Récepteur de type Toll

Les récepteurs de type Toll (en anglais Toll-like receptors, TLR) appartiennent à la famille des récepteurs de reconnaissance de motifs moléculaires [1],[2],[3]. Les récepteurs de type Toll (TLR) jouent un rôle crucial dans le système immunitaire inné en reconnaissant les motifs moléculaires associés aux agents pathogènes dérivés de divers microbes. Les TLR signalent par le recrutement de molécules adaptatrices spécifiques, conduisant à l'activation des facteurs de transcription NF-κB et IRF, qui dictent l'issue des réponses immunitaires innées. Ces motifs moléculaires associés aux pathogènes sont d’origines très diverses (bactérie, virus, parasite) et de natures variées (protéine, ose, acide nucléique).

Structure du TLR3 humain[4],[5],[6]

Pour les articles homonymes, voir TLR.

Phylogénie

Les récepteurs de type Toll sont présents chez les mammifères et de nombreux vertébrés (poissons osseux ou cartilagineux, amphibiens, reptiles et oiseaux), mais également chez les invertébrés et chez certaines plantes sous des formes structurales cependant légèrement différentes.

Ainsi, du point de vue évolutif, les TLR semblent constituer un des plus anciens composants du système immunitaire et seraient apparus avant même la séparation entre les animaux et les végétaux.

Découverte

Le nom de TLR vient de l’homologie avec une famille de molécules retrouvée chez la drosophile Drosophila melanogaster, dont le principal membre est Toll. L'histoire raconte que la chercheuse Christiane Nüsslein-Volhard, en voyant les larves malformées de la mouche en raison de la mutation dans le gène codant la protéine, aurait dit « Das ist toll ! » (« Ça, c'est génial ! »)[7]. Chez la drosophile, Toll a initialement été identifié comme un gène important lors de l’embryogenèse, et en particulier, lors de la mise en place de l’axe dorso-ventral. En 1996, Jules Hoffmann et son équipe montrent que Toll participe également à l'immunité anti-fongique chez la drosophile [8].

À l’époque de cette découverte, les TLR sont connus chez les mammifères grâce à l’identification chromosomique de TIL (maintenant appelé TLR1) en 1996 par l’équipe de Taguchi [9]. À l’époque, étant donné ce qui est connu de Toll chez la drosophile, des hypothèses avancent un rôle de TIL dans le développement embryonnaire des mammifères. Par ailleurs, une autre molécule avec un rôle évident dans l’immunité des mammifères, le récepteur à l’interleukine 1 (IL-1R) a au préalable été décrite par Nick Gay en 1991 et en particulier, l’homologie du domaine cytoplasmique avec celui de Toll [10].

Charles Janeway et ses collaborateurs identifient un second paralogue TLR en 1997 qu’ils appellent « h-Toll » (maintenant TLR4) [11]. En reprenant les travaux d’Hoffmann, ils suggèrent que chez les mammifères, h-Toll pourrait « activer l’immunité adaptative ». La fonction précise de TLR4 est découverte en 1998 par le groupe de Bruce Beutler qui, par l’utilisation d’une technique génétique appelée « clonage positionnel », prouve le rôle de TLR4 en tant que récepteur du lipopolysaccharide bactérien (connu également comme « endotoxine » ou LPS). Jusqu’alors, le LPS était connu depuis plus de cent ans pour ses puissants effets inflammatoires et immunomodulateurs. En étudiant les conséquences de la perte de ce TLR chez des souris invalidées pour le TLR4, Beutler conclut à la spécificité de reconnaissance du LPS par TLR4. Cette observation suggère fortement que chez les mammifères, chaque TLR pourrait reconnaître une molécule bien particulière témoignant d’une infection en cours.

Il apparaît maintenant que cette proposition était correcte et que les TLR représentent chez les mammifères des protéines clés permettant de détecter une infection et de déclencher la réponse immune.

Structure

La famille TLR comprend 10 membres (TLR1 – TLR10) chez l'homme et 12 (TLR1 – TLR9, TLR11 – TLR13) chez la souris [3]. Les TLR se localisent à la surface cellulaire ou dans des compartiments intracellulaires tels que le réticulum endoplasmique , l'endosome, le lysosome ou l'endolysosome, et ils reconnaissent des PAMP distincts ou se chevauchant tels que les lipides, les lipoprotéines, les protéines et l'acide nucléique.

La structure des TLR est assez simple. Ce sont des protéines transmembranaires de type I comportant :

  • Un domaine extracellulaire récepteur du signal de danger et composé de nombreux motifs LRR (leucin-rich repeats); Le domaine extracellulaire présente une structure en forme de fer à cheval et les TLR interagissent avec leurs PAMP ou DAMP respectifs en tant qu'homo- ou hétérodimère avec un co-récepteur ou une molécule accessoire[12]
  • Un domaine transmembranaire
  • Un domaine intracellulaire contenant un death domain permettant la transduction du signal d’activation. Lors de la reconnaissance des PAMP et des DAMP, les TLR recrutent des protéines adaptatrices contenant un domaine TIR telles que MyD88 et TRIF, qui initient des voies de transduction de signal qui aboutissent à l'activation de NF-κB, IRF ou MAP kinases pour réguler l'expression des cytokines, des chimiokines et des IFN de type I qui protègent finalement l'hôte contre les infections microbiennes.

Diversité

Les TLR apparaissent sous la forme de dimère. Alors que la plupart des TLR sont des homodimères, TLR2 a la particularité de s’associer en hétérodimère avec TLR1 ou TLR6, chaque hétérodimère présentant une spécificité de ligand différente. Quand un TLR est activé, il recrute une molécule adaptatrice pour propager le signal au niveau du Death Domain. À ce jour, quatre adaptateurs sont connus dans la signalisation TLR : MyD88, TIRAP (aussi appelé MAL), TRIF et TRAM. Ces adaptateurs activent d’autres molécules au sein de la cellule, y compris certaines protéines kinases (IRAK1, IRAK4, TBK1 et IKKi) qui amplifient le signal et finalement conduisent à l’induction ou la suppression de gènes qui orchestrent la réponse inflammatoire. Ainsi, des milliers de gènes sont activés par la signalisation TLR qui contient un potentiel de modulation de gènes à la fois puissant et extrêmement fin.

Les TLR peuvent aussi dépendre d’autres co-récepteurs pour la sensibilité totale au ligand, comme dans le cas de la reconnaissance du LPS par le TLR4 qui requiert MD-2. CD14 et les protéines liant le LPS (LBP pour LPS Binding Protein) sont par ailleurs connus pour faciliter la présentation du LPS par MD-2.

Parce que la spécificité des récepteurs de type Toll (et d’autres récepteurs de l’immunité innée) ne peut pas être facilement changée au cours de l’évolution, ces récepteurs doivent reconnaître des molécules qui sont constamment associées à des menaces microbiennes, non sujettes à des mutations, et spécifiques de ces menaces (i.e qu’on ne peut normalement pas trouver dans l’hôte où le TLR est présent). Ces motifs moléculaires associés aux pathogènes sont essentiels à la biologie du pathogène et ne peuvent être éliminés ou changés par mutation, ils sont donc conservés du point de vue évolutif. Les motifs conservés chez les pathogènes incluent les lipopolysaccharides de la paroi des bactéries (LPS), les lipoprotéines, les lipopeptides et les lipoarabinomannanes ; les protéines comme la flagelline des flagelles bactériens ; l’ARN double brin des virus ou de trématode comme Schistosoma mansoni [13] et les îlots CpG non-méthylés de l’ADN bactérien et viral. Voir le tableau ci-dessous pour un résumé de l’activité TLR décrite jusqu’à présent.

Récepteurs de type Toll connus chez les mammifères

Récepteurs Ligands naturels Adaptateurs
Récepteurs de type Toll chez l'être humain
TLR1 triacyl des lipoprotéines MyD88/MAL
TLR2 lipoprotéines, peptidoglycane des bactéries Gram positif, acides lipotéichoïques, champignons, glycoprotéines virales MyD88/MAL
TLR3 ARN double brin d’origine virale ou parasitaire TRIF
TLR4 lipopolysaccharide des bactéries à Gram négatif, glycoprotéines virales MyD88/MAL/TRIF/TRAM
TLR5 flagelline MyD88
TLR6 diacyl des lipoprotéines MyD88/MAL
TLR7 ARN simple brin MyD88
TLR8 ARN simple brin MyD88
TLR9 ADN CPG non-méthylés MyD88
TLR10 inconnu inconnu
Récepteurs de type Toll n'existant pas chez l'être humain
TLR11 profiline MyD88
TLR12 inconnu inconnu
TLR13 inconnu inconnu

Activation et effets

Suivant l’activation par des ligands d’origine microbienne, diverses réactions sont possibles. Les cellules de l’immunité peuvent produire des facteurs de signalisation appelés cytokines qui induisent une inflammation. Dans le cas d’un facteur bactérien, le pathogène peut être phagocyté et digéré ; ces antigènes sont alors présentés aux lymphocytes T CD4. Dans le cas d’un facteur viral, la cellule infectée peut éteindre sa synthèse protéique et rentrer dans la mort cellulaire programmée (apoptose). Les cellules de l’immunité qui ont détecté un virus peuvent aussi relarguer des facteurs anti-viraux appelés interférons.

La découverte des récepteurs de type Toll a finalement identifié les récepteurs de l’immunité innée comme responsables de nombreuses fonctions de l’immunité découvertes auparavant. Les TLR semblent être seulement impliqués dans la production en cytokine et l’activation cellulaire en réponse aux microbes et ne jouent aucun rôle dans l’adhésion ou la phagocytose des micro-organismes.

Modèle de danger

Plus récemment, les TLR ont été suspectés de se lier à des facteurs non pathogènes produits durant la maladie, le stress ou un traumatisme. On peut citer par exemple le fibrinogène (impliqué dans le processus de coagulation) et les protéines de choc thermique (générées lors d’un stress thermique comme la fièvre). Ceci est la base du modèle immunitaire du « modèle de danger » de Polly Matzinger. Cette auteure suggère que ces signatures moléculaires sont reconnues et associées à un risque accru de maladie ou la maladie elle-même, et mettent le système immunitaire en alerte via l’activation des TLR. Cependant, ce modèle est controversé [14],[15],[16].

TLR7 et Covid-19

En , un défaut du gène TLR7 était constaté dans quelques paires de jeunes frères infectés par SARS-CoV-2, qui avaient développé une forme grave de Covid-19 nécessitant des soins intensifs[17]. Cela suggère que TLR7 joue un rôle important dans l'activation de la réponse immunitaire de patients du Covid-19.

Ce rôle de TLR7 est corroboré par une étude sur la différence de mortalité par le Covid-19 entre les genres[18].

Notes et références

  1. Akira, S. 2006. TLR signaling. Curr Top Microbiol Immunol 311:1
  2. Akira, S., and K. Takeda. 2004. Toll-like receptor signalling. Nat Rev Immunol 4:499.
  3. Akira, S. 2003. Mammalian Toll-like receptors. Curr Opin Immunol 15:5.
  4. J. Choe, M. S. Kelker, I. A. Wilson, « Crystal structure of human toll-like receptor 3 (TLR3) ectodomain », Science, vol. 309, pp. 581-585 (2005). PMID 15961631
  5. article, en anglais, illustré
  6. Louise Deldicque et Marc Francaux, « Un sport de malade », Sport et Vie, no 146, , p. 19.
  7. Lemaitre, B., E. Nicolas, L. Michaut, J. M. Reichhart, and J. A. Hoffmann. 1996. The dorsoventral regulatory gene cassette spatzle/Toll/cactus controls the potent antifungal response in Drosophila adults. Cell 86:973.
  8. Taguchi, T., J. L. Mitcham, S. K. Dower, J. E. Sims, and J. R. Testa. 1996. Chromosomal localization of TIL, a gene encoding a protein related to the Drosophila transmembrane receptor Toll, to human chromosome 4p14. Genomics 32:486.
  9. Gay, N. J., and F. J. Keith. 1991. Drosophila Toll and IL-1 receptor. Nature 351:355.
  10. Medzhitov, R., P. Preston-Hurlburt, and C. A. Janeway, Jr. 1997. A human homologue of the Drosophila Toll protein signals activation of adaptive immunity. Nature 388:394.
  11. (en) Istvan Botos, David M. Segal et David R. Davies, « The Structural Biology of Toll-like Receptors », Structure, vol. 19, no 4, , p. 447–459 (PMID 21481769, PMCID PMC3075535, DOI 10.1016/j.str.2011.02.004, lire en ligne, consulté le )
  12. Aksoy, E., C. S. Zouain, F. Vanhoutte, J. Fontaine, N. Pavelka, N. Thieblemont, F. Willems, P. Ricciardi-Castagnoli, M. Goldman, M. Capron, B. Ryffel, and F. Trottein. 2005. Double-stranded RNAs from the helminth parasite Schistosoma activate TLR3 in dendritic cells. J Biol Chem 280:277.
  13. Matzinger, P. 2002. An innate sense of danger. Ann N Y Acad Sci 961:341.
  14. Matzinger, P. 2002. The danger model: a renewed sense of self. Science 296:301.
  15. Matzinger, P. 2001. Introduction to the series. Danger model of immunity. Scand J Immunol 54:2.
  16. (en) Caspar I. van der Made, Annet Simons, Janneke Schuurs-Hoeijmakers, Guus van den Heuvel, Tuomo Mantere, Simone Kersten, Rosanne C. van Deuren, Marloes Steehouwer, Simon V. van Reijmersdal, Martin Jaeger et Tom Hofste, « Presence of Genetic Variants Among Young Men With Severe COVID-19 », JAMA, (ISSN 0098-7484, DOI 10.1001/jama.2020.13719, lire en ligne)
  17. Natasja G. de Groot et Ronald E. Bontrop, COVID-19 pandemic: is a gender-defined dosage effect responsible for the high mortality rate among males? (hypothesis), Immunogenetics. 28 avril 2020 p. 1–3
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