Stelarc

Stelarc, de son vrai nom Stelios Arcadiou, né le à Limassol (Chypre) est un artiste australien. Il est connu pour ses performances d'Art corporel dans lesquelles il mêle le corps biologique à des composants électroniques ou robotiques, suivant le principe selon lequel le corps humain est obsolète.

Performances

Stelarc convoque un imaginaire issu de la cyberculture et répond à la définition du « sublime technologique » proposée par Mario Costa. En effet, le travail de Stelarc manifeste le possible humain au sein de l’environnement technosphérique. L’œuvre de Stelarc réinterroge alors, dans ce contexte, la corporéité à travers ses possibles et ses limites. Son travail se base sur « l'idée du corps comme architecture évolutive et l'exploration d'une structure anatomique alternative[2]. » Il explique que « tous [ses] projets et performances se penchent sur l'augmentation prothétique du corps, que ce soit une augmentation par la machine, une augmentation virtuelle ou par des processus licornologique »

L’œuvre de Stelarc explore les conditions de la relation Humain/machine et explore la définition de la corporéité en regard des avancées technologiques. Il utilise du matériel médical, robotique, biotechnologique ainsi qu'internet et les systèmes de réalité virtuelle pour créer différentes interfaces avec son corps[1].

1.      Il explore le corps et ses limites : Bodies Suspensions

2.      Il conçoit des œuvres d’interaction corps/robot comme dispositif prothétique extériorisé avec la série des Hexapodes : Exoskeleton, Muscle Machine, Hexapod.

3.      Il conçoit une œuvre de technologies situées dans le corps comme « espace d’hôte » avec Stomach Sculpture, Extra Ear

4.      Il conçoit des œuvres d’hybridation corps/machine où le dispositif prothétique est attaché au corps : Third Hand puis avec l’exigence d’une analogie plus forte, Extra Ear.

5.      Il conçoit une série d’œuvres d’hybridation réel/virtuel qui situent le corps au sein d’un environnement-interface : Fractal Flesh, Parasite, Ping Body.  Ces œuvres correspondent à la définition de l'installation performée qui, selon la terminologie de David Thomas[3], est un croisement entre l’art de la Performance et l’art de l’Installation.

6.      Il conçoit des œuvres de simulation de corps virtuel : Movatar, URL Body.

7.      Il conçoit des œuvres de simulation de la subjectivité : Prosthetic Head.

8.      Il conçoit également des œuvres utilisant la biologie cellulaire ¼ Scale Ear, Partial Head, où une partie substantielle du corps est rendue indépendante et évolue comme une structure autonome.

9.     Enfin, sa dernière œuvre, Blender, consiste en un mixage dans un Blender (mixeur) industriel, de la graisse de son torse issue d’une liposuccion, avec d’autres matières organiques et se présente comme une Installation.

Les limites du corps

Entre 1976 et 1988 Stelarc fait 26 performances de suspension corporelle, avec des crochets à travers le corps. Les Body Suspensions visent à définir le corps négativement. Stelarc y explore les limites et les contraintes liées à la masse pondérale et à l’espace local que le corps occupe. Le manque d’opérativité du corps-interface est clairement représenté par les suspensions que l’artiste a réalisées, paupières et bouches cousues par du fil chirurgical. Les Body Suspensions marquent la première période de l’œuvre de l'artiste.

Toutes les autres œuvres de Stelarc participeront dès lors du Travail de correction du corps.

La prothèse

Exoskeleton Muscle Machine est à penser comme la quête du meilleur interfaçage possible entre le corps et la machine. La technologie de cet exosquelette reste extérieure au corps, elle est Véhicule pour celui-ci.

Cette œuvre se présentent sous forme de structure robotique munie de six pattes, activées selon un système pneumatique, amplifiant les mouvements de la marche.

L'Hexapode, quant à lui, est automatisé. C’est un robot autonome, mû par un système automatique de détection de mouvement et doté d’un visage-image.

Le travail en cours de la Walking Head (Tête Marchante), se présente sous la forme d’un walking-robot de deux mètres de diamètre, muni de six pattes autonomes. Un écran LCD d’ordinateur est monté verticalement sur un châssis, actualisant l’image d’une tête humaine. L’écran LCD est capable de pivoter. Le robot est muni d’un détecteur d’ultra-sons. La détection de présence d’une personne en face de lui, déclenche une réaction chorégraphique générée par la sélection, à partir de la bibliothèque, de mouvements pré-programmés.

Le corps comme contenantation

Les œuvres telles Stomach Sculpture, Third Hand, Extra Ear conçoivent le corps comme site d’accueil de la technologie. Le corps devient support matériel « non plus d’une âme ou d’un Moi » (Stelarc).

