Dépendance à Internet

La dépendance à Internet (également nommée cyberdépendance, cyberaddiction, netaholisme, usage problématique d'Internet (UPI) ou trouble de dépendance à Internet (TDI)) désigne un trouble psychologique entraînant un besoin excessif et obsessionnel d'utiliser un ordinateur et interférant sur la vie quotidienne. La dépendance à Internet peut être considérée comme pathologique ; elle est par ailleurs diagnostiquée dans le manuel diagnostique et statistique des troubles mentaux (DSM-IV) en tant que modèle de description[1] du TDI.

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Dépendance à Internet.

Des activités en ligne, telles que l'achat en ligne, si faites en personne, peuvent être considérées comme problématiques si celles-ci sont compulsives. D'autres activités, comme les jeux vidéo, sont également considérées comme problématiques si celles-ci interfèrent sur la vie quotidienne. Plusieurs classifications ont été souvent divisées en sous-types vis-à-vis des activités comme notamment la dépendance à la pornographie[2], aux jeux en ligne[3], au réseautage social en ligne[4], aux courriels[5], ou aux achats sur Internet.

L'expression anglophone (Internet addiction) est employée pour la première fois par la psychologue américaine Kimberly Young (en), lors d'un colloque de l’American Psychological Association (APA) à Toronto (Canada) en 1996. Otto Fenichel (mort en 1946) soulève le premier la question des « toxicomanies sans drogues ». Selon le docteur Ivan K. Goldberg, la dépendance à Internet est un symptôme et non un trouble à proprement parler. Il s'inspire de la dépendance aux jeux d'argent pour sa description de l'hypothétique « dépendance à Internet ». Pour Marc Valleur, Médecin-chef au Centre Marmottan à Paris, la cyber-addiction n'est pas à proprement parler une maladie en tant que telle, mais peut être analysée avec les mêmes approches que celles utilisées pour les dépendances aux drogues, à l'alcool ou au tabac[6].

Signes et symptômes

D'après le spécialiste français Romain Cally, « sur le web, la compulsion apparaît lorsque l'internaute ne juge plus son comportement normal, mais ne peut pour autant éviter de se connecter. Si l'individu ne faisait pas cette action, son anxiété en deviendrait difficilement soutenable, voire insupportable[7]. » Selon l'auteur, Internet semble remplir différentes fonctions psychologiques pour l'internaute, tels qu'une échappatoire à une réalité difficilement supportable ou encore un exutoire à des pulsions impossibles à assouvir dans la réalité.

Selon le psychologue américain Ivan K. Goldberg, « la dépendance à Internet peut déterminer la négation ou l’évitement d’autres problèmes de la vie courante »[8]. La conduite addictive traduit l’immaturité socio-affective qui détermine l’impossibilité de se construire une identité psychosociale véritable, solide. La situation est amplifiée par la coexistence d’un sentiment de non-valeur personnelle, de non-reconnaissance[9]. La cyberdépendance se caractérise par l'ensemble des problèmes liés à l'utilisation de l'outil informatique qui auraient un effet négatif et destructeur sur l'utilisateur. Il est question de dépendance à Internet lorsque les symptômes suivants apparaissent :

Symptômes psychologiques allégués[10] :

  • sentiment de bien-être et d'euphorie lors de l'utilisation d'Internet ;
  • incapacité à arrêter d'utiliser Internet ;
  • besoin d'augmenter de plus en plus le temps d'utilisation d'Internet ;
  • manque de temps pour la famille, les amis ou d'autres loisirs ;
  • problèmes d'assiduité ou de performance au travail ou à l'école ;
  • mensonges à la famille ou aux amis sur le temps consacré à Internet ;
  • dépression ou irritabilité lorsque la personne est privée d'Internet.

Symptômes physiques allégués[11] :

Les psychiatres américains et allemands observent une très forte fréquence de ce trouble : le Berliner Zeitung avance le chiffre d’un million pour l'Allemagne.[réf. souhaitée] En France, le problème commence à être décrit surtout chez les adolescents, très friands de jeux vidéo en réseau et de conversations (chat ou les visio-chats).

Tests de dépendance

Bien que la « cyber dépendance » soit un trouble récent, certains tests existent pour déterminer chez un individu si son comportement est obsessionnel et relève de la « cyber dépendance ». Il est donc à noter que les généralités sont difficiles à établir étant donné le caractère récent de la dépendance. Les résultats de ces tests doivent être considérés avec prudence.

Le test intitulé Internet stress scale du médecin américain Dr Mort Orman, a été publié en français dans la revue Toxibase en 2002[12].

