Ségrégation scolaire

La ségrégation scolaire reflète une représentation biaisée des élèves dans les établissements d’enseignement, et entre établissements, par rapport à la population générale. Les mécanismes peuvent être multiples. Le biais peut porter sur le genre, la classe sociale, l’origine ethnique, ou des handicaps ou maladies. Elle est souvent en lien avec une ségrégation sociale ou spatiale (géographique). La ségrégation scolaire est en lien avec le cursus et le devenir des élèves.

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Ségrégations sociales

Dans son Dictionnaire critique de la géographie, Roger Brunet distingue différentes formes de ségrégation.

Sens historique

Dans son sens historique, la ségrégation s'apparente à une politique de mise à l'écart d'une population selon des critères ethniques, religieux ou raciaux. Cette population subit alors des discriminations politiques ou économiques (voire notion de ségrégation sociale) ou est isolée spatialement des autres (notion de ségrégation spatiale). Cette forme de ségrégation renvoie notamment aux Juifs parqués dans des ghettos de villes européennes, à la politique d'apartheid menée en Afrique du Sud jusqu'en 1990 (séparation spatiale des quartiers blancs, des townships noirs ou coloured) ou encore aux lois de ségrégation raciale mises en vigueur aux États-Unis à partir de 1870 et abolies en 1964.

Nouvelles formes

Pour Brunet, des formes plus récentes de ségrégation se manifestent davantage dans des pratiques récurrentes, parfois implicites, que dans des législations. Elle est alimentée par la formation de groupes dont les individus possèdent des caractéristiques sociales communes et forment un « entre-soi ». Elle peut être choisie (formation de ghettos riches, gated communities) ou subie. Dans ce cas de figure, elle se traduit par une exclusion, une relégation spatiale de populations n'ayant pas le choix de leur lieu de résidence.[1]

Ségrégation scolaire

La ségrégation scolaire découle de ces nouvelles formes de ségrégations. A l'échelle d'un établissement scolaire, elle peut se développer entre les élèves selon plusieurs critères de discrimination qui peuvent être la classe sociale, le niveau scolaire ou l'origine ethnique (dont origine géographique de la famille).

Les travaux de Jules Bodet montrent que les principes de sectorisation scolaires (qui relèvent de politiques locales de gestion du territoire) et les mécanismes de dérogation sont des vecteurs majeurs  et involontaires  de la production d'une ségrégation scolaire. A partir de l'exemple de la ville de Melun en Seine-et-Marne, il met en évidence une fracture spatiale et sociale entre les collèges du « Haut-Melun » et du « Bas-Melun », cristallisée par la question des collèges. Il évoque la question des « collèges ghettos » via l'exemple du collège des Capucins dans le Haut-Melun. Situé en bordure de grands ensembles et classé REP+ (réseau d'éducation prioritaire), il concentre une population majoritairement d'origine immigrée. Trois quart de ses élèves appartiennent à des catégories socio-professionnelles défavorisées[2].

Différents types de ségrégation scolaire

La ségrégation scolaire ne date pas d'aujourd'hui. En effet, l'histoire, les préjugés ou encore les conditions sociales des familles influent sur la scolarité des élèves. Il est par exemple constaté qu'auparavant (XIXe siècle) filles et garçons étaient séparés à l'école.

Ségrégation sexuée

Ségrégation sexuée.

Elle correspond à une distinction de genre (fille/garçon). Elle a pour origine le XVIIIe siècle. À cette époque, les filles étaient presque exclues de la scolarité. « Il nous semble incontestable que le bonheur commun, surtout celui des femmes, demande qu'elles n'aspirent point à l'exercice des droits et des fonctions politiques. Qu'on cherche ici leur intérêt dans le vœu de la nature. N'est-il pas sensible que leur constitution délicate, leurs inclinations passibles, les devoirs nombreux de la maternité, les appellent à des occupations douces, à des soins intérieurs[3] ? ». Le rôle des femmes est alors de tenir la maison et d'élever les enfants, et n'ont donc pas besoin d'instruction selon Lelièvre et Lelièvre.

