Raymond Péricat

Raymond Péricat, né le à Gretz-Armainvilliers (Seine-et-Marne) et mort le à Paris[1], est un syndicaliste et militant communiste français, fondateur du premier  et éphémère  Parti communiste (à ne pas confondre avec le PCF historique).

Biographie

Militant syndical, secrétaire de la Fédération CGT du bâtiment avant la Première Guerre mondiale (de 1908 à 1912), il est au cours de l'année 1913 le principal partisan de la grève générale comme réponse au projet du gouvernement de porter à trois années la durée du service militaire[2].

Il est mobilisé en et participe aux combats menés dans la Somme, puis en Seine-et-Oise. Cette expérience le conduit à un antimilitarisme radical qu'il met en œuvre dès son retour à la vie civile, à la fin de l'année 1914.

Il se rapproche alors du groupe militant qui entoure Alphonse Merrheim et crée avec lui, en , le Comité d'action internationaliste (CAI)[3], dont il devient le secrétaire. Arrêté pour insoumission en , il ne peut retrouver la vie civile qu'en , ayant été définitivement réformé.

Il retrouve alors les militants du CAI, qui s'est transformé en Comité pour la reprise des relations internationales (CRRI), une organisation pacifiste à laquelle il participe. Il s'engage aussi au sein du Comité de défense syndicaliste (CDS), très proche du CRRI, et en devient le secrétaire en 1917. Du fait de ces dernières fonctions, il a des démêlés avec la préfecture de la Seine et la Commission administrative de la Bourse du Travail. Il avait installé le bureau du Comité dans l'immeuble municipal : on l'en expulse. Par la suite, il transfère le siège du CDS à son domicile, 78, rue de Belleville, 20e arrondissement[4].

Avec Merrheim, il anime le courant pacifiste de la CGT qu'il accompagne en à la conférence interalliés de Londres rassemblant syndicalistes et socialistes.

De son activité pendant la guerre, il tire un bilan assez amer, constatant la grande passivité des ouvriers.

Son activité syndicaliste et pacifiste finit par lui valoir une arrestation à Paris, le , sous prétexte de provocation à la désertion. Il n'est libéré qu'en novembre, et reprend son activité militante[5].

Création du premier parti communiste

S'inspirant du titre de la chanson L'internationale d'Eugène Pottier[6], il lance le un journal, L'Internationale communiste, qui appelle en avril à la constitution d'un parti de l'extrême gauche en France, le Parti communiste[7], initiative qui est saluée par le Comité exécutif de l'Internationale communiste[8]. Ce parti est constitué dans les mois qui suivent, sous la désignation « Parti communiste, section française de l'Internationale communiste »[9],[10], avec comme secrétaire général Jacques Sigrand et comme trésorière Paule Mondage, Péricat étant le directeur de L'Internationale[11]. Début , le nouveau parti publie son manifeste et ses statuts, mélange d'anarchisme français traditionnel et de bolchévisme russe : renversement de l'État par la grève générale, abrogation des lois bourgeoises et suppression de la fonction publique, disparition de l'État, de la famille en tant que structure figée, de l'asservissement des femmes, gratuité de l'école (avec pour devise le cri de ralliement des anarchistes « Ni Dieu, ni maître ! »), division des forces productives en corporations élisant leurs soviets respectifs[12]. Mais l'expérience tourne court en raison de rivalités entre Péricat, Sigrand et Étienne Lacoste et de la formation de factions antagonistes[13], et ce premier parti communiste, qui n'aura jamais plus de 1000 membres[14], disparaît à la fin de l'année.

Péricat fait aussi partie à ce moment du Comité de la Troisième Internationale, où il retrouve des militants d'inspiration syndicaliste-révolutionnaire, comme Pierre Monatte ou Gaston Monmousseau[15].

