Traditio Legis

La Traditio Legis transmission de la Loi » en latin) est un thème iconographique de l'art paléochrétien. Cette scène s'intitule également DOMINUS LEGEM DAT Le Seigneur donne la Loi »). Il s'agit d'une représentation de Jésus de Nazareth entouré par Paul et Pierre, à qui il remet un rouleau. La scène inclut parfois la présence d'autres apôtres.

La Traditio Legis, mosaïque d'une absidiole de l'église Santa Costanza, Rome. Le rouleau remis à Pierre porte l'inscription DOMINUS PACEM DAT Le Seigneur donne la paix »). Le terme usuel est LEGEM Loi »), et non PACEM paix ») : l'hypothèse d'une erreur de restauration a été proposée[1].

Ce sujet, fréquent dans les mosaïques, les fresques et la statuaire d'influence romaine et byzantine, symbolise la transmission du message évangélique aux disciples de Jésus puis aux premiers chrétiens. Les artistes ont perpétué cette tradition picturale jusqu'au Moyen Âge.

Son interprétation fait aujourd'hui l'objet de discussions parmi les historiens de l'art.

Histoire

Mosaïque du baptistère San Giovanni in Fonte, basilique Santa Restituta, Naples, v. 390. Le rouleau donné à Pierre porte l'inscription DOMINUS LEGEM DAT Le Seigneur donne la Loi »).

La Traditio Legis, thème de l'iconographie chrétienne, représente Jésus-Christ debout ou assis sur un trône et remettant la Nouvelle Loi aux apôtres Pierre et Paul sous la forme d'un rouleau ou, plus rarement, d'un codicille[2]. Cette image est également connue sous le nom de Dominus Legem dat Le Seigneur donne la Loi »)[2].

Ces compositions sont propres à l'art paléochrétien, en particulier dans les sarcophages du dernier tiers du IVe siècle[3]. La version la plus ancienne, sculptée sur les sarcophages dits « de la Passion », montre Jésus au sommet d'une montagne symbolisant le paradis et tenant un rouleau ouvert[4]. Après les années 400, comme la pratique des inhumations dans ce type de sarcophage tend à se raréfier, l'image sculptée de la Traditio Legis tombe peu à peu en désuétude, même si elle réapparaît sur des coffrets-reliquaires, tels ceux de Pola à Venise ou de Nea Heracléa à Salonique[3], et subsiste jusqu'au XIIIe siècle dans les arts carolingien, ottonien et roman[4].

Description

Qu'elles soient sculptées dans le marbre ou l'ivoire, ou qu'elles soient dues aux techniques, de la verrerie, de la mosaïque et de la peinture à fresque, ces œuvres sont majoritairement d'influence romaine[4].

Pierre se trouve généralement à droite de l'image, donc à la gauche du Christ, et porte une croix à hampe longue[3]. Le Christ se tient au centre, en hauteur[3]. Il lève la main droite, paume ouverte, en un geste caractéristique de l'iconographie de Sol Invictus et des empereurs romains qui en ont revendiqué la filiation, à commencer par Constantin Ier[3].

La main gauche du Christ tend un rouleau à Pierre, qui le place dans un pli de son pallium. Paul est à la droite du Christ, donc à gauche de l'image, avec un geste d’acclamation[3]. Parfois, le Christ surplombe un monticule rocheux où se trouve un agneau et d'où s'écoulent un ou quatre fleuves (les quatre fleuves du paradis), et l'ensemble peut être encadré par deux palmiers dont l'un abrite un phénix, symbole de la Résurrection[3]. Il arrive souvent qu'une double rangée de brebis se dirige vers l'agneau à partir de deux villes : Bethléem et Jérusalem[3].

Au Moyen Âge, il n'est pas rare que divers personnages se tiennent aux côtés du Christ, de Paul et de Pierre : d'autres apôtres, des évêques, des donateurs[5]...

