Charbon actif
Le charbon actif, aussi nommé charbon activé ou carbone activé, est un matériau constitué essentiellement de matière carbonée à structure poreuse.
On appelle charbon actif tout charbon ayant subi une préparation particulière et qui, de ce fait, possède à un haut degré la propriété de fixer et de retenir certaines molécules amenées à son contact. Il s'agit d'une structure amorphe composée principalement d'atomes de carbone, généralement obtenue après une étape de carbonisation d'un précurseur à haute température.
Un charbon actif présente en général une grande surface spécifique qui lui confère un fort pouvoir adsorbant. L'adsorption est un phénomène de surface par lequel des molécules se fixent sur la surface de l'adsorbant par des liaisons faibles : forces de Van der Waals, interactions électrostatiques, liaisons hydrogène.
Des preuves de l'utilisation du charbon actif remontent à l'Antiquité avec des utilisations médicinales par Hippocrate vers 400 ans av. J.-C. ou pour de la purification d'eau par les Égyptiens vers 1 550 ans av. J.-C. Au XVIIIe siècle, le noir animal, produit à partir d'os, a été employé pour la purification de liquides par filtration et pour la décoloration, notamment pour la production de sucre blanc. L’Écossais John Stenhouse s'en servit pour les premiers masques respiratoires (1860, 1867).
C'est au XXe siècle que les procédés de production furent améliorés pour permettre une production industrielle de charbons actifs pour des applications variées: capture de polluant en phase gazeuse ou aqueuse, procédés de séparation de gaz, etc. Des procédés de traitement physique ou chimique ont été mis au point pour permettre la production de charbons actifs ayant une meilleure efficacité: le chimiste suédois von Ostreijko définit les bases de l'activation physique (vapeur d'eau dioxyde de carbone) et chimique (chlorures métallique) dans deux brevets datés de 1900 et 1901, et l'activation chimique par des acides (Bayer, 1905), etc.
Fabrication
Fabrication industrielle
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Le charbon actif peut être produit à partir de toute matière organique végétale riche en carbone : bois, écorce, pâte de bois, coques de noix de coco, coques de cacahuètes, noyaux d'olives, ou bien de houille, tourbe, lignite, résidus pétroliers.
La fabrication se décompose en deux étapes :
- une première étape de calcination ou carbonisation (ou pyrolyse), à forte température, des produits constituants. Une première porosité est créée par cette étape, en effet les éléments autres que le carbone laissent des pores dans la matrice carbonée lorsqu'ils se volatilisent ;
- une deuxième étape d'activation consiste à augmenter le pouvoir adsorbant, notamment en éliminant les goudrons qui obstruent les pores et ce, selon deux procédés distincts :
- l'activation physique, nouvelle combustion avec choc thermique (à 900 à 1 000 °C), effectuée dans un courant d'air et de vapeur d'eau, injectés sous pression (procédé d'oxydation contrôlée), va créer des millions d'alvéoles microscopiques sur la surface du charbon, augmentant de façon très importante sa surface et son pouvoir d'adsorption. Ce procédé donne un charbon à pores étroits,
- l'activation chimique, surtout par de l'acide phosphorique entre 400 °C et 500 °C. Ce procédé donne un charbon à pores plus larges.
Les charbons peuvent aussi être activés physiquement au CO2, ou chimiquement par des acides de Lewis (historiquement le chlorure de zinc était très utilisé) ou de l'hydroxyde de potassium. Lorsque les charbons sont activés chimiquement, l'agent d'activation est rincé et recyclé.
Certains procédés permettent de combiner les deux étapes.
Le diamètre des pores dépend également des pores existant dans la matière première utilisée. Les coques de noix de coco et les bois très denses donnent des micro-pores (< 2 nm), les bois moyens à blanc donnent des mésopores (entre 2 et 50 nm) ou des macropores (> 50 nm).
Le charbon actif est produit dans pratiquement tous les pays du monde où l'on trouve des ressources ligneuses (bois, coques de noix, écorces, brindilles, feuilles...).
Fabrication du charbon végétal
En France, le charbon végétal se fabriquait à partir du bouleau, du chêne, du hêtre, du peuplier, du pin, du saule ou du tilleul[1].
