Qu'est-ce que les Lumières ?

Was ist Aufklärung ? est un essai du philosophe allemand Emmanuel Kant datant de 1784. Son titre complet est Réponse à la question : qu'est ce que l'Aufklärung ? (Beantwortung der Frage : Was ist Aufklärung?).

Qu'est-ce que les Lumières ?

Beantwortung der Frage : Was ist Aufklärung? (1784)

Auteur Emmanuel Kant
Pays Allemagne
Genre Philosophie
Date de parution 1784

Aufklärung en allemand, Lumières en français

Le substantif féminin Aufklärung formé sur le verbe composé aufklären signifie littéralement « éclaircissement », à partir de l'adjectif klar : « clair ».

Les dénominations de l'Aufklärung en Allemagne et des Lumières en France sont à resituer dans leurs contextes historiques respectifs. Selon Olivier Juilliard, l'Aufklärung est « trop souvent identifiée sommairement à “l'âge des Lumières” », alors que la notion « se laisse mal délimiter et plus mal encore définir »: en effet, l'Allemagne du XVIIIe siècle diffère beaucoup de l'Angleterre et de la France sur le plan spéculatif[1].

Sujet de l'œuvre

« Le courage de savoir »

Kant écrit ce texte en expliquant combien il est bénéfique à l'Homme de penser par lui-même, sans préjugés. Pour ce faire, il reprend ainsi la maxime - empruntée au poète latin Horace - « Sapere aude ! » (Aie le courage de savoir ! / Ose savoir !). Cette maxime est commune à la métaphysique dogmatique wolffienne, objet de la critique kantienne, et à Kant lui-même parce qu'elle est l'expression d'une volonté de raison qui caractérise toute philosophie comme telle. Le dogmatisme métaphysique est l'illusion d'une raison qui présume de ses propres forces, illusion rationaliste qui est philosophique, tandis que l'extravagance (Schwärmerei) et le mysticisme sont une renonciation à la raison qui met en cause la liberté  : en effet, si nous n'écoutions pas notre raison, que croirions-nous ? Et, sous prétexte d'institution ou de génie, ne risquerions-nous pas de nous assujettir à la loi d'un autre, quand obéir à la raison est obéir à la loi qu'on s'est prescrite ?

Extrait et traduction: Le texte original du paragraphe commencé par Kant :

Aufklärung ist der Ausgang des Menschen aus seiner selbst verschuldeten Unmündigkeit. Unmündigkeit ist das Unvermögen, sich seines Verstandes ohne Leitung eines anderen zu bedienen. Selbstverschuldet ist diese Unmündigkeit, wenn die Ursache derselben nicht am Mangel des Verstandes, sondern der Entschließung und des Muthes liegt, sich seiner ohne Leitung eines andern zu bedienen. Sapere aude! Habe Muth dich deines eigenen Verstandes zu bedienen! ist also der Wahlspruch der Aufklärung.
«  L'Aufklärung permet à l'homme de sortir (Ausgang) de l'immaturité dont il est lui-même responsable. L'immaturité est l'incapacité d'employer son entendement sans être guidé par autrui. Cette immaturité lui est imputable non pas si le manque d'entendement mais si le manque de résolution et de courage d'y avoir recours sans la conduite d'un autre en est la cause. Sapere aude ! Aie le courage de te servir de ton propre entendement ! voilà donc la devise de l' Aufklärung. »

Minorité et majorité

Kant distingue entre deux états Unmündigkeit (de) et Mündigkeit (de), la minorité et la majorité dans le sens légal des termes. Devenir majeur est pour lui le but à atteindre d'une raison « éclairée ». Mais comment devient-on majeur ? Kant considère que la plupart se laissent guider par des « tuteurs » autoproclamés, qui au-delà de dicter la conduite et les décisions de chacun, les rendent dépendants en prétendant que toute décision prise sans consultations est dangereuse. Les « adultes mineurs » se complaisent dans cet état parce qu'ils sont « lâches » et « paresseux » ou parce qu'ils n'osent plus prendre leurs propres décisions à la suite d'une mauvaise expérience. Cet état de minorité devient alors une seconde nature, on n'ose plus faire usage de son « propre entendement », d'où « Sapere aude ! » (« Aie le courage de savoir ! / Ose savoir ! »). Il est indispensable selon lui de vivre sa propre expérience et de subir des échecs, tel un enfant qui apprend à marcher et qui trébuche et tombe au début, afin d'apprendre à les éviter et d'atteindre la majorité. La seule façon d'apprendre à un homme à penser, selon lui, est de le laisser tenter lui-même.

Extrait principal :

« La paresse et la lâcheté sont les causes qui expliquent qu’un si grand nombre d’hommes, après que la nature les a affranchis depuis longtemps de toute direction étrangère, restent cependant volontiers, leur vie durant, mineurs, et qu’il soit si facile à d’autres de se poser comme leurs tuteurs. Il est si commode d’être mineur. Si j’ai un livre qui me tient lieu d’entendement, un directeur qui me tient lieu de conscience, un médecin qui juge de mon régime à ma place, etc., je n’ai pas besoin de me fatiguer moi-même. Je ne suis pas obligé de penser, pourvu que je puisse payer ; d’autres se chargeront pour moi de cette besogne fastidieuse. Que la plupart des hommes finissent par considérer le pas qui conduit vers sa majorité, et qui est en soi pénible, également comme très dangereux, c’est ce à quoi ne manquent pas de s’employer ces tuteurs qui, par bonté, ont assumé la tâche de veiller sur eux. Après avoir rendu tout d'abord stupide leur bétail domestique, et soigneusement pris garde que ces paisibles créatures ne puissent oser faire le moindre pas hors du parc où ils les ont enfermées, ils leur montrent ensuite le danger qu'il y aurait à essayer de marcher tout seul. Or le danger n’est sans doute pas si grand que cela, étant donné que quelques chutes finiraient bien par leur apprendre à marcher ; mais l'exemple d'un tel accident rend malgré tout timide et fait généralement reculer devant toute autre tentative. Il est donc difficile pour chaque individu de sortir de la minorité, qui est presque devenue pour lui nature. »

La liberté d'expression et de publication

Kant admet ensuite qu'il est difficile de sortir de la minorité à l'échelle individuelle. Mais il est possible d'atteindre « l'âge de majorité » grâce à l'usage public du raisonnement. Afin d'assurer cela, la liberté d’expression devient une condition fondamentale. Mais l'effet de celle-ci reste limité si les idées exprimées n'atteignent pas le plus grand nombre. Elle ne devient efficace que si elle est combinée à la liberté de publication afin de couvrir un terrain plus large.

Notes et références

  1. Olivier Juilliard, « Aufklärung », Encyclopédie Universalis, site consulté le 30 août 2018,[lire en ligne].

Voir aussi

Bibliographie

  • Bernard Bourgeois, La philosophie allemande classique, Paris, P.U.F, 1995.
  • Pierre Grappin, L’Allemagne des Lumières, Paris, Didier Erudition, 1982.
  • Olivier Juilliard, article Aufklärung, Encyclopaedia Universalis, DVD, 2007
  • Gérard Raulet, Aufklärung. Les Lumières allemandes. Textes et commentaires, Paris, G-F Flammarion, 1995.

Articles connexes

Liens externes

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