Au XIXe siècle, l'interdiction religieuse du « mélange des sexes » rend encore plus difficile l'accès à l'école pour les filles. De plus, même lorsqu'elles vont à l'école, leur enseignement est différent  : exercices militaires ou de force pour les garçons, exercices d'aiguilles (tricot, couture) pour les filles. Par la suite, ces distinctions de sexe seront différentes. Les femmes ne sont plus exclues de l'école mais n'ont pas accès à toutes les disciplines scolaires.

De nos jours, cette ségrégation sexuée est de moins en moins présente. Les filles sont de plus en plus intégrées malgré le fait qu'elles subissent encore des réflexions disant qu'elles sont moins intelligentes. Leur intégration est due à l'enseignement mixte datant de la fin des années 1960. En fonction des cursus scolaires, on remarque des différences. En effet, les CAP proposent des branches plus « masculines » alors que les bac professionnels sont plus axés vers les métiers « féminins ».

Ségrégation France

Ségrégation sociale.

Elle relève des distinctions dues aux différentes ressources (économiques, culturelles, sociales...) des familles. On peut relever des ségrégations inter-filières (entre les filières), inter-établissements (entre les établissements) et inter-secteurs (entre les secteurs). Ces séparations sociales sont importantes en France comme le prouve Felouzis : « Si le niveau de ségrégation sociale inter-établissement finlandais est pris comme référence (base 100), ce niveau de ségrégation sociale est de 169 au Royaume-Uni (soit 69% supérieur), 193 aux États-Unis, 205 au Japon, 223 en France soit 123 % supérieur »[4].

De même, dans toutes les filières professionnelles, ce sont les élèves d'origine populaire qui sont le plus nombreux. Ce n'est qu'au niveau des premières et terminales générales que l'on observe une équité entre les étudiants d'origine populaire, moyenne, et supérieure.

Le recrutement social est très représentatif de la place des individus dans les différents milieux sociaux. On constate que les enfants d'origine populaire suivent généralement le même cursus que leurs parents. Globalement, cela est vrai pour toutes les autres catégories sociales. Ce qui varie également à cause du milieu social est la durée des études. On observe cela au niveau du doctorat : environ 18,7 % des élèves d'origine populaire contre 56 % d'origine supérieure. La situation économique et culturelle des familles peut être un facteur de ségrégation.

Ségrégation ethnique

Ségrégation ethnique.

Elle concerne les distinctions dues aux origines des élèves. Une école ouverte à tous n'en est pas moins séparatrice. Une baisse du nombre d'élèves étrangers scolarisés dans les établissements du second degré pourrait laisser présager un système scolaire portant moins de traces de distinction envers les immigrés mais il n'en est pas tant.

Les populations d'origine étrangère sont principalement des classes populaires donc la séparation ethnique s'associe à une ségrégation sociale. On constate des distinctions entre les académies au niveau du nombre d'étrangers (ex. : 7,4 % d'étrangers dans l'académie Corse contre 1,1 % pour Rennes). Il faut relever que malgré un faible nombre d'élèves étrangers, la ségrégation ethnique reste très présente et ce dans la France entière (en effet ces statistiques ne prennent en compte que la nationalité. Les critères ethniques, raciales et religieux étant interdits par le droit français).

La ségrégation envers les handicapés ou enfants malades

Ségrégation due au handicap.

Les moqueries apparaissent par rapport à un caractère spécial (un vêtement différent) ou encore un critère physique. Le handicap ou encore la maladie sont des sources de discrimination. Ces différences peuvent effrayer les enfants et donc les conduire à réagir de manière désagréable, agressive. Les enfants malades, manquant des cours (absences répétées), ont plus de mal à s'intégrer.

Les handicapés moteurs ont besoin de structures (ex : tables adaptées au fauteuil) pour suivre un enseignement. C'est pourquoi ils se retrouvent généralement seuls à cette table. Leur équipement leur limite la mobilité en classe et donc l'impossibilité de jouer avec les autres élèves.