Le charbon de peuplier, aussi connu sous le nom de « charbon de Belloc », se prépare à partir de pousses d'arbres de trois à quatre ans. Les pousses sont calcinées en vase clos. Le charbon est bouilli dans de l'acide chlorhydrique dilué à 1/32e. Il est ensuite lavé, séché et pulvérisé. Il se conserve à l'abri de l'air pour lui éviter d'absorber les gaz atmosphériques et l'humidité[1].
Fabrication du charbon animal
Le charbon animal est fabriqué à partir d'os frais d'animaux. Les arêtes de poissons sont à exclure. La graisse est extraite par ébullition ou à l'aide d'un solvant. Les os sont broyés puis carbonisés. Pendant la carbonisation il s'en dégage une huile et un gaz. Le gaz est lavé pour en retirer l'ammoniac. L'opération dure en moyenne 8 heures.
Il peut être recyclé et ainsi être utilisé plusieurs années. Quand il a perdu son pouvoir adsorbant, il est traité à l'acide sulfurique pour former du superphosphate[2].
Propriétés
La surface développée par le charbon actif est énorme : un gramme de charbon actif a une surface spécifique comprise entre 400 et 2 500 m2. Il est hydrophobe.
L'adsorption des gaz nécessite des pores de 1 à 2 nm, alors que des pores de 2 à 10 nm suffisent pour l'adsorption des liquides.
Utilisations
Le charbon actif est utilisé dans de nombreux domaines :
Filtration
- systèmes de filtration de l'air contaminé notamment dans les abris antiatomiques ;
- décontamination de l'eau potable : le charbon actif retient un grand nombre de composés organiques, tels les pesticides. Ce procédé élimine 100 % du chlore et 95 % du plomb présent dans l'eau des municipalités[3]. Cet usage représente 20 % du marché mondial ;
- masques à gaz ;
- filtres à cigarettes ;
- filtres utilisés dans les installations de ventilation en circuit fermé (par exemple, hotte de cuisine) ;
- filtration de polluants organiques (en particulier les traitements médicamenteux).
- système de filtration pour aquarium [4]
Des « éco-textiles » développés dans les années 1980 à base de charbon activé en fibres tissées sont utilisés pour produire des masques épurant l'air respiré par les cyclistes, des vêtements militaires ou utiles dans les contextes de lutte contre le risque chimique, radiologique ou biologique, des vêtements absorbant certains toxiques ou odeurs corporelles (pour les astronautes par exemple), des sous-vêtements absorbant l'odeur des flatulences[5], ou pourraient être utilisés pour épurer l'eau et l'air, ou dans les hôpitaux, ou dans certains contextes, grâce notamment aux radicaux hydroxyles qu'ils créent. Peu coûteux, ils sont très efficaces par rapport à d'autres types de filtres[6].
Chimie[7]
- déchloration des eaux : eau potable et autres liquides alimentaires (bière, boissons gazeuses, etc.). Le chlore des oxydants chlorés (chlore : Cl2 ; acide hypochloreux : HClO ; hypochlorite : ClO−) est réduit en chlorures (Cl−) par une action catalytique ;
- traitement des effluents liquides ;
- Hygiène industrielle : support de prélèvement pour polluants dans l'air (molécules carbonées principalement)
- détachage des vins blancs, comme le Champagne produit à partir de pinot noir (raisin noir à jus blanc) : les pigments de la peau du raisin, qui peuvent colorer le jus, sont absorbés par un charbon activé chimiquement et exempt de fer afin d'éviter la casse ferrique du vin. Un traitement à la bentonite-caséine a le même effet.
- décoloration du sucre ;
- décaféination du café : avec de l'eau ;
- stockage de l'hydrogène (nanofibres de charbon actif ou de dérivés du charbon) ;
- support pour métaux catalytiques ultra divisés (par exemple : platine ou nickel sur charbon actif) ;
- l'élimination des hydrocarbures dans l'eau.
Industrie
- extraction de l'or des minerais (fixation sur le charbon actif) ;
- stockage de l'hydrogène (nanofibres de charbon actif ou de dérivés du charbon) ;
- balais (frotteurs) dans les générateurs et moteurs (utilisation de plus en plus rare) ;
- supercondensateurs.
