Thérèse Raquin (film, 1953)

Thérèse Raquin est un film franco-italien réalisé par Marcel Carné et sorti en 1953. Le scénario est librement inspiré du roman du même titre par Émile Zola, dont c'est la quatrième adaptation cinématographique.

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Thérèse Raquin
Titre original Thérèse Raquin
Réalisation Marcel Carné
Scénario Marcel Carné
Charles Spaak
d'après le roman d'Émile Zola, Thérèse Raquin
Acteurs principaux
Sociétés de production Paris-Films Production
Lux Film
Pays d’origine France
Italie
Genre Drame
Durée 102 minutes
Sortie 1953


Pour plus de détails, voir Fiche technique et Distribution

Synopsis

Dans une mercerie lugubre de Lyon, Thérèse Raquin s’étiole aux côtés de son mari et cousin Camille avec lequel, orpheline, elle a été élevée sans autre solution que de l’épouser. La mère de Camille, une femme austère, vit avec eux et domine complètement son fils dont elle a fait un pleutre. Elle impose au couple une vie à son image, routinière et casanière. Thérèse devient la maîtresse de Laurent, un camionneur italien qui voudrait l’épouser. Quand elle évoque son intention de divorcer à Camille, celui-ci, soutenu par sa mère, va jusqu’à monter un stratagème pour faire séquestrer Thérèse par une tante en région parisienne sous le prétexte d’un voyage d’agrément. Thérèse alerte Laurent qui monte dans le même train de nuit que le couple emprunte pour se rendre dans la capitale. L’intention de Laurent est de contraindre Camille à divorcer, mais, à l’issue de leur violente altercation, Laurent projette Camille par la portière. À la suite du décès de son fils, bien que la police ait conclu à un accident, Mme Raquin mère, victime d'une attaque cérébrale et devenue paralysée et muette, reste à la charge de Thérèse et porte de terribles regards accusateurs sur sa belle-fille. Bientôt, Thérèse et Laurent sont les proies de Riton, un petit maître-chanteur, témoin du drame dans le train. Bien que les amants et Riton soient parvenus à un accord moyennant le versement d'une somme d'argent, le destin va précipiter le trio en une issue tragique : Riton meurt écrasé par un chauffard, mais avait demandé au préalable à la bonne de son hôtel de poster une lettre d'accusation à la police si elle ne le voyait pas rentrer à l'heure dite.

Fiche technique

Distribution

Production

Genèse

  • Marcel Carné[1] : « Le projet me trotta furieusement dans la tête. J’avais beau essayer de m’en débarrasser, il revenait sans cesse me harceler... […] Je commençai d’abord par envisager une version se passant de nos jours. Ce n’était toutefois pas suffisant. C’est alors qu’un matin, peu après mon réveil, j’eus comme une sorte d’illumination. Pourquoi, au lieu d’un remords figuré par un fantôme évoqué en surimpression, ne pas créer un personnage bien vivant, qui aurait été le témoin involontaire du meurtre du mari par les deux amants ? […] Qu’on ne vienne pas crier à la trahison de l’œuvre littéraire... Zola vivant eût certainement compris combien sont différentes les lois qui régissent l’expression littéraire, de celles indispensables à l’expression filmée. […] Je revins trouver les Hakim et leur communiquai mon acceptation. […] Très vite également nous avions envisagé Simone Signoret pour le rôle de Thérèse et, comme il s’agissait d’une coproduction franco-italienne, Raf Vallone — que j’avais beaucoup aimé dans Le Christ interdit, de Malaparte — pour être Laurent, l’amant de celle-ci. »
  • Simone Signoret[2] : « Quand les frères Hakim m'avaient proposé le rôle, j'avais verbalement accepté, à condition que Marcel Carné fasse la mise en scène. […] À Thérèse j'avais donc dit « oui », et puis j'avais dit « non », et dans les fichiers des frères Hakim comme dans celui très bien tenu de Marcel Carné, je devais être classée sous la rubrique « Emmerdeuse qui ne sait pas ce qu'elle veut ». […] J'ai cherché studieusement le numéro de la production. Je le connaissais par cœur. […] Lentement, j'ai composé le numéro. […] J'ai dit : « C'est moi, Robert, je veux bien faire Thérèse. » Je m'attendais à tout, par exemple : « C'est trop tard, ça ne nous intéresse plus. Carné est fâché, Melle X a signé son contrat... » Mais si Robert Hakim a jamais eu la voix d'un séraphin, il l'a eue ce jour-là en me répondant : « Je suis content, signons demain. » […] Avec Thérèse, je retrouvais Carné à qui je racontai tout ce qu'il avait ignoré de notre vie de figurants à Vence[3]. J'aimais bien Vallone. Vallone m'aimait bien, j'aimais Montand, et Vallone respecte les femmes d'Italiens qui aiment leur mari... »

