Co-infection

En microbiologie, la co-infection (ou infection multiple) est l'infection simultanée d'un hôte par plusieurs agents pathogènes. Chez l'homme, en dépit de l'absence de données disponibles sur la prévalence globale, on estime ce phénomène très commun[1], voire plus courant que l'infection simple[2]. Par exemple, la co-infection impliquant des helminthes affecte environ 800 millions de personnes dans le monde[3].

Types de co-infection

Dans le domaine de la médecine (virologie, bactériologie) la co-infection est l'infection simultanée d'une cellule par au moins deux entités virales ou bactérienne différentes. Par exemple, la co-infection des cellules du foie par le virus de l'hépatite B et celui de l'hépatite D, peut conduire au-delà de l'infection initiale à une surinfection.
Dans le cas des bactéries, il peut s'agir de deux souches génétiquement différentes d'une même bactérie, ou de deux espèces différente. Par exemple de deux borrélies différentes dans le cas d'une maladie de Lyme, ou d'une borrélie "associée" à un autre pathogène bactérien ou viral qui aura pu être transmis par la même morsure de tique (il est assez fréquent qu'une même tique porte deux ou plus de deux pathogènes d'espèces différentes ; ainsi chez 1000 tiques Ixodes ricinus collectées dans une zone de loisirs boisée de Thuringe (Centre-Allemagne) des Borrelia spp., Babesia spp. spp Anaplasma. spp Rickettsia., Coxiella burnetii, et Francisella tularensis ont été recherchées ; 43,6 % de ces tiques étaient infectées par au moins un de ces pathogènes. Et, dans 8,4 % des cas, deux pathogènes différents co-existaient dans la tique (et 3 ou plus dans 1,6 % du lot étudié)[4].

La co-infection qui réunit la tuberculose et le VIH est courante et dans certains pays, jusqu'à 80 % des tuberculeux sont séropositifs[5]. La dynamique potentielle d'interconnexion entre ces deux maladies infectieuses est connue de longue date[6]. D'autres cas courants de co-infection concernent le SIDA[7] ou les infections polymicrobiennes telles que la maladie de Lyme[8].

Si une infection aggrave la première on parle de surinfection.

Épidémiologie

Les progrès des techniques de séquençage révèlent un peu plus que les infections multiples sont la règle plutôt que l'exception[9]. Ceci est valable pour les infections virales, bactériennes ou macro-parasitaires[10]. Dans le cas des papillomavirus humains (HPV) par exemple, près de la moitié des infections chez les jeunes femmes sont causées par plus d'un type d'HPV[11].

La prise en compte des infections multiples est particulièrement importante car la propagation d'un pathogène peut interférer avec celle d'un autre pathogène. Par exemple, il a été montré que la co-infection par le paludisme et le VIH augmente la propagation des deux parasites[12].

La fréquence des infections multiples a conduit à une multiplication des termes désignant souvent le même processus. Ainsi, selon les disciplines on parlera d'infection multiple, co-infection, super-infection, infection poly-microbienne, sur-infection ou infection diverse. Des approches en épidémiologie mathématique permettent d'aller vers une typologie des différents types d'infections multiples et de démontrer que 7 patrons d'infections non triviaux se dégagent[13].

Importance clinique d'une co-infection

Elle est évidente quand les agents pathogènes interagissent (positivement ou négativement).

  • Les interactions positives se traduisent par le syndémisme dans lequel la transmission de la maladie et sa progression sont renforcées.
  • Au contraire, parmi les interactions de co-infection négatives figure l'interférence microbienne. C'est le cas lorsqu'une espèce de bactérie supprime la virulence ou la colonisation d'une autre bactérie, telle Pseudomonas aeruginosa supprimant la formation de colonies pathogènes de Staphylococcus aureus[14].

De plus la co-infection peut parfois rendre le diagnostic plus difficile, l'un des pathogènes pouvant masquer ou modifier les symptômes de l'autre, et inversement.

Évolution microbienne

Les infections multiples sont un moteur important de l'évolution microbienne[15]. En effet, la compétition pour les ressources de l'hôte rajoute de fait un niveau de sélection naturelle : la souche parasitaire favorisée n'est plus seulement celle qui se transmet le mieux dans la population mais aussi celle qui parvient à remporter la compétition intra-hôte[16]. Ceci a des conséquences majeures sur les processus d'évolution de la virulence[17]. Dans le cas de l'évolution de la résistance aux antibiotiques, les infections multiples peuvent aussi favoriser les transferts horizontaux de gènes de résistance entre différents génotypes bactériens[18]. Ces processus sont compliqués à prédire car ils mettent en jeu à la fois l'épidémiologie et l'évolution (on parle d'épidémiologie évolutive).