L'Internet Addiction Test (IAT) de Kimberly Young (en) est un des premiers instruments pour l'évaluation de la dépendance à Internet. Des études ont montré que l'IAT couvre des caractéristiques clés d'une dépendance et que l'IAT est une méthode de mesure plutôt fiable[13]. Le test mesure l'implication d'une personne dans son utilisation de l'ordinateur et classifie le niveau de dépendance en plusieurs catégories (de léger à sévère). L'IAT n'était pas validé lors de son développement, mais des études ont montré sa validité en anglais[14], italien[15] et français[16].

Un autre test est le Chen Internet Addiction Scale, qui classifie le degré de dépendance à partir de 26 questions sur une Échelle de Likert à base de 4 points. Un score plus élevé indique une dépendance plus forte[17]. Le test est adapté aux propriétés psychométriques des adolescents ainsi qu'aux propriétés psychométriques des adultes[18].

Le chercheur anglais Mark D. Griffiths (en) a identifié six critères qui caractérisent une dépendance à Internet. Ses conclusions sont basées sur le travail contemporain psychologique sur la dépendance aux médias sociaux[19].

Les six critères sont[20]:

  • Saillance
  • Changement d'humeur
  • Tolérance
  • Symptômes de sevrage
  • Conflits
  • Rechute

Troubles possibles

À l'occasion de la préparation du DSM-V, édition du manuel diagnostique et statistique des troubles mentaux (DSM) finalement publié en 2013, des débats ont lieu au sujet de l'opportunité d'y ajouter la dépendance à Internet. Certains pensent que l'addiction à Internet est un trouble existant et qu'il devrait être ajouté ; en revanche, d'autres pensent qu'il ne s'agit pas d'un trouble spécifique et qu'il ne devrait pas être ajouté dans le DSM-V[21].

En 2006, l'Association médicale américaine (AMA) déconseille à l'Association américaine de psychologie (AAP) d'inclure la dépendance à Internet en tant que diagnostic formel dans le DSM-V[22], et recommande grandement une étude sur l'addiction des jeux vidéo[23]. Certains membres de la American Society of Addiction Medicine (ASAM) s'opposent concernant la classification des dépendances à Internet et aux jeux vidéo en tant que troubles[24].

Prévention et traitements

À l'instar du Slow Food, le « slow movement » prône une transition culturelle vers le ralentissement de notre rythme de vie. De nombreux ouvrages, relayés par les médias, donnent des recettes pour apprendre à se déconnecter et prévenir les risques liés à l'hyperconnexion[25].

Dans certains cas, mais pas tous, l'utilisation excessive de l'ordinateur peut rendre Internet inintéressant. En 2005, la journaliste Sarah Kershaw mentionne dans le journal américain New York Times, que « c'est le professeur Kiesler qui désigne l'addiction à Internet comme étant une dépendance ». Selon son point de vue, l'addiction à la télévision est bien pire. Elle ajoute qu'elle fait une étude sur les grands consommateurs d'Internet, et montre que ceux-ci ont considérablement limité leur temps pour y accéder, indiquant que ce problème pouvait se résoudre de lui-même[26].

Les traitements incluent le filtrage d'Internet et la psychothérapie cognitivo-comportementale[27],[28],[29],[30]. Les principales raisons pour qu'Internet instaure une telle emprise sont le manque de limites et l'absence de responsabilité[31].

Des familles, en République populaire de Chine, se sont tournées vers des camps d'éducation qui offrent de « sevrer » leurs enfants, souvent adolescents, face à l'utilisation excessive d'Internet. Les méthodes de ces camps entraînèrent la mort, recensée, d'au moins un adolescent[32]. En novembre 2009, le gouvernement chinois bannit la punition physique concernant l'interdiction d'Internet sur les adolescents. La sismothérapie a déjà été bannie[33].

Dangers

Lutter contre les dangers de l’Internet, comme ceux de la télévision ou des jeux vidéo, ne se borne pas à la vérification du contenu des programmes dans leur violence ou leur véracité.

  • L’entretien des illusions (sur soi-même, les autres, la vie sociale, etc.) apparaît comme un danger majeur.
  • Certains programmes/activités/jeux ont des effets hypnotiques. Cette hypnose varie de la fascination (devant le spectaculaire) jusqu’à la sidération.
  • Il y a une captation du temps et d’énergie des participants.
  • Étudier les contenus demeure un travail permanent : les comportements des personnages mis en scène sont considérés comme des modèles, ils peuvent être amoraux ou irréalistes, il faut évaluer dans quelle mesure ils concourent à une éducation raisonnée humanisante, selon les publics, les circonstances. L’instauration d’une censure pose alors des questions sur la liberté de l’individu, sa responsabilité personnelle, et la responsabilité de la collectivité. La société occidentale actuelle n’a peut-être pas conscience de sa responsabilité sur l’entretien d’une morale collective absolue, mais il reste à protéger les plus faibles et à éduquer les plus jeunes (voir Libertés sur Internet).

