Principe de localité (physique)

En physique, le principe de localité, connu également sous le nom de principe de séparabilité, est un principe selon lequel des objets distants ne peuvent avoir une influence directe l'un sur l'autre ; un objet ne peut être influencé que par son environnement immédiat. Ce principe, issu de la relativité restreinte, a été précisé en ces termes par Albert Einstein[1] :

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« Il semble essentiel pour cette disposition des choses introduites en physique que ces dernières, à un moment donné, revendiquent une existence indépendante l’une de l’autre, dans la mesure où elles se trouvent dans différentes régions de l’espace. Sans l’hypothèse de l’existence mutuellement indépendante (de l’«être-ainsi») des choses séparées spatialement les unes des autres, hypothèse qui trouve son origine dans la pensée de tous les jours, la pensée physique qui nous est familière ne serait pas possible. On ne voit pas comment les lois physiques pourraient être formulées et vérifiées sans une telle séparation. »

Ce principe s'avère remis en question par la physique quantique, notamment par les phénomènes d'intrication quantique. Les physiciens David Bohm et Basil Hiley estiment qu'il n'existe aucun bien-fondé aux objections au concept de non-localité[2]. Répondant à ceux qui jugent que l'acceptation de la non-localité minerait la possibilité d'isoler et d'observer scientifiquement quelque objet que ce soit, Bohm et Hiley opposent le fait que, dans le monde macroscopique, cette science est possible, puisque les effets de non-localité, montrent-ils, ne sont pas significatifs : l'interprétation permet exactement le même degré de séparabilité des systèmes que ce qui est requis par le « type de travail scientifique qui est effectué dans les faits ». Accorder la théorie de la relativité restreinte avec la non-localité (voir Paradoxe EPR) est une autre question plus complexe, mais Bohm, comme John Stewart Bell[3], soulignera que ce n'est pas une transmission de signaux qui est en jeu dans la notion de non-localité.

Bohm et Hiley, comme Bell, voient dans le rejet de la non-localité des facteurs autres que scientifiques :

John Bell : Présentation au CERN (1990).Hiley et Bohm : Sur les objections au concept de non-localité. (1993)
[L]'idée même d'action à distance est très répugnante pour les physiciens. Si j'avais une heure pour le faire, je vous bombarderais de citations de Newton, d'Einstein, de Bohr et de tous les autres grands hommes, vous disant combien il est impensable que, en faisant quelque chose ici, nous pouvons changer une situation lointaine. Je pense que les pères fondateurs de la mécanique quantique n'avaient pas tellement besoin des arguments d'Einstein sur la nécessité qu'il n'y ait pas d'action à distance, parce qu'ils regardaient ailleurs. L'idée qu'il y ait soit déterminisme, soit action à distance, leur était si répugnante qu'ils détournèrent le regard. Eh bien, c'est la tradition, et nous devons apprendre, dans la vie, parfois, à apprendre de nouvelles traditions. Et il se pourrait bien que nous devions apprendre non pas tant à accepter l'action à distance, mais à accepter l'insuffisance de « pas d'action à distance »[3]. [Les objections à la non-localité] semblent être plus ou moins de l'ordre d'un préjugé qui s'est développé avec la science moderne. [...] Au début du développement de la science, il y eut un long combat pour se libérer de ce qui pourrait bien avoir été perçu comme des superstitions primitives et des notions magiques, où la non-localité était clairement une notion-clé. Peut-être reste-t-il une peur profondément enracinée que le simple fait de considérer l'idée de non-localité pourrait rouvrir les vannes qui nous protègent de ce qui est perçu comme des pensées irrationnelles tapies sous la surface de la culture moderne. Même si c'était le cas, ce ne serait pas un argument valable contre la non-localité[2].

Voir également l'expérience « avant-avant », qui confronte dans une même expérience la théorie de la relativité générale avec la non-localité quantique, au moyen de détecteurs de particules intriquées mis en mouvement pour altérer l'espace-temps de ces référentiels.

En 2015, une équipe menée par Ronald Hanson, de l’université de Delft aux Pays-Bas, a conçu et mené à bien une expérience de Bell sans faille. Les inégalités de Bell étant violées, l'expérience a confirmé la non-localité de l'espace-temps[4].

Notes et références

  1. Quantum Mechanics and Reality" ("Quanten-Mechanik und Wirklichkeit", Dialectica 2:320-324, 1948)
  2. (en) Hiley, B. J.; Bohm, David (trad. de l'allemand), The Undivided Universe : An Ontological Interpretation of Quantum Theory, New York, Routledge, , 397 p. (ISBN 978-0-415-06588-7, LCCN 91021387) p. 157-158.
  3. John Bell Inequality Video. 22 janvier 1990.
  4. Article sur le site web du magazine Pour la Science.
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