Durant la totalité des activités organisées à l'extérieur, les enseignants doivent gérer en plus des tensions entre les élèves, les regards dévalorisants des passants. Une nouvelle fois, on peut essayer de comprendre que si les enfants n'acceptent pas les différences, cela provient peut-être de l'attitude des parents.

Moyens de résolutions

Pour résoudre ces problèmes de ségrégation, qui peuvent être handicapants, plusieurs acteurs peuvent entrer en jeu.

Ministère et État

En ce qui concerne les ségrégations sexuées, le ministère mène des actions de promotion de l'égalité. Les conseillers d'éducation s'intéressent à la volonté des familles et des élèves, mais proposent de plus en plus des choix moins conventionnels (exemple : un garçon peut se voir proposer des métiers à visée esthétique, tandis que les filles peuvent se voir présenter une filière du bâtiment). Des efforts sont visibles concernant les droits d'accès aux handicapés. On relève la loi no 2005-102 du  : pour l'égalité des droits et des chances, la participation et la citoyenneté des personnes handicapées[5]. Cette dernière est aujourd'hui fondamentale à l'insertion des enfants à mobilité réduite.

De plus, des AVS (Auxiliaire de vie scolaire) peuvent être présentes pour assister les élèves en cas de besoin. Dans certaines écoles, des classes pour l'inclusion scolaire (CLIS) sont ouvertes afin de permettre l'accueil des enfants en situation de handicap.

Établissements

Établissement.

Les établissements ont en quelque sorte le destin des élèves entre leurs mains. En effet, ils accueillent un maximum d'élèves et leur donnent un cadre, en imposant des sanctions en cas de fautes. Les élèves doivent recevoir la même éducation scolaire, ce qui n'est pas toujours le cas. On constate lors des conseils de classe notamment une auto-sélection des filles, due au comportement souvent plus agréable de celles-ci, mais aussi peut-être car elles sont majoritairement moins ambitieuses, généralement à cause de ces ségrégations sexuées subies durant toute leur scolarité.

Quoi qu'il en soit, ils tentent d'ouvrir le maximum de portes en leur apportant le plus de connaissances possibles. Cela aide les élèves mais peut aussi entrainer une ségrégation inter-établissements.

La loi du [5] a également rendu obligatoire certains travaux dans les établissements, permettant ainsi l'accès à l'école à tous les enfants à mobilité réduite. De plus, l'ouverture de classes CLIS (Classe pour l'Inclusion Scolaire) ainsi que la présence d'AVS aident également ces enfants, ainsi que les enfants souffrant d'un handicap mental.

École privée : Source de ségrégation scolaire


Malgré les idées reçues de la population française, la ségrégation scolaire n’est pas seulement présente dans les établissements publics mais aussi dans les établissements privés. D’après le sociologue Pierre Merle et les études sur lesquelles il s’est appuyé pour écrire son ouvrage «La ségrégation scolaire», les établissements privés scolarisent un faible taux d’élèves en situation de handicap, une faible proportion d’élèves en grande difficulté scolaire ainsi que les enfants issus des quartiers populaires tandis que les écoles privées se déclarent “ouvertes à tous.”

De plus, nous ne retrouvons pas seulement de la ségrégation scolaire dans ces établissements privés mais également de la ségrégation sociale. En effet, cette dernière est liée aux coûts de ces écoles, à la situation géographique des établissements privés et à la sélection d’entrée pour y accéder: cela ne permettant pas à tous d’y être affecté.

Zone d'éducation prioritaire

Les ZEP (Zone d’Éducation Prioritaire) ont pour objectif de permettre à tous les élèves une éducation malgré des lacunes ou un milieu social populaire. Le constat est qu’aujourd’hui une spirale appelée « spirale de l’échec » est lancée dans ces écoles. En effet l’accès à la scolarisation pour tous les élèves avec des modalités de regroupement faibles voire nulles entraine, depuis sa création, un rassemblement de populations issues d’un milieu populaire.

