Voie Domitienne

La voie Domitienne (Via Domitia) est une voie romaine construite à partir de 118 av. J.-C. pour relier l’Italie à la péninsule Ibérique en traversant la Gaule narbonnaise.

Pour les articles homonymes, voir Via Domitia.

Ne doit pas être confondu avec Via Domitiana.

Dénomination

La dénomination de via Domitia n'est attestée pour l'Antiquité que pour le tronçon allant du Rhône aux Pyrénées, même s'il est probable que la partie entre le Rhône et la frontière de la Narbonnaise, vers Chorges, était aussi appelée via Domitia. La partie de Gap (Vapincum) à Suse (Segusium) au travers des Alpes Cottiennes s'appelait plus particulièrement via Cottia per Alpem.

Cet itinéraire entre l'Italie et l'Espagne avait une variante importante proche du littoral ; mais le passage par les Alpes était à la fois plus sûr, plus rapide et plus fréquenté[1].

Historique

Selon certaines légendes, la voie Domitienne reprendrait un itinéraire créé par Héraclès (Hercule), la voie Héracléenne[2].

Elle a été créée afin de rendre cohérent un réseau de voies existantes[2], à partir de 118 av. J.-C. à l’instigation du proconsul Cneus Domitius Ahenobarbus dont elle porte le nom.

Cette route devait assurer les communications avec Rome et permettre l’installation et la circulation de garnisons protégeant des villes devenues romaines. La colonie romaine de Narbo Martius (Narbonne) est fondée sur son parcours, et devient la plus importante ville du sud de la Gaule.

L'itinéraire de l'Anonyme de Bordeaux passe dans la région et suggère un passage par ce site.

Première route construite par les Romains en Gaule, elle franchit les Alpes au col de Montgenèvre (1 850 m), suit la vallée de la Durance, longe le Luberon par le nord, franchit le Rhône à Beaucaire, passe par Nîmes (Nemausus) et suit la côte du golfe du Lion jusqu'à l'Espagne, en reliant sur son chemin les principales villes romaines (Ugernum/Beaucaire, Nemausus/Nîmes, Baeterrae/Béziers, Narbo/Narbonne, Ruscino), correspondant à une ancienne cité gauloise ou fondées à proximité[3]. Elle contourne donc le territoire de Massalia, cité grecque indépendante jusqu'en -48 (devenue Massilia en latin).

Bien que destinée à la circulation des légions romaines, elle est rapidement empruntée par les marchands. Plus tard, ce sont les fonctionnaires de la République puis de l’Empire qui l’utilisèrent (poste impériale ou cursus publicus). La construction de cette voie fut bénéfique à l'économie locale grâce aux échanges qu'elle facilita entre les cités.

Voie Domitienne entre Apta Julia et les Alpes provençales.
Borne milliaire de Tavernoure dans les Alpes-de-Haute-Provence.

Le tracé de la Via Domitia est connu assez précisément grâce à plusieurs sources : les gobelets de Vicarello, la Table de Peutinger et l'Itinéraire d'Antonin (la source la moins fiable). Elle est construite de manière presque rectiligne sur des terrains solides. L'observation des cartes topographiques montre très souvent le parcours qu'elle empruntait. Les routes modernes empruntent encore souvent le tracé de la Via Domitia (N85 - N100 - A9…).

Dans les villes qu’elle traverse, elle est pavée ou dallée, mais la plupart du temps, c’est un chemin en terre battue sur des couches stratifiées de gravier et de cailloutis[4].

La voie était ponctuée de bornes milliaires, qui correspondent plus ou moins à nos actuels panneaux indicateurs, indiquant les distances entre la borne et les villes voisines. Sur le tracé de la Via Domitia ont été recensées plus de 90 bornes[5] de ce type.

Quand la voie entre dans une ville, elle traverse généralement une enceinte en passant sous une porte ou un arc de triomphe, comme à Nemausus avec la Porte d’Auguste ou à Glanum avec l'Arc de triomphe.

Au XIe siècle et jusqu'à la fin du Moyen Âge, des tronçons sont toujours utilisés et forment, en particulier entre Narbonne et le Roussillon, une partie de ce qui est alors appelé Strata francesa ou Caminum Gallicum, le Chemin français[6].

