Serpentine (minéral)

La serpentine n'est pas une espèce minérale mais une famille de minéraux du groupe des silicates, sous-groupe des phyllosilicates (ou silicates lamellaires). Cette famille contient plus de 20 membres ou polymorphes que l'on retrouve dans des roches métamorphiques riches en hydroxydes de fer, aluminium, manganèse, nickel, zinc, calcium et/ou de magnésium ((Mg, Fe)3Si2O5(OH)4). Étant donnée leur origine de formation ainsi qu'à cause des nombreux éléments présents durant ce phénomène, ses membres sont souvent difficiles à identifier car ce minéral cristallise également en microcristaux. Les trois plus importants polymorphes de la serpentine sont l'antigorite, le chrysotile (une forme d'amiante) et la lizardite. La roche correspondant à la famille de la serpentine est la serpentinite. Les « roches serpentines » sont des roches riches en serpentines, naturellement alcalines et riches en certains métaux toxiques (nickel notamment) et/ou en fibres d'amiante cancérigènes et écotoxiques, qui supportent des écosystèmes particuliers, généralement pauvres en espèces[2].

Pour les articles homonymes, voir Serpentine.

Groupe de la Serpentine (Dana)
Catégorie IX : silicates[1]

Antigorite (variété bowenite)
Général
Classe de Strunz (kaolin)
Classe de Dana
Formule chimique (Mg,Fe,Ni)3Si2O5(OH)4
Identification
Couleur vert, brun, gris,bleu-vert, vert pomme, beige, jaune, noir, blanc voire incolore
Système cristallin triclinique, monoclinique
Clivage net à {001}
Habitus fibreux, petites masses interstitielles
Échelle de Mohs 2,5 à 3,5
Éclat vitreux, gras ou soyeux
Propriétés chimiques
Densité 2,55 à 3,30
Propriétés physiques
Magnétisme aucun
Radioactivité aucune

Unités du SI & CNTP, sauf indication contraire.

Certains types de serpentine sont utilisés en joaillerie comme pierre taillée ou comme pierre ornementale. Les habitus asbestiformes sont cancérigènes.

Étymologie

Vase de Chine, Rice Museum

Leur coloration olive ainsi que leur aspect souple et écailleux est l’origine du nom de leurs roches d’origine, les roches ophidiennes venant du grec ophidis, serpent, et de sa forme minérale la serpentine qui vient du latin serpentinus qui signifie serpent de pierre. Le terme générique de serpentine couvre toutefois une large palette de minéraux difficiles à identifier qui génère de nombreuses confusions dans la littérature du XIXe siècle et même de la première partie du XXe siècle.

Gîtologie

Ces minéraux proviennent de l'altération de l'olivine et des pyroxènes des péridotites. Les serpentines peuvent également se révéler par la pseudomorphose d’autres silicates de magnésium. Les altérations peuvent s’avérer incomplètes et ainsi provoquer une variation importante des propriétés physiques des serpentines expliquant également l’importante quantité de ses variétés. Les serpentines occupent une proportion importante du manteau rocheux de la Terre, surtout dans les zones anormalement riches en argiles.
L’antigorite est le polymorphe de la serpentine le plus courant, issu du métamorphisme humide des roches ultramafiques tout en restant stable jusqu’à des températures de 600 °C et à des profondeurs de 60 km ou plus. Au contraire de la lizardite et du chrysotile qui sont des formes issues des couches superficielles de l’écorce terrestre et qui se dégradent à des températures de l’ordre de 400 °C. Il a été suggéré que la chrysotile n’aurait pas de stabilité totale en regard des deux autres polymorphes principaux de la serpentine. Cet aspect pourrait expliquer sa nocivité en tant qu’agent cancérigène. Des échantillons venant du fond des océans démontrent que les roches ultramafiques sont riches en serpentine. L’antigorite contient de l’eau dans sa structure à hauteur de l’ordre de 13 % de son poids. Il semblerait que l’antigorite joue un rôle important dans les phénomènes de transports aqueux souterrains et la création des archipels volcaniques ainsi que l’approvisionnement en eau des zones de fracture des plaques tectoniques, permettant aussi à l’eau d’atteindre de très grandes profondeurs.

