Roberto D'Aubuisson

Roberto D'Aubuisson Arrieta (), est un homme politique et militaire salvadorien d'extrême droite également connu sous les noms de Chele et major Bob. Dirigeant d'un escadron de la mort, il cofonda le parti politique Alliance républicaine nationaliste (ARENA), qu'il dirigea jusqu'à sa défaite aux élections législatives (en) en 1985. Il présida l'assemblée constituante du Salvador de 1982 à 1983[1],[2],[3],[4] et se présenta à l'élection présidentielle (en) en 1984, qu'il perdit au second tour face à José Napoleón Duarte, le candidat chrétien-démocrate.

Roberto D'Aubuisson
Biographie
Date de naissance
Lieu de naissance Santa Tecla
Date de décès
Lieu de décès San Salvador
Parti politique Alliance républicaine nationaliste

En 1992, la Commission de vérité pour le Salvador (en), établie par les Nations unies, le désigne comme le commanditaire de l'assassinat de l'archevêque Óscar Romero[5], tué dans sa basilique en 1980.

Biographie

Enfance et famille

Il naît à Santa Tecla, département de La Libertad à El Salvador, fils de Don Roberto D'Aubuisson et de Doña Joaquina Arrieta. Il descend de Jacques, Marie, Germain, Gustave d'Aubuisson, né en 1822 à Toulouse, arrivé à 20 ans au Salvador où il s'installa comme marchand de quincaillerie [6].

Son père meurt en 1954. Après des études chez les Jésuites et les Maristes[7], il sort diplômé de l'Académie militaire nationale en 1963.

Le , Eduardo, le fils de Roberto D'Aubuisson, est assassiné (en) au Guatemala, en compagnie de William Pichinte et José Ramón González, deux députés salvadoriens, et de Gerardo Ramírez, leur chauffeur. Leurs meurtres restent non-résolus à ce jour, bien que les enquêteurs suspectent les cartels de la drogue, particulièrement actifs dans la région[8],[9].

En , l'autre fils de Roberto D'Aubuisson, Roberto Junior (en), est élu maire de Santa Tecla (la ville natale de son père)[10]. Il est largement réélu en 2018[11].

Les escadrons de la mort

Pendant la guerre civile qui ravage le Salvador de 1978 à 1992, il est une figure centrale derrière les « escadrons de la mort » qui portent la responsabilité de nombreuses exécutions extra-judiciaires. Directeur adjoint de l’Agence de sécurité nationale jusqu'en 1979, il dérobe des dossiers sur des opposants de gauche et des théologiens de la libération et dirige des escadrons de la mort pour les assassiner.

L'assassinat de Monseigneur Romero

Le major Roberto D'Aubuisson est impliqué dans l'assassinat d'Oscar Romero, archevêque de San Salvador (), selon la commission de la Verdad.

L'assassin de Mgr Romero n'a jamais été officiellement identifié, moins encore inculpé. Se fondant sur un grand nombre d'interviews de militants du parti Arena et de responsables américains, ainsi que sur l'étude de télégrammes du département d'État, les journalistes Craig Pyes et Laurie Beclund affirment, dès 1983, que le major d'Aubuisson avait planifié le meurtre avec un groupe d'officiers d'active qui tirèrent même au sort à qui reviendrait l'honneur d'être chargé de l'exécution.

L'ex-ambassadeur américain Robert White (en) qui, lorsqu'il était en poste au Salvador, avait accès aux télégrammes du département d'État, entre autres informations internes, déclare en 1984 devant le Congrès des États-Unis qu'il ne fait pas « l'ombre d'un doute » que d'Aubuisson avait lui-même « planifié et ordonné l'assassinat » de Romero[12]. Il expliqua ensuite en 1986 toujours devant le Congrès des États-Unis, qu'il y avait suffisamment d'éléments pour mettre en cause des escadrons de la mort menés par le major d'Aubuisson[13]. Cette thèse est reprise en 1993, dans un rapport officiel des Nations unies, décrivant d'Aubuisson comme le maître d'œuvre de l'assassinat.

