Touti-Nameh

Le Touti-Nameh (Ṭuṭi-nāma, Tutinama, Tuti-nama, Tuti-nameh, etc. ; en persan : طوطی‌نامه), signifiant littéralement Contes d'un perroquet), est un recueil persan de 83 histoires réparties sur 52 « nuits », datant du XIVe siècle. Une version illustrée, comportant 250 miniatures peintes, fut commanditée par l'empereur moghol Akbar à la fin du XVIe siècle. L'œuvre, rédigée au XIVe siècle en Perse, dérive d'une anthologie antérieure en sanskrit, les Soixante-dix Contes du Perroquet ou Choukasaptati (en) (un élément de la littérature katha) remontant au XIIe siècle de notre ère. En Perse, comme en Inde, les perroquets, en raison de leur aptitudes supposées à la conversation, sont fréquemment présentés comme des conteurs dans des œuvres de fiction[1],[2],[3],[4].

Les aventures contées par le perroquet, au cours de 52 nuits successives, sont des contes visant à dissuader sa propriétaire de rejoindre son amant pour commettre l'adultère en l'absence de son mari. Les illustrations qui agrémentent les récits ont été exécutées pendant le règne d'Akbar, au cours des cinq ans qui ont suivi son accession au trône[5] par deux artistes persans, Mir Sayyid Ali et Abdus Samad, qui travaillaient à la cour de l'empereur moghol[6].

Histoire

Versions successives en diverses langues

La paternité du texte du Touti-Nameh est attribuée à Ziya'al-Din Nakhshabi, plus simplement Nakhshabi (en), un médecin persan et un saint soufi qui avait émigré au XIVe siècle vers Badaun, dans l'actuelle province indienne de l'Uttar Pradesh, et qui écrivait en persan. Il avait traduit en persan et/ou publié une version classique en sanskrit d'histoires similaires à celles du Touti-Nameh vers l'an 1330. On suppose que ce petit livre de récits brefs et moralisants avait influencé Akbar pendant ses années de formation. On en déduit aussi qu'Akbar ayant un harem (de sœurs, épouses et servantes), les histoires morales étaient plus particulièrement orientées vers le contrôle des femmes[2],[4],[5].

La version illustrée en persan date de 1555-1560. Au XVIIe siècle, Mohammed Qaderi en a réalisé une version abrégée, ne comptant plus que 35 nuits et présentant des textes simplifiés. Cette version abrégée a servi de base à Francis Gladwin pour son édition bilingue farsi-anglais (Calcutta, 1801), elle-même réutilisée par Karl Iken (qui a également utilisé du matériau provenant des éditions antérieures plus complètes) pour réaliser une traduction allemande en 1822.

Une version française basée elle aussi sur la traduction anglaise et due à Marie d'Heures[7] a été publiée à Paris en 1826. La traductrice a choisi de rejeter en Appendice le dénouement du recueil, qui lui paraît « très mauvais dans l'original » : en effet, au retour du marchand, le perroquet lui raconte en détail l'inconduite de sa femme, et le mari, furieux, la tue sur-le-champ. Marie d'Heures estime qu'« on trouverait en France ce dénoûment odieux et le rôle du perroquet abominable »[8].

En 1875 est parue une version en ourdou, due à Al-din Nakhshabi Ziya et Saiyid Haidar Bakhsh, et en anglais (George Small). Une autre version en allemand, traduite du turc par Georg Rosen à partir d'une version élaborée par Sari Abdallah Efendi vers 1660, a été publiée à Leipzig en 1858.

Une traduction complète en russe, effectuée à partir du manuscrit original, a été réalisée par Ievgueni Bertels (en) en 1919, mais n'a été publiée que soixante ans plus tard.

