormis dans les racines et plus concentrés dans la gaine foliaire chez ces espèces, alors que le pâturin des prés ou l'agrostide stolonifère ne semble pas en contenir[4].

Une partie des relations endophyte ↔ plante et de l'origine de ces relations sont encore mal comprises.

Transmission, reproduction & diffusion

Les modes de transmission des endophytes sont dits ,

  • verticaux (passage direct des plantes « parents » aux propagules « enfants ») ; La transmission verticale des champignons endophytes correspond à une reproduction asexuée.
    Elle se fait par des hyphes de champignon pénétrant l'hôte (exemple avecNeotyphodium). Leur taux de réussite en matière de reproduction est intimement liée à celui de leur plante hôte, ces champignons sont donc souvent ceux qui vivent en situation de mutualisme avec leur hôte.
  • horizontaux (passage d'un individu à un autre individu sans nécessité de contact ou lien direct).
    La transmission horizontale est propre aux champignons endophytes à reproduction sexuée. Elle se fait via des spores qui peuvent être disséminées par le vent, ou par un vecteur (insectes en général). Ces champignons se propagent plutôt à la manière d'agents pathogènes infectieux (ils sont souvent apparentés à des espèces pathogènes, mais n'en sont pas eux-mêmes, en tous cas pour leurs plantes-hôtes).

Relation des endophyte-hôte

Elles varient selon les cas.

  • Certains endophytes sont très bénéfiques, voire nécessaires à leur plantes-hôtes. Elles améliorent l'accès de la plante aux nutriments et parfois empêchent certains organismes pathogènes de les coloniser, et inversement (dans le cas de relations symbiotiques vraies) grâce à une batterie de molécules utiles ou défensives produites par le métabolite de l'endophyte[5].
    La colonisation de tout ou partie des tissus végétaux par des endophytes crée et entretient un «effet barrière» empêchant d'autres endophytes qui pourrait être pathogènes de s'installer, faute de place et/ou parce que les endophytes peuvent aussi sécréter des substances biocides ou répulsives à l'égard de ses concurrents, éventuellement pathogènes. L'utilisation par une plante de champignons endophytes pour se défendre est un phénomène très commun.
  • La pénétration du champignon se limite souvent aux racines. Chez certaines espèces elle s'étend à d'autres organes (ex : « endophytes foliaires ».
  • La présence de champignons endophytes se traduit à une évapotranspiration plus importante de la plante hôte, mais les champignons mycorhiziens symbiotes aident aussi la plante à augmenter son accès à l'eau du sol et aux nutriments.
  • Certains endophytes bénéfiques peuvent devenir pathogènes quand la plante, par exemple en situation de stress, ne les contrôle plus. Il semble en réalité exister une complexité probablement sous-estimée des relations d'endophytisme et d'interactions durables, avec un « continuum endophyte pathogène-saprotrophe »[6].

Utilisation

Une large gamme de molécules complexes produits par des endophytes a été découverte et est en cours d'exploration, souvent avec des vertus antibiotiques, et parfois antiparasitaires voire anticancéreuses dans quelques cas quand ils sont utilisés chez les animaux, dont les humains.
Un endophyte notable du point de vue de l'intérêt médicinal a été découvert par le Dr Gary Strobel. C'est Pestalotiopsis microspora, un champignon endophyte vivant à l'intérieur de l'if Taxus wallachiana de l'Himalaya, qui produit le taxol [7]. Les endophytes ou les molécules qu'ils produisent pourraient être utilisés en agriculture, sylviculture ou production de bio ou agrocarburants. Inoculer des plantes cultivées avec certains endophytes peut améliorer la résistance de ces plantes face à divers stress ou maladies[3] ou parasites. D'autres endophytes disposent d'enzymes capables de convertir la cellulose et d'autres sources de carbone, enzymes que certains aimeraient utiliser par exemple via le génie génétique ou d'autres manipulations (inoculations) par exemple pour produire un carburant "myco-diesel»[8]. Piriformospora indica est un champignon endophyte de l'ordre Sebacinales semble pouvoir coloniser les racines et entretenir une relation symbiotique avec n'importe quelle plante terrestre. P. indica s'est aussi montré capable d'augmenter le rendement des récoltes et les défenses de plusieurs variété cultivées (d'orge, tomates, maïs, etc) contre certains des agents pathogènes des racines[9],[10]

Au vu des données disponibles, on peut supposer qu'il puisse exister plusieurs milliers d'endophytes potentiellement utiles à l'humanité. Il n'y a cependant que peu de spécialistes pour les étudier et les forêts et milieux riches en biodiversité sont de plus en plus rapidement détruits ou dégradés et à grande échelle, rendant probable la disparition de nombreux endophytes potentiellement utiles pour la médecine, l'industrie, l'économie... avant même qu'ils ne soient découverts.

