Reality Winner

Reality Leigh Winner , née le est une linguiste cryptographique, ancienne employée des services secrets américains et lanceuse d'alerte, condamnée à cinq ans de prison pour « obtention de documents classés à partir d'une installation du gouvernement et transmission à un organe de presse »[1]. Les documents proviennent de la National Security Agency (NSA)[2]. Le , alors salariée militaire de la société Pluribus International Corporation, Reality Winner est arrêtée sur des soupçons de fuite d'un rapport de renseignement au sujet des accusations d'ingérences russes dans l'élection présidentielle américaine de 2016 vers le site web d'actualités, The Intercept. Le rapport suggère que des hackers russes ont attaqué un fournisseur américain de logiciel de vote électronique. Détenue depuis 2017 à la prison de Lincoln County à Lincolnton, en Géorgie[3],[4], Reality Winner est condamnée le à une peine de 5 ans et 3 mois de prison. Elle est la première personne condamnée en application de l'Espionage Act sous la présidence de Donald Trump.

Carrière professionnelle

Reality Winner sert de 2010 à 2016 dans l'US Air Force jusqu'à atteindre le niveau de « senior airman » (niveau E-4) avec le 94e intelligence squadron[5]. Elle travaille comme linguiste cryptographique et traduit couramment le persan et le dari, son dialecte parlé en Afghanistan, ainsi que le pachto[6]. Reality Winner obtient la Commendation Medal de l'U.S. Air Force[7],[8].

Reality Winner est ensuite embauchée par Pluribus International Corporation, une entreprise prestataire de la National Security Agency (NSA)[9],[10]. Elle se trouve affectée par Pluribus sur une base militaire à Augusta, en Géorgie[11], le , jusqu'au , date de son arrestation pour divulgation non autorisée de documents classifiés[12].

Divulgation d'un rapport secret et arrestation

Le département de la Justice des États-Unis annonce la nouvelle de son arrestation le [13] quelques heures après la publication par The Intercept d'un article décrivant la tentative russe d'interférer avec l'élection présidentielle de 2016, basé sur la divulgation anonyme de documents classés de la National Security Agency (NSA)[14]. The Intercept avait, par inadvertance, aidé à identifier sa source anonyme[15].

The Intercept avait pris contact avec la NSA le et envoyé des copies des documents à l'agence, afin de confirmer leur véracité. La NSA informe le FBI le 1er juin. Le FBI constate que les documents ont été imprimés car, selon les copies au format PDF envoyées par The Intercept, ceux-ci « semblent être pliés, ce qui suggère qu'ils ont été imprimés et assemblés à la main dans une zone sécurisée »[16]. De plus, la NSA réalise une enquête interne, confirmant que Reality Winner était l'une des six personnes employées qui avaient eu accès à ces documents particuliers sur son système classé, et que seulement l'ordinateur de Reality Winner avait été en contact avec The Intercept via un compte de courriel personnel. Elle avait de plus fait part sur les réseaux sociaux de son opposition à la politique du président Donald Trump[17], ce qui lui donnait un mobile pour diffuser ces documents étayant le piratage russe pour aider à l'élection de Donald Trump.

Le , le FBI obtient un mandat de perquisition de ses appareils électroniques et elle est arrêtée[18].

Dans une « déclaration sous serment appuyant une demande de mandat d'arrêt », daté du , l'agent spécial du FBI Justin C. Garrick écrit[19] :

« Le 3 juin 2017 votre enquêteur a parlé à Winner à son domicile à Augusta. Durant cette conversation, Winner a admis avoir intentionnellement identifié et imprimé le document de renseignement classé, bien que n'ayant pas de "besoin d'en connaître", et sachant que ce document était classé. Winner a ensuite admis avoir enlevé le document de son espace de travail, l'avoir détenu puis mailé depuis Augusta au News Outlet, dont elle savait qu'il n'était pas autorisé à recevoir ou détenir ces informations.

Winner a de plus reconnu qu'elle était consciente des contenus de ce document et que ceux-ci pouvaient être utilisés au préjudice des États-Unis et à l'avantage d'un pays étranger.