Les miniatures

Les deux artistes, Mir Sayyid Ali et Abd al-Samad, furent invités par Humâyûn (le second empereur moghol) vers 1530-40 pour lui enseigner leur art, ainsi qu'à son fils Akbar. Initialement, ils rejoignirent Humâyûn à Kaboul (où il était en exil), puis se déplacèrent à Delhi lorsqu'il recouvra son empire sur la dynastie Suri. Par la suite, il s'installèrent auprès de l'empereur moghol Akbar à Fatehpur-Sikri, où un atelier d'artistes très important était affecté à la production de miniatures. Ce type de peinture devint connu sous le nom de peinture moghole durant le règne d'Akbar, de 1556 à 1605, qui vit l'accroissement de la puissance de l'empire moghol. Akbar lui-même s'attacha à promouvoir cette forme de miniatures peintes, réalisées par des artistes non seulement persans mais aussi indiens, ces derniers spécialisés dans les styles locaux. L'atelier développa ainsi une synthèse unique des styles indiens, persans et islamiques[9]. Cette école allait produire par la suite des collections représentant des formes plus raffinées de la peinture de miniatures, comme par exemple le Hamzanama (Aventures d'Amir Hamza), l’Akbarnama (Livre d'Akbar), le Jahangirnama (ou Tuzk-e-Jahangiri, une autobiographie de l'empereur moghol Jahângîr), qui virent le jour sous le règne des monarques moghols successifs (du XVIe siècle au XIXe siècle) en tant que peintures mogholes, même si elles recelaient aussi des influences indiennes distinctes, hindoues, jaïn et bouddhistes. Le style moghol s'appliquait principalement aux portraits des empereurs et des reines mogholes, ainsi qu'à des scènes de cour et de cérémonies particulières, de chasse, de batailles, ainsi qu'à des scènes galantes et relatives à des activités variées des souverains. Ce format de miniatures fut aussi largement adopté par les souverains rajpoutes et du Malva[4],[5],[6],[10],[11],[12].

Thème général du recueil

Le narrateur principal des cinquante-deux histoires du Touti-Nameh est un perroquet, qui raconte des histoires à sa maîtresse, du nom de Khojasta, afin de la détourner de tromper son mari pendant que celui-ci (un dénommé Maïmounis) est en voyage pour affaires. Le marchand avait laissé sa femme en compagnie d'un mainate et du perroquet. L'épouse étrangle le mainate qui lui avait imprudemment conseillé de ne pas se livrer à des relations illicites. Le perroquet, réalisant la gravité de la situation, adopte une approche moins directe, consistant à raconter de fascinantes histoires au long des cinquante-deux nuits qui suivent. Chacune d'entre elles constitue un épisode divertissant qui retient l'attention de Khojasta et lui fait différer sa rencontre avec son amant[13],[14].

Notes et références

  1. (en)Milo Cleveland Beach, Mughal and Rajput Painting, 1re partie, vol.3, Cambridge University Press (ISBN 9780521400275), pp.21-38
  2. (en) Institute for Oriental Study, Thane: Seminar on "Suhbashita, Panchatantra & Gnomic Literature in Ancient & Medieval India" « Copie archivée » (version du 20 août 2012 sur l'Internet Archive)
  3. (en) Horace Hayman Wilson, Notes on the Indica of Ctesias, Ashmolean society,, (lire en ligne), p. 52–53
  4. (en) « The Parrot » (consulté le )
  5. (en) Catherine Ella Blanshard Asher et Cynthia Talbot, India before Europe, Cambridge University Press, , 313 p. (ISBN 978-0-521-80904-7, lire en ligne), « Painting the Imperial Image », p. 135–136
  6. Beach p.28-29
  7. Pseudonyme de Clotilde Marie Collin de Plancy, née Paban.
  8. Voir Liens externes (Gallica).
  9. La plupart de ces œuvres se trouvent aujourd'hui au Cleveland Museum of Art ; certaines sont à la British Library.
  10. (en) « History of Mughal Painting » (consulté le )
  11. (en) Robert Skelton, Rosemary Crill, Andrew Topsfield, Susan Stronge et Victoria and Albert Museum, Arts of Mughal India : studies in honour of Robert Skelton, Victoria & Albert Museum, (ISBN 978-81-88204-34-2, lire en ligne), p. 55, 63, 65
  12. (en) « Miniatures »(ArchiveWikiwixArchive.isGoogle • Que faire ?), Miniature Club (consulté le )
  13. (en) Milo Cleveland Beach, Early Mughal painting, Harvard University Press, , 51–54 p. (ISBN 978-0-674-22185-7, lire en ligne)
  14. Beach p.21

Voir aussi

Articles connexes

Bibliographie

  • Touti-Nameh ou les contes du perroquet (version de Mohamed Qaderi, trad. Henri Muller, illustr. Golo), Coédition Orients, 2016 (ISBN 979-1093315058)

Liens externes

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