Trois Refuges
Les Trois Refuges (sanskrit : त्रिशरणा, IAST : triśaraṇā (« trois refuges ou abris, protections ou points d'appui») ; Pali : saranam gacchami) sont les trois joyaux, qui sont au cœur de la pratique bouddhiste, mais aussi du rite qu'un candidat volontaire doit suivre pour devenir bouddhiste laïc (upāsaka). Ce rite est répété lors de l'entrée dans la vie monastique.
Ces trois refuges sont le Bouddha (l'éveillé), le Dharma (enseignement du bouddha) et le Sangha (communauté bouddhiste). La récitation de la prise des Trois Refuges est une des pratiques rituelles fondamentales du bouddhisme. En « prenant refuge » dans les trois trésors, on accepte la valeur des trois joyaux, et on adhère ainsi à la communauté et à l'enseignement bouddhiques. Cela se fait en général au cours d'une cérémonie conduite par le maître ou l'abbé d'un monastère; durant celle-ci, les pratiquants récitent trois fois la formule de prise de refuge, et cela afin de gagner l'éveil qui libère définitivement de la souffrance. Par ailleurs, la prise de refuge est régulièrement renouvelée à différentes occasions de la vie monastique.
Source dans les soutras
Le bouddha, le dharma (enseignement du bouddha) et le sangha (communauté bouddhiste) constituent les Trois Refuges que les personnes qui souhaitent intimement se libérer des souffrances de la réincarnation et devenir finalement bouddha doivent prendre comme protection et guide. Cette notion trouve sa source dans le Dhammapada, aux versets 190-192 :
« Celui qui cherche refuge dans le Bouddha, le Dharma et le Sangha, voit avec une juste connaissance les Quatre vérités des Aryas [Nobles]. La souffrance, la cause de la souffrance, le passage au-delà de la souffrance et l'Octuple sentier qui mène à la cessation de la souffrance. Ceci, vraiment est le sûr refuge; ceci, vraiment, est le refuge suprême. Cherchant un tel refuge, on est libéré de la souffrance. (Traduction René Joly) »
La cérémonie de prise de refuge
Lors de la cérémonie solennelle ayant lieu normalement dans un monastère, un maître de dharma, souvent le vénérable ou patriarche du monastère, explique aux candidats le contenu des Trois Joyaux (bouddha, dharma, sangha) et l'importance de la prise des Trois Refuges. Après quoi, les candidats répètent trois fois après le maître la formule de refuges.
Cette triple récitation a été une des premières manières d'adhérer à la communauté bouddhiste. Elle a d'abord concerné les moines itinérants, avant de s'étendre aux différents niveaux du clergé et des laïcs[1]. Le rituel peut varier selon le niveau que le pratiquant atteint dans la hiérarchie cléricale mais quel qu'il soit, à chaque fois on récite la formule des Trois Refuges[1]
On ne sait pas vraiment si, à l'époque moderne, si cette formule a été reprise dans des mouvements de conversion comme celui lancé en Inde par Ambedkar. Toutefois, sa récitation semble régulièrement associée aux événements religieux[1].
La formule des Trois Trésors
L'énoncé de cette formule présente certaines différences selon les écoles bouddhistes. Mais d'une manière générale, on prend refuge une fois dans le Bouddha, puis une fois dans le Sangha et enfin une fois dans le Dharma, et on récite cela trois fois.
Theravâda
Dans la tradition Theravāda, la formule est la suivante[réf. nécessaire] :
- Buddhaṃ saraṇaṃ gacchāmi : « Je vais vers le Bouddha comme refuge. »
- Dhammaṃ saraṇaṃ gacchāmi : « Je vais vers le Dharma comme refuge. »
- Saṅghaṃ saraṇaṃ gacchāmi : « Je vais vers le Sangha comme refuge. »
Ces trois phrases sont récitées encore deux fois à l'identique, en ajoutant simplement d'abord l'expression « une deuxième fois » :
- Tudiyampi buddhaṃ saraṇaṃ gacchāmi : « Une deuxième fois, je vais vers le Bouddha comme refuge » ; etc.
Et finalement l'expression « une troisième fois » :
- Tatiyampi buddhaṃ saraṇaṃ gacchāmi : « Une troisième fois, je vais vers le Bouddha comme refuge » ; etc.
Mahāyāna
À côté de cette formulation, on peut trouver dans la tradition Mahāyāna une version un peu plus longue. Ainsi, dans le zen sôtô, outre le San kie mon (三歸依文), version récitée lors de la cérémonie de la prise des préceptes[2], on a le San kirai mon (japonais: 三歸禮文) qui en est une expression développée[3] :
« Je prends refuge dans le Bouddha en priant pour que tous les êtres sensibles comprennent profondément la grande voie et affichent la plus ferme détermination » ; « Je prends refuge dans le Dharma en priant pour que tous les êtres sensibles étudient en profondeur cet océan de sagesse qu'est le canon des Écritures » ; « Je prends refuge auprès du Sangha en priant pour que tous les êtres sensibles se comprennent mutuellement et que la grande assemblée ne rencontre pas d'obstacle[Note 1].) »
Bouddhisme tibétain
La formule pour la tradition tibétaine présente une version relativement différente[réf. nécessaire] : 1a « Dans le Bouddha, le Dharma et le Sangha, » 1b. « Jusqu'à l'Éveil, j'entre en refuge. » / 2a. « Par les bienfaits des dons et des perfections, » 2b. « Que j'atteigne l'Éveil pour le bien de tous les êtres ! »
« 1a. « Dans le Bouddha, le Dharma et le Sangha, » 1b. « Jusqu'à l'Éveil, j'entre en refuge. » / 2a. « Par les bienfaits des dons et des perfections, » 2b. « Que j'atteigne l'Éveil pour le bien de tous les êtres ! »[Note 2] »
Niveaux de refuge
Dans le bouddhisme tibétain, selon le maître tibétain Atisha (XIe siècle), dans La Lampe pour la voie de l’éveil, ainsi que dans la tradition ultérieure de Lam Rim, développée par Tsongkhapa, on peut distinguer plusieurs niveaux de refuge, selon le domaine (ou l’« étendue ») sur lequel porte l’aspiration du pratiquant.
