Deuxième guerre de la mafia

La deuxième guerre de la mafia est un conflit interne à Cosa nostra qui se déroula en Sicile au début des années 1980 et se traduisit par environ mille assassinats.

Elle oppose le clan mafieux des Corléonais (issu du village sicilien de Corleone) aux familles mafieuses de Palerme.

Origine du conflit

En 1958, la famille Corleone, petit clan mafieux de la ville de Corleone et affiliée à la Cosa nostra, perd son chef Michele Navarra, tué par l'un de ses hommes de mains, Luciano Leggio, qui développe en secret son propre trafic de bétail volé. Leggio fait ensuite assassiner tous les partisans de son ancien chef, avant de prendre lui-même la tête du clan. C'est durant ce massacre que Toto Riina commence à s'illustrer en assassinant pas moins de quarante personnes. Leggio amplifie l'influence de son clan, jusqu'à ce qu'il soit invité à rejoindre les instances dirigeantes de la Mafia sicilienne, aux côtés de Stefano Bontade, de Gaetano Badalamenti et de Salvatore Inzerillo, les trois principaux parrains de Cosa nostra en Sicile[1].

Mais en 1974, Luciano Leggio, est arrêté et condamné à la prison à vie, où il mourra en 1993. Toto Riina en profite pour lui prendre sa place à la tête de la famille, et convoite la part du trafic de drogue que possède Cosa nostra, et en particulier d’héroïne[2]. Car, depuis le démantèlement de la French Connection, en 1974, la Sicile devient l'un des centres occidentaux de production et de diffusion de l'héroïne dont Riina souhaite avoir le monopole en éliminant les clans adverses[3].

Les faits

Les principaux rivaux des Corléonais étaient Stefano Bontate, Salvatore Inzerillo et Gaetano Badalamenti, patrons de familles puissantes de la mafia de Palerme.

Le , Bontate est sauvagement assassiné. Quelques semaines plus tard, le 11 mai, Inzerillo est tué à son tour, criblé de balles. Plusieurs parents et associés des deux hommes furent ensuite tués ou disparurent mystérieusement, y compris le fils de 15 ans d'Inzerillo, à qui Toto Riina fit couper le bras avant de le faire abattre. Badalamenti ne parvint à survivre qu'en s'enfuyant de la Sicile.

De plus en plus de massacres eurent lieu au cours des deux années suivantes, illustrées par un énorme carnage : en un seul jour, le , douze mafiosi furent assassinés à Palerme, tous appartenant au clan Partanna Mondello, le clan du boss Saro Riccobono. Les meurtres traversèrent même l'océan Atlantique, avec le frère d'Inzerillo retrouvé mort dans le New Jersey après qu'il se fût enfui aux États-Unis. L'objectif des Corléonais était le contrôle du pouvoir au sein de Cosa Nostra.

Toto Riina, chef des Corléonais, élargit progressivement le cercle de ses cibles, afin de bloquer toute réaction des autorités officielles à la vague de violence qui déferlait sur le la Sicile. Pour ce faire, il commandita les meurtres de juges, de policiers et de procureurs afin de terrifier les autorités.

Meurtre du préfet Dalla Chiesa, de sa femme et de l'agent de sécurité, le 3 septembre 1982.

Un des magistrats les plus haut placés de Sicile, spécialement nommé le 1er mai 1982 pour combattre la mafia, était le général Carlo Alberto Dalla Chiesa. Le 3 septembre 1982, Dalla Chiesa, son épouse et un de ses gardes du corps furent assassinés dans un guet-apens. On pense que le tueur était Pino Greco, l'un des tueurs favoris de Riina. Toujours muni d'un AK-47, et portant le surnom de « Petite chaussure » (scarpuzeda en sicilien car il avait les pieds fins comme les danseurs), Pino Greco est suspecté d'avoir tué environ quatre-vingts personnes au nom de Riina, y compris Bontate et Inzerillo.

La violence culmina en 1982 avec 215 victimes, sans compter les disparitions. En 1983, on dénombra 113 morts[3]. Les mafieux tentèrent de battre en retraite : au moins deux cents d'entre eux disparurent sans laisser de traces.

La mise en scène et les méthodes violentes des exécutions répondaient à une volonté de faire parler de soi et d'impressionner les adversaires[3]. Une des histoires les plus terrifiantes de cette période était la prétendue « salle de la mort », un appartement squatté à Palerme tenu par un des hommes de Riina, Filippo Marchese. Des hommes étaient amenés là pour être torturés afin de leur soutirer des informations, puis tués et dissous dans de l'acide, ou démembrés et jetés à la mer. Un informateur ayant travaillé aux côtés de Marchese raconta que ce dernier insistait pour étrangler les victimes lui-même, bien que ses hommes de main pussent s'en charger. Vito Riccobono, frère de Rosario Riccobono est quant à lui décapité[3].

Riina recourait souvent à la trahison durant sa guerre, se liant avec des rivaux, puis les tuant lorsqu'ils ne lui étaient plus d'aucune utilité. Il élimina même ses deux tueurs les plus impitoyables et les plus fidèles, Pino Greco et Filippo Marchese. En 1982, après avoir décidé que Marchese n'était plus utile, Riina le fit assassiner par Pino Greco, puis trois années plus tard il fit éliminer ce dernier à son tour, le jugeant un peu trop ambitieux.

En deux ans, les familles Bontate, Inzirillo et Badalamenti sont anéanties[3].

Tandis que les Corléonais devenaient le clan le plus puissant de Sicile, leur tactique d'opposition à l'État se modifia quand, en 1982, un chef mafieux condamné, Tommaso Buscetta, devint un informateur de justice (repenti) majeur en coopérant avec les autorités. Buscetta faisait partie d'une famille en difficulté dans la guerre des mafias, et avait perdu plusieurs parents et beaucoup d'amis, éliminés par les tueurs de Riina. Devenir un repenti était, pour lui, la seule façon de sauver sa vie et de prendre sa revanche sur Riina. Buscetta fournit beaucoup d'informations au juge Giovanni Falcone, et témoigna au « Maxi-Procès de Palerme » (Maxiprocesso di Palermo) au milieu des années 1980 qui vit des centaines de mafiosi emprisonnés. Riina fut une nouvelle fois condamné pour meurtre mais par contumace : il était toujours un fugitif.

Notes et références

  1. (en) John Dickie, Cosa Nostra: A History of the Sicilian Mafia, macmillan, p. 266
  2. « 1981-1982 La seconde guerre de la Mafia », sur lesechos.fr,
  3. Frédéric Attal, « Chapitre VIII - La société italienne contemporaine », dans Histoire de l'Italie depuis 1943 à nos jours, Armand Colin, (lire en ligne), p. 298-323.

Sources

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