Satyre et bacchante

Satyre et bacchante, ou Satyre lutinant une nymphe, est un groupe en marbre, sculpté par James Pradier entre 1830 et 1834.

Son exposition au Salon de 1834 fit scandale par le réalisme et la sensualité du nu, et la rumeur colportée par l'élève de Pradier, Antoine Étex, selon laquelle la statue aurait été moulée d'après nature. Le groupe original en marbre est conservé depuis 1980 à Paris dans collections du département des sculptures françaises du musée du Louvre[1]. Le modèle en plâtre réalisé en 1830 est conservé au palais des Beaux-Arts de Lille.

Historique

Exposée au Salon de 1834, la sculpture est refusée par le gouvernement. Elle est acquise par Anatole Demidoff, prince de San Donato et mécène, qui l'emporte en Italie. En 1870, lord Richard, marquis de Herford, en fait l'acquisition par l'intermédiaire de l'expert M. Manheim pour 10 300 francs. L'œuvre est léguée à John Murray Scott, qui la met en vente en 1904 à Paris. Elle se trouve alors dans la collection de G. Potin et, en 1940, dans celle d'Édouard Labouchère, dernier propriétaire privé de la sculpture. Elle est acquise en 1980 par le musée du Louvre avec la participation de la Société des amis du Louvre[1],[2].

L'œuvre

Description

Dimensions de l'œuvre :

  • hauteur : 125 cm ;
  • largeur : 112 cm ;
  • profondeur : 78 cm.

Satyre et Bacchante est un groupe statuaire en marbre représentant un satyre, créature sylvestre de la mythologie grecque appartenant au cortège (le thiase) de Dionysos, et une bacchante, femme qui appartenait également, dans la mythologie grecque, au cortège de Dionysos.

Les deux personnages sont représentés à taille réelle, c’est-à-dire à échelle humaine, dans une scène de jeu érotique.

Le satyre correspond aux traits mythologiques grecs souvent décrits. Il est représenté mi-homme mi-bouc, avec des sabots, des cornes et une queue. Celui-ci a un genou au sol pendant que l’autre soutient le corps de la bacchante, sa main droite soutenant l’épaule de celle-ci. De sa main gauche, le satyre tire un drap fin, dénudant complètement la bacchante. Elle lui agrippe la chevelure de la main gauche et une corne de la main droite. En position d’offrande, ses yeux sont mi-clos et un demi-sourire se dessine sur son visage. Penché vers la bacchante, le satyre la regarde avec une expression de désir.

La bacchante aurait les traits de Juliette Drouet, qui était à cette époque le modèle préféré de Pradier, avec lequel elle a eu une fille avant d’être la maîtresse de Victor Hugo[3]. Le satyre a parfois été identifié comme un autoportrait de Pradier, bien qu'il rappelle plutôt les modèles antiques[3].

Réalisation

Avec l’assistance de son élève et disciple Antoine Étex, Pradier réalise le modelage en terre qui, une fois moulé en pâtre, sera taillé dans le marbre entre 1830 et 1834. Le modèle en plâtre, patiné ocre est conservé dans la galerie des sculptures du palais des Beaux-Arts de Lille. Une restauration récente a prouvé l’hypothèse que ce groupe préparatoire en plâtre était bien l’original, celle-ci ayant montré des traces de mise aux points, caractéristiques d'un plâtre destiné à servir de modèle pour la taille du marbre[4].

Liens avec l'histoire du mythe

Le groupe représente une scène érotique entre un satyre et une bacchante, faisant alors référence à la mythologie grecque. Le satyre est une créature champêtre exubérante qui appartient au thiase, cortège de Dionysos. C’est un être souvent ivre, plus particulièrement dû au vin, qui représente la sexualité, la fête et la procession. La bacchante, elle, est à l’origine une des nourricières de Dionysos. Selon les versions du mythe, elle est soit une nymphe soit une femme humaine dévouée à son dieu. Dans le cortège de Dionysos, elle fait aussi référence à la fête et à la sexualité assumée. Les satyres sont connus pour charmer les femmes et plus précisément les bacchantes, les deux êtres participants toujours aux orgies dionysiaques.

Malgré le fait qu’ils ont peu été représentés ensemble lors d’une scène érotique, l’artiste James Pradier a joué sur la sensualité que dégage l’œuvre et sur la nudité des personnages. Le réalisme de la scène est ce qui a choqué lors du Salon de 1834.

Sources d'inspiration

Le thème du satyre convoitant une bacchante est classique dans l'art érotique et prend son origine dans l'antiquité. On trouve des représentations de ce couple mythologique dans les vases attiques datés du VIe siècle, et les fresques des villas romaines telles qu'elles furent conservées à Herculanum et Pompéi[2]. Une fresque d'Herculanum représentant un satyre dévoilant une ménade, conservée au cabinet secret du musée royal de Naples, a pu servir de source à Pradier pour sa sculpture[2].

Scandale de l'exposition

Lors de son exposition au Salon de 1834, le groupe de marbre provoque la polémique. La sensualité du nu, dont le réalisme du traitement, notamment dans les détails des plis de la chair, son abandon, et le geste du satyre qui en retirant l'étoffe dévoile totalement la nudité de la bacchante, sont perçus par les critiques comme contraires à l'idéal de la statuaire néo-classique à laquelle Pradier était rattaché. D'autant plus que ce thème, habituellement réservé à des sculptures de petites dimensions, est ici représenté grandeur nature[2]. S'ajoute au scandale la rumeur lancée par Antoine Étex, élève de Pradier, que le nu aurait été obtenu à partir d'un moulage sur nature, pratique réprouvée à l'époque[2]. Par ailleurs, certains ont cru reconnaître les traits de Juliette Drouet, modèle préféré et maîtresse de Pradier à cette époque, avec laquelle il eut une fille[3].

Influence

La sculpture de Pradier a inspiré les artistes, tant sculpteurs que peintres, témoignant d'une importante influence de cette œuvre principalement dans l'art académique. Au Salon de 1861, William Bouguereau expose un Faune et une bacchante (localisation inconnue) directement inspiré par l'œuvre de Pradier[2]. En 1874, Henri Gervex fait lui aussi référence à l'œuvre de Pradier avec Satyre et ménade (Montluçon, château des ducs de Bourbon)[5]. En sculpture, Auguste Clésinger s'en inspire pour son Satyre et bacchante de 1869 (Minneapolis Institute of Art). Mais c'est dans l'œuvre d'Albert-Ernest Carrier-Belleuse Satyre et Nymphe de 1868 (Paris, musée d'Orsay), que la référence au groupe de Pradier est la plus manifeste, reprenant la posture quasiment à l'identique en inversant les figures[2].

Notes et références

Annexes

Bibliographie

  • Claude Lapaire et Jacques de Caso, Statues de chair : sculptures de James Pradier (catalogue d'exposition), Genève, Musée d’Art et d’Histoire, (ISBN 2-8306-0021-5), « Satyre et bacchante », p. 124-128.
  • Claude Lapaire, James Pradier (1790-1852) et la sculpture française de la génération romantique (catalogue raisonné), Lauzanne, Milan, Swiss Institute for Art Research -5 Continents Edition, , 511 p. (ISBN 978-88-7439-531-6).
  • Wolfgang Drost, « Pradier à la villa Ludovici, autour du groupe Satyre et Bacchante », dans La Sculpture au XIXe siècle : mélanges pour Anne Pingeot, Paris, N. Chaudun, (ISBN 978-2-35039-054-3).
  • Sandra Buratti-Hasan (dir.) et Sara Vitacca (dir.), Musée des Beaux-Arts de Bordeaux, palais Fesch, Bacchanales modernes ! : le nu, l'ivresse et la danse dans l'art français du XIXe siècle, Milan, SilvanaEditorial, , 387 p. (ISBN 978-88-366-3283-1), « Satyre et bacchante », p. 60-61.
  • Pierre Wat, « Le jour où… James Pradier a dévoilé Satyre et Bacchante », Le Journal des arts, Paris, Artclair Éditions, (lire en ligne).
  • Geniève Morel, Du délire dans les Bacchantes d'Euripide (article), Psychanalyse, numéro 7, année 2006, p. 53-65 (lire en ligne).
  • Documentation et archives du palais des Beaux-Arts de Lille.

Liens externes

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