Prao

Le prao[1] (du malais perahu, « bateau ») est un type de voilier multicoque indonésien, dérivé des pirogues à balancier des îles de la Polynésie. Le nom englobe un nombre important de variantes[2]. Ce type de voilier générique est également connu sous les noms de perahu, prau, prauw ou prow. Aux Philippines, les termes paraw, parao ou prahu désignent une pirogue à deux balanciers de type trimaran.

Une pirogue à balancier de Nouvelle-Calédonie disposée en prao, avec sa voile triangulaire austronésienne typique.

Description

Un prao est un voilier multicoque caractérisé par une configuration asymétrique : une coque principale et un flotteur disposés parallèlement et reliés par des bras de liaisons. Le flotteur est généralement plus petit que la coque principale, mais il peut être aussi long[3].

Configuration et manœuvre

Prao amphidrome des Îles Mariannes décrit dans le voyage de George Anson en 1743.

Il existe deux sortes de praos :

  • le prao « monodrome », qui navigue en ayant son flotteur soit au vent soit sous le vent en fonction de la direction du vent,
  • le prao « amphidrome » qui conserve toujours son flotteur du même côté. Dans ce cas il ne vire pas de bord, mais, à chaque changement de sens de marche, la proue devient la poupe et réciproquement; la coque et le flotteur sont symétriques. Les praos amphidromes peuvent encore se classer en deux catégories :
    • le prao "Pacifique" (c'est le type le plus ancien, répandu notamment en Polynésie) qui garde son flotteur au vent. Dans ce cas le flotteur "au vent", de longueur généralement plus faible que la coque, peut sortir de l'eau dès l'apparition de la gîte ; le poids placé au vent (le flotteur, le bras de liaison, l'équipage et un lest mobile éventuel) détermine le moment de redressement.
    • le prao "atlantique" qui garde son flotteur sous le vent (exemple : Cheers de Tom Follet dans la Transat anglaise 1968). Ce type de prao se comporte comme un catamaran (deux coques de même longueur), ou comme un trimaran dont on aurait supprimé le flotteur au vent, en s'appuyant sur un grand flotteur "sous le vent".

Avantages et inconvénients

Les avantages sont :

  • dans le cas du prao pacifique, une réduction importante des efforts de structure, qui permet de gagner du poids par rapport à un catamaran ou un trimaran,
  • de très bonnes performances grâce à la réduction de la masse et de la surface mouillée,
  • le confort à la mer supérieur à celui d'un catamaran (les vagues agissent sur une seule coque).

Les inconvénients de ce type de bateau sont :

  • la complexité des appendices : les dérives et/ou les safrans doivent fonctionner dans les deux sens et éventuellement être rétractables,
  • les manœuvres sont inhabituelles : le virement de bord est remplacé par un changement de sens de la marche qui demande d'intervenir sur les appendices et peut aussi nécessiter un changement de la voilure,
  • la difficulté d'installer une motorisation à poste fixe,
  • la complexité générale liée à la dispersion des volumes (coque, flotteur, nacelle habitable, bras de liaison), cependant moins pénalisante que celle d'un catamaran ou d'un trimaran.

Utilisation en course et palmarès

Le prao est rarement utilisé en course au large, fréquemment il ne termine pas du fait d'avaries. Quelques courses cependant ont été gagnées :

  • Ostar 1968 : le prao Cheers 3e
  • Tour de la Guadeloupe 1981 : le prao Funambule 1er
  • New York - Brest : 1er dans sa classe, 2e au scratch, champion du monde en catégorie « open Brest ».

Les avantages et les inconvénients du prao en course océanique sont assez bien illustrés par le parcours de quelques mordus de cette formule lors des grandes courses transatlantiques en solitaire. Le très anticonformiste Joan de Kat s'essaya à cette formule avec un prao de 20 m de long lors de la très dure OSTAR 1972, avec son Yo Yang, d'abord équipé de l'inhabituel gréement Dinaël puis d'une variante plus classique. Il se désintégra en pleine course et De Kat ne dut sa survie qu'à un canot gonflable largué par avion.

Le navigateur Guy Delage obtint quelques succès avec son Funambule-lestra sport, un plan Gilles Ollier extrapolé des dessins de l'architecte anglais Dick Newick, auteur de Cheers, obtenant notamment un bon classement (3°) dans la très disputée course en équipage La Rochelle - La Nouvelle Orléans au début des années 80.

Ardent défenseur de la formule du prao, il tentera d'utiliser des versions plus extrêmes qui seront autant d'échecs retentissants : son Rosières-Sudinox, prao "atlantique" dont l'équilibre est censé être donné par une sorte de side-car perché du côté au vent de la coque principale au bout d'un immense bras orienté par des cordages, se replie et chavire ignominieusement devant la flottille des spectateurs médusés après seulement 98 secondes de course, au départ de la route du rhum 1982 à Saint Malo[4].

Dans un contexte de professionnalisation progressive des courses au large où les "inventeurs fous" ont de moins en moins leur place, Delage parvient cependant à intéresser les responsables politiques de la Région Languedoc-Roussillon au financement d'un prao encore plus extrême, qui ira de coûteux déboires en avaries structurelles catastrophiques avant d'être discrètement dépecé au chantier alors que diverses voix exprimaient leur désaccord avec un tel emploi de l'argent public.[5]

Un prao (atlantique) est l'actuel détenteur du record de vitesse à la voile sur 500 m. Vestas Sailrocket 2 est bien, selon le comité de validation de ces records[6], un prao et jusque dans les années 80 Crossbow II qui était également un prao, a dominé ce type de compétition.

Dans le domaine de la voile légère, surfant sur l'engouement créé par les bateaux de Dick Newick, le chantier italien CONAVER lancera au début des années 80 un petit prao de 4,20 m, le Proa 42 (Prao se traduit par Proa en italien comme en anglais) qui sera vendu à une petite centaine d'exemplaires.

Bourré de détails ingénieux, notamment au niveau du transport sur un toit de voiture (le petit flotteur s'emboîte façon poupée russe dans le cockpit de la coque principale, les poutres de liaison en bois lamellé-collé se démontent facilement et le mât est en deux parties emboîtées) il n'est pas plus performant qu'un dériveur monocoque de la même longueur comme le 420 ou le Laser et beaucoup moins rapide que le catamaran Hobie cat 14 , mesurant aussi 4,20 m ou 14 pieds. N'étant pas amphidrome, il navigue suivant l'amure, alternativement avec le flotteur auxiliaire côté au vent ou sous le vent, ce qui, dans cette taille de bateau où le déplacement du poids de l'équipage est le facteur d'équilibre prépondérant, n'est pas trop pénalisant.[7]

Notes et références

  1. Les anglophones utilisent le terme proa.
  2. L'amiral François-Edmond Pâris a décrit un grand nombre de prao dans son ouvrage sur la construction navale des peuples extra-européens.
  3. « Maquette de bateau, Prao d'Achem à deux gouvernails, Sumatra », sur Musée National de la Marine
  4. Ina Sport, « La route du rhum : le spectaculaire naufrage de Guy Delage et la place des Normands... », (consulté le )
  5. « Document sans titre », sur www.histoiredeshalfs.com (consulté le )
  6. (en) « WSSR Newsletter No 219 », sur WSSR (consulté le )
  7. Radon Studios, « PROA 42 », (consulté le )

Voir aussi

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