Itinéraire

Longueur totale: 780 kilomètres. Venant d'Italie et plus précisément de Segusio / Suse, la Via Domitia franchissait les Alpes, à plus de 1 800 mètres, au col de Montgenèvre. C'était alors le passage le plus aisé à travers les montagnes. Une petite agglomération y était installée : Druantium ou Summæ Alpes, avec entre autres un sanctuaire dédié aux sources de la Durance.

La voie suivait ensuite probablement la rive droite de la Durance pour aboutir à la station de Rama / La Chapelle de Rame. Le site a été occupé jusqu'au Moyen Âge.

  • Eburodunum / Embrun. Il y a peu de vestiges de ce chef-lieu de cité devenu chef-lieu de province des Alpes-Maritimes au IIIe siècle.
  • Caturigomagus / Chorges, à la frontière entre les Alpes Cottiennes et la Narbonnaise. Jusqu'à Gap, la voie est bien visible sur les cartes car elle correspond aux limites des communes actuelles.
  • Vapincum / Gap était une ville modeste qui devint importante en prenant le titre de cité au IVe siècle. Elle était entourée d'un rempart.
  • Alabons / Monêtier-Allemont qui était à l'époque une mutatio. Cette portion de la voie a été appelée l'« ancienne route de Provence ».
  • Segustero / Sisteron. La cité était un nœud routier. Aboutissaient ici des voies venant de Forum Julii / Fréjus et Cemenelum / Cimiez et Nice. Ce carrefour de routes était dû au passage possible de la Durance, difficile à traverser partout ailleurs, en un point resserré de son cours (30 m seulement). C’était le seul pont en dur sur la Durance jusqu’au XIXe siècle. La cité occupait la vieille ville actuelle. La Via Domitia la traversait en son milieu, sur les actuelles rue Droite et rue de la Saunerie. Elle reste ensuite sur la rive droite de la Durance.

Elle gagnait ensuite Val-Saint-Donat et Ganagobie. Aux pieds du plateau de Ganagobie, la via franchissait le Buès sur un pont en arc haut de 10 mètres. Ce pont, plusieurs fois restauré, porte aujourd'hui la route montant à Lurs.

  • Alaunium / Notre-Dame-des-Anges. C'était la station la plus importante dans cette portion de route, au milieu de la plaine de Lurs. Elle passait ensuite au centre de la plaine de Mane. Au lieu-dit Tavernoure devait se trouver très probablement un relais (taberna). Au sud de Saint-Michel-l'Observatoire, elle franchit le Reculon en oblique grâce à un gué encore visible aujourd'hui. Large de six mètres, il est étayé par un mur en moyen appareil couronné par 34 blocs en grand appareil et mesurant 25 mètres de long[7]. Elle franchit ensuite le col des Granons, décrit par le géographe Strabon, qui aurait constitué la limite entre la cité d'Apta Julia (Apt) et le territoire du peuple gaulois des Voconces.
  • Catuiacia / Céreste où on a retrouvé quelques vestiges de l'antique mutatio. Un pont franchissait le ruisseau de l’Aiguebelle, un ouvrage magnifique de 36 m × 6,54 m à deux arches en plein cintre de m d'ouverture[8]. Les deux culées et la pile centrale, conservées dans le lit du torrent, reposent sur une vaste semelle de pierre, en gros blocs assemblés avec soin, capable de résister aux crues violentes de l'Aiguebelle. Le pont dit « romain » sur l’Encrême date en fait du XVIIIe siècle[9].
Pont Julien.
  • Apta Julia / Apt. Les vestiges de la ville se trouvent sous la ville moderne. On a repéré ainsi le théâtre sous le musée, un forum et de nombreuses maisons. La plupart des rues d'Apt empruntent l'itinéraire exact de la Voie.

La Voie franchissait ensuite le Calavon grâce au pont Julien. C'est le plus bel ouvrage encore visible de la Via Domitia et c'est le pont le mieux conservé de France datant de cette époque. Il a une longueur de 80 mètres, est large de 6 mètres et haut de 11 mètres. Il est composé de trois arches dont la centrale est plus importante et plus élevée.

  • Cabellio / Cavaillon. C'était un carrefour de voies antiques, aux pieds d'un oppidum. On trouve à Cavaillon de nombreux vestiges : un arc de triomphe et un aqueduc, particulièrement. C'est au sud-est de Cabellio que la voie franchissait la Durance.