- Dans l'étendue mondaine, on va en refuge pour améliorer sa vie – sans que l’on soit nécessairement bouddhiste, puisque « pour aller parfaitement en refuge il nous faut au moins être motivé par un souci pour le bien-être dans les vies futures »[4]).
- Dans l'étendue initiale, on va en refuge pour atteindre une renaissance supérieure en tant qu’être humain ou que dieu, et pour éviter de renaître dans les royaumes inférieurs des animaux, des êtres avides, ou des êtres en enfer.
- Dans l'étendue intermédiaire, on va en refuge pour réaliser la libération.
- Dans la grande étendue, on prend refuge pour réaliser l’éveil et devenir bouddha pour le bien de tous les êtres sensibles.
- L'étendue supérieure est aussi parfois incluse. Elle consiste à aller en refuge pour atteindre la bouddhéité dans cette vie même (en utilisant des techniques du bouddhisme tantrique).
On trouve chez le maître anglais contemporain Sangharakshita, dans Aller en Refuge[5] une autre distinction entre différents niveaux d'aller en refuge :
- Refuge ethnique. On est né dans une culture bouddhiste et la pratique est plus ou moins une question de conditionnement social plutôt que d’engagement personnel.
- Refuge effectif. On a pris la décision consciente de s’engager dans les trois refuges, typiquement en joignant un ordre bouddhiste.
- Refuge réel. On a brisé les trois premières entraves de l’existence conditionnée et atteint l’entrée dans le courant.
- Refuge absolu. On a atteint l’éveil.
Notes et références
Notes
- Chinois : 1. 自皈依佛,當願眾生,體解大道,發無上心。(jikie butsu / to gan shujō / taige tai do / hotsu mujōi ) / 2. 自皈依法,當願眾生,深入經藏,智慧如海。(jikie ho / to gan shujō / jin nyu kyo zo chie nyokai) / 3. 自皈依僧,當願眾生,統理大眾,一切無礙。(jikie so / to gan shujō / tōri daishu / is-sai muge
- Tibétain : 1a. སངས་རྒྱས་ཆོས་དང་ཚོགས་ཀྱི་མཆོག་རྣམས་ལ། Sang-gyé tcho-dang tsog-kyi tcho-nam-la (chinois : 諸佛正法眾中尊 ) / 1b. བྱང་ཆུབ་བར་དུ་བདག་ནི་སྐྱབས་སུ་མཆི། Jang-tchub bar-dou dag-ni kyab-sou-tchi (chinois : 直至菩提我歸依 ) / 2a. བདག་གིས་སྦྱིན་སོགས་བགྱིྱིས་པའི་བསོད་ནམས་ཀྱིས། Dag-gi djin-sog gyi-pé seu-nam-kyi (caractères chinois : 我以所行施等善 ) / 2b. འགྲྲོ་ལ་ཕན་ཕྱིར་སངས་རྒྱས་འགྲྲུབ་པར་ཤོག །། Dro-la pèn-tchir sang-gyé droub-par-shog (chinois : 為利眾生願成佛 )
Références
- Buswell & Lopez 2014, p. 776-777.
- (en) « Verse of Threefold Refuge (San kie mon 三歸依文) », sur global.sotozen-net.or.jp (consulté le )
- (en) « Verse of Three Refuges (San kirai mon 三歸禮文) », sur global.sotozen-net.or.jp (consulté le )
- (en) Kelsang Gyatso. (2001). Joyful Path of good Fortune: The complete Buddhist Path to Enlightenment, Tharpa Publications, Ulverston, Angleterre, p. 12.
- (en) Sangharakshita, Going for Refuge, Windhorse Publications, 1997 (En ligne sur le site de l’auteur).
Voir aussi
Bibliographie
: document utilisé comme source pour la rédaction de cet article.
- Bokar Rinpoché, Prendre Refuge : l'entrée dans le bouddhisme, trad. par Tcheuky Sèngué, Claire lumière, 2007, (ISBN 2905998849 et 9782905998842).
- (en) Robert E. Buswell & Donald S. Lopez Jr., The Princeton Dictionary of Buddhism, Princeton, Princeton University Press, , 1265 p. (ISBN 978-0-691-15786-3), p. 776-77 (« Sarana ») et p. 924-925 (« Trisarana »).
- Philippe Cornu, Dictionnaire encyclopédique du bouddhisme, Paris, Seuil, , 950 p. (ISBN 978-2-020-82273-2), p. 480-482 (« Refuge »).
- Peter Harvey, Le Bouddhisme. Enseignements, histoire, pratiques, Paris, Seuil, coll. « Points Sagesses », (1re éd. 1993), 495 p. (ISBN 978-2-757-80118-5), p. 241-244.
- Lama Karta, Prendre Refuge dans le Bouddha : Le bouddhisme comme source d'inspiration, traduit par Charles Franken, Publications Kunchab, 2003, (ISBN 9074815766 et 9789074815765).
- Étienne Lamotte, « La méditation sur le Triple Joyau », dans Lilian Silburn (Dir.), Aux Sources du bouddhisme, Paris, Fayard, (1re éd. 1977), 538 p. (ISBN 978-2-213-59873-4), p. 75-79.
Liens externes
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