- Utilisé comme Tamis moléculaire adsorbant dans les Adsorbeurs par inversion de pression (PSA) notamment dans les générateurs d'azote industriels[8]
Médecine
- Il a été utilisé en tant que chélateur dans un grand nombre d'intoxications, toutefois les indications ont été très restreintes, principalement en raison des délais de prise en charge : le charbon activé cesse d'être utile au-delà de 3-4 heures après l'intoxication ;
- épuration digestive ;
- abaissement du taux de cholestérol total et du taux des LDL[9] ;
- diarrhées, le charbon actif étant un constipant ou antidiarrhéique ;
- aigreurs d'estomac, aérophagies, flatulences ;
- ainsi que, avec un succès relatif, dans les cas de gastro-entérites, de gastralgies, dans les états d'infection de l'intestin accompagnés de constipation, de borborygme et de fermentation intestinale ;
- certains vont même l'utiliser, en tant que cataplasme (mélangé avec de l'eau) pour tenter de contrer, juste après la morsure, les effets d'un venin de serpents, de piqûres d'hyménoptères (abeilles...), d'arachnides (araignées...) et de cœlentérés (anémone de mer...). L'efficacité de cette dernière utilisation n'est pas garantie.
On peut se procurer ce charbon activé (officinal ou commercial) ou Charbon de Belloc dans les pharmacies et dans des magasins d'aliments bio. En cas d'intoxication, un avis médical rapide reste indispensable.
Le charbon activé n'a ni goût, ni odeur, ni effet désagréable. En absence d'ulcère gastro-duodénal évolutif ou d'occlusion intestinale, le charbon activé n'a pratiquement aucune contre-indication, hormis celles qui sont liées à tout produit antidiarrhéique (voir article Épuration digestive). Il est très bien toléré, même à doses élevées. Comme son adsorption est rapide, il est efficace dès son ingestion. Il est à noter, cependant, que la prise de charbon activé n'est pas compatible avec un traitement médicamenteux[Lequel ?], le charbon activé adsorbant les molécules actives de ces mêmes médicaments[Lesquels ?]. Il faut donc décaler de 2 ou 3 heures la prise de charbon actif avec la prise d'autres médicaments[réf. nécessaire].
La toxicité du charbon actif n'est toutefois pas nulle : même si le processus d'activation réduit fortement le taux de HAP par oxydation, celui-ci n'en est pas exempt, tout comme le taux en métaux lourds présents dans la matière première. La concentration en benzo[a]pyrène (l'un des HAP les plus cancérigènes) est limité à 50 µg/kg dans le charbon actif alimentaire[10]. Le charbon actif n'est toutefois pas absorbé par l'appareil digestif et garde confiné ces composés, ce qui diminue significativement leur toxicité[11]. L'Autorité européenne de sécurité des aliments (AESA) considère qu'aux niveaux d'utilisation rencontrés couramment, le charbon végétal contenant moins de 1,0 µg/kg de résidus organiques cancérigènes ne pose pas de risque pour la santé.
Agroalimentaire
Largement répandu dans l'agroalimentaire, le charbon actif a deux familles d'applications : pour ses propriétés de décoloration d'une part et pour sa capacité à purifier d'autre part. On trouve du charbon actif dans :
- La décoloration : des édulcorants (glucose, saccharose, et dérivés de l'industrie de l'amidon), des acides organiques issus de procédés fermentaires, des acides aminés et des vitamines. Mais il est aussi autorisé comme colorant dans l'alimentation biologique[12] sous le nom E153.
- La purification des huiles végétales et animales par l'élimination des PAH, l'abattement de toxines dans les jus de fruits, la production d'eau "ingrédient" pour tout type de produit alimentaire.
- Alimentation animale : pour l'élimination de certaines mycotoxines[13].
Réactivation et régénération
Après un certain temps de traitement de l'air, d'un gaz ou d'un liquide, le charbon actif finit par être saturé ou perd beaucoup de son efficacité. À la différence du charbon actif en poudre (incinéré ou mis en décharge) le charbon actif en grain peut - dans une certaine mesure - être recyclé.
La méthode la plus utilisée est la « réactivation thermique » : le charbon actif est placé dans un four entre 700 et 900 °C en présence de vapeur d'eau. Les molécules adsorbées sont dévolatilisées. Si elles sont organiques, elles sont pyrolisées. Le résidu présent dans les pores d'adsorption est gazéifié au moyen de la vapeur d'eau présente dans l'atmosphère du four. Le charbon actif retrouve sa structure initiale libre de tout polluant[14].
Il peut être également régénéré par des lavages acides ou alcalins. Dans ce cas, il ne récupère qu'une partie de sa capacité, car il n'est pas possible d'éliminer la totalité des molécules adsorbées. On parle alors de capacité de travail.
Rôles du calcium
Les ions calcium libérés de la surface d'un charbon activé lors d'un processus de traitement de l'eau jouent un grand rôle dans la bonne fixation de micropolluants organiques anioniques. On a par exemple montré que des taux micromolaires d'ion calcium accroissent fortement l'adsorption du dodecylsulfate de sodium (DSS) sur un charbon actif débarrassé de la plus grande partie de ses ions métalliques de surface grâce à un rinçage par de l'acide chlorhydrique. Ce calcium ajouté permet de neutraliser les charges négatives des groupements fonctionnels de surface du charbon, mais aussi les charges négatives issus du DSS déjà adsorbé, ce qui augmente la fixation supplémentaire de DSS. Les traitements subis par le charbon activé avant l'adsorption de micropolluants peuvent fortement modifier la capacité d'adsorption du charbon. Le fait d'ajouter des ions calcium dans l'eau à filtrer améliore les rendements de l'adsorption de micropolluants anioniques sur le charbon actif[15].
Divers
Le charbon activé fait partie de la liste des médicaments essentiels de l'Organisation mondiale de la santé (liste mise à jour en avril 2013)[16].
Le charbon actif est également un des ingrédients principaux dans la création de terrarium. Il permet d'absorber le surplus d'eau et contribue au maintien de l'écosystème[17].
Notes et références
- Note : cet article a été notamment rédigé à partir de l'article de la page Métaux lourds, pollutions diverses, comment faire pour se désintoxiquer ???, du site de l'association Action Santé Environnement.
- Paul-Victor FOURNIER, Dictionnaire des plantes médicinales et vénéneuses de France, Omnibus, , 1047 p. (ISBN 9782258084346), p. 507, 752, 934
- (en) Edward THORPE, A Dictionary of Applied Chemistry, vol. 2, London, Longmans, Green, and co, , p. 482.
- « Filtration – Membre de Momentum 2000 inc. », Membre de Momentum 2000 inc., (lire en ligne)
- « (Charbon actif, comment ça marche) », (2004) (consulté en (2011/11/16))
- Bridgette Meinhold (2013), Shreddies’ Flatulence-Neutralizing Undies Let You “Fart With Confidence”, publié 2013-10-28, consulté 2013-10-17
- Bridgette Meinhold (2010),Inexpensive Activated Carbon Cloth Could Clean Up Toxic Waste, Ecouterre, brève publiée 2010-12-11 consultée 2013-11-17
- Applications du charbon actif.
- http://www.atlascopco.com/nitrogenfr/products/nitrogengenerator/
- Fiche du charbon actif sur le site complements-alimentaires.org
- Fiche du charbon actif sur le site additifs-alimentaires.net
- (en) Scientific Opinion on the re-evaluation of vegetable carbon as a food additive, Groupe sur les additifs alimentaires et les sources de nutriments ajoutées aux aliments de l'AESA
- Reglement (CE) N°889/2008
- Supplémentation alimentaire en charbon actif dans l'élevage
- Benbekhti, A., Ouagued, A., Benerdouch, N., Bestani, B., & Termoul, M. Etude cinétique et adsorption pour l’élimination du Jaune Remazol Par le CAG à base des noyaux d’olives et régénération thermique. Eau-Environnement, 36.
- résumé
- WHO Model List of Essential Medicines, 18th list, avril 2013
- « Les 10 règles pour un terrarium réussi », Détente Jardin, (lire en ligne)
Voir aussi
Articles connexes
- Filtre
- Filtration
- Aérosol
- Filtre à air
- Biochar
- Biocharbon
- Métaux lourds
- Équipement d'extraction et dosage de charbon actif en poudre
Bibliographie
- Amuhf (1992), Épuration digestive lors des intoxications digestives, Nîmes, le 27 novembre 1992, lien
- Courty, Clément. (1952), Charbons Activés : adsorption des gaz et des vapeurs, Gauthier-Villars.
- Delage, F (2000), “Echauffement des lits de charbon actif lors de l'adsorption de composés organiques volatils: étude expérimentale et modélisation”, PhD thesis, Université de Poitiers, Ecole des Mines de Nantes, France.
- Versini, François. (2013), Le charbon de bois activé, , Rouge et Vert éditions. Nouvelle édition.
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