Elle rejoignait ensuite le site de la Pierre Plantée (borne milliaire), à Plan-d'Orgon et se dirigeait ensuite vers Saint-Rémy-de-Provence, par l'axe encore emprunté aujourd'hui.

Les Antiques de Glanum.
  • Glanum / Saint-Rémy-de-Provence est un grand site gallo-romain. La ville a été fondée par les Grecs. Les vestiges visibles aujourd'hui mettent bien en avant ses différentes époques d'occupation. On y vénérait Apollon. On a mis au jour les restes de nombreuses maisons, fontaines, temples, basiliques, thermes répartis le long de la Via Domitia pavée. Elle quittait la cité en passant sous l'arc de triomphe des Antiques, à côté du mausolée des Jules.
  • Ernaginum / Saint-Gabriel. C'est le nœud routier le plus important de la Gaule romaine. C'est ici qu'elle rencontrait la Via Agrippa (Arles-Lyon) et la Via Aurelia (la voie Aurélienne, venant de Rome par le littoral). C'était une cité importante dont l'économie dépendait principalement de ces trois grandes routes.

La voie longeait ensuite les Alpilles et franchissait le Rhône, probablement par bac, à Tarusco / Tarascon pour passer à Ugernum / Beaucaire.

Bornes milliaires à Beaucaire (Ugernum).
  • Ugernum / Beaucaire se développe autour d'un puissant castrum au IIe siècle. De nombreux vestiges ont été mis au jour, notamment au Mas des Tourelles, immense villa spécialisée dans la viticulture (on trouvait dans les bâtiments des fours spéciaux pour la fabrication des amphores).

À la sortie de Beaucaire, la Via Domitia existe toujours sous sa forme originale de chemin de terre renforcé. C'est le tronçon qui présente le plus de bornes milliaires, quelquefois deux ou trois au même endroit (au fur et à mesure des réfections de voie, chacun voulant marquer son passage), comme c'est le cas pour les «Colonnes de César» au Clos d'Argence, correspondant au XIIIe mille. À la limite de Redessan et de Jonquières se trouve la borne milliaire IX, connue sous le nom de «Peire di Novi» (pierre des fiancés), qui porte le nom de l'empereur Tibère. Manduel présente également une borne milliaire Borne milliaire de Manduel qui a été déplacée de son emplacement d'origine et qui se situe à présent devant l'hôtel de ville.

  • Nemausus / Nîmes était l'étape suivante. La cité était une des plus grandes agglomérations de la Narbonnaise avec une superficie de plus de 200 hectares. La Via Domitia entrait dans la ville par la porte d'Auguste, encore visible à ce jour, puis se prolongeait par l'actuelle Rue Nationale.
La porte d'Auguste à Nîmes.

Notons qu'à Nîmes, les vestiges de cette époque sont nombreux : la Maison Carrée, l'Amphithéâtre (arènes), la Tour Magne, la porte de France, le sanctuaire de la Fontaine et également le castellum divisorium (château d'eau) distribuant l'eau dans les quartiers, point final d'un aqueduc venant d'Uzès dont le point le plus connu est le Pont du Gard.

La voie repart vers le sud-ouest pour atteindre la station d'Ad Octavum / Uchaud puis Codognan, Vergèze et Gallargues-le-Montueux. De nombreuses bornes milliaires sont visibles sur ce tronçon.

Elle passait ensuite le Vidourle sur le pont Ambroix, dont il reste une arche, avant d'entrer à Ambrussum.

Au-delà d'Ambrussum, la voie marque encore de nos jours la limite entre les communes de Vérargues et celle de Lunel-Viel ainsi qu'entre celle de Saint-Geniès-des-Mourgues et de Saint-Brès.

  • Castries avec un castrum le long de la voie
  • Le Crès possède encore deux bornes milliaires in situ.

Après la traversée du petit fleuve côtier, le « Lez », la Voie Domitia passait sur la commune de l'actuelle Montpellier (la ville se développera plus tard, bien après la période gallo-romaine, sur une colline à 2 kilomètres au sud de la Via Domitia) sur le tracé de l'actuelle « avenue de la Voie Domitienne », pour rejoindre Forum Domitii / Montbazin, relais routier fondé par Domitius.

