Sango

Le sango est la langue véhiculaire de la République centrafricaine et au nord de la République démocratique du Congo (langue locale). Certains linguistes le considèrent comme un créole à base lexicale ngbandi, d'autres rejettent cette vision et le considèrent tout simplement comme une langue du groupe oubanguien (voir section Classification).

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Sango
Sängö
Pays République centrafricaine, République démocratique du Congo
Nombre de locuteurs langue maternelle : 404 000[1]
seconde langue : 1 600 000 (RCA)[1]
Écriture Alphabet latin
Classification par famille
Statut officiel
Langue officielle République centrafricaine
Codes de langue
ISO 639-1 sg
ISO 639-2 sag
ISO 639-3 sag
IETF sg
Échantillon
Article premier de la Déclaration universelle des droits de l'homme (voir le texte en français)
Sura 1
Adü âzo kûê yamba, ngâ âla lîngbi terê na lêgë tî nëngö-terê na tî ângangü. Ala kûê awara ndarä na börö-li sï âla lîngbi tî dutï na âmbâ tî âla gï na lêngö söngö.

Répartition géographique

Le sango (écrit également sangho) est la principale langue parlée en République centrafricaine. Le nombre de locuteurs s'élève à environ 5 millions.

Le sango est à la fois une langue nationale et une langue officielle. Il a fait de la République centrafricaine un des rares pays d'Afrique à avoir une langue officielle autre que les langues coloniales (arabe, anglais, français, portugais etc.).

Classification

À l'origine utilisée par les opérateurs fluviaux, c'est une langue véhiculaire sur la base de la langue de la tribu Sango appartenant au groupe ngbandi (y compris les Ngbandi et Yakoma), avec de nombreux mots français. Certains linguistes, à la suite de William J. Samarin, la classent comme un créole ngbandi à base d'autres langues. Toutefois d'autres linguistes, comme Marcel Diki-Kidiri ou H. Charles Morrill, rejettent cette classification et disent que les changements dans les structures sango (internes et externes) peuvent être expliqués sans créolisation.

Une étude de Taber (1964) indique que certains des 490 mots sango représentent environ 90 % des conversations usuelles. Cependant, alors que les mots empruntés au français sont moins utilisés et représentent la majorité du vocabulaire en particulier dans le discours des intellectuels. La situation pourrait être comparée à l'anglais, où la plus grande partie du vocabulaire, en particulier les mots « appris », est dérivée du latin, du grec et français, mais le vocabulaire de base reste germanique. Toutefois, des études plus récentes suggèrent que ce résultat est spécifique à un sociolecte : la prétendue variété « fonctionnaire ». Le travail de Morrill, achevé en 1997, a révélé qu'il y a sociologiquement trois normes distinctes émergentes en sango : une variété urbaine « radio » qui est la mieux classée par 80 % de ses interlocuteurs et a le moins de mots d'emprunt français, une variété « pasteur » qui est marquée de 60 %, et une variété « fonctionnaire » parlée par des gens qui utilisent le plus les emprunts à la langue française, qui a un score de 40 %.

La croissance rapide de la ville de Bangui, depuis les années 1960, a eu des implications importantes pour le sango, avec le développement, pour la première fois, d'une population utilisant de préférence le sango. Puisque les habitants de la ville qui proviennent des campagnes parlent des langues différentes, ils n'utilisent le sango que comme une lingua franca destinée à se comprendre, mais leurs enfants parlent automatiquement le sango comme langue principale (et parfois uniquement cette langue). Cela a conduit à une expansion rapide du lexique, y compris chez les officiels, et la naissance de termes et expressions d'argot. Ainsi, sa nouvelle position de langue quotidienne dans la capitale a conduit à donner au sango une plus grande importance.

Finalement, le sango est de plus en plus utilisé dans les domaines où il était normal d'employer uniquement le français. Ce dernier reste toutefois la langue de référence dans la majorité des échanges officiels, commerciaux et intellectuels.

Écriture

L'orthographe officielle du sango contient les consonnes: p, b, t, d, k, g, kp, gb, mb, mv, nd, ng, ngb, nz, f, v, s, z, h, l, r, y, w (à laquelle certains ajoutent implosif » b). Le sango contient sept voyelles orales, /a, e, ɛ, i, o, ɔ, u/, dont cinq, /i, a, ɛ, ɔ, u/, peuvent se produire nasalisées. Dans l'orthographe officielle, e correspond à la fois /e/ et /ɛ/ et o est à la fois pour /o/ et /ɔ/. Les voyelles nasales sont écrites : en, en, un, on, un.