Pédologie

serpentine’s barren en Pennsylvanie

Les solides issus de la dégradation de la serpentine sont toxiques pour beaucoup de plantes à cause de leur teneur élevée en nickel, chrome et cobalt, la croissance des plantes peut également se trouver inhibée par un fort taux de potassium, phosphore ainsi qu’un appauvrissement du couple calcium/magnésium. La flore de ces régions devient ainsi très caractéristique avec des espèces à faible croissance. Les zones de serpentine sont ainsi généralement des fruticées (comme les maquis), zone de petits arbres, souvent des conifères parfois même en plein milieu de zones forestières, ces zones sont alors dénommées des serpentine’s barren, littéralement « zone stérile à serpentine » à cause du contraste causé par l'intoxication des plantes dans cette zone par rapport aux autres zones.

Propriétés physiques

La plupart des serpentines sont opaques à translucides, légères (densité 2,2-2,9), tendres (2,5-4), infusibles (elles se dégradent, elles ne fondent pas) et peuvent s’avérer acides. Toutes sont microcristallines et en habitus massif, des cristaux isolés n’ont encore jamais été observés. Le lustre est vitreux, gras ou soyeux. Le spectre de couleur est varié, allant du blanc vers le gris jusqu’au bleu, jaune au vert et du marron au noir et sont souvent avec des agrégations ou concentrations voire veinées. Ce sont souvent des minéraux présents en agrégats ou en inclusions mais comportant également des formes en plaques ou en fibres. Leur cristallisation est minuscule et donc souvent non perceptible à l'œil nu. Cependant comme ils peuvent cristalliser en longues fibres, il n'est pas rare de les voir occuper les interstices rocheux comme dans les cas des fentes alpines dans lesquelles ils peuvent atteindre plusieurs mètres de long par fibre.

Gisements en France

Les gisements de serpentine sont ceux de la serpentinite.

  • Le lieudit « La Chauvinière » à Mouchamps est le principal gisement de serpentine de Vendée[3].
  • Puy de Wolf à Firmi dans le département de l'Aveyron, ce massif de serpentinite serait le plus important d’Europe.
  • Un gisement a été exploité dans le département de l'Isère sur le massif du Taillefer au lieu-dit de « La Chinarde » au pied des téléskis de la station de l'Alpe du Grand Serre. La carrière à ciel ouvert s'ouvre sur le flanc du sommet de la Chinarde, la roche extraite varie du vert foncé au vert jaune. Les blocs extraits étaient descendus par le col de l'Oullière pour être taillés à la marbrerie Luyat de la Mure.
  • En Limousin, en particulier dans le sud et l'ouest de la Haute-Vienne (région de La Roche-l'Abeille et La Meyze, Vayres) , plusieurs gisements ont été exploités pendant le Moyen Âge et la Renaissance.
  • Dans les Vosges, à Cleurie, se trouvent également des rochers de serpentine classés en Zone Naturelle d'Intérêt Écologique Faunistique et Floristique (ZNIEFF) par l'Inventaire National du Patrimoine Naturel (INPN)[4],[5]. L'école publique locale porte d'ailleurs le nom de la pierre[6].

Les gemmes

Les formes gemmes sont taillées comme pierres fines et pierres ornementales (les antigorites). Souvent teintée, elle peut imiter le jade et se retrouvera nommée en "Suzhou jade", "Styrian jade", '"jade Teton" et "Nouveau jade". La serpentine de Nouvelle-Calédonie est particulièrement riche en nickel et une des grosses sources au monde de minerai de nickel (népouite).

La bowenite et la williamsite, des variétés d'antigorite sont les variétés les plus courantes avec la lizardite pour ces usages. Leurs coloris délicats, l'aspect translucide mais également leur relative tendreté les rendent attractives pour la sculpture voire les bijoux[Atlas_RoMi 1].

Espèces du groupe (polymorphes)

La première difficulté dans la description de ce groupe est que, originellement, il était considéré comme un minéral décliné en plusieurs formes. La deuxième vient de son origine métamorphique et de ses formules extrêmement complexes ce qui fait que Dana et Strunz ne le traitent pas de la même manière, l'un le met en association avec plusieurs minéraux de références et l'autre associe la serpentine avec la kaolinite d'où une catégorisation compliquée avec des points communs[7],[8]. Le groupe n'existe d'ailleurs clairement que dans la classification de Dana, la classification de Strunz regroupant les serpentines avec les kaolinites.