L’idée de l'œuvre Stomach sculpture était d’insérer une œuvre d’art dans le corps, de situer la sculpture dans un espace interne. Le corps devient dès lors cavité, sans distinction significative entre espace public et espace privé physiologique. La technologie envahit le corps et fonctionne à l’intérieur de celui-ci, non pas comme un remplacement prothétique, mais comme un ornement esthétique. Il n’est plus question que le corps soit considéré comme art ni qu’il soit acteur d’une Performance artistique mais qu’il devienne contenant de l’art. Le corps creux devient un hôte, ni du Moi ni d’une âme mais simplement d’une sculpture.

Ayant développé une troisième main, Stelarc considère la possibilité de construire une oreille supplémentaire, positionnée à côté de la vraie oreille. Un scan laser a été réalisé pour créer une simulation en trois dimensions de l’oreille supplémentaire dans le lieu qui lui est destiné. La position choisie pour implanter l'oreille supplémentaire est devant l’oreille droite.

            Pour distendre l’épiderme, un ballonnet a été inséré sous la peau et graduellement gonflé durant plusieurs mois jusqu’à ce qu’une bulle souple de peau soit formée. Le ballonnet a ensuite été enlevé et un cartilage en forme d’oreille a été inséré puis fixé à l’intérieur de la poche ainsi créée.

            A l’inverse de la prothèse matérielle d’une main mécanique, l’oreille supplémentaire serait une extension « soft » (logicielle), imitant la forme et la structure d’une vraie oreille tout en ayant des fonctions différentes. « Implantée d’une puce sonore et d’un capteur de proximité, l’oreille parlerait à quiconque s’en approcherait. Il se peut que le but ultime de cette oreille soit de chuchoter des mots doux à l’autre oreille. Ou bien imaginez l’oreille supplémentaire comme une antenne Internet capable d’amplifier des sons « Real-audio » afin d’augmenter le volume sonore localement perçu par les oreilles organiques. » (Stelarc, site internet de l'artiste). Malheureusement, une infection sérieuse l'a obligé à supprimer le micro[2].

Le corps hybriderationaligique

Stelarc se lance dans la réalisation de plusieurs œuvres d'installation performée, hybridant son corps à la technologie. Sa première œuvre consiste en une prothèse (un troisième bras), activé par les muscles des jambes et de l'abdomen de l'artiste auquel il est relié. Involuntary Body-Third Hand se combine avec Fractal-Flesh, Ping Body et Parasite pour former des chorégraphies d’imbrication de mouvements volontaires, involontaires et à distance. Ses muscles sont stimulés par des électrodes, dirigées par des personnes à distance (Split Body) ou dirigées par des données aléatoires trouvées sur internet (Ping Body)[2].La technologie devient un environnement dynamique et interactif. Dans Fractal Flesh, les spectateurs sont invités à manipuler le corps de Stelarc à distance, via le web. « Les relations « interindividuelles » ne sont donc pas construites relativement à une historicité-signifiance mais à un potentiel-information, pour une interaction qui n'est donc pas intersubjective mais inter-corporelle, et plus précisément, inter-nerveuse. »[4]

« La compatibilité des éléments de Fractal-Flesh, afin de se constituer en système, induit la recherche d'un dénominateur commun qui assurerait sa cohésion. La circulation des informations est possible par la capacité partagée du corps biologique et des machines à recevoir et contenir des informations sous formes d’impulsions électriques, renforçant un peu plus l'image du système nerveux. »

Le système Fractal-Flesh offre la possibilité de concevoir un corps comme site d’accueil de plusieurs « esprits ». « La technologie vous apporte la possibilité d’être physiquement mus à partir d’autres esprits. […] Le problème ne sera pas d’automatiser les mouvements du corps mais plutôt de rendre possible le transfert d’une action physique d’un corps vers un autre corps dans un autre lieu. »[5]

 Dans Ping Body – an Internet Actuated and Uploaded Performance (Corps Connecté - une Performance Internet Ponctuelle et Téléchargeable), mise en scène pour la première fois pour les « Digital Aesthetics » à Sydney, bien que le corps soit manipulé de façon indirecte par la présence de sujets connectés, il ne s’agit plus de transfert de mouvement tel que cela était le cas pour Fractal Flesh. Le corps se meut en fonction de l’activité Internet, celle-ci chorégraphie les mouvements et compose la Performance.

Une connexion aléatoire de trente sites Internet d’une vitesse de connexion (valeur Ping) comprise entre 0 et 2000 millisecondes permet de mesurer la distance entre l’internaute et le corps selon le temps nécessaire à la transmission, ainsi que la densité des connexions. Ces valeurs Ping activent le deltoïde, les biceps, les cuisses, les muscles fléchisseurs et les muscles des mollets, ce qui génère des mouvements involontaires grâce au courant électrique délivré d’une tension comprise entre 0 et 60 Volts.

Les mouvements du corps sont traduits « musicalement » par une interface MIDI qui mesure la position, la proximité et l’angle d’inclinaison des membres. Activée par des données Internet, l’information corporelle est acheminée vers un site web afin d’être vue dans d’autres lieux.

La Perfomance Parasite procède d’une hybridation du corps avec son image numérique. Les images recueillies à partir d’Internet sont mappées sur le corps qui, par un système de stimulation musculaire, devient capable de réaction au sein d’un environnement VNS (Virtual Nervous System). Un moteur de recherche personnalisé de collecte et de traitement aléatoire des images JPG agit en temps réel pour un affichage des données sur le corps et son prolongement audio-visuel, actionnant les muscles du corps qui effectuent ainsi des mouvements involontaires. Le mouvement est à son tour traité dans un espace VRML du site de la Performance en tant qu’image potentiellement ré-utilisable pour actionner le corps dont le mouvement procède alors d’une circulation de l’information par boucle réentrante. Les mouvements du corps physique fonctionnent donc par rétroaction grâce à son interaction avec ses propres prolongements (nerveux, musculaires, prothèse électronique de la troisième main, et audio-vidéo). Le corps est ainsi « consommé » comme information et consommateur d’informations, immergé à l’intérieur d’un système symbolique et cybernétique topologiquement étendu dont le mouvement se traduit comme quête incessante de ses propres prothèses.

Ces Performances sont caractérisées par le principe d’hybridation qui consiste à explorer les possibilités du corps lorsqu’il est connecté à l’élément ou à l’environnement technologique.

Les œuvres virtuelles

Movatar interroge la virtualisation du corps. « Votre substitut virtuel n’imiterait pas simplement les mouvements du corps physique. »[5]

L’analogon joue le rôle de véritable « corps » dans le sens où il incarne une conscience. L’interface-écran joue ici le rôle de fenêtre ouverte sur le monde virtuel. Movatar est ponctué d’anecdotes, un mouvement moindre dans le monde réel engage un mouvement ample de l’analogon. L’analogon entre et sort du cadre de l’écran donnant l’impression d’un hors-champ, d’une continuité autonome du monde virtuel, accentuant par là-même la métaphore de l’écran comme fenêtre.

 Prothetic Head explore la possibilité d’une simulation de l’intelligence définie comme propriété extérieure au sujet, jouant de la relation et l’interaction entre deux agents.

Cette œuvre soulève donc autant la question identitaire de la subjectivité, que la fonction de la technologie comme miroir, puisqu'elle procède par détachement des fonctions corporelles ou de l’intelligence, remplissant ainsi la fonction narcissique décrite par Derrick De Kerckhove.

¼ Scale Ear reprend la tentative de Extra Ear d’implant d’une oreille prothétique. Si l’emplacement initial d’Extra Ear devait procéder d’une insertion sous la peau de la joue, après que celle-ci ait été, par un système de gonflement, distendue, cette nouvelle oreille a été greffée sous la peau de l’avant-bras.

Stelarc a également eu un avatar sur Second Life.

La chair à nouveau

Blender est la première œuvre que Stelarc produit avec la collaboration de Nina Sellars. Ensemble, ils ont entrepris une liposuccion. Le stockage de la graisse a nécessité un accord juridique ainsi que des conditions sanitaires essentielles à la réalisation de l’œuvre. La matière organique stockée dans un mixeur industriel (Blender), a été exposée au Meat Market Gallery B dans le nord de Melbourne en .

En elle-même, l’installation mesure 1,6 mètres de haut et possède une structure aux proportions anthropomorphiques. Régulièrement, le Blender se met en marche et broie son contenu grâce à un système de pompes à air comprimé et d’un vérin pneumatique. Le mélange comprend 4,6 litres de graisse sous-cutanée prélevée sur le torse de Stelarc ainsi que des membres de Nina Sellers, du zylocain, de l’adrénaline, du sang de groupe O, du bicarbonate de sodium, des nerfs périphériques, des solutions salines et du tissu conjonctif. Le mixeur est installé comme « personnage principal », sous la lumière d’un projecteur. Les sons issus du mixage sont amplifiés, déformés et retransmis avec un retard audio. Le travail sonore est réalisé par Rainer Linz.

Références

  1. (en) « Informations biographiques [PDF] », sur stelarc.org (consulté le ).
  2. Marie Lechner, « Le corps amplifié de Stelarc », sur next.liberation.fr, (consulté le )
  3. David Thomas, « L’art, l’assimilation psychasthénique et l’automate cybernétique », in Louise Poissant (sous la direction de) Esthétique des arts médiatiques, op.cit., p.365-382, « L’art, l’assimilation psychasthénique et l’automate cybernétique », in Louise Poissant (sous la direction de) Esthétique des arts médiatiques, Canada, Presses de l'Université du Québec,
  4. Marie Reverdy, « Du corps-sujet au corps-espace, Modalités relationnelles dans l’œuvre Fractal-Flesh » in Paroles croisées-aperçus théoriques sur les arts, textes réunis et présentés par Maxime Scheinfeigel, Montpellier, Editions UPV, (lire en ligne)
  5. Stelarc, « « Vers le post-humain, du corps esprit au système cybernétique », traduction par Franck Beaubois, in Danse et Nouvelles Technologies », Nouvelles de Danse 40/41,

Liens externes

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