On remarque qu’au fil du temps cela conduit à une baisse du niveau scolaire dans ces établissements, mais surtout à un regroupement d’élèves en difficultés. On constate de plus en plus de violence et dégradation des bâtiments alors que le but premier des ZEP était d’aider les jeunes. Les ZEP ont permis à certains étudiants d’entrer ou de rester dans le système scolaire tout comme les ZEP se sont révélées inefficace face à la violence scolaire ainsi qu'aux échecs scolaires et aux déscolarisations que cela provoque (Un élève au collège qui doit s'occuper de se protéger consacrera moins de temps à étudier).

Parents

Le rôle des parents.

Les parents jouent un rôle majeur dans l'enseignement de leur enfant. Ils sont à la base de leur éducation. Ce sont eux qui leur inculquent des valeurs essentielles telles que la tolérance, le soutien, l'assistance, la persévérance etc. Même si le chemin pris par les enfants plus tard peut varier, ils conservent ces bases et donc réagissent plus ou moins différemment aux ségrégations, et tenteront ou pas de diminuer cet effet de séparation.

Aussi, ce sont les familles qui choisissent l'établissement de leur enfant, ce qui peut aussi avoir un impact. Même si l'établissement souhaité n'est pas celui qui leur est proposé, les parents demandent des dérogations ou encore inscrivent leur enfant dans des établissements privés. Cela a pour but de diminuer les ségrégations : les changements d'école permettent de quitter les écoles de quartier où la ségrégation sociale est trop présente. Malheureusement les moyens des familles ne sont pas toujours les mêmes, et donc les ségrégations ne peuvent pas disparaitre. Les dérogations ne peuvent pas être toujours acceptées, et les établissements privés sont souvent onéreux.

Notes et références

  1. Roger Brunet, Robert Ferras et Hervé Thery, Les Mots de la géographie, dictionnaire critique, La documentation française, .
  2. Jules Bodet, « La ségrégation scolaire : un enjeu géopolitique », Hérodote (revue), vol. 3, no 170, , p. 195 à 208 (lire en ligne).
  3. Pierre Merle, La ségrégation scolaire, Paris, La Découverte, , 126 p. (ISBN 978-2-7071-7116-0, présentation en ligne), p. 7.
  4. Felouzis, La ségrégation scolaire, Paris, La Découverte, , 127 p. (ISBN 978-2-7071-7116-0), p. 16.
  5. « LOI n° 2005-102 du  », sur Légifrance (consulté le ).

Voir aussi

Articles connexes

Bibliographie

  • Michèle Lapeyre et Pierre Bonjour, Handicaps et vie scolaire : L'intégration différenciée, Lyon, Chronique sociale,
  • Maud Mannoni, L'enfant, sa maladie et les autres : Le symptôme de la parole, Paris, Éditions du Seuil,
  • Pierre Merle, La ségrégation scolaire, Paris, La Découverte, , 126 p. (ISBN 978-2-7071-7116-0, présentation en ligne)
  • Jean-Yves Robin, La vie scolaire : un service à part entière ou entièrement à part ?, Lyon, Chronique sociale, , 123 p. (ISBN 978-2-36717-022-0)
  • Cécile Carra, Violences à l'école élémentaire, l'expérience des élèves et des enseignants, Paris, Presses universitaires de France,
  • Blanchet, Coste, Regards critiques sur la notion d' interculturalité. Pour une didactique de la pluralité linguistique et culturelle, Paris, L'Harmattan,
  • Liauzu, Liauzu, Nassé, Tièche, L'école et l'immigration : enjeux interculturels d'une société plurielle, Aix-En-Provence, Presse de l'I.R.E.N.A.M.,
  • Tomatis, Éducation et dyslexie, Paris, Les éditions ESF,
  • Merle, P. (2012). V. L'école privée : une source de ségrégation scolaire ?. Dans : Pierre Merle éd., La ségrégation scolaire (pp. 71-84). Paris: La Découverte.

Liens externes

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