  • Mèze (relais), Pinet. Aux abords de Cessero / Saint-Thibéry, la voie s'infléchissait pour éviter une coulée de basalte, et elle franchissait l'Hérault sur le pont « romain » (certaines parties du pont actuel datent du Moyen Âge).
  • Bæterræ / Béziers centre commercial important fondé par Octave. C'était un chef-lieu de cité. Une borne milliaire y a été retrouvée au carrefour de l'avenue Camille Saint-Saëns et du boulevard de la Liberté. Le Pont Vieux, qui permet à la voie de franchir l'Orb au pied de la ville, possède neuf arches. Au Moyen Âge, le tablier et le parapet ont été reconstruits.
  • La voie passe ensuite aux pieds de l'oppidum d'Ensérune, ville qui s'était développée à l'époque hellénistique. Chef-d'œuvre d'urbanisme, son activité déjà florissante avant la présence romaine augmenta avec la présence de la Via.
  • Narbo Martius / Narbonne est la deuxième colonie romaine en Gaule (-118 av. J.-C.) après Aquae Sextiae / Aix-en-Provence (-122 av. J.-C.). Elle devint une grande cité à partir du règne d'Auguste.

La voie arrivait par la rue de Lattre, traversait le forum romain (place Bistan) pour quitter la cité par le pont des Marchands, sur l'Aude. La richesse de Narbo Martius provenait de son activité économique liée au commerce maritime (exportation de céréales, vins, huiles, céramiques, amphores…).

Voie Domitienne devant la mairie de Narbonne.
  • La Voie Domitienne passe également par le village de La Palme
  • Ad Viscensimum / Fitou. Station
  • Ad Salsulae / Salses. Station et castrum important, à proximité du célèbre fort de Salses. Des fouilles ont permis aussi d'identifier un port antique.

À partir de Salses l'itinéraire d'Antonin contient deux jalonnements différents. Comme la distance totale de Narbonne à Summum Pyrenæum est peu différente entre les deux itinéraires certains auteurs pensent qu'il s'agit de 2 versions différentes de jalonnement d'un même itinéraire ou du remplacement dans le temps d'un itinéraire par un autre. Cependant, il semble plus probable qu'il y a eu deux itinéraires différents simultanés à forte fréquentation. Ceci permet d'avancer l'hypothèse de deux branches qu'il est commun d'appeler aujourd'hui la « voie terrestre » et la « voie côtière ».

Mais là encore les chercheurs font des hypothèses diverses pour ces deux voies. Il est assez difficile aujourd'hui de démêler cet écheveau, car les indices de présence de voies romaines sont extrêmement ténus, et ne permettent pas en général de dire si on a affaire à une voie principale ou à une voie secondaire. De plus, parmi ces voies, certaines peuvent être postérieures à l'époque de Gnaeus Domitius Ahenobarbus (vers -117).

En général, les auteurs font passer les deux voies (côtière et intérieure) par Ruscino[10],[11]. Cependant rien ne permet de penser que la voie intérieure passait à coup sûr par Ruscino[réf. nécessaire] D'autant plus que cela imposait un détour pour les transports au long cours.

C'est pourquoi il y a toujours eu des chercheurs pour conserver l'hypothèse d'une voie intérieure, romanisant un parcours plus ancien (celte et/ou ibère). Ce parcours non seulement pourrait être plus court, mais surtout il est considéré comme obligatoire en période de hautes eaux et même après lorsque les nouveaux cours et les limons ont détruit les voies à travers les deltas. En effet, les géographes et géologues indiquent qu'il y a 3000 ans les deltas des fleuves Agly, Têt, Réart, et Tech étaient erratiques. Cela incite à chercher le parcours ancien en amont des deltas attestés.

Cette voie intérieure rénovant un parcours préromain reste à identifier précisément. On peut cependant envisager son passage par des gués anciens au niveau de l'église Saint-Martin-de-Tura, ancien village disparu près de Rivesaltes sur l'Agly, à Baho sur la Têt, à Nidolères sur le Tech. Le fait que ce parcours reste à retrouver entre Salses et Nidolères (cf. infra) ne permet pas de l'exclure.

  • Ruscino était une cité importante km à l'est du centre l'actuelle Perpignan, développée à partir du Ier siècle à partir d'un oppidum plus ancien.