Scénario

  • Les principaux changements apportés au scénario par rapport au roman d’Émile Zola sont la transposition de l’action dans les années 1950 et l’ajout du personnage du jeune maître chanteur, incarné par Roland Lesaffre, qui vient menacer les amants Thérèse et Laurent dans la seconde partie du film et les perdra accidentellement. Dans le film, Camille meurt projeté du train après que Laurent s’est énervé contre lui alors que dans le roman, il est jeté à l’eau et se noie, son meurtre étant commis de sang froid et prémédité. De plus, il ne mord pas Laurent au cou avant sa chute ; cette morsure, bien plus qu’une simple blessure pour Laurent, était, dans le roman, la marque qui lui rappellerait son odieux crime chaque fois qu’il la verrait, jouant de ce fait un rôle dans sa descente aux enfers. Dans l’adaptation également, c’est Thérèse, seule avec les policiers, qui est chargée d’identifier le corps de son défunt mari alors que dans le roman, c’est Laurent, qui, après s’être inlassablement rendu à la morgue jour après jour, finit par reconnaître son cadavre en décomposition. Les hallucinations de Thérèse et Laurent ne sont pas présentes dans le film, alors qu’elles sont importantes dans le roman, mais Marcel Carné s’en est expliqué par son idée de remplacer les hantises des amants par les harcèlements d’un maître chanteur.
  • Marcel Carné[1] se rappelle que c’est le scénariste Charles Spaak qui, le premier, en écoutant Roland Lesaffre « Raconter interminablement ses souvenirs de la guerre qu’il avait faite dans le Pacifique, après avoir rejoint, à dix-sept ans, les Forces navales libres », peaufina le personnage du maître chanteur qui « Serait une sorte de titi parisien, ancien marin, pas mauvais bougre, mais que le hasard mêlait à un fait-divers dont il entendait profiter une fois, une seule... Même s’il n’était pas d’une moralité scrupuleuse, il demeurait malgré tout assez sympathique et fort éloigné du maître chanteur habituel... ». Marcel Carné appliquait ce que le scénariste Jean Aurenche avait coutume de dire « Quand on possède à fond les personnages, l’histoire vient d’elle-même ». Et Marcel Carné de conclure : « C’est un peu ce qui se produisit, le marin était le Deus ex machina de la seconde partie du film. C’est peut-être pourquoi nous terminâmes le scénario bien avant la date fixée pour sa livraison. »

Casting

  • Premier film français pour l'acteur italien Raf Vallone qui a obtenu gain de cause afin de ne pas être doublé. Acteur exigeant au cinéma comme à la scène, il a d'ailleurs continué à assurer lui-même le doublage des versions aussi bien françaises qu'anglaises de la plupart de ses films.
  • Le rôle de Camille Raquin a valu autant de surprises à Jacques Duby (32 ans à l'époque du tournage) qu'aux gens du cinéma comme le raconte le réalisateur Marcel Carné[1] : « J’avais pris un jeune acteur alors inconnu, Jacques Duby, dont la frêle silhouette correspondait assez à l’image que je me faisais de Camille Raquin. De l’avoir vieilli de vingt ans grâce à un savant maquillage allait valoir à celui-ci des mois durant une aventure peu commune. Dans le film, le teint blême, le visage creusé, les cheveux grisonnants, il paraissait la cinquantaine… son succès avait été très grand, aussi les propositions ne lui manquèrent-elles pas dès la sortie du film. Mais arrivait-il devant le réalisateur qui l’avait convoqué que celui-ci sursautait :
    « Je crois qu’il y a erreur, constatait-il. C’est votre père que je voulais voir.
    — Mais, s’étonnait Duby, mon père ne fait pas de cinéma.
    — Pourtant… Thérèse Raquin.
    — C’était moi… vieilli. »
    Le pauvre Duby avait un mal fou à convaincre son interlocuteur. Y parvenait-il qu’aucune suite n’était donnée à l’entretien, le réalisateur recherchant un comédien approchant la cinquantaine. »