Il se rapproche d'ailleurs de Monatte, et participe au congrès des minoritaires de la CGT que celui-ci réunit en . Cette activité d'ultra-gauche lui vaut d'être inquiété par la police. Pour éviter l'incarcération, il fuit à l'étranger à la Noël 1919 et tente vainement de gagner l'U.R.S.S. Il est de retour en France en et travaille à Marseille, aux chantiers navals, sous le nom de Novick[16].

Création de la Confédération des travailleurs du monde

Après la décision du syndicat du bâtiment de Marseille de quitter la CGT, Péricat fonde sur cette base une Confédération des travailleurs du monde (CTM), dont il est le secrétaire général jusqu'en , année où il rejoint la CGT, puis la CGTU. La CTM disparaîtra d'ailleurs l'année suivante.

Péricat semble alors s'éloigner sérieusement de la vie militante. Au début des années 1930, il est adhérent du PCF et, à la fin de la décennie il retrouve quelques responsabilités à la Fédération du Bâtiment CGT. Après la deuxième guerre mondiale, il en sera président d'honneur.

Publications

  • Être un homme, préface inédite et posthume de Madame Séverine, Impr. La Cootypographie, 62 pages
  • « À l'œuvre tous, pour la grève générale », La Voix du peuple, (réponse à « À l'œuvre tous, pour les résultats », de Louis Niel, paru dans le même numéro)
  • Lettre ouverte : Le Comité de Défense syndicaliste à l'Union des syndicats de la Seine. Maîtres et Valets, expulsés !, Paris, [Signé, pour le Comité : Raymond Péricat]
  • LA REVOLUTION russe et les syndicalistes, Paris, Imprimerie la Fraternelle, , tract de 2 pages signé de Sébastien Faure, Raymond Péricat et 22 autres syndicalistes

Manuscrit

  • Archives de Raymond Péricat déposées à l'IFHS et conservées aux Archives Nationales (14AS/205) dont :
  • Un Parti Communiste en France : un peu d'histoire, 25 pages manuscrites, .