Les auteurs qui font passer les deux voies par Ruscino, distinguent en général ensuite les voies comme suit :

    • En quittant Ruscino par le sud-est, la voie côtière passait à côté d'Illiberis / Elne à Palol d'Avall[12]. Ce lieu-dit est en général considéré comme l'emplacement possible de la station Ad Stabulum ; celle-ci est mentionnée seule, c'est-à-dire sans Ruscino ni Illiberis, par l'un des deux itinéraires d'Antonin ; ce lieu est à 1,5 km à l'Est d'Elne près de Latour-Bas-Elne. Puis cette voie passait par un gué près de l'Église Sainte-Eugénie de Tresmals et allait à Collioure et Portus Veneris / Port-Vendres. Avant Collioure, il est possible qu'une voie traversant les Pyrénées aie remonté la vallée à l'Ouest de la colline de la tour Madeloc (vallée du Ravaner) pour aller ensuite à l'actuel Col de Banyuls. Mais le tracé de la voie Herculéenne, qui est indiquée par Strabon, "en suivant le rivage" aboutissait au "sanctuaire de Vénus" qui indiquait la frontière entre la Gaule narbonnaise déjà conquise et l'Ibérie à conquérir. Ce sanctuaire de Vénus, marquant la frontière littorale, était Portus Veneris. Au dessus du port où se trouvait l'île sur laquelle le sanctuaire d'Aphrodite-Vénus était construit, la frontière était constituée par la barrière naturelle appelée aujourd'hui col de Les Portes. (in J. C. Bisconte de Saint-Julien "Pyréné. La Cité et l'Ile retrouvées". Ed. Cap Béar 2019). Cette Route Herculéenne littorale aboutissant dans un premier temps au sanctuaire de Vénus a, à la suite de la conquête de l'Ibérie, été prolongée par Cosprons jusqu'au col de Banyuls (où les Romains édifièrent une tour de vigie, 'l'Espillas', traduite de façon erronée par ''des Abeilles'') puis descendait dans la plaine jusqu'à Empuriès. Le monastère de Sant Quirze de Colera fut précisément construit sur cette antique Voie Herculéenne au 9 ème s. Strabon (- 63 à 25) écrit dans sa "Géographie" IV, 1, 3 : "Donc, de là, le rivage s'étend jusqu'au sanctuaire d'Aphrodité Pyrénaia.. Et celui-ci constitue la frontière de cette province et de la province Ibériké, bien que certains fassent du lieu où se situent les trophées de Pompée la frontière entre l'Ibériké et la Kertiké". En partant de cet endroit jusqu'à Narbô, il y a 63 milles, puis de là vers Némausos (Nlmes), 88, puis de Némausos par Ougernon (Beaucaire) et Tarouskôn, jusqu'aux sources chaudes appelées Sextia (Aix-en-Provence) qui sont proches de Massilia, 53, puis de là jusqu'à Antipolis (Antibes) et au fleuve Ouaros 73; si bien que le total se monte à 277 milles" (in Patrick Thollard "La Gaule selon Strabon, du texte à l'archéologie".2009). Les distances données par Strabon s'avèrent rigoureusement exactes (Port-Vendres se situant à 93 km (63 milles romaines) de Narbonne), position du Sanctuaire de Vénus recoupée par Pline l'Ancien (23 à 79) situant ce Sanctuaire de ''Pyrénae Venus'' à 40 milles (59 km) de San Marti d'Empuriès. La frontière entre la Gaule et l'Ibérie était doublement marquée : sur la Via Domicia, au trophée de Pompée édifié au col de Panissars. Et sur l'antique Voie Herculéenne, qui longeait le rivage, la frontière littorale se situait "au sanctuaire de Pyréné-Vénus", à Aphrodision-Pyréné, ou Pyrène, où se trouvait le sanctuaire d'Aphrodite, appelé PortusVeneris à l'époque romaine. La Carte de Peutinger, reprenant les indications des cartes romaines (notamment celle d'Agrippa de l'an 2 avant notre ère, peinte sur un mur d'un portique de Rome), situe cette île et son sanctuaire remarquable entre deux indications essentielles à l'époque : Elne (Illiberis) et le promontoire du cap Béar.
    • Une voie intérieure «directe», quittant Ruscino par le sud-ouest, pourrait passer par Cabestany, Bages, Saint-Jean-Lasseille, Banyuls des Aspres. Pour le passage du Tech, deux sous-hypothèses sont proposées : l'une au Boulou, l'autre à Nidolères. Dans le second cas de l'autre côté du gué, il y a les lieux-dits actuels Trompettes.
    • La voie qui quitte Ruscino par le sud pourrait être jusqu'à Cabestany commune à un autre trajet intérieur qui, au-delà du Réart, passerait par Théza puis à l'ouest d'Elne et suivrait ensuite la rive gauche du Tech jusqu'au Boulou ou à Nidolères.
    • Une autre hypothèse, considérée actuellement comme solide, fait passer la voie par le gué de Sainte-Eugénie de Tresmals, dont le site pourrait correspondre à la station «Ad Stabulum», pour suivre ensuite la rive droite du Tech jusqu'au Boulou.
  • Saint-Martin-de-Fenollar. Il a été démontré que c'était le lieu de la station Ad Centuriones[13] (ou Ad Centenarium[14]). Toutes les hypothèses de voies intérieures vues ci-dessus passent en cet endroit qui est sur un affluent, appelé la Rom, de la rive droite du Tech à quelques kilomètres en amont des lieux-dits des Trompettes, où la plupart des hypothèses convergent.
  • Les Cluses (ancien Castrum Clausurae cité au IVe siècle). Le goulet d'étranglement des Cluses est le site d'un poste de péage (portorium) où aurait été perçu un impôt connu sous le nom de «quarantième des Gaules», correspondant à 140 de la valeur des marchandises qui y passaient. Pour le protéger, les Romains y avaient installé deux ouvrages défensifs de part et d'autre de la rivière Rom, le Castell dels Moros (château des Maures en catalan) à l'ouest et le Fort de la Cluse Haute à l'est.
  • Summum Pyrenæum : cet endroit qui marquait la limite entre la Narbonnaise (France) et la Tarraconaise (Espagne), mentionné dans divers Itinéraires, était jadis localisé au Col du Perthus. Les fouilles menées en 1984 par Georges Castellvi au col de Panissars, ont permis d'y découvrir des ornières de la Voie Domitienne taillée à même le roc ainsi que les fondations d'un trophée immense dressé à cet endroit en 71 av. J.-C., le Trophée de Pompée, pour célébrer les victoires de Pompée sur les peuples de l'Hispanie. Cette découverte a permis d'identifier Summum Pyrenæum au col de Panissars.

