Présidence d'Andrew Jackson

La présidence d'Andrew Jackson débuta le , date de l'investiture d'Andrew Jackson en tant que 7e président des États-Unis, et prit fin le . Jackson entra en fonction après avoir battu le président sortant John Quincy Adams à l'élection présidentielle de 1828. Au cours de la campagne, il fonda un mouvement politique qui donna naissance sous sa présidence au Parti démocrate. Confortablement réélu en 1832 face à Henry Clay, candidat du Parti national-républicain, Jackson fut remplacé par son successeur désigné, le vice-président Martin Van Buren, après la victoire de ce dernier à l'élection présidentielle de 1836.

Présidence d'Andrew Jackson

7e président des États-Unis

Portrait d'Andrew Jackson en 1829, par Ralph Eleaser Whiteside Earl.
Type
Type Président des États-Unis
Résidence officielle Maison-Blanche, Washington
Élection
Mode de scrutin Suffrage universel indirect
Élection 1828
1832
Début du mandat
Fin du mandat
Durée 8 ans
Présidence
Nom Andrew Jackson
Date de naissance
Date de décès
Appartenance politique Parti démocrate

La présidence de Jackson fut à l'origine d'un certain nombre de bouleversements sur le plan intérieur. Favorable à l'expulsion des tribus amérindiennes installées sur les terres situées à l'est du fleuve Mississippi, Jackson ordonna le déplacement forcé de ces populations, un événement connu sous le nom de « piste des Larmes ». Il réforma également l'accès à la fonction publique par la mise en place du système des dépouilles, basé sur le favoritisme, afin d'accroître l'influence du Parti démocrate. En réponse à la crise de la nullification, Jackson menaça d'envoyer des troupes fédérales en Caroline du Sud mais la crise fut finalement dénouée par l'adoption du tarif de 1833. Il engagea par ailleurs un bras-de-fer avec la Seconde banque des États-Unis qu'il considérait comme une institution élitiste et antidémocratique. Le président sortit victorieux de cette confrontation et la charte fédérale accordée à la Seconde banque des États-Unis expira en 1836. La disparition de la banque centrale et la politique monétaire de Jackson destinée à encourager les paiements en or contribuèrent à déclencher la panique de 1837 peu après la fin de son mandat. En politique étrangère, les choses furent moins mouvementées : l'administration Jackson négocia de nombreux traités commerciaux avec des puissances étrangères et reconnut l'indépendance de la république du Texas.

Jackson fut la personnalité politique la plus influente et la plus controversée des années 1830. Ses deux mandats présidentiels marquèrent profondément la vie politique américaine pour un quart de siècle, période connue aujourd'hui sous le nom d'« ère jacksonienne ». Selon l'historien Charles G. Sellers, « l'incroyable personnalité d'Andrew Jackson était, en elle-même, suffisante pour faire de lui l'une des figures les plus controversées de la scène américaine ». Son action à la tête du pays poussa ses opposants à se rassembler au sein du Parti whig, qui défendait le principe d'un pouvoir exécutif fort pour moderniser l'économie à travers le recours aux banques, à l'application de taxes sur les importations de produits manufacturés et à une politique de travaux publics comme la construction de ports et de canaux. De tous les héritages laissés par les présidents, celui de Jackson est peut-être le plus difficile à expliquer ou à résumer. Plusieurs décennies après son départ de la Maison-Blanche, son biographe James Parton déclara que son bilan était, sur bien des aspects, contradictoire : « il fut à la fois un dictateur et un démocrate, un ignorant et un génie, un Satan et un saint ». Les évaluations historiques de sa présidence entre 1948 et 2009 classent généralement Jackson au palmarès des dix plus grands présidents de l'histoire américaine.

Élection présidentielle de 1828

« Un compte-rendu de quelques-uns des actes sanglants du général Jackson » : série de pamphlets publiés par le camp pro-Adams à l'encontre de Jackson lors de l'élection de 1828.

L'élection présidentielle de 1828 fut l'occasion d'un match revanche entre Andrew Jackson et John Quincy Adams, qui s'étaient déjà affrontés quatre ans plus tôt lors de l'élection de 1824. Jackson avait alors obtenu la majorité relative  mais non absolue  des voix au sein du collège électoral, devant Adams, le secrétaire à la Guerre William H. Crawford et le président de la Chambre des représentants Henry Clay qui avaient aussi réalisé des scores importants. Conformément au 12e