Conclusion : Votre enquêteur affirme que les faits mentionnés dans cette déclaration sous serment établissent une raison probable de croire que Winner a commis une infraction de la loi 18 U.S.C. section 793(e). En conséquence, votre enquêteur requiert respectueusement que le tribunal émette un mandat d'arrêt de Winner. »

Procédure judiciaire et soutiens

Le fondateur de WikiLeaks Julian Assange appelle l'opinion publique à soutenir Reality Winner[20], offrant une récompense de 10 000 $ pour plus d'informations à propos d'un journaliste de The Intercept qui aurait supposément aidé le gouvernement des États-Unis à identifier Reality Winner comme la responsable de la fuite[21]. Julian Assange, écrit sur twitter que « Winner ne dispose pas comme James R. Clapper ou Petraeus d'une 'immunité de l'élite'. Elle est une jeune femme emmurée pour avoir parlé à la presse »[22].

Le , Reality Winner plaide non coupable de l'accusation de « rétention volontaire et de transmission d'une information de défense nationale », et se voit refuser sa demande de libération sous caution. Les procureurs estiment qu'elle peut avoir été impliquée dans d'autres fuites d'informations classées, et qu'elle pourrait essayer de fuir le pays si elle était libérée[23]. Les avocats du département de la justice font également valoir que son équipe de défense ne doit pas être autorisée à discuter de toute information classée, même si celle-ci fait partie de nouvelles publiées par les médias[24],[25].

Le , les avocats de Reality Winner déposent une requête en nullité auprès de la cour de district, en faisant valoir que les droits Miranda n'ont pas été lus à Reality Winner avant qu'elle soit interrogée par le FBI le [26].

Jugement

En , Reality Winner accepte de plaider coupable, la peine étant négociée à 63 mois au lieu des 10 ans maximum possibles, les procureurs souhaitant éviter la divulgation de documents classifiés et de techniques de renseignements lors d'un procès ouvert. Cette peine de 63 mois est prononcée le [27]. Il s'agit de la plus longue peine de prison jamais imposée à une personne ayant fait fuiter des informations à la presse[28].

Trevor Timm, directeur exécutif de Freedom of the Press Foundation estime dans The Intercept que l'accusation répétée plusieurs fois lors du jugement par le procureur de district Bobby Christine, selon laquelle Reality Winner aurait « causé un tort exceptionnellement grave à la sécurité nationale » des États-Unis ne tient pas. En effet, The Intercept, à la demande explicite du « gouvernement » avait supprimé plusieurs informations de son article de , dont l'identifiant de l'unité des services russes concernée. Or cette information a été diffusée par le procureur spécial Robert Mueller en , sans que le gouvernement ne fasse opposition. De plus, les services secrets russes étaient déjà au courant d'une enquête du FBI dès mi-2016, longtemps avant les révélations de Reality Winner[29].

