Refuznik (URSS)

Refuznik (hébreu : מסורבים, me-su-rav-im), ou Otkaznik (russe : « отказник », de « отказ », refus, rejet), était le terme officieux désignant les personnes à qui le visa d'émigration était refusé par les autorités de l'Union soviétique, principalement (mais pas uniquement) des Juifs soviétiques[1].

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Histoire

Un grand nombre de Juifs soviétiques introduisirent des demandes de visas d'émigration pour quitter l'Union soviétique, en particulier après la guerre des Six Jours en 1967. Certains furent autorisés à partir, mais beaucoup essuyèrent des refus, soit instantanément, soit par le biais d'une attente interminable de traitement de leur dossier par l'OVIR, le département du ministère de l'Intérieur responsable de la délivrance des visas de sortie. Dans de nombreux cas, l'excuse donnée pour un refus était que la personne avait eu accès à un moment ou à un autre de sa carrière à une information vitale pour la sécurité nationale de l'Union soviétique et qu'elle ne pouvait donc pas pour le moment être autorisée à quitter le pays.

Pendant la guerre froide, les Juifs soviétiques étaient considérés comme un risque au niveau sécuritaire ou comme des traîtres potentiels. Certains étaient arrêtés, ou punis par d'autres voies, pour avoir osé exprimer le désir de quitter le pays pour l'Ouest, ce qui était ipso facto considéré comme une confirmation des soupçons quant à leur manque de loyauté. Pour introduire une demande de visa, la famille entière était obligée d'abandonner son emploi, ce qui rendait ses membres susceptibles d'être inculpés de « parasitisme social (en) », une infraction pénale.

L'un des fondateurs en 1976 du mouvement refuznik, et son porte-parole, était Natan Sharansky.

Tant des Juifs ultra-orthodoxes souhaitaient émigrer pour des raisons religieuses que des Juifs relativement laïcs désirant échapper à l'antisémitisme latent suscité par les autorités soviétiques. De même, un grand nombre d'Allemands de la Volga souhaitaient rejoindre l'Allemagne, des Arméniens qui avaient cru trouver en Arménie soviétique un foyer national voulaient retourner vivre librement en diaspora, des chrétiens évangéliques, des catholiques romains et d'autres groupes ethniques et religieux essayaient d'échapper aux persécutions ou désiraient chercher une vie meilleure.

Les refuzniks bénéficièrent d'un soutien international de la part de citoyens de pays occidentaux dans le cadre de la Guerre froide, en France, avec la création en du comité de soutien des juifs d'URSS[2], et aux États-Unis dans les années 1960[3].

L'arrivée au pouvoir de Mikhaïl Gorbatchev en Union soviétique du milieu des années 1980 et sa politique de glasnost et de perestroïka, de même que le désir d'entretenir de meilleures relations avec l'Ouest, amenèrent des changements considérables. La plupart des refuzniks furent alors autorisés à émigrer. Avec l'écroulement de l'Union soviétique à la fin de la décennie, le terme otkaznik passa au registre de l'histoire. Le calvaire des refuzniks a été l'un des thèmes de l'humour juif : une anekdot affirme que le joailler Max Leibovitch, oui, celui des jolies alliances dans la toute petite boutique, attendit depuis des décennies un visa d'émigration pour aller vivre auprès de sa famille à Jérusalem. L'URSS vacillant, enfin on le lui accorde. À l'aéroport de Moscou, les douaniers s'étonnent de trouver dans sa valise un petit buste de Lénine en bronze : -"C'est quoi, ça ?" Max : -"En voilà une façon de parler du fondateur de l'URSS ! j'emporte dans ma famille ce souvenir du pays grâce auquel j'ai pu faire des études, échapper aux nazis et avoir du travail !". Les douaniers le laissent passer. Il débarque à l'aéroport de Tel-Aviv où les douaniers s'étonnent à nouveau : -"Lénine, ici ? pourquoi ?" Max : -"Il fera le cochonnet pour jouer aux boules, pour me rappeler les années de Goulag de mon pauvre père et la vie de chicanes et de privations que j'ai eue en URSS !" Les douaniers le laissent passer et il arrive dans sa famille, où les petits enfants lui demandent : -"Qui c'est, ce monsieur ?" Max : -"Qui c'est ? aucune importance ! ce qui compte, c'est ce que c'est : un kilo d'or pur recouvert de bronze !"[4]

Le terme refuznik a été ressuscité en Israël une dizaine d'années plus tard pour désigner des Israéliens refusant d'accomplir leur service militaire ou des soldats refusant de servir en Cisjordanie.

Plusieurs voies publiques commémorent ces Refuzniks : à Paris, où une allée des Refuzniks est inaugurée en 1986 pour honorer les refuzniks de l’URSS, à Créteil ainsi qu'à Sarcelles.

Notes et références

  1. (en) Azbelʹ, M. I︠A︡. (Mark I︠A︡kovlevich), Refusenik, trapped in the Soviet Union, Houghton Mifflin, (ISBN 0-395-30226-9 et 978-0-395-30226-2, OCLC 6735540, lire en ligne).
  2. Henri Hochner, « Histoire du Comité de soutien des juifs d'URSS ».
  3. Pauline Peretz, « La mobilisation politique locale aux États-Unis dans les années 1960. L'exemple de l'aide à l'émigration des Juifs soviétiques », Matériaux pour l’histoire de notre temps, vol. no 87, no 3, , p. 70 (ISSN 0769-3206 et 1952-4226, DOI 10.3917/mate.087.0070, lire en ligne, consulté le ).
  4. Viktor A. Pogadaev, The Origin and Classification of Russian Anecdotes as a Folklore Genre, Université Chulalongkorn, Bangkok 2009 et Université de Malaya, Kuala-Lumpur 2012.
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