Quelques études portent sur les effets réels ou possibles du dérèglement climatique ou d'une augmentation des taux de CO2 sur les endophytes (dans le domaine de la forêt et de l'agriculture essentiellement).

Identification

Beaucoup d'endophytes colonisent de multiples espèces de plantes. Certains ont un ou quelques hôtes spécifiques. On suppose qu'ils coévoluent avec leurs hôtes et son système immunitaire.

Les espèces endophytes déjà connues sont très diverses, et on n'en a probablement identifié, caractérisé et nommé qu'une petite partie. Une seule et même feuille peut abriter de nombreuses espèces d'endophytes, tant bactériennes que fongiques. Ils peuvent être identifiés de plusieurs manières, de plus en plus souvent par amplification (PCR) et séquençage d'un petit morceau d'ADN. Certains endophytes peuvent être mis en culture à partir d'un petit morceau de leur plante-hôte, dans un milieu de croissance approprié. Il existe des espèces cryptiques d'endophytes.

À titre d'exemple, on peut observer des endophytes dans les feuilles des herbacées les plus communes au microscope (grossissement 400 X). Ils ont l'apparence de tubes en spirale (hyphes) une fois les cellules foliaires traitées à l'éthanol et colorées au bleu d'aniline.

Galerie

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Voir aussi

Articles connexes

  • Botanique
  • Epiphyte
  • Biocénose
  • Parasitisme
  • Défense des plantes par champignons endophytes

Liens externes

Bibliographie

  • (en) Cheplick, G.P. and S.H. Faeth. 2009. Ecology and Evolution of the Grass-Endophyte Symbiosis. Oxford University Press, Oxford.
  • (en) Rosenblueth, M., & Martinez-Romero, E. (2006). Bacterial endophytes and their interactions with hosts. Molecular Plant-Microbe Interactions, 19(8), 827-837 (Résumé).
  • (en) Strobel G et al. Microbiology 154 (2008), 3319-3328; DOI 10.1099/mic.0.2008/022186-0

Références

  1. Nota bene : Endophyte est masculin.
  2. (en) George Carroll, « Fungal Endophytes in Stems and Leaves. From Latent Pathogen to Mutualistic Symbiont », Ecology, vol. 69, no 1, , p. 2-9 (DOI 10.2307/1943154)
  3. (en) « University of Rhode Island GreenShare Factsheets: Endopyhte-Enhanced Grasses » (consulté le 14 juin 2009)
  4. Omagra, Ontario (ministère de l'Agriculture) Démystifier les endophytes, consulté 2012-01-07
  5. Tan, R. X., & Zou, W. X. (2001). Endophytes: a rich source of functional metabolites. Natural Product Reports, 18(4), 448-459.
  6. Arnold AE. 2007. Understanding the diversity of foliar endophytic fungi: progress, challenges, and frontiers. Fungal Biol. Rev. 21: 51-66
  7. (en) Gary Strobel, « Taxol from Pestalotiopsis microspora, an endophytic fungus of Taxus wallachiana », Microbiology, no 142, , p. 435–440
  8. Strobel G et al. Microbiology 154 (2008), 3319-3328; DOI 10.1099/mic.0.2008/022186-0
  9. (en) Ajit Varma, « Piriformospora indica, a Cultivable Plant-Growth-Promoting Root Endophyte », Applied and Environmental Microbiology, vol. 65, no 6, , p. 2741–2744 (lire en ligne)
  10. (en) Karl-Heinz Kogel, « The endophytic fungus Piriformospora indica reprograms barley to salt-stress tolerance, disease resistance, and higher yield », Proc Natl Acad Sci(PNAS), vol. 102, no 38, , p. 13386–13391 (PMID 16174735, PMCID 1224632, DOI 10.1073/pnas.0504423102)
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