Scipion (1779)

Le Scipion est un vaisseau de ligne de 74 canons de la Marine royale française. Ses plans sont de l'ingénieur Clairin Deslauriers. Mis en chantier début 1778, il est lancé à Rochefort le . La rapidité de sa construction est due à la mobilisation navale qui correspond à l'entrée de la France dans la guerre d'Indépendance Américaine. Il sert pendant la guerre d'indépendance des États-Unis, conflit qui voit sa perte en 1782.

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Scipion

Modèle réduit d'un vaisseau de 74 canons du même type que le Scipion
Type Vaisseau de ligne
Histoire
A servi dans  Marine royale française
Quille posée 1778[1]
Lancement 19 septembre 1778
Équipage
Équipage 740 hommes environ[2]
Caractéristiques techniques
Longueur 170 pieds[3]
Maître-bau 44 pieds
Tirant d'eau 22 pieds
Déplacement 1 500 t
Propulsion Voile
Caractéristiques militaires
Armement 74 canons
Le Scipion tirant sur le London pendant le combat du 17 octobre 1782.

Caractéristiques générales

Le Scipion est un vaisseau de force de 74 canons lancé selon les normes définies dans les années 1740 par les constructeurs français pour obtenir un bon rapport coût/manœuvrabilité/armement afin de pouvoir tenir tête à la marine anglaise qui dispose de beaucoup plus de vaisseaux[4]. Sans être standardisé, le Scipion, partage les caractéristiques communes de tous les « 74 canons » construits à des dizaines d’exemplaires jusqu’au début du XIXe siècle et qui évoluent au rythme lent des techniques de construction de l’époque et de la volonté des responsables navals d’exploiter au mieux cette excellente catégorie de navire de guerre[5].

Comme pour tous les vaisseaux de guerre de l’époque, sa coque est en chêne. Son gréement, (mâts et vergues) est en pin[6]. Il y a aussi de l’orme, du tilleul, du peuplier et du noyer pour les affûts des canons, les sculptures des gaillards et les menuiseries intérieures[6]. Les cordages (80 tonnes) et les voiles (à peu près 2 500 m2) sont en chanvre[6]. Un deuxième jeu de voiles de secours est stocké en soute. Prévu pour pouvoir opérer pendant des semaines très loin de ses bases européennes s’il le faut, ses capacités de transport sont considérables[5]. Il emporte pour trois mois de consommation d’eau, complétée par six mois de vin[7]. S’y ajoute pour cinq à six mois de vivres, soit plusieurs dizaines de tonnes de biscuits, farine, légumes secs et frais, viande et poisson salé, fromage, huile, vinaigre, sel, sans compter du bétail sur pied qui sera abattu au fur et à mesure de la campagne[8].

Il dispose sur son pont inférieur de 28 canons de 36 livres (les plus gros calibres en service dans la flotte à cette époque) et de 30 canons de 18 livres sur son pont supérieur. En outre, 16 canons de 8 livres sont répartis sur les gaillards. Cette artillerie en fer pèse 215 tonnes[6]. Lorsqu'elle tire, elle peut délivrer une bordée pesant 838 livres (soit à peu près 410 kg) et le double si le navire fait feu simultanément sur les deux bords[9]. Le vaisseau embarque près de 6 000 boulets pesants au total 67 tonnes[10]. S’y ajoute des boulets ramés, chaînés et beaucoup de mitraille (8 tonnes)[6]. Il y a 20 tonnes de poudre noire, stockée sous forme de gargousses ou en vrac dans les profondeurs du vaisseau[11]. En moyenne, chaque canon dispose de 50 à 60 boulets[12].

Carrière

En , il fait partie de l'escadre du comte de Grasse qui quitte Brest en accompagnant un grand convoi pour les Antilles. Il est commandé par le capitaine Clavel. Il est engagé dans la bataille de Fort-Royal, le , qui permet de lever le siège de la Martinique. Cette même année, toujours dans l'escadre de Grasse, il passe en Amérique du nord et combat à la bataille de la baie de Chesapeake. Le Scipion se trouve à l'arrière de la ligne de bataille française.

En 1782, il ne participe pas à la bataille des Saintes mais combat vaillamment le 17 octobre de cette même année, sous les ordres du capitaine de vaisseau Nicolas Henri de Grimouard, contre deux vaisseaux de ligne anglais le HMS London et le Torbay, respectivement de 90 et 74 canons. Par les manœuvres habiles de son capitaine, le Scipion parvient à se positionner favorablement et à infliger d'importants dégâts au HMS London avant de prendre la fuite. Mais les Britanniques ne le laissent pas s'échapper. Le lendemain, alors qu'il est toujours poursuivi, le Scipion est victime d'une fortune de mer : il heurte une roche inconnue en baie de Samaná (dans l'actuelle République dominicaine), et coule. Le Scipion fait partie des vingt vaisseaux de ligne perdus par la Marine royale lors de la guerre d’Indépendance américaine[13]. Son épave a été localisée récemment[Quand ?][14].

