Cellule souche

En biologie cellulaire, une cellule souche est une cellule indifférenciée capable, à la fois, de générer des cellules spécialisées par différenciation cellulaire et de se maintenir dans l'organisme par prolifération ou division asymétrique. Les cellules souches sont présentes chez tous les êtres vivants multicellulaires. Elles jouent un rôle central dans le développement des organismes ainsi que dans le maintien de leur intégrité au cours de la vie.

Pour les articles homonymes, voir Cellule souche (homonymie).
Cellules souches embryonnaires de souris en culture.

L'étude des cellules souches animales est un domaine de recherche très actif notamment en raison de leurs applications en médecine. Ce domaine d'étude a récemment connu une rapide expansion avec la mise au point de techniques permettant de générer, en culture, des cellules souches pluripotentes à partir de n'importe quelle cellule du corps, ces cellules souches sont dites induites[1]. Cependant, les cellules souches sont également présentes chez les autres formes de vie pluricellulaire comme dans les méristèmes des plantes.

Potentiel

Les cellules souches peuvent se distinguer en fonction de leur potentiel de différenciation :

  • Les cellules souches totipotentes : pouvant donner tout type cellulaire, et donc un organisme entier.
  • Les cellules souches pluripotentes : capables de donner tous les types cellulaires sauf les annexes embryonnaires.
  • Les cellules souches multipotentes : susceptibles de donner différents types de cellules, mais spécifiques d'un lignage cellulaire donné.
  • Les cellules souches unipotentes : qui ne peuvent donner qu'une seule sorte de cellule (elles peuvent cependant, comme toute cellule souche, s'auto-renouveler, d'où l'importance de les distinguer des précurseurs).

Caractéristiques

Un zygote : spirogyra sp.(zygnematales).
Colonie de cellule souche humaine en culture avec des fibroblastes murins.

Les cellules souches sont souvent capables d'effectuer deux types de division cellulaire : une, classique, elle est dite symétrique (la cellule se divise en 2 cellules souches) et une asymétrique, qui donne d'un côté un progéniteur, cellule plus différenciée, et de l'autre une cellule souche. Ainsi, c'est l'utilisation de la division asymétrique qui permet à une population souche de maintenir son nombre plus ou moins constant lors de la production de cellules différenciées.

Il existe deux étapes dans la création d'une cellule différenciée :

  • la différenciation, durant laquelle une cellule subit un changement qualitatif de phénotype. Par exemple, l’apparition de nouvelles protéines membranaires, due à l’activation de l’expression d’un gène donné. Une différenciation stricto sensu est donc un événement ponctuel ;
  • la maturation où la cellule subit un changement quantitatif de phénotype. Cela correspond à l’augmentation de la production de certaines protéines, et donc nécessairement plus ou moins long.

On pourra ainsi distinguer trois phases lors de la formation d'un tissu différencié :

  1. Une première dans laquelle les cellules souches se divisent et soit se renouvellent, soit créent des cellules déterminées. Cette phase ne comprend que des divisions mitotiques.
  2. Dans la phase suivante, qualifiée d’intermédiaire, les cellules déterminées sont des cellules de transit, elles subissent à la fois des mitoses et une maturation/différenciation. Elles deviennent donc de plus en plus mûres, tout en continuant à se diviser.
  3. La dernière phase est une phase de maturation : les cellules ne se divisent plus mais ne font plus que se différencier et mûrir, jusqu’à donner des cellules mûres, dotées de tout le matériel nécessaire à leur fonction.

Entre la première phase (prolifération sans différenciations) et la troisième (différenciations sans prolifération), la phase intermédiaire est très flexible, permettant des périodes de maturation plus ou moins longues, différent selon les lignées cellulaires.

Les cellules souches existent durant toute la vie de l'organisme, mais on peut distinguer, chez les mammifères notamment, les cellules souches embryonnaires et les cellules souches adultes.

Fonctions

Articles détaillés : cellule souche animale et méristème.

Développement embryonnaire

Les cellules souches embryonnaires sont les cellules centrales du développement, puisqu'elles vont générer progressivement toutes les autres cellules de l'organisme, grâce à des étapes de différenciation et de prolifération finement orchestrées pour créer, finalement, un individu pluricellulaire viable.

Organisme adulte

Cellules souches embryonnaires humaines :
A : cellules souches humaines encore indifférenciées.
B : cellules nerveuses.

Les cellules souches adultes sont beaucoup plus rares, puisqu'une fois le développement terminé, la nécessité de proliférer peut devenir dangereuse. Les cellules souches perdurent donc en des endroits restreints dans chaque tissu ; ces niches ont des mécanismes de maintien complexes et sont régulées pour ne produire que les cellules nécessaires au maintien d'un organisme fonctionnel.

Ces cellules souches sont moins « pluripotentes » que celles constituant l'embryon : elles ne peuvent produire que des cellules spécifiques de leur tissu. Par exemple, chez les mammifères adultes, les cellules souches hématopoïétiques régénèrent en continu les cellules du sang. Il existe également des cellules souches intestinales ainsi que des cellules souches neurales. Ces dernières ne sont présentes que dans deux régions distinctes du cerveau : l'hippocampe et la zone sous-ventriculaire (zone bordant les ventricules latéraux).

La présence de cellules souches peut servir différents mécanismes en fonction du tissu :

  • Les cellules souches seraient en partie responsables de la régénération des membres chez certains animaux. Ce phénomène existe ainsi chez certains vertébrés (comme le lézard, le triton ou la salamandre).
  • l'organe contenant le tissu doit grandir soit durant la croissance, soit pour pouvoir assurer une fonction, par exemple le cœur des athlètes est plus gros, l'utérus grossit durant la grossesse, etc.
  • les cellules vieillissent et meurent (par exemple les globules rouges, cellules sans noyau et privées d'ADN, dont la durée de vie est de 120 jours ou encore les kératinocytes de la surface de la peau) et celles-ci doivent se renouveler.
  • un traumatisme, une ischémie, ou d'autres phénomènes peuvent créer la mort de cellules qui doivent être régénérées ; cette régénération est parfois imparfaite soit par manque de cellules souches, soit parce que l'architecture du tissu est trop bouleversée (ce qui dépend à la fois du tissu et du dommage qu'il a subi).

Découvertes

Article détaillé : Cellules souches embryonnaires.

Les travaux de Leroy Stevens et Barry Pierce dans les années 1950 sur les murins ont permis d’isoler les cellules souches embryonnaires (en abrégé ES pour embryonic stem). Des cellules capables de générer toutes les cellules sanguines sont découvertes dans la moelle osseuse. La première greffe de moelle osseuse est effectuée en 1958.

En 1981, les cellules souches embryonnaires ont été identifiées chez la souris par Martin Evans, Kaufman et Martin[2],[3], et en 1998 chez l’homme par les équipes de l'Américain James Alexander Thomson, de Joseph Itskovitz-Eldor et de l'Israélien Benjamin Reubinoff[4],[5]. En 2000, ce dernier transforme des cellules ES en neurones[6].

En 2006, les cellules souches pluripotentes induites (CSPi) sont découvertes indépendamment par Shinya Yamanaka et James Alexander Thomson[7]. Ces cellules iPS sont des cellules matures qui permettent ainsi de donner naissance à tous types de cellules de l'organisme. Cette technique passe par ailleurs par la reprogrammation génétique en laboratoire[8]. En outre, la manipulation génétique permet d’obtenir de telles lignées cellulaires sans destruction d’embryons. Cette découverte a été récompensée par le prix Nobel de médecine en 2012 pour Shinya Yamanaka.

Techniques de production de cellules souches

Il existe plusieurs types de techniques pour obtenir des cellules souches pluripotentes :

  • à partir d'embryons (cellules souches embryonnaires),
  • à partir d'œufs non fécondés,
  • à partir de cellules souches embryonnaires modifiées en laboratoire,
  • à partir d'une cellule mature reprogrammée génétiquement,
  • à partir d'une cellule différenciée et mature puis cultivées en laboratoire.

Applications médicales

Article détaillé : cellule souche (médecine).

En médecine, les cellules souches animales et humaines font l'objet de nombreuses recherches depuis les années 1990, avec l'espoir de régénérer des tissus, voire d'en créer de toutes pièces, et idéalement de reconstruire des organes (thérapie cellulaire) de la même façon que les opozones[9], inventées par Auguste Lumière. Ces avantages potentiels ont suscité des expérimentations de clonage thérapeutique pour en maîtriser la fabrication en grand nombre.

Le premier médicament fabriqué à base de cellules souches est approuvé en mai 2012 par les autorités canadiennes. Il s'agit du Prochymal, une préparation obtenue à partir de cellules souches adultes mésenchymateuses[10].

Notes et références

  1. (en) Takahashi et al., « Induction of Pluripotent Stem Cells from Adult Human Fibroblasts by Defined Factors », Cell, vol. 131, no 5, , p. 861-872. (DOI 10.1016/j.cell.2007.11.019).
  2. (en) Nature, 1981, Vol. 292:154-6, Evans and Kaufman, Establishment in culture of pluripotential cells from mouse embryos
  3. (en) Proc Natl Acad Sci U S A. 1981, 78:7634-8., Martin GR, Isolation of a pluripotent cell line from early mouse embryos cultured in medium conditioned by teratocarcinoma stem cells
  4. (en) Thomson JA et al. Science 1998, 282:1145-7 Embryonic stem cell lines derived from human blastocysts.
  5. (en) Nat Biotechnol. 2000, 18:399-404, Reubinoff BE et al. Embryonic stem cell lines from human blastocysts: somatic differentiation in vitro.
  6. Cellules souches : elles repoussent les limites de la vie !, Science et Vie, n°1070, novembre 2006, page 57.
  7. Avec la collaboration de Mathilde Girard, Les cellules pluripotentes induites (IPS), www.inserm.fr, consulté le 7 février 2014.
  8. Reprogrammation: Comment changer n'importe quelle cellule du corps en une cellule souche pluripotente, www.eurostemcell.org, 5 Oct 2010.
  9. Auguste Lumière, Mes travaux et mes jours, autobiographie, Éd. La Colombe, Lyon, 1953, p. 129.
  10. (en) Andrew Pollack, A Stem-Cell-Based Drug Gets Approval in Canada, The New York Times

Voir aussi

Bibliographie

  • Max de Ceccatty, Conversations cellulaires, éd. du Seuil, Paris, 1991 (épuisé, mais disponible dans les bibliothèques ; ne parle pas des cellules souches en elles-mêmes, mais détaille les processus de communication qui les rendent utiles)

Articles connexes

  • Portail de la biologie cellulaire et moléculaire
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