Réverbération (effet)

La reverbération est un effet audio ajouté à un son, dans le but de produire l'illusion d'une réverbération acoustique, ou d'en obtenir les effets positifs sur l'écoute du spectateur. Il n'est pas nécessaire que la réverbération imite précisément la réverbération acoustique pour obtenir son effet positif sur la musique ; certaines sonorités de réverbération artificielle sont devenus des sons à part entière utilisées de manière artistique.

Dans le mixage d'un morceau de musique, la proportion entre son direct et son « réverbéré » donne une impression de distance et permet de spatialiser le son. L'arrivée des premières réflexions donnent une idée de la position de la source dans le local d'écoute supposé.

En 1926, la première chambre d'écho est construite par la BBC pour créer artificiellement un effet de réverbération, pour permettre aux artistes de faire entendre, depuis la plus petite des cabines d'enregistrement, le son imitant celui d'une grande salle de concert. Dans les années 1950, des mécanismes à ressorts puis à plaques ont été inventés pour créer une réverbération artificielle. Depuis, les fabricants de matériel électronique pour la musique ont conçu et commercialisé des processeurs et des pédales d'effet qui reproduisent l'effet audio de réverbération. Dans les années 2000, la réverbération à convolution fait son apparition et permet de simuler de manière plus précise un espace sonore.

La réverbération est un effet complexe à reproduire de manière analogique, et se retrouve le plus souvent sous forme numérique. La réverbérations se présentent souvent sous forme d'un processeur branché en insert dans une chaîne de traitement, console, carte son,ou ordinateur. Elle peuvent être également intégrée directement à une console de mixage ou à un amplificateur, et présente sous forme de plugin audio utilisable dans une station audionumérique pour la musique assistée par ordinateur.

Principes et histoire

Premiers procédés : les chambres d'écho

Une chambre d'écho (ici celle de l'université de Dresde) permet de reproduire une réverbération et de l'enregistrer pour l'ajouter à un son brut.

Les premières expérimentations pour récréer une réverbération dans un studio d'enregistrement remontent au début du XXe siècle[1]. La première méthode consiste à envoyer le signal à enrichir sur un haut-parleur installé dans un local très réverbérant (comme un corridor, une cage d'escalier ou une pièce spécialement aménagée pour cela, dite chambre d'écho). On enregistre le son avec un microphone dont on mélange le signal avec l'original dans la proportion désirée[2].

En 1926, les ingénieurs de la BBC créent une chambre d'écho dans leur studio à Savoy Hill, afin d'ajouter de la réverbération aux performances de studio enregistrées dans des pièces fortement isolées[3]. En effet, les artistes qui y jouaient se plaignaient du son étouffé, rendant la « musique terne et mate, sans couleur et sans vie »[4].

Néanmoins, cette technique ne permet pas un grand contrôle sur le son : « la petite chambre impose une fois pour toutes sa couleur propre au son réverbéré »[2]. En 1937, des ingénieurs français améliorent ce procédé en rajoutant trois bandes d'égalisation, permettant de retirer ou d'ajouter certaines fréquences au son partant dans la chambre d'écho. Leur chambre d'écho est utilisée pour des enregistrements d'orchestres parisiens[2]. Néanmoins, les types de réverbération diffèrent fortement entre une voix et des instruments de musique, et pour l'ingénieur Michel Adam, « on se saurait (...) s’accommoder d'un seul type de salle ». Ainsi, la BBC construit en 1932 une trentaine de studios pour s'adapter aux différents besoins de réverbération[5].

Réverbération à ressorts

Mécanisme à ressorts permettant de créer une réverbération artificielle.

Comme les corridors et les cages d'escaliers sont encombrants, on a reproduit leur fonctionnement avec un procédé plus simple, basé sur la propagation des ondes dans un ressort. Dans une boîte rigide, on monte d'un côté une bobine mobile plongée dans un fort champ magnétique du même genre qu'un moteur de haut parleur, et de l'autre un dispositif du même genre ressemblant à celui d'un microphone dynamique. Entre les deux, on dispose un ou plusieurs ressorts modérément tendus[5].