Références

  1. https://www.justice.gov/opa/pr/federal-government-contractor-georgia-charged-removing-and-mailing-classified-materials-news
  2. « Alleged leaker Reality Winner said she stuffed NSA report in her pantyhose »
  3. (en) « Accused NSA Leaker Reality Winner To Remain In Jail Pending Trial », NPR.org, (lire en ligne, consulté le )
  4. Scott Trubey, « NSA leak case to paint two portraits of Reality Winner », sur ajc (consulté le )
  5. Krishnadev Calamur, « Who Is Reality Winner? », The Atlantic, (lire en ligne, consulté le )
  6. William Sims Bainbridge, Is Reality Winner “One of Us?”, The Institute for Ethics and Emerging Technologies, (lire en ligne)
  7. Jon Swaine, « Reality Winner: NSA contractor and environmentalist repulsed by Trump », The Guardian, (consulté le )
  8. John Edwards, « Air Force honored Reality Winner for taking out enemy combatants », The Atlanta Journal-Constitution, (consulté le )
  9. Jeremy Redmon, « Augusta contractor charged with mishandling top-secret U.S. materials », The Atlanta Journal-Constitution, (lire en ligne[archive du ], consulté le ) :
    « The government announced Reality Leigh Winner's arrest Monday, about an hour after The Intercept reported that it had obtained a top-secret National Security Agency report about Russia's interference. »
  10. Danny Robbins; Christian Boone; J. Scott Trubey, « Accused leaker's social posts not enough to shake top secret clearance », The Atlanta Journal-Constitution, (lire en ligne[archive du ]) :
    « Winner's posts deriding President Trump likely wouldn't trigger interest from NSA personnel unless someone complained, experts said. And even if someone did, deciding whether to take some sort of action would be a difficult call, they said. »
  11. Madison Park, « What we know about Reality Winner », KVIA, (consulté le )
  12. J. Scott Trubey; Jennifer Peebles; Jeremy Redmon, « Augusta at center of NSA leak investigation: City is major hub for intelligence community », The Atlanta Journal-Constitution, (lire en ligne[archive du ]) :
    « As Winner's story unfolded this week, reporters from major networks and newspapers across the country descended here. But few people attached to the military installation would talk on the record. The NSA declined to comment. Local government officials were also tight-lipped. »
  13. Daniella Silva et Kip Grosenick, « Alleged NSA leaker Reality Winner to plead not guilty », NBC News, (consulté le )
  14. Matthew Cole, Richard Esposito, Sam Biddle et Ryan Grim, « Top-Secret NSA Report Details Russian Hacking Effort Days Before 2016 Election », The Intercept, First Look Media, (lire en ligne, consulté le )
  15. (en-US) « Glenn Greenwald may have quit the Intercept, but he can’t quit the feud », Washington Post, (ISSN 0190-8286, lire en ligne, consulté le )
  16. David Gilbert, « NSA leak suspect was ratted out by an office printer », Vice News, (lire en ligne, consulté le )
  17. Charlie Savage, Scott Shane, Alan Blinder, « Reality Winner, N.S.A. Contractor Accused of Leak, Was Undone by Trail of Clues », The New York Times, Washington, , A19 (lire en ligne, consulté le ) :
    « Ms. Winner's apparent Twitter feed, which used a pseudonym but had a photo of her and the same account name as her Instagram feed, makes clear her hostility toward Mr. Trump. That suggests a possible motive for leaking: highlighting Russian hacking of election-related targets, amplifying the narrative that Mr. Trump's victory is tainted. »
  18. Patricia Hurtado, « Accused Leaker of Top-Secret U.S. Report Loses Bail Request », sur Bloomberg.com, (consulté le )
  19. « Federal Government Contractor in Georgia Charged With Removing and Mailing Classified Materials to a News Outlet », US Justice Department, (consulté le ).
  20. "« Who is Reality Winner? Accused leaker wanted to 'resist' Trump », Fox News, (consulté le )
  21. « WikiLeaks offers $10,000 to get Intercept reporter fired », The Hill, (consulté le )
  22. « Wikileaks' Julian Assange tweets support for NSA 'whistleblower' Reality Leigh Winner », Daily Express, (consulté le )
  23. Margaret Hartmann, « Alleged Leaker Reality Winner Pleads Not Guilty, Is Denied Bail », New York Magazine, (consulté le )
  24. « Prosecutors in Reality Winner Case Push for News Reports to Be 'Classified' », sur www.law.com (consulté le )
  25. « Prosecutors seek order to silence defense on classified information in Reality Winner case », sur augusta.com (consulté le )
  26. Max Greenwood, « Accused leaker Reality Winner moves to suppress statements to police », The Hill, (consulté le )
  27. Reality Winner, Former N.S.A. Translator, Gets More Than 5 Years in Leak of Russian Hacking Report NY Times, Dave Philipps, Aug. 23, 2018
  28. La lanceuse d’alerte Reality Winner condamnée à cinq ans de prison pour « espionnage »Le Monde, 23.08.2018
  29. Government’s Argument that Reality Winner Harmed National Security Doesn’t Hold Up. Here’s Why. The Intercept, Trevor Timm, 23 août 2018

Voir aussi

  • Portail du renseignement
  • Portail de la cryptologie
  • Portail de la linguistique
  • Portail de la liberté d’expression
Cet article est issu de Wikipedia. Le texte est sous licence Creative Commons - Attribution - Partage dans les Mêmes. Des conditions supplémentaires peuvent s'appliquer aux fichiers multimédias.