La voie dans la littérature latine

La voie Domitienne est entrée très tôt dans la littérature latine par le biais d'une plaidoirie de Cicéron, le Pro Fonteio. Marcus Fonteius avait été propréteur en Gaule transalpine de 76 à 74 av. J.-C. Ses administrés gaulois avaient envoyé à Rome une délégation pour l'accuser d'avoir détourné des sommes importantes destinées à l'entretien des routes, notamment la voie Domitienne, mais également d'avoir touché des pots-de-vin d'entrepreneurs responsables de malfaçons lors des travaux routiers. Pour la défense de Fonteius, Cicéron le présenta comme un « excellent magistrat » et assura les juges que, « empêché par des affaires plus importantes, M. Fonteius, sachant que la réfection de la voie Domitienne était d'intérêt public, chargea de ce soin deux hommes du premier mérite, ses légats C. Annius Bellienus et C. Fonteius. ».

Protections

Certains vestiges de la voie sont protégés au titre des monuments historiques français :

Informations complémentaires

  • Il est probable que les différentes hypothèses de voies intérieures évoquées pour la partie dans les Pyrénées Orientales ont été un jour des voies romaines. Il reste donc surtout à trouver laquelle pouvait avoir été faite sous Domitius pour mériter son nom. Il n'a pas été trouvé de borne milliaire domitienne permettant d'attribuer cette qualité à l'une d'elles. Par ailleurs, il n'est pas exclu que les itinéraires d'Antonin et autres documents relatent des itinéraires postérieurs (vers le IIIe siècle) à celui de la voie faite sous Domitius. En cinq siècles, le territoire à l'emplacement de l'actuel Roussillon a pu faire, plus que tout autre sur le parcours de la Via Domitia, l'objet d'aménagements du territoire pour maîtriser les effets des crues.
  • Une autre voie importante passant par Ortaffa, Brouilla (en catalan Brullá), Nidolères permettait de rejoindre la Via Valespiriana remontant la vallée du Tech. Jusqu'à Nidolères elle se confond avec l'une des hypothèses de voies intérieures citées plus haut.
  • Côté sud des Pyrénées, la Via Domitia faisait place à la Via Augusta qui passait par la station de Deciana / La Jonquera.