Le sango a trois tons : faible, moyen et haut. Dans l'orthographe standard, la tonalité faible est banalisée (e), le ton milieu est marqué avec un tréma (ë), et le ton élevé avec circonflexe (ê) : Do-Re-Mi serait écrit Do-Rë-Mî.

Si on se réfère à l'orthographe officielle, il faut préciser que le b implosif n'est pas retenu, de même que les voyelles ouvertes ɛ et ɔ, dont le rendement phonologique est très faible. L'orthographe officielle privilégie la notation des tons, bien plus importants dans la langue que les oppositions vocaliques voyelles ouvertes / voyelles fermées.

Les tons modulés sont toujours une combinaison de tons ponctuels: haut-bas, bas-haut, haut-moyen, bas-moyen, moyen-bas, moyen-haut. Ils sont donc notés par dédoublement de la voyelle, comme ceci :

  • ton modulé haut-bas = noté âa comme dans le mot bâa, voir.
  • ton modulé bas-haut = noté comme dans le mot taâ, vraie.
  • ton modulé moyen-bas = noté äa comme dans le mot bulëe, banane douce.
  • ton modulé haut-moyen = noté âä comme dans le mot ngâäkô, canne à sucre (autres variantes : ngbâäkôo, ngâakô)

Il faut noter que cette orthographe officielle a du mal à être acceptée par la majorité des Centrafricains puisqu'elle utilise des signes dont elle n'a pas l'habitude et qu'il est souvent impossible de reproduire avec une machine à écrire. C'est pourquoi il y a une résistance de la part de simples lecteurs et d'auteurs, qui ne souhaitent pas l'adopter et continuent à utiliser l'orthographe de toujours, déjà employée dès la fin du XIXe siècle par les missions. On peut citer à ce sujet Sango, langue véhiculaire de Centrafrique, dictionnaire de sango-français et lexique français-sango, de Georges-Antoine Chaduteau (éd. Dictionnaires d'aujourd'hui), qui a préféré, pour être parfaitement compréhensible, y employer l'écriture ancienne plutôt que l'écriture « officielle ».

Grammaire

L'ordre des mots est sujet-verbe-complément.

Les pronoms sont :

  • mbi « je »
  • mo « tu »
  • lo « il, elle »
  • e ou i « nous »
  • ala « vous »
  • ala « Ils ».

Les verbes prennent un préfixe « a » s'ils ne sont pas précédés d'un pronom ; ainsi ala yeke « vous êtes », mais Bêafrîka ayeke   C'est l'Afrique centrale ».

Les verbes particulièrement utiles sont notamment yeke « être », bara « saluer » (barao « salut ! »), hinga « savoir ».

Possessifs et appositions sont formés avec la particule ti « de » : ködörö ti mbi « mon pays » (littéralement : « pays de moi »), yângâ ti sangho « langue sango » (« langue de sango »). Une autre particule importante est la préposition na, couvrant beaucoup d'emplois, le locatif, le datif, l'instrumental et d'autres fonctions.

En tant que langue véhiculaire, le sango est exceptionnellement facile à apprendre, selon Samarin : « Avec un peu d'application un étudiant doit être capable de parler la langue en trois mois environ. »

Pour les non-locuteurs, il existe deux difficultés principales. Premièrement, il faut se souvenir de ne pas couper les consonnes doubles. Le nom de Bambari, par exemple, doit être prononcé ba-mba-ri et pas bam-ba-ri. Deuxièmement, comme tout langage tonal, on doit apprendre à maîtriser la tonalité. Par exemple, le mot ngo selon la tonalité voudra dire pirogue, tambour, grossesse ou fœtus.