Tournage

  • Période prises de vue : du 2 mars au 28 avril 1953.
  • Intérieurs : studios de Neuilly (Hauts-de-Seine).
  • Extérieurs : Lyon (Rhône): Montée de la Grande Cote 1°, Quai de Saône Tram 'train bleu", gare de Lyon-Perrache 2°, Palais de Justice 5°, Pont Bonaparte 2°, Clocher Hôtel-Dieu 2°, vue place Rouville 1°

Accueil

Marcel Carné[1] : « Thérèse Raquin avait été choisi pour représenter la France à la Biennale de Venise. Je redoutais d’autant plus le verdict final, que les films en concurrence étaient, cette année-là, d’une qualité exceptionnelle... […] Le film fut beaucoup mieux accueilli que je ne l’espérais... Aux applaudissements nourris se mêlèrent cependant quelques sifflets un peu frêles... […] Si on trouva Simone Signoret excellente, le succès alla surtout à l’inconnu qu’était Roland. Quant à Vallone, dépité, il avait quitté Venise tôt le lendemain de la projection, sans même prévenir qui que ce soit... Finalement, le jury trouva que Roland était trop jeune pour se voir récompenser. […] Ce fut le film qui obtint le Lion de Venise. […] J'allais chercher le trophée sur la scène, je fus accueilli par les mêmes sifflets des vieilles dames empanachées qui, j’en demeure encore navré, n’avaient pas aimé le film... »

Raf Vallone témoigne sa reconnaissance par télégramme à un Marcel Carné qui se dit « vivement stupéfait »[1] :

« J'ai doublé Thérèse Raquin en italien — Stop — J'ai eu une conscience encore plus profonde de ton génie — Stop — Je suis heureux du succès qu'à Paris a eu ton œuvre à laquelle je suis orgueilleux d'appartenir avec la même amitié. »

 Raf Vallone.

Distinctions

À noter

Bibliographie

  • Alain Garcia, L'adaptation du roman au film , préface de Henriette Dujarric et Robert Jarry, IF Diffusion, Paris, 1990
  • Marcel Carné, La vie à belles dents : souvenirs, J.P. Ollivier, Paris, 1975
  • La Cinématographie française, n° 1511,
  • Cinema Nuovo, vol. 1, n° 13,
  • La Cinématographie française, n° 1534,
  • Les Cahiers du Cinéma, n° 29,
  • Jean Collet, Téléciné no 40-41, F.L.E.C.C., Paris, Janvier-, Fiche no 214.
  • Les Cahiers de la cinémathèque, n° 5, hiver 1972
  • Cinématographe, n° 61,
  • Cinématographe, n° 85,
  • Cinéma 86, n° 347,
  • L'Avant-scène cinéma, n° 433,

Notes et références

  1. Extrait de son livre de souvenirs La Vie à belles dents, Paris, Éditions Jean-Pierre Ollivier, , 488 p.
  2. Extrait de ses mémoires, La nostalgie n'est plus ce qu'elle était, Éditions du Seuil, Paris, 1975 (ISBN 2020045206).
  3. Simone Signoret fut l’une des « figurantes permanentes » du film Les Visiteurs du soir dont le tournage eut lieu dans les Studios de la Victorine à Nice, d’où son allusion à sa résidence passée à Vence. L’auberge de La Colombe d’Or de Saint-Paul-de-Vence deviendra ensuite sa résidence de villégiature préférée.

Liens externes

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