Tortionnaire

L’ambassadeur des États-Unis Robert White (en) le décrit comme un « assassin psychopathe »[14]. Admirateur d'Adolf Hitler, D'Aubuisson aurait déclaré un jour : « Vous, les Allemands, étiez très intelligents. Vous avez réalisé que les Juifs étaient responsables de la propagation du communisme et vous avez commencer à les tuer »[2].

Détail de la tombe de Roberto D'Aubuisson.

Une enquête judiciaire conduite au Salvador par le juge Atilio Ramirez avait rapidement désigné d'Aubuisson et le général Medrano (protégé des États-Unis). Mais après des menaces et une tentative d'assassinat, Atilio Ramirez quitte subitement le pays et les poursuites judiciaires cessent. En exil, le juge Ramirez explique que l'équipe d'enquêteurs de la police criminelle ne s'était présentée sur les lieux du crime que quatre jours après qu'il a été commis et que ni la police ni le représentant du ministère de la justice ne présentèrent au procès de pièce à conviction. Sa conclusion était qu'il existait « indubitablement », depuis le début, une « sorte de conspiration pour couvrir le meurtre »[12].

Carrière politique

D'Aubuisson est un fervent opposant à la Junta Revolucionaria de Gobierno établie en par un groupe d'officiers progressistes, qu'il qualifie notamment de « menace marxiste » pour le Salvador. Au début des années 1980, il apparaît récurremment à la télévision salvadorienne pour dénoncer ceux qu'il considère comme des traitres ou des communistes. Le , le Washington Post rapporte des propos de D'Aubuisson « parlant ouvertement de la nécessité de tuer 200 000 à 300 000 personnes[N 1] pour rétablir la paix au Salvador »[15]. Le mois suivant, D'Aubuisson se lance officiellement en politique en confondant l'Alliance républicaine nationaliste (plus connu sous l'acronyme d'ARENA), un parti politique d'extrême droite. D'Aubuisson jouit d'une solide réputation auprès d'une partie de la bourgeoisie salvadorienne en raison de ses actions contre la gauche et de ses stratégies de contre-insurrection efficaces.

Élections constituantes de 1982

Dans un contexte de violence politique et de fraudes électorales massives, l'ARENA obtient un succès palpable aux élections constituantes (en) du , remportant 19 des 60 sièges à pourvoir. Ses alliés (notamment ceux du parti de la concertation nationale) obtiennent quant à eux 17 sièges, ce qui donne à D'Aubuisson et ses partisans une majorité absolue dans la nouvelle assemblée chargée d'élaborer la Constitution du Salvador. D'Aubuisson devient le président de l'assemblée constituante qui désigne Álvaro Magaña comme président de la République par intérim. Le , il prête serment devant D'Aubuisson, mettant ainsi officiellement fin à la Junta Revolucionaria de Gobierno.

Élection présidentielle de 1984

Candidat à l'élection présidentielle salvadorienne de 1984 (en), D'Aubuisson obtient 376 917 voix au premier tour, soit 29,77% des suffrages exprimés, ce qui lui permet d'accéder au second tour. Lors de celui-ci, D'Aubuisson obtient 651 741 voix, soit 46,41% des suffrages exprimés, et est battu par José Napoleón Duarte, le candidat du parti chrétien-démocrate, qui recueille quant à lui 752 625 voix, soit 53,59% des suffrages exprimés. Après l'annonce des résultats, D'Aubuisson s'est présenté comme victime d'une fraude électorale, dénonçant également une ingérence américaine dans l'élection au profit de Duarte, qui s'est avéré plus tard être un agent de la CIA.

