Sajah bint al-Harith ibn Suayd

Sajah bint al-Harith ibn Suaeed est une voyante puis prophétesse arabe du VIIe siècle, donc l'histoire est connue par les textes musulmans. L'historienne des religions, Jan M.F Van Reeth, affirme que sa relation sexuelle avec Musaylima "a fait l'objet de la part des musulmans d'une propagande diffamatoire (sans doute largement exagérée)"[1]. Peu après la mort de Mahomet, à l'instar de Musaylima (qu'elle épousera ensuite) et de Tulayha, elle se déclare prophétesse et mena une révolte contre l'autorité de Médine.

Dans son ouvrage "Les califes maudits. A l'ombre des sabres", Hela Ouardi relate sa rencontre avec Musaylima :

"Entre-temps, la prophétesse Sajâh avait donc délaissé les Banû Tamîm et décidé d’aller chercher des renforts ailleurs : justement chez Musaylima. Dès son arrivée à Yamâma, elle campe à Hajar. Sa venue contrarie Musaylima, qui a déjà de nombreux soucis : on lui a appris qu’une attaque de l’armée musulmane était probablement imminente. L’arrivée de Sajâh dans son territoire le préoccupe d’autant plus qu’il ne parvient pas à en cerner les raisons. Il décide alors de prendre les devants et d’aller à sa rencontre pour sonder ses intentions. Première erreur de sa part : les armées musulmanes qui observent de loin ses mouvements en déduisent que cette rencontre était prévue et que les deux « faux prophètes » sont déjà alliés. Escorté de quarante hommes, Musaylima fait dresser sa grande tente non loin du camp de Sajâh et l’y reçoit. Il s’installe face à elle et lui dit : « La fonction prophétique sur cette terre était partagée entre Muhammad et moi. Quand il est mort, Gabriel est venu me voir pour me confier l’exercice de cette fonction sur toute la terre. J’ai cependant décidé de te céder la part de Quraysh que Muhammad détenait. Ainsi donc, la moitié de la terre sera à toi, et l’autre moitié à moi. » Sajâh sourit de satisfaction, agréablement surprise par les propos de Musaylima. « Ta grande renommée en tant que prophète, lui dit-elle, est parvenue jusqu’à moi. Parle-moi, je te prie, des révélations que tu reçois. »

Musaylima commence à scander des versets qui sont un pastiche du Coran ; Wâqidî rapporte ainsi une scène où Musaylima déclame devant Sajâh une paraphrase de la sourate coranique, al-Balad (« La Cité ») dont il reprend le premier verset (« Non ! Je jure par cette Cité ») avant d’en donner une autre suite en prose rimée. Sajâh est ravie. Décidément, ce Musaylima lui plaît beaucoup. Il demande à Sajâh : « Dis-moi, as-tu reçu quelque révélation me concernant ? » et celle-ci répond en souriant : « Est-il décent que les femmes commencent par parler de leurs révélations ? C’est à toi de me parler des tiennes. » Affichant un rictus lubrique, Musaylima se lève et s’assoit à proximité de Sajâh : « Ne vois-tu pas comment ton Seigneur fait avec la femme enceinte, dont il fait sortir d’entre le péritoine et les viscères un être vivant ? » Sajâh regarde langoureusement Musaylima : « Fort intéressant ! Et qu’a-t-il révélé d’autre ? » Il éclate de rire : « Il m’a également révélé que Dieu a créé les vagins des femmes et a fait des hommes leurs maris… » Sajâh est très amusée : « J’atteste que tu es prophète ! », minaude-t-elle. Musaylima, satisfait du succès de sa séduction, abat son jeu : « Veux-tu m’épouser ? Je suis prophète, et tu es prophétesse. Nous sommes faits l’un pour l’autre. Mes adeptes et les tiens s’uniront, et nous soumettrons tous les Arabes à notre autorité.

– L’idée ne me déplaît pas du tout », répond Sajâh.

La Tradition rapporte ensuite leurs échanges érotiques lors desquels ils s’adressent des propos particulièrement salaces, mais toujours en vers et en prose rimée. S’excusant auprès du lecteur pour leur obscénité, de nombreux auteurs, comme Tabarî et Wâqidî, en citent néanmoins quelques morceaux choisis. Musaylima parle ainsi à Sajâh : « Lève-toi pour la fornication, la couche est prête : si tu veux je te prends dans tous les endroits et dans toutes les positions. » Sajâh éclate de rire : « Dans toutes les positions et dans tous les endroits ? Je te trouve bien inspiré !"[2]

Après la défaite de Musaylima, elle accepte l'islam.


Notes et références

  1. Le Coran de historiens, Coll. Les éditions du Cerf, 2019
  2. Hela Ouardi, Les califes maudits. A l'ombre des sabres, Paris, Albin Michel, , 272 p. (ISBN 9782226445292, lire en ligne), p.48
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