Débat historiographique

De rares vestiges archéologiques laissent apercevoir une courte phrase sur le rouleau que tient le Christ : DOMINUS LEGEM DAT, phrase sur laquelle se fonde la tradition catholique pour intituler cette scène Traditio Legis, c'est-à-dire « transmission de la [Nouvelle] Loi [à Pierre] », ce dernier étant alors assimilé à Moïse transmettant l'Ancienne Loi au peuple d'Israël[3]. Or, jusqu'au XIXe siècle, ce type d'imagerie n'avait pas reçu d'appellation spécifique parmi les historiens : c'est le chanoine Louis Duchesne (1843-1922) qui lui a donné son nom de Traditio Legis[3]. Cette dénomination s'accorde avec le fait incontesté que la figure du DOMINUS LEGEM DAT apparaît dans l'iconographie chrétienne quelques années après la promulgation de l'édit de Milan par Constantin Ier en 313 : l'hypothèse est que les codes de ce stéréotype sont conformes à la coutume romaine de représenter les empereurs, Constantin ou ses successeurs, remettant un document à un subordonné[4].

Toutefois, depuis la seconde moitié du XXe siècle, cette interprétation se voit contestée à partir des travaux de Walter Nikolaus Schumacher (de)[3],[6]. Cet archéologue fait remarquer que le document en question est déroulé et ne saurait donc être assimilé à un mandat impérial : en effet, dans ce cas, l'usage classique représente l'empereur donnant de la main droite (et non pas gauche) un document fermé (et non pas ouvert)[3]. En témoignent le Missorium de Théodose mais aussi plusieurs sarcophages paléochrétiens de Ravenne où ce schéma est adapté à des portraits de Paul[3].

La Traditio clavium

Le sujet de la Traditio Legis est une reprise de celui de la Traditio clavis Remise de la clé »), ou Traditio clavium (it) Remise des clés »), qui se fonde sur un passage de l'Évangile selon Matthieu (Mt 16:19) pour représenter Jésus remettant à Pierre les clés du Royaume des cieux[7],[8],[9]. Divers artistes, dont Luca Giordano et Charles de La Fosse, ont illustré la Traditio clavium.

Galerie

Références

  1. Mikael Rasmussen, « Traditio Legis Motiv: Bedeutung und Kontext », Late Antiquity : Art in context, Acta Hyperborea 8, 2001, université de Copenhague, 2001, p. 21-52.
  2. « Traditio Legis », Robert E. Bjork (dir.), The Oxford Dictionary of the Middle Ages, Oxford University Press, 2010 (ISBN 9780198662624).
  3. Yves Christe, « The Lord’s Left Side : une mise au point salutaire sur l’image dite de la Traditio legis », compte-rendu, Bulletin monumental 175-3, 2017, p. 273.
  4. Annemarie Weyl Carr, « Traditio Legis », in Alexander P. Kazhdan (dir.), The Oxford Dictionary of Byzantium, Oxford University Press, 2005 (ISBN 9780195046526).
  5. Matthias Exner, « Estucos », in Enrico Castelnuovo et Giuseppe Sergi (dir.), Arte e historia en la Edad Media, Akal , Madrid, 2013 (ISBN 978-84-460-2496-5), p. 517-518.
  6. Walter Nikolaus Schumacher (de), « Dominus legem dat » Römische Quartalschrift 54, 1959.
  7. « Traditio Legis », Tom Devonshire Jones, Linda Murray, and Peter Murray (dir.), The Oxford Dictionary of Christian Art and Architecture, Oxford University Press, 2013 (ISBN 9780199680276).
  8. « Traditio clavis », ministère de la Culture.
  9. « Traditio clavium », Tom Devonshire Jones, Linda Murray, and Peter Murray (dir.), The Oxford Dictionary of Christian Art and Architecture, Oxford University Press, 2013 (ISBN 9780199680276).

Bibliographie

Annexes

Articles connexes

Liens externes

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