Stratégies des créateurs d'applications

Nir Eyal explique dans son livre Hooked : How to Build Habit-Forming Products[34] une liste de principes de manipulation, utilisée par les concepteurs d’applications : « Les récompenses variables sont l’un des outils les plus puissants que les entreprises utilisent pour accrocher les utilisateurs. La recherche montre que le corps sécrète d’importantes quantités de dopamine dès lors que le cerveau s’attend à une récompense. Or l’introduction de la variabilité multiplie l’effet, créant un état de chasse frénétique, qui inhibe les zones du cerveau associées au jugement et à la raison, tout en activant celles associées au désir et à l’exercice de la volonté. »[35].

Bibliographie

Cette bibliographie recense trop d'ouvrages (septembre 2014).
Les ouvrages doivent être « de référence » dans le domaine du sujet de l'article dans lequel ils apparaissent. Il est souhaitable — si cela présente un intérêt — de les citer comme source et de les enlever de la section « bibliographie ».
  • D. Bailly et J.-L. Venisse, Dépendance et conduites de dépendance, Paris, Masson, 1994.
  • Frances Booth, Comment rester concentré dans un monde numérique, Marabout, 2014.
  • Anne Calife, Et, le mail s'envole comme un oiseau, éditions Menthol, 2008
  • Michel Hautefeuille, Dan Véléa, Les Addictions à internet. De l'ennui à la dépendance, Paris, Payot, 2010 (ISBN 2-228-90551-8)
  • Bernard Jolivalt, La réalité virtuelle, Paris, PUF (coll. « Que sais-je ? »), 1995.
  • Jean-Charles Nayebi, La cyberdépendance en 60 questions. Paris,  éd., 2007.
  • Jean-Charles Nayebi, Enfants et adolescents face au numérique, Paris, Odile Jacob, 2010.
  • Nicolas Oliveri, Cyberdépendances. Une étude comparative France-Japon, Paris, L'Harmattan, 2011.
  • Jean-Pierre Rochon M.Sc., psychologue « Les Accros d'Internet » Quebecor, 2004 (www.psynternaute.com)
  • Marie-Anne Sergerie, « Internet : quand l'usage est problématique » in Psychologie Québec, 2009, 26(2), p. 26-28. [PDF]
  • Marie-Anne Sergerie et Jacques Lajoie, « Internet : usage problématique et usage approprié » in Revue québécoise de psychologie, 2007, 28(2), p. 149-159.
  • Serge Tisseron, Virtuel, mon amour : penser, aimer, souffrir, à l'ère des nouvelles technologies, Paris, Albin Michel, 2007.
  • (en) Kimberly Young, Caught in the Net: How to recognize the signs of Internet addiction, and a winning strategy for recovery, New York, John Wiley, 1998.
  • Philippe Spoljar, « Nouvelle technologies, nouvelles toxicomanies ? » in Le Journal des psychologues, 1997, no 144, p. 42-48.
  • J.-L. Venisse, Les nouvelles addictions, Paris, Masson, 1991.
  • Article de référence en psychiatrie, sur le site de l’INSERM
  • Virgile Stark, Le Navigateur obsolète, Les Belles Lettres, 2016

Filmographie

Notes et références

  1. (en) « Internet Addictive Disorder (IAD)Diagnostic Criteria » (consulté en 31 septembre 2009).
  2. (en) « Internet addiction Disorder: The Mind Prison-types », sur Library.thinkquest.org (consulté le 9 novembre 2009).
  3. (en) « Internet addiction Disorder: The Mind Prison-types 2 », sur Library.thinkquest.org (consulté le 11 novembre 2009).
  4. (en) « Internet addiction Disorder: The Mind Prison-types 4 », sur Library.thinkquest.org (consulté le 9 novembre 2009).
  5. (en) Turel O. & Serenko A, « Is mobile email addiction overlooked? », Communications of the ACM, vol. 53, no 5, , p. 41–43. (DOI 10.1145/1735223.1735237, lire en ligne [PDF]).
  6. « A propos des addictions sans drogue », sur cairn.info,
  7. Romain Cally « Internet marketing surconsommation et addictions comportementales » Le Journal des psychologues 2012;299:60-66. document téléchargeable : http://www.fichier-pdf.fr/2014/05/09/cally-romain-internet-marketing-surconsommation-addictions
  8. « Cyberaddiction : Nouvelle « toxicomanie sans drogues » » (consulté le 15 octobre 2011).
  9. « Cyberaddiction : Nouvelle « toxicomanie sans drogues » (2) », sur Psychodoc-fr (consulté le 15 octobre 2011).
  10. « Internetaddiction : Symptômes psychologiques », sur www.bewebaware.ca Be Web Aware (consulté le 15 octobre 2011).
  11. « Internetaddiction : Symptômes physiques », sur www.bewebaware.ca Be Web Aware (consulté le 15 octobre 2011).
  12. « Valleur et Velea : Les addictions sans drogue(s) » [PDF], Revue Toxibase, .
  13. Young, K. (2011). 'Clinical Assessment of Internet-Addicted Clients' in Young, K., Nabuco do Abreu, C. (ed). Internet Addiction. Hoboken: John Wiley & Sons Inc.
  14. Palmira Faraci, Giuseppe Craparo, Roberta Messina et Sergio Severino, « Internet Addiction Test (IAT): Which is the Best Factorial Solution? », Journal of Medical Internet Research, vol. 15, (ISSN 1439-4456, PMID 24184961, PMCID 3806548, DOI 10.2196/jmir.2935, lire en ligne)
  15. Ferraro, G. et al. (2007) 'Internet addiction disorder: An Italian study' CyberPsychology & Behaviour, 10(2), p. 170–175 in Young, K., Nabuco do Abreu, C. (ed). Internet Addiction. Hoboken: John Wiley & Sons Inc.
  16. Khazaal, Y. et al. (2008). 'French validation of the Internet Addiction test.' CyberPsychology & Behaviour, 11(6), p. 703–706. in Young, K., Nabuco do Abreu, C. (ed). Internet Addiction. Hoboken: John Wiley & Sons Inc
  17. Chen S.H.; et al. (2003). "Development of Chinese Internet Addiction Scale and its psychometric study". Chin J Psychol 45: 279–294.
  18. Mak K.K.; et al. (2014). "Psychometric properties of the Revised Chen Internet Addiction Scale (CIAS-R) in Chinese adolescents". J Abnorm Child Psychol 42 (7): 1237–45. 
  19. Daria J. Kuss et Mark D. Griffiths, « Online Social Networking and Addiction—A Review of the Psychological Literature », International Journal of Environmental Research and Public Health, vol. 8, , p. 3528–3552 (ISSN 1661-7827, PMID 22016701, PMCID 3194102, DOI 10.3390/ijerph8093528, lire en ligne)
  20. Griffiths, M. D. (1998) 'Internet addiction: does it really exist?' in Gackenbach, J. (ed), Psychology and the Internet. New York: Academic Press, pp. 61–75.
  21. « L'addiction à Internet, nouvelle maladie mentale ? », Tom's Guide, (consulté le 4 octobre 2012).
  22. (en) « Video Games No Addiction For Now », 26 juin 2007.
  23. (en) Alex Phạm, « Medical association backs off labeling 'video-game addiction' », sur Tribune Company, Los Angeles Times, , p. C1.
  24. (en) « Experts: Video games not an addiction », .
  25. Michaël Stora, Anne Ulpat, Hyperconnexion, Larousse, , p. 10
  26. (en) « Hooked on the Web: Help Is on the Way », sur www.nytimes.com New York Times.
  27. (en) « University of Notre Dame Counceling Center, "Self help - Lost in Cyberspace" », sur Ucc.nd.edu (consulté le 11 novembre 2009).
  28. (en) « Preventions », sur Library.thinkquest.org (consulté le 11 novembre 2009).
  29. (en) « Post-treatments », sur Library.thinkquest.org (consulté le 11 novembre 2009).
  30. (en) « Self-help strategies », sur Library.thinkquest.org (consulté le 11 novembre 2009).
  31. (en) « Internet addiction and lack of accountability », sur internet-addiction-guide.com, (consulté le 6 juillet 2011).
  32. (en) Krajnak Deb, « China probe of abuse at Web addiction camp », sur CNN.com, (consulté le 28 septembre 2009).
  33. (en) Yu Le et Emma Graham-Harrison, « China bans physical punishment for Internet addicts », sur in.reuters.com Reuters (Inde), (consulté le 11 novembre 2009).
  34. éd. Portfolio, 2014 (ISBN 9780698190665) non traduit en français
  35. « Comment les géants du Web capturent notre temps de cerveau », sur Le Monde,
  36. http://www.arte.tv/guide/fr/055145-000/web-junkie

Voir aussi

Articles connexes

Liens externes

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