La vitesse de propagation du son dans le ressort est bien plus lente que dans l'air. Le signal arrive donc retardé de quelques centièmes de seconde à l'autre bout du ressort, où il provoque la vibration du capteur. Mais comme le ressort constitue une ligne de transmission, et que l'impédance du bout n'est pas adaptée, une forte fraction du signal se réfléchit vers l'entrée, où elle rebondit à nouveau. Le ressort constitue ainsi une imitation des réflexions multiples qui constituent la réverbération[5]. Le champ réverbéré est d'autant plus confus, comme celui d'une véritable réverbération acoustique, qu'il y a plusieurs ressorts de caractéristiques différentes, et qu'ils réagissent entre eux par leurs pièces d'assemblage.

Le signal enrichi de réverbérations peut ensuite être mélangé au signal d'origine dans une proportion variable et avec les corrections de timbre souhaitées. Néanmoins, le son obtenu est très différent d'une réverbération naturelle, et son caractère est devenu une signature sonore à part entière[6].

Laurens Hammond (créateur de l'orgue Hammond) est le premier à avoir mis au point ce dispositif pour un effet musical en 1939[5]. Quelques années auparavant, les chercheurs des Laboratoires Bell avaient mis au point la ligne à retard à ressort pour simuler une communication à longue distance. Déréglée, elle créait un effet de réverbération. À partir de cette idée, la société Hammond développe des systèmes spécialement construits[7]. Les reverbs à ressorts sont ensuite intégrées dans les amplificateurs pour guitare électrique à partir des années 1960, en particulier les amplis Fender[5]. Le son est devenu typique de certains styles de musique, comme le surf rock dans les années 1960.

Réverbération à plaque

À la fin des années 1950, l'entreprise allemande Elektromesstechnik (EMT) invente la réverbération à plaques. Ces boîtiers fonctionnent sur le même principe que ceux à ressorts, mais le son se transmet à travers une plaque métallique, ce qui donne des réflexions plus complexes, et par suite une meilleure imitation de l'acoustique des salles. La plaque est excitée par des transducteurs et le son est capté par des microphones à contact. On peut aussi influencer plus le genre de réverbération, en approchant de la plaque vibrante des absorbants qui perturbent sa vibration. Ces systèmes sont lourds (plusieurs dizaines ou centaines de kilogrammes), encombrants (la EMT 140, modèle très répandu, est une plaque d'acier d'un mètre sur deux et de 0,5 mm d'épaisseur[8]), et chers, mais représentent à l'époque un gain de place par rapport à une chambre d'écho, et une amélioration sonore notable par rapport aux systèmes à ressorts. Le son de la réverbération à plaque (plate reverb) est très utilisé dans les années 1970 dans le Motown ou la disco[9].

Réverbération à lignes à retard

L'évolution de l'électronique a transistors a permis de créer des dispositifs appelés lignes à retard qui transmettent un signal analogique avec un délai qui peut atteindre plusieurs millisecondes.

Ces dispositifs basés sur un dispositif à transfert de charges (CCD) fonctionnent par échantillonnage analogique. Un oscillateur produit un signal d'horloge, qui doit obéir aux mêmes règles que pour l'échantillonnage numérique. À chaque impulsion, le niveau du signal d'entrée est transféré sur un condensateur semiconducteur. La charge du condensateur est bloquée, puisqu'il n'y a pas de circuit de sortie, jusqu'à ce qu'une impulsion déclenche le transfert vers un autre condensateur. Si la fréquence d'échantillonnage est fe, une ligne de n condensateurs aboutit à un délai de n / fe. Par exemple, avec une fréquence d'échantillonnage de 48 kHz, une ligne de 512 éléments donne un retard de 512/48 000 seconde, soit un peu plus de 10 ms. Pour augmenter ce délai sans avoir besoin de trop d'éléments, on doit réduire la fréquence d'échantillonnage ; mais il faut alors réduire la bande passante, dans les mêmes conditions que pour l'échantillonnage d'un signal digital[réf. nécessaire].

Contrairement aux systèmes à plaques et à ressorts, la sortie ne réagit pas sur l'entrée ; pour créer de la réverbération, il faut réinjecter une fraction du signal vers l'entrée. Il faut ajouter le signal ou l'extraire de la ligne en plusieurs endroits, et combiner ainsi plusieurs retards différents, pour arriver à suffisamment de complexité pour reconstituer une impression de réverbération[réf. nécessaire].

La partie la plus aiguë du signal est en général plus faible et moins réverbérée dans les locaux d'écoute, le produit du repliement de spectre peut se confondre avec la fin de la réverbération ; finalement, la réverbération à ligne à retard atteint un effet acceptable avec une fréquence d'échantillonnage d'une dizaine de kilohertz et un filtrage du signal d'entrée à quelques kilohertz[réf. nécessaire].

Réverbération numérique

Dans un processeur d'effets numériques, pour créer un delay, il suffit d'enregistrer la suite de nombres qui représentent le signal dans une mémoire organisée comme une file d'attente (premier arrivé, premier sorti). On peut ajouter une fraction des signaux retardés dans l'entrée, et créer des modèles de réverbération beaucoup plus divers qu'avec les procédés précédents, pourvu qu'on dispose de suffisamment de capacité de traitement.

Lorsque l'effet numérique se présente sous la forme d'une pédale d'effet ou d'un rack, le signal analogique est d'abord converti en suite de nombres, puis, après le traitement, ce signal numérique est à nouveau converti en signal analogique. Comme tous les traitements de signal se basent sur le mélange entre des parties de signal diversement retardées, les fabricants proposent souvent plusieurs sortes d'effets dans le même appareil.

Réverbération à convolution

Une réverbération à convolution utilise un processeur numérique puissant pour mettre en œuvre des variantes du procédé de convolution du signal par la représentation de la réponse impulsionnelle d'une salle.

Réverbération logicielle

Un plugin audio de réverbération stéréo.

La réverbération est également produite par des plugins audio, utilisables directement dans une station audionumérique.

Utilisation

Recréation virtuelle d'un espace sonore

Réverb room dans un mix
Mix sans puis avec room reverb
Exemple audio d'une réverbération très courte (room reverb) utilisée dans un mix funk pour donner l'impression que tous les instruments jouent dans la même pièce.
Room reverb isolée
Son isolé de l'effet room reverb du même extrait audio.

La réverbération est un effet très utilisé en musique, puisqu'elle permet de spatialiser le son, donnant l'illusion d'espace. Elle peut donner une impression de distance ou bien tenter de recréer le son de musiciens jouant tous ensemble dans la même pièce (c'est le cas de la room reverb)

Stéréophonie

Dans l'expérience auditive, l'impression d'espace vient en partie du fait que l'oreille humaine reçoit les sons réfléchis différemment à gauche et à droite. L'enregistrement stéréophonique a entraîné la fabrication d'effets de réverbération stéréophoniques, qui utilisent des paramètres légèrement différents à gauche et à droite, que l'entrée soit monophonique ou stéréophonique.

La réverbération stéréophonique ajoute à la spatialisation sonore des éléments séparés dans les techniques d'enregistrement multipiste, « secs » au départ. Pour que les évènements sonnent comme dans un même endroit, la durée de réverbération doit être homogène. Les réglages concernent les premières réflexions. Les éléments à situer au loin en ont une plus forte proportion, arrivant plus près du son direct. La situation transversale dépend des paramètres de la salle virtuelle. Les systèmes de réverbération artificielle ont été développés à partir de l'analyse des enregistrements par microphones disposés en couple coïncident[10].

Principaux réglages

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Réglages d'une réverb
Variation du decay time
Son brut, puis decay de 500ms, 1000ms, 2000ms puis 3000ms
Variation du pre-delay
Réverbération (decay de 1000ms) avec un predelay de 50ms, 70ms, 90ms, 110ms puis 130ms
Variation du mix
Mix de 0%, 10%, 20%, 30%, 50%, 75% puis 100% (decay de 1200 ms et predelay de 50ms)

Les effets de réverbération électronique offrent de nombreuses possibilités de réglage :

  • pre-delay : temps entre le son produit et le début de sa réverbération, un temps très élevé permet de différencier clairement le signal de sa réverbération ;
  • diffusion : réglée à un faible niveau, on distingue bien les différents échos qui composent le son réverbéré. Au réglage maximum, tous les échos se fondent dans une réverbération très dense ;
  • decay : exprimé en secondes, définit combien de temps la réverbération dure ;
  • densité : comme son nom l'indique, joue sur la densité de la réverbération ;
  • early reflections : règle le niveau et le nombre des premières ondes sonores qui, après avoir frappé murs, sol ou plafond, arrivent à l'auditeur ;
  • tonalité : atténue les aigus/renforce les graves lorsque le potentiomètre est tourné à gauche, et vice-versa ;
  • niveau (aussi appelé balance wet/dry ou mix) : indique la proportion de réverbération à inclure dans le signal de base. À ne pas confondre avec le niveau (audio) ; dry correspond au signal sans réverbération, wet avec le maximum d'effet (réverbération). Lorsque le mix est à 100%, seule la réverbération est audible.

Les réglages plus rares sont :

  • high ratio : détermine si la réverbération agit beaucoup dans les hautes fréquences ;
  • low ratio : détermine si la réverbération agit beaucoup dans les basses fréquences ;
  • LPF : fréquence à partir de laquelle les hautes fréquences sont coupées dans la réverbération (filtre coupe-haut) ;
  • HPF : fréquence à partir laquelle les basses fréquences sont coupées dans la réverbération (filtre coupe-bas).

Références

Bibliographie

  • (en) Vesa Valimaki, Julian D. Parker, Lauri Savioja et al., « Fifty Years of Artificial Reverberation », IEEE Transactions on Audio, Speech, and Language Processing, IEEE, vol. 20, no 5, (présentation en ligne)

Références

  1. « L'histoire de la réverbération du son », sur rts.ch, (consulté le )
  2. Solima, « La réverbération artificielle réglable et ses applications en électro-acoustique », Le génie civil, revue générale des industries françaises et étrangères, t. 110, no 22, (lire en ligne).
  3. (en) P.E.F.A. West, « The first five years », BBC Engineering, no 92 « 1922-1972: A record of BBC technical experiences and developments in radio and television broadcasting », (lire en ligne)
  4. Michel Adam, « La résonance électroacoustique et ses applications récentes », Le Génie civil : revue générale des industries françaises et étrangères, no 25, , p. 580-583 (lire en ligne, consulté le )
  5. (en) Roey Izhaki, Mixing Audio: Concepts, Practices and Tools, Taylor & Francis, (ISBN 978-1-136-11421-2, lire en ligne), p. 408
  6. (en) Hans Weekhout, Music Production: Learn How to Record, Mix, and Master Music, Routledge, (ISBN 978-0-429-86090-4, lire en ligne)
  7. The History of Spring Reverberation , sur www.accutronicsreverb.com, consulté le 29 janvier 2014.
  8. (en) Kevin Arcas, « Physical Modelling and Measurements of Plate Reverberation », 19th International Congress on Acoustics, (lire en ligne)
  9. (en) Hans Weekhout, Music Production: Learn How to Record, Mix, and Master Music, Routledge, (ISBN 978-0-429-86090-4, lire en ligne)
  10. (en) Michael Williams, « Early Reflections and Reverberant Field Distribution in Dual Microphone Stereophonic Sound Recording Systems », AES Convention Papers, vol. 91, no 3155, (présentation en ligne).

Voir aussi

Articles connexes

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