Notes et références

  1. « PÉRICAT Raymond, Louis », Le Maitron. Dictionnaire biographique du mouvement ouvrier français, Éditions de l'Atelier.
  2. (en) J. R. Jennings, Syndicalism in France: A Study of Ideas, Springer, 1990, 276 pages, p. 154 : « It was Péricat who during 1913 was to be the principal proponent of the general strike as a means of responding to the government's plan to extend military sevice to three years. »
  3. (en) Robert Wohl, French Communism in the Making, 1914-1924, Stanford University Press, 1966, 530 p., p. 69 : « There already existed a Committee of International Action that had been created in November 1915. This committee, however, had been restricted to syndicalist activity alone. »
  4. De nouvelles poursuites. Péricat et F. Desprès sont arrêtés, dans l'Humanité, 15e année, No 5156, p. 1 : « Raymond Péricat, membre de la Fédération du bâtiment, appartient à la fraction minoritaire de la C. G. T.. Il est secrétaire du Comité de défense syndicaliste. »
  5. Péricat réclame justice !, dans Le Populaire de Paris, 3e année, 2e série, No 103, 22 juillet 1918,pp. 1-2.
  6. Chanson composée en 1871, en pleine répression de la Commune de Paris, et dont l'auteur se disait à la fois anarchiste et communiste. Cf. Robert Brécy, La chanson de la Commune : chansons et poèmes inspirés par la Commune de 1871, Éditions de l'Atelier, 1991, 273 pages, p. 249 : « En 1919, en France, le premier journal communiste, dirigé par l'anarcho-syndicaliste Péricat, du « Comité pour l'adhésion à la IIIe Internationale », prit pour titre celui de la chanson d'Eugène Pottier, qui se disait à la fois anarchiste et communiste (lettre du 14 avril 1885 à Argyriadès). »
  7. Manifeste du Parti Communiste, Section française de la 3e Internationale, L’Internationale, n°16, 7 Juin 1919 et
  8. (en) Albert S. Lindermann, The Red Years: European Socialism Versus Bolshevism, 1919-1921, University of California Press, 1974, 349 p., p. 122 : « in September, 1919 the ECCI applauded the initiative already taken by Raymond Péricat to form a separate, pure party of the extreme left in France. »
  9. (en) James W. Hulse, The Forming of the Communist International, Stanford University Press, 1964, 275 p., p. 138 : « Owing to the refusal of Loriot and most of his supporters to leave the existing Socialist and syndicalist groups, a separate organization was formed under the leadership of Raymond Péricat, secretary of a construction syndicate and a former associate of Loriot. The party called itself the French Communist Party, and expressed itself through a newspaper known as L'Internationale. This paper had appeared for the first time on February 15, 1919, with Péricat as editor, and in the fist number he had criticized the Second International and advocated the organization of a true International. »
  10. (en) Robert Gildea, The Past in French History, Yale University Press, 1996, 418 pages : « He launched L'Internationale (later renamed the Internationale communiste in February 1919) and renamed his committee the Communist party (French Section of the Communist International) the following May. »
  11. (en) David Berry, A History of the French Anarchist Movement, 1917-1945, Greenwood Press, 2002, 323 p., p. 59 : « at a meeting on 20 June a provisional executive committe was elected. Jacques Sigrand was general secretary, Paule Mondage treasurer and Péricat director of L'Internationale. »
  12. Robert Wohl, op. cit., p. 141 : « At the beginning of June 1919, the new party, which officially called itself Parti Communiste, Section Française de l'Internationale, published a manifesto and a set of by-laws. The language of these documents was a curious mixture of traditional French anarchism and Russian Bolshevism. The State was to be overthrown by a general strike of the masses. All bourgeois laws were to be repealed and the civil service abolished. In the new communist society, there would be no State, no set family structure, no enslavement of women. The free schools would bear as their moto the old anarchist cry "Neither God nor master!" Pelloutier's association of free producers had now become soviets [...] a simple division into corporations administering themselves as the members of a confederation do, naming their representatives, 'their soviets' ».
  13. David Berry, op. cit., p. 59 : « The party seems to have been riddled with disunity and rivalry from the start, rivalry notably between Péricat, Sigrand and Etienne Lacoste. Violent quarrels became the norm as members divided into conflicting [factions] »...
  14. Jean-Yves Mollier, Jocelyne George, La plus longue des Républiques : 1870-1940, Fayard, 1994, 874 pages : « Raymond Péricat, militant anarchiste et antimilitariste de la Fédération du bâtiment, fonde un éphémère parti communiste qui ne dépassera jamais mille membres. »
  15. Émile Chauvelon, Voici qu'on parle de Grève générale, dans Le Midi Syndicaliste, 1re année, No 26, 14 juin 1919, p. 1.
  16. Jean-Pierre Biondi, La mêlée des pacifistes : 1914-1945, Maisonneuve et Larose, 2000, 239, p. 143 : « [...] à la Noël 1919 pour éviter l'incarcération, a vainement tenté de gagner l'U.R.S.S., et a pu finalement se réfugier à Marseille en juin 1920. Ouvrier aux chantiers navals sous le nom de Novick, Raymond Péricat a adhéré, à leur création, au P.C. et à la CGTU. »

Annexes

Sources

  • L'Humanité,
  • H. Dubief, Le syndicalisme révolutionnaire, Armand Colin, 1969
  • C. Gras, Alfred Rosmer et le mouvement révolutionnaire international, Éditions Maspero, 1971
  • A. Kriegel, Histoire du mouvement ouvrier française, 1914-1920. Aux origines du communisme français, Paris-La Haye, Mouton, 1964
  • M. Labi, La grande division des travailleurs. Première scission de la CGT, 1914-1921, Editions ouvrières, 1964
  • Jean Maitron, Le mouvement anarchiste en France, Éditions Maspero, 1975
  • Danièle Tartakowsky, Les premiers communistes français. Formation des cadres et bolchevisation, Presses de la FNSP, 1980
  • Dictionnaire biographique du mouvement ouvrier français, notice de Stéphane Sirot

Liens externes

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