Souris humanisée

Une souris humanisée est une souris de laboratoire immunodéficiente qui soit exprime un gène humain, soit a été greffée avec des cellules souches ou des tissus humains.

Les souris humanisées constituent des modèles permettant d'étudier gènes, organes et pathologies d'origine humaine, mais aussi de tester des médicaments destinés aux humains.

Historique

L’étude des pathologies humaines est souvent limitée par l’absence de modèle animal. La souris est un bon modèle, c'est un mammifère suffisamment proche de l'homme et facile à manipuler.

Dans les années 1980, des scientifiques ont utilisé pour la première fois une souris immunodéficiente afin de l' "humaniser". Cette dernière, renommée CB17-scid[1] (severe combined immunodefeciency), possédait une mutation autosomale récessive du gène prkdc, gène impliqué dans le réarrangement des récepteurs des lymphocytes T et des immunoglobulines. Or ceci était un problème si on voulait étudier le système immunitaire humain car la souris contenait toujours ses propres lymphocytes B et cellules NK (Natural killer). Dans les années 2000, les scientifiques établirent alors des croisements de différents modèles de souris présentant différentes mutations afin d’optimiser leur utilisation. Aujourd’hui les souris les plus utilisées sont les souris NSG et BRG qui sont génétiquement très stables. De plus, elles sont complètement dépourvues de lymphocytes murins T, B et NK, ce qui est un paramètre essentiel au développement d’un système immunitaire humain fonctionnel et permet d'éviter le rejet de greffe. Depuis 2010, de nouvelles souris ont été utilisées pour des greffes spécifiques, par exemple la souris FRG pour la greffe d’hépatocytes afin d’obtenir un foie fonctionnel humain, ou encore la souris BLT.

Principe

Un gène, une cellule ou le fragment d’un organe, provenant d’une ébauche embryonnaire humaine est transplanté dans une souris immunodéficiente. On réalise une ablation des cellules ou organes de la souris auxquels on s'intéresse. On peut ensuite éventuellement irradier la souris afin de détruire au maximum son système immunitaire murin. L'absence de système immunitaire permet aux cellules humaines de se développer car elles ne seront pas rejetées . Après quelques mois dans la souris, ces cellules immatures se sont différenciées en cellules matures et des études peuvent avoir lieu.

Exemples d'applications

Les cellules bêta-pancréatiques

Le pancréas est un organe constitué essentiellement d’îlots de Langerhans, eux-mêmes composés de 5 types de cellules, notamment les cellules beta-pancréatiques. Ces dernières étant à l’origine de la sécrétion de l’insuline[2], la conséquence d’une destruction auto-immune de ces cellules beta est le diabète de type I. Au début des années 2000, des scientifiques ont généré des souris humanisées pouvant, à partir de cellules souches humaines, recréer un tissu s'apparentant au pancréas. Le but était de créer une lignée de cellules bêta-pancréatique capables de produire de l'insuline. Cette lignée a permis, par exemple, d'observer une régulation de la glycémie chez ces souris humanisées. À terme, une thérapie cellulaire est envisageable afin de traiter le diabète chez l'humain.

Le Virus de l'immunodéficience Humaine (VIH)

Le VIH est un virus qui se transmet sexuellement ou par contact sanguin. La contamination provoque le Syndrome de l'immunodéficience acquise ce qui conduit à un affaiblissement du système immunitaire. En effet, les cellules cibles du VIH sont celles du système immunitaire, elles constituent donc la voie d'entrée du virus.

Dans le cas étudié ici, le but de la génération de souris humanisées est de tester des médicaments qui pourraient empêcher le développement du VIH et mettraient en évidence les mécanismes pathogènes entrant en jeu lors de l'infection.

Les souris sont donc un très bon modèle d'étude qui permet l'analyse de l'efficacité de la prévention du VIH.

Règles et limites

La génération de souris humanisées répond à des règles précises. La loi de bioéthique du , strictement encadrée par l’Agence de la biomédecine, assure à chaque étape la conformité du prélèvement et de l'usage des tissus humains. L’expérimentation animale est elle-même encadrée pour réduire toute forme de souffrance ou d'angoisse subie par les animaux de laboratoire. Ainsi une Directive européenne oblige les laboratoires à appliquer la règle des 3 R :

  • Remplacer: dans la mesure du possible, utiliser une méthode de recherche autre que l'expérimentation animale.
  • Réduire: pour tout nouveau projet, le laboratoire doit présenter à un comité d'éthique le protocole des expériences. Celui-ci devra alors justifier de l’impossibilité de mener les expériences sans ces animaux et déterminera le nombre maximum d’animaux à utiliser.
  • Raffiner: contrôler au maximum les paramètres qui influencent le résultat, c'est-à-dire qu'il faut choisir un modèle qui soit apte à reproduire, le plus fidèlement possible, la pathologie étudiée.


Malgré quelques imperfections, la souris humanisée représente, grâce aux améliorations récemment apportées, un des modèles le plus performant et le plus proche de la physiologie humaine.

Voir aussi

Liens externes

Anne Cachat et al., 2012, Les souris ne sont pas des hommes et pourtant..., Médecine/Science, volume 28 n°1, 63-68.
Philippe Ravassard et al.,2012, Cellules bêta-pancréatiques, Médecine/Science, volume 28 n°2, 149-151.
http://www.sidablog.fr/news/recherche-sida-VIH-15.pdf , consulté le 30/04/2012.
http://www.agence-biomedecine.fr/agence/la-recherche-sur-l-embryon.html , consulté le 05/05/2012. http://www.thebodypro.com/content/64143/can-humanized-mice-advance-hiv-prevention.html , consulté le 30/04/2012.

Notes et références

  1. Bosma GC, Custer RP, Bosma MJ. A severe combined immunodeficiency mutation in the mouse. Nature 1983 ; 301 : 527-30
  2. Efrat S, Linde S, Kofod H, et al. Beta-cell lines derived from transgenic mice expressing a hybrid insulin gene-oncogene. Proc Natl Acad Sci USA 1988 ; 85 : 9037-41.
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