Élections législatives de 1985

Les élections législatives salvadoriennes de 1985 (en) constituent un coup d'arrêt à la carrière politique de D'Aubuisson. En effet, lors de celles-ci, le parti chrétien-démocrate obtient la majorité absolue des sièges (33 sur 60) à l'assemblée législative du Salvador. Cela pousse D'Aubuisson à quitter la direction de l'ARENA qu'il confie à Alfredo Cristiani. Après sa démission, l'ARENA le nomme président d'honneur à titre perpétuel[16]. D'Aubuisson continue de siéger à l'assemblée législative jusqu'à sa mort en 1992[17].

Mort

D'Aubuisson décède le à l'âge de 47 ans après une longue agonie due à un cancer du larynx ou de l'œsophage[17],[18].

Dans la culture populaire

Tony Plana a joué le Major Maximiliano ′Max′ Casanova, inspiré par D´Aubuisson, dans le film Salvador d'Oliver Stone.

Notes et références

Notes

  1. Près d'un vingtième de la population salvadorienne de l'époque.

Références

  1. (es) Historia del Órgano Legislativo de la República de El Salvador 1824-2006: 1936-2006
  2. (en) Leslie Alan Horvitz et Christopher Catherwood (en), Encyclopedia of War Crimes and Genocide, New York, Infobase Publishing, , 593 p. (ISBN 1438110294 et 9781438110295, lire en ligne), p. 119-120
  3. (en) Charles D. Ameringer, Political Parties of the Americas, 1980s to 1990s: Canada, Latin America, and the West Indies, Westport, Greenwood Press, , 697 p. (ISBN 0313274185 et 9780313274183, lire en ligne), p. 293
  4. (en) « EL SALVADOR ELECTS NEW LEADER OF ASSEMBLY », The New York Times, (consulté le )
  5. (en) Charles D. Brockett, Political Movements and Violence in Central America, Cambridge University Press, , 380 p. (ISBN 0521600553 et 9780521600552, lire en ligne), p. 240
  6. Jacques, Marie, Germain, Gustave d'AUBUISSON. Né le 22 février 1822 - Toulouse. Décédé le 3 janvier 1885 à San Salvador, à l'âge de 62 ans
  7. http://arena.org.sv/partido/historia/
  8. (en) Marc Lacey, « 4 Salvadorans killed in way that evokes ’80s conflict », The New York Times, (consulté le )
  9. (en) Mica Rosenberg, « A Murder Spree in Central America », Time, (consulté le )
  10. (en) « Son of Death Squad Leader Elected to Salvadoran Municipality », sur TeleSurEnglish.net, (consulté le )
  11. (es) Beatriz Calderón et Jonathan Laguan, « ARENA gana en 9 de las 14 cabeceras de El Salvador, una se la ha arrebatado GANA », La Prensa Gráfica, (consulté le )
  12. Noam Chomsky et Edward Herman, La Fabrication du consentement. De la propagande médiatique en démocratie, Agone, 2008
  13. Philadelphia Inquirer, Nordland Rod, 23 mars 1984
  14. Maurice Lemoine, avant-propos à Oscar Martínez Peñate, Le Soldat et la Guérillera. Une histoire orale de la guerre civile au Salvador, Syllepse, , p. 15
  15. (en) Loren Jenkins (en), « El Salvador », The Washington Post, (consulté le )
  16. (en) « Salvador Rightist D’Aubuisson Quits Party Post », Los Angeles Times, (consulté le )
  17. (es) « Nuestra Historia » [archive du ], ARENA
  18. (en) Marjorie Miller, « Roberto D’Aubuisson, 48; Reputed Head of Salvadoran Death Squads », Los Angeles Times, (consulté le )

Liens externes

  • Portail de la politique
  • Portail du Salvador
Cet article est issu de Wikipedia. Le texte est sous licence Creative Commons - Attribution - Partage dans les Mêmes. Des conditions supplémentaires peuvent s'appliquer aux fichiers multimédias.