Notes et références

  1. Dans Vaisseaux de ligne français de 1682 à 1780, « 2. du deuxième rang », Ronald Deschênes.
  2. Le ratio habituel, sur tous les types de vaisseau de guerre au XVIIIe siècle est d'en moyenne 10 hommes par canon, quelle que soit la fonction de chacun à bord. C'est ainsi qu'un 100 canons emporte 1 000 hommes d'équipage, un 80 canons 800 hommes, un 74 canons 740, un 64 canons 640, etc. L'état-major est en sus. Cet effectif réglementaire peut cependant varier considérablement en cas d'épidémie, de perte au combat ou de manque de matelots à l'embarquement. Acerra et Zysberg 1997, p. 220.
  3. En pied français, soit 0,3248394 mètre. Vaisseaux de ligne français de 1682 à 1780, « 2. du deuxième rang », Ronald Deschênes.
  4. Meyer et Acerra 1994, p. 90-91.
  5. Jacques Gay dans Vergé-Franceschi 2002, p. 1486-1487 et Jean Meyer dans Vergé-Franceschi 2002, p. 1031-1034.
  6. Acerra et Zysberg 1997, p. 107 à 119.
  7. 210 000 litres d’eau douce. 101 000 litres de vin rouge, à raison d’un litre par jour et par homme. Le vin complète largement l’eau qui est croupie dans les barriques au bout de quelques semaines. Jacques Gay dans Vergé-Franceschi 2002, p. 1486-1487
  8. Des moutons (six par mois pour 100 hommes), volailles (une poule par mois pour sept hommes, avec aussi des dindes, des pigeons, des canards), Jacques Gay dans Vergé-Franceschi 2002, p. 1486-1487.
  9. Selon les normes du temps, le navire, en combattant en ligne de file, ne tire que sur un seul bord. Il ne tire sur les deux bords que s'il est encerclé ou s'il cherche à traverser le dispositif ennemi, ce qui est rare. Base de calcul : 1 livre = 0,489 kg.
  10. Dans le détail : 2 240 projectiles de 36 livres-poids, 2 400 de 18 livres et 1 280 de 8 livres. Acerra et Zysberg 1997, p. 216.
  11. En moyenne : un quart de la poudre est mise en gargousse à l’avance pour les besoins de la batterie basse, celle des plus gros canons au calibre de 36 livres, et un tiers pour les pièces du second pont et des gaillards. Acerra et Zysberg 1997, p. 216
  12. Acerra et Zysberg 1997, p. 48
  13. De 1778 à 1783, dix vaisseaux pris au combat, six vaisseaux détruits ou naufragés, quatre vaisseaux incendiésTroude 1867, p. 244.
  14. Taillemite 2002, p. 225.

Sources

  • (en) Cet article est partiellement ou en totalité issu de l’article de Wikipédia en anglais intitulé « French ship Scipion (1779) » (voir la liste des auteurs).
  • (en) Joseph Allen, Battles of the British Navy, Londres, Henry Bohn, (lire en ligne), p. 349–350
  • Michel Vergé-Franceschi (dir.), Dictionnaire d'Histoire maritime, Paris, éditions Robert Laffont, coll. « Bouquins », , 1508 p. (ISBN 2-221-08751-8 et 2-221-09744-0)
  • Olivier Chaline (dir.), Philippe Bonnichon (dir.) et Charles-Philippe de Vergennes (dir.), Les marines de la Guerre d'Indépendance américaine (1763-1783) : L'instrument naval, t. 1, Paris, PUPS, , 453 p. (ISBN 978-2-84050-890-8).
  • Olivier Chaline (dir.), Philippe Bonnichon (dir.) et Charles-Philippe de Vergennes (dir.), Les marines de la Guerre d'Indépendance américaine (1763-1783) : L'opérationnel naval, t. 2, Paris, PUPS, , 457 p. (ISBN 979-10-231-0585-8).
  • Étienne Taillemite, Dictionnaire des marins français, Paris, Tallandier, coll. « Dictionnaires », , 537 p. [détail de l’édition] (ISBN 978-2847340082)
  • Jean Meyer et Martine Acerra, Histoire de la marine française : des origines à nos jours, Rennes, Ouest-France, , 427 p. [détail de l’édition] (ISBN 2-7373-1129-2, notice BnF no FRBNF35734655)
  • Rémi Monaque, Une histoire de la marine de guerre française, Paris, éditions Perrin, , 526 p. (ISBN 978-2-262-03715-4)
  • Martine Acerra et André Zysberg, L'essor des marines de guerre européennes : vers 1680-1790, Paris, SEDES, coll. « Regards sur l'histoire » (no 119), , 298 p. [détail de l’édition] (ISBN 2-7181-9515-0, notice BnF no FRBNF36697883)
  • Jean-Michel Roche (dir.), Dictionnaire des bâtiments de la flotte de guerre française de Colbert à nos jours, t. 1, de 1671 à 1870, éditions LTP, , 530 p. (lire en ligne)
  • Onésime Troude, Batailles navales de la France, t. 2, Paris, Challamel aîné, , 469 p. (lire en ligne)
  • Georges Lacour-Gayet, La marine militaire de France sous le règne de Louis XVI, Paris, éditions Honoré Champion, (lire en ligne)

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