Autres usages toponymiques

  • Les collèges de Poussan, du Crès (Hérault) et de Manduel (Gard) se nomment « Collège Via Domitia ».
  • La Clinique de Lunel inaugurée en 2007 se nomme Clinique Via Domitia.

Bibliographie

Livres

  • Georges Castellvi (dir.), Jean-Pierre Comps (dir.), Jérôme Kotarba (dir.) et Annie Pezin (dir.), Voies romaines du Rhône à l'Èbre : via Domitia et via Augusta, Paris, Éditions de la Maison des sciences de l'Homme, , 302 p. (ISBN 2-7351-0633-0)
  • Raymond Chevalier, Les voies romaines, Paris, Picard, , 343 p. (ISBN 2-7084-0526-8)
  • Pierre A. Clément, La Via domitia. Des Pyrénées aux Alpes, Rennes, Editions Ouest-France, , 125 p. (ISBN 2-7373-3508-6)
  • Pierre A. Clément, Voie Domitienne. De la via Domitia aux routes de l'an 2000, Presses du Languedoc/Max Chaleil Éditeur, , 2e éd.
  • Gérard Coulon, Les voies romaines en Gaule, Éditions Errance,
  • Jérôme Kotarba (dir.), Georges Castellvi et Florent Mazière, Carte archéologique de la Gaule (66), Les Pyrénées-Orientales, Académie des inscriptions et belles-lettres,
  • J. C. Bisconte de Saint-Julien. "Pyréné" La cité et l'île retrouvées. Pyréné. Portus Veneris. Port-Vendres. Ed. Cap Béar 2019.

Revues

  • Guy Barruol et Jean-Luc Fiches, « La via Domitia », Dossiers d'archéologie, no 343, , p. 18-25

Notes et références

  1. Guy Barruol, « Le Pays de Forcalquier à l'époque romaine », in Alpes de lumière, Musée de Salagon, Archéologie au pays de Forcalquier : radioscopie d'un terroir rural, Mane (Salagon, 04300) : les Alpes de lumière, 1990, catalogue d'exposition, Mane, été 1990 ; collection « Les Alpes de lumière » (ISSN 0182-4643) no 103, (ISBN 2-906162-159), p. 43.
  2. Héraclès en Gaule sur le site du Centre national de documentation pédagogique
  3. Clément 1992, p. 46
  4. Un nouveau tronçon de la voie domitienne mis au jour dans les garrigues de Loupian (Hérault)
  5. Barruol et Fiches 2011, p. 20
  6. A. A. Sabarthès, Dictionnaire topographique du département de l'Aude comprenant les noms de lieu anciens et modernes, p. 88, CTHS, Paris, 1912.
  7. Coulon 2007, p. 130
  8. Barruol et Fiches 2011, p. 23
  9. Guy Barruol, « Céreste », in Philippe Autran, Guy Barruol et Jacqueline Ursch, D’une rive à l’autre : les ponts de Haute-Provence de l’Antiquité à nos jours, Les Alpes de lumière no 153, Forcalquier, 2006. (ISBN 2-906162-81-7), p. 65-66
  10. Kotarba, Castellvi et Mazière 2007, p. 116-118
  11. Clément 1992, p. 81
  12. Castellvi et al. 1997, p. 26
  13. dans l'Itinéraire d'Antonin
  14. dans la Table de Peutinger
  15. Notice no PA00103057, base Mérimée, ministère français de la Culture
  16. « Oppidum d'Ambrussum à Villetelle - PA00103760 - Monumentum », sur monumentum.fr (consulté le )
  17. Notice no PA00080403, base Mérimée, ministère français de la Culture, consultée le 21 février 2010
  18. Notice no PA00103023, base Mérimée, ministère français de la Culture
  19. Notice no PA00103175, base Mérimée, ministère français de la Culture
  20. Notice no PA00103064, base Mérimée, ministère français de la Culture
  21. Notice no PA00103408, base Mérimée, ministère français de la Culture
  22. Notice no PA00135390, base Mérimée, ministère français de la Culture
  23. Notice no PA00135391, base Mérimée, ministère français de la Culture
  24. Notice no PA00135392, base Mérimée, ministère français de la Culture
  25. Notice no PA00135393, base Mérimée, ministère français de la Culture
  26. Notice no PA00135394, base Mérimée, ministère français de la Culture

Voir aussi

Articles connexes

Liens externes

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