Prononciation

Noter que les équivalents ci-dessous sont approximatifs :

Voyelles orales

  • a comme dans les mots français « car » et « natte »
  • ò comme dans les mots français « morte » et « sotte » même s'il est en fin de mot
  • ô comme dans les mots français « pot », « ragot », « mot »
  • è comme dans les mots français « près », « sert », « mer »
  • é comme dans les mots français « basé », « carré »
  • i comme dans les mots français « pli », « nid », « ici »
  • u comme dans les mots français « pou », « sous »

Voyelles nasales

  • ã comme le son « an » français prononcé dans le sud de la France
  • õ comme le son « on » français prononcé dans le sud de la France
  • ẽ ressemble au « in » de « faim » mais avec un « n » résiduel légèrement estompé
  • ĩ comme dans les mots anglais « sing », « king », « jogging »
  • ũ se prononce comme le « um » portugais ainsi « fun » (sentir mauvais) se prononcera à peu près « foung »

Consonnes

  • b comme dans les mots français « bourg », « bébé »
  • d comme dans les mots français « danger », « redondant »
  • f comme dans les mots français « figue », « feutre »
  • g comme dans les mots français « guide », « gangrène »
  • k comme dans les mots français « koala », « kiwi »
  • l comme dans les mots français « loutre », « longer »
  • m comme dans les mots français « maman », « miroir »
  • n comme dans les mots français « nu », ananas »
  • p comme dans les mots français « parquet », « pipe »
  • r roulé comme dans les mots italiens « signor », « ancora »
  • s comme dans les mots français « susurrer », « souris »
  • t comme dans les mots français « tintinnabuler », « tout »
  • v comme dans les mots français « valet », « virevolter »
  • w comme dans les mots anglais « whisky », « we »
  • y comme dans les mots français « yeux », « yack »
  • z comme dans les mots français « zinzolin », « zozoter »
  • ny comme dans les mots français « gnon », « gnôle » (n mouillé)
  • ng comme dans les mots français « dring » ou les mots anglais « jumping », « ring », et même en début de mot, le « n » et le « g » ne sont pas séparés »

Exemples

MotTraductionPrononciation standard
terresêse
bonjourbara a la bara a la
ça vamo yeke sêngê
cielndüzü
eaungûngou
feu
hommekôlï
femmewâlïwali
mangertetéyé
boirenyön
grandkötäkota
petitkêtêkètè
nuit
jourkötä-lâ
toutkûê
aimer
sourirengîâ
antilopebëtä
brebiswâlï täba
bufflengbä
chevalmbârâtâ
cigalemokerelo
grenouillebianga
léopardzen

Dans l'histoire

  • Lors de la bataille de Bir-Hakeim (mai et juin 1942), les troupes de la France libre étaient des troupes « coloniales », avec notamment de nombreux africains, dont certains de l'« Oubangui-Chari » (l'actuelle République centrafricaine). Aussi, pour crypter leurs message afin qu'ils ne soient pas compris des Allemands, les troupes utilisaient le sango[2].

Dans la littérature

  • Dans Les Mots étrangers (2002), Vassilis Alexakis, « Grec par ses parents, Français par ses enfants » et habitué à se promener depuis bientôt 30 ans d'une langue et d'un pays à l'autre, raconte son choix tardif d'apprendre une troisième langue très différente, le sango et son apprentissage sur place, en République centrafricaine.

Notes et références

Voir aussi

Bibliographie

  • Charles Taber, 1964, French Loanwords in Sango: A Statistical Analysis, MA thesis, Hartford Seminary Foundation.
  • William Samarin, 1967, Lessons in Sango.
  • Marcel Diki-Kidiri, 1977, Le sango s'écrit aussi...
  • Marcel Diki-Kidiri, 1978, Grammaire sango, phonologie et syntaxe
  • Luc Buquiaux, Jean-Marie Kobozo et Marcel Diki-Kidiri, 1978, Dictionnaire sango-français...
  • Charles Henry Morrill, 1997, Language, Culture and Sociology in the Central African Republic, The Emergence and Development of Sango
  • Pierre Saulnier, 1994, Lexique orthographique sango
  • SIL Centrafrique, 1995, Kêtê Bakarî tî Sängö : Farânzi, Anglëe na Yângâ tî Zâmani. Petit Dictionnaire Sango, Mini Sango Dictionary, Kleines Sango Wörterbuch
  • Christina Thornell, 1997, The Sango Language and Its Lexicon (Sêndâ-yângâ tî Sängö)
  • Marcel Diki-Kidiri, 1998, Dictionnaire orthographique du sängö
  • Georges-Antoine Chaduteau, Sango langue nationale de Centrafrique, éd. Dictionnaires d'aujourd'hui, (ISBN 9782913110236), , diffusion GE29

Liens externes

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