71.01.02a Groupe de la serpentine

71.01.02a.01 Antigorite (Mg,Fe2+)3Si2O5(OH)4 Cm m, série polysomatique où la tendance à la courbure typique de la serpentine est inversée périodiquement, ce qui donne comme résultat une structure ondulée[RoMiGuide 1];

71.01.02b Sous-groupe de la lizardite

71.01.02b.01 Caryopilite (Mn2+,Mg, Zn,Fe2+)3(Si,As)2O5?(OH,Cl)4 Cm ou C 2/m Mono

71.01.02b.02 Lizardite Mg3Si2O5(OH)4 P1 1, à couches droites, où le silicium et le magnésium sont partiellement remplacés par de l'aluminium[RoMiGuide 2];

71.01.02b.03 Garniérite (Népouite) Ni3Si2O5(OH)4 Ccm21 mm2

71.01.02b.04 Greenalite (Fe2+,Fe3+)2-3Si2O5(OH)4 Unk Mono

71.01.02c Sous-groupe de l'amésite

71.01.02c.01 Amésite Mg2Al(SiAl)O5(OH)4 C1 1[RoMiGuide 1]

71.01.02c.02 Berthiérine (Fe2+,Fe3+,Al,Mg)2-3(Si,Al)2O5(OH)4 Cm m

71.01.02c.03 Brindleyite (Ni,Mg,Fe2+)2Al(SiAl)O5(OH)4 C 2 2

71.01.02c.04 Fraipontite (Zn,Al)3(Si,Al)2O5(OH)4 Cm m

71.01.02c.05 Kellyite (Mn2+,Mg,Al)3(Si,Al)2O5(OH)4 P 63 6

71.01.02c.06 Manandonite Li2Al4[(Si2AlB)O10](OH)8 C1 1

71.01.02c.07 Cronstedtite Fe2+2Fe3+(SiFe3+)O5(OH)4 P 31m 3m

71.01.02d Sous-groupe du chrysotile

71.01.02d.00 Chrysotile Mg3Si2O5(OH)4 A2/m 2/m, principale variété d'amiante, à couches courbes qui forment des spirales[RoMiGuide 3]

71.01.02d.04 Pécoraïte Ni3Si2O5(OH)4 C 2/m 2/m

Clinochrysotile, orthochrysotile et parachrysotile ont été déclassés par l'IMA en 2006 et définis désormais comme des polytypes du Chrysotile [9],[10],[11].

Classification de Nickel-Strunz

Groupe kaolinite-serpentine

09.ED Phyllosilicates avec structure de kaolinite

  • 09.ED.05 Dickite Al2Si2O5(OH)4 Cc m
  • 09.ED.05 Kaolinite Al2Si2O5(OH)4 P1 1[RoMiGuide 4]
  • 09.ED.05 Nacrite Al2Si2O5(OH)4 Cc m
  • 09.ED.10 Hisingerite Fe3+2Si2O5(OH)4•2(H2O) Unk Mono
  • 09.ED.10 Endellite Al2Si2O5(OH)4•2(H2O) Cc m
  • 09.ED.10 Halloysite Al2Si2O5(OH)4 Cc m
  • 09.ED.10 Sturtite (Fe3+)(Mn2+,Ca,Mg)Si4O10(OH)3•10(H2O) None
  • 09.ED.15 Clinochrysotile Mg3Si2O5(OH)4 Cc, C 2/m Mono SERPENTINE
  • 09.ED.15 Berthiérine (Fe2+,Fe3+,Al,Mg)2-3(Si,Al)2O5(OH)4 Cm m SERPENTINE
  • 09.ED.15 Brindleyite (Ni,Mg,Fe2+)2Al(SiAl)O5(OH)4 C 2 2 SERPENTINE
  • 09.ED.15 Amésite Mg2Al(SiAl)O5(OH)4 C1 1 SERPENTINE
  • 09.ED.15 Antigorite (Mg,Fe2+)3Si2O5(OH)4 Cm m SERPENTINE
  • 09.ED.15 Caryopilite (Mn2+,Mg, Zn,Fe2+)3(Si,As)2O5?(OH,Cl)4 Cm or C 2/m Mono SERPENTINE
  • 09.ED.15 Fraipontite (Zn,Al)3(Si,Al)2O5(OH)4 Cm m SERPENTINE
  • 09.ED.15 Cronstedtite Fe2+2Fe3+(Si,Fe3+O5)(OH)4 P 31m 3m SERPENTINE
  • 09.ED.15 Chrysotile Mg3Si2O5(OH)4 A2/m 2/m SERPENTINE
  • 09.ED.15 Garniérite (Népouite) Ni3Si2O5(OH)4 Ccm21 mm2 SERPENTINE
  • 09.ED.15 Greenalite (Fe2+,Fe3+)2-3Si2O5(OH)4 Unk Mono SERPENTINE
  • 09.ED.15 Kellyite (Mn2+,Mg,Al)3(Si,Al)2O5(OH)4 P 63 6 SERPENTINE
  • 09.ED.15 Lizardite Mg3Si2O5(OH)4 P1 1 SERPENTINE
  • 09.ED.15 Orthochrysotile Mg3Si2O5(OH)4 Unk Ortho SERPENTINE
  • 09.ED.15 Manandonite Li2Al4[(Si2AlB)O10](OH)8 C1 1 SERPENTINE
  • 09.ED.15 Pécoraïte Ni3Si2O5(OH)4 C 2/m 2/m SERPENTINE
  • 09.ED.15 Parachrysotile Mg3Si2O5(OH)4 Unk Ortho SERPENTINE
  • 09.ED.15 Maufite (Mg,Ni)Al4Si3O13•4(H2O) (?) Mono ? Mono
  • 09.ED.20 Allophane Al2O3•(SiO2)1.3-2•((H2O))2.5-3 None
  • 09.ED.20 Neotocite (Mn,Fe2+)SiO3•(H2O) (?) None
  • 09.ED.20 Imogolite Al2SiO3(OH)4 ? Mono
  • 09.ED.20 Chrysocolle (Cu,Al)2H2Si2O5(OH)4•n(H2O) Unk Ortho
  • 09.ED.25 Bismutoferrite BiFe3+2(SiO4)2(OH) Cm m
  • 09.ED.25 Chapmanite Sb3+Fe3+2(SiO4)2(OH) Cm m

Symbole

La serpentine est depuis 1965 le minéral de référence de l'État de Californie aux États-Unis[12]. À la suite des problèmes de santé dus à l'amiante, son retrait a été demandé depuis 2010[13],[14],[15].

Galerie

Voir aussi

Notes et références

  1. La classification des minéraux choisie est celle de Strunz, à l'exception des polymorphes de la silice, qui sont classés parmi les silicates.
  2. Roberts, B. A., & Proctor, J. (Eds.). (2012). The ecology of areas with serpentinized rocks: a world view (Vol. 17). Springer Science & Business Media.
  3. Henri Fournel, Gîtes min., 1852, p. 157-158 et A.S.E.V., 1854, p. 89, passage cité p. 246 de l'article de Marcel Baudoin, « Les haches en serpentines de la Vendée », Bulletin de la Société préhistorique française, (présentation en ligne)
  4. « ROCHERS DE SERPENTINE A CLEURIE »
  5. « Evolution géologique et phytogéographique des Vosges: Affleurement de la vallée de Cleurie »
  6. « École primaire publique la Serpentine »
  7. Phyllosilicates Phyllosilicate Sheets of Six-Membered Rings with 1:1 layers
  8. (en)Classification Nickel Strunz des silicates
  9. Clinochrysotile
  10. Orthochrysotile
  11. Parachrysotile
  12. (en) California Government Code § 425.2
  13. (en) LEGISLATIVE COUNSEL'S DIGEST, SB624
  14. (en) California State Bill 624
  15. (en) « ADAO Applauds Manhattan Beach City Council for Passing Resolution to Repeal the Designation of Asbestos Laden Serpentine as the California State Rock », Reuters, (lire en ligne)
  • (en) Angeles Gavira et Peter Frances, Rocks and Minerals, The definitive visual guide [« Rock and Gem (2005) »], Londres (Grande-Bretagne), Dorling Kindersley Limited, , 364 p. (ISBN 978-1-4053-2831-9) (RoMiGuide)
  1. p.256
  2. p.257
  3. p.256-258
  4. p.259
  • Dictionnaire des roches et des minéraux, Paris, Albin Michel, coll. « Encyclopædia Universalis », , 1066 p. (ISBN 2-226-12715-1) (Universalis_RoMi)
    • Minéraux et Pierres de collection, Paris (France), Éditions Atlas, , 1246 p. (Atlas_RoMi)
    1. Fiche de la Serpentine
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