Notes et références

  1. (en) FE Cox, « Concomitant infections, parasites and immune responses », Parasitology, vol. 122 Suppl, , S23–38 (PMID 11442193)
  2. (en) TN Petney et RH Andrews, « Multiparasite communities in animals and humans: frequency, structure and pathogenic significance », International journal for parasitology, vol. 28, no 3, , p. 377–93 (PMID 9559357, DOI 10.1016/S0020-7519(97)00189-6)
  3. (en) DW Crompton, « How much human helminthiasis is there in the world? », The Journal of parasitology, vol. 85, no 3, , p. 397–403 (PMID 10386428, DOI 10.2307/3285768, lire en ligne)
  4. Anke Hildebrandt, Jan Franke, Gernot Schmoock, Katharina Pauliks, Angela Krämer, and Eberhard Straube, Diversity and Coexistence of Tick-Borne Pathogens in Central Germany ; Journal of Medical Entomology 48(3):651-655. 2011 doi: 10.1603/ME10254 (Résumé, en anglais) ;
  5. (en) « Tuberculosis and HIV », World Health Organization
  6. (en) G Di Perri, M Cruciani, MC Danzi, R Luzzati, G De Checchi, M Malena, S Pizzighella, R Mazzi et M Solbiati, « Nosocomial epidemic of active tuberculosis among HIV-infected patients », Lancet, vol. 2, nos 8678-8679, , p. 1502–4 (PMID 2574778)
  7. (en) SD Lawn, « AIDS in Africa: the impact of coinfections on the pathogenesis of HIV-1 infection », The Journal of infection, vol. 48, no 1, , p. 1–12 (PMID 14667787, DOI 10.1016/j.jinf.2003.09.001)
  8. (en) PD Mitchell, KD Reed et JM Hofkes, « Immunoserologic evidence of coinfection with Borrelia burgdorferi, Babesia microti, and human granulocytic Ehrlichia species in residents of Wisconsin and Minnesota », Journal of clinical microbiology, vol. 34, no 3, , p. 724–7 (PMID 8904446, PMCID 228878)
  9. (en) Jonathan J. Juliano, Kimberly Porter, Victor Mwapasa et Rithy Sem, « Exposing malaria in-host diversity and estimating population diversity by capture-recapture using massively parallel pyrosequencing », Proceedings of the National Academy of Sciences, vol. 107, no 46, , p. 20138–20143 (ISSN 0027-8424 et 1091-6490, PMID 21041629, DOI 10.1073/pnas.1007068107, lire en ligne)
  10. (en) Oliver Balmer et Marcel Tanner, « Prevalence and implications of multiple-strain infections », The Lancet Infectious Diseases, vol. 11, no 11, , p. 868–878 (DOI 10.1016/s1473-3099(11)70241-9, lire en ligne)
  11. Anil K. Chaturvedi, Hormuzd A. Katki, Allan Hildesheim et Ana Cecilia Rodríguez, « Human Papillomavirus Infection with Multiple Types: Pattern of Coinfection and Risk of Cervical Disease », The Journal of Infectious Diseases, vol. 203, no 7, , p. 910–920 (ISSN 0022-1899, DOI 10.1093/infdis/jiq139, lire en ligne)
  12. (en) Laith J. Abu-Raddad, Padmaja Patnaik et James G. Kublin, « Dual Infection with HIV and Malaria Fuels the Spread of Both Diseases in Sub-Saharan Africa », Science, vol. 314, no 5805, , p. 1603–1606 (ISSN 0036-8075 et 1095-9203, PMID 17158329, DOI 10.1126/science.1132338, lire en ligne)
  13. Mircea T. Sofonea, Samuel Alizon et Yannis Michalakis, « Exposing the diversity of multiple infection patterns », Journal of Theoretical Biology, vol. 419, , p. 278–289 (DOI 10.1016/j.jtbi.2017.02.011, lire en ligne)
  14. (en) L. R. Hoffman, E. Deziel, D. A. D'argenio, F. Lepine, J. Emerson, S. McNamara, R. L. Gibson, B. W. Ramsey et S. I. Miller, « Selection for Staphylococcus aureus small-colony variants due to growth in the presence of Pseudomonas aeruginosa », Proceedings of the National Academy of Sciences, vol. 103, , p. 19890 (PMCID 1750898, DOI 10.1073/pnas.0606756104)
  15. (en) Andrew F. Read et Louise H. Taylor, « The Ecology of Genetically Diverse Infections », Science, vol. 292, no 5519, , p. 1099–1102 (ISSN 0036-8075 et 1095-9203, PMID 11352063, DOI 10.1126/science.1059410, lire en ligne)
  16. Nicole Mideo, « Parasite adaptations to within-host competition », Trends in Parasitology, vol. 25, no 6, , p. 261–268 (DOI 10.1016/j.pt.2009.03.001, lire en ligne)
  17. (en) Samuel Alizon, Jacobus C. de Roode et Yannis Michalakis, « Multiple infections and the evolution of virulence », Ecology Letters, vol. 16, no 4, , p. 556–567 (ISSN 1461-0248, DOI 10.1111/ele.12076, lire en ligne)
  18. Samuel Alizon, C'est grave Docteur Darwin? : l'évolution, les microbes et nous, Éditions du Seuil, (ISBN 2021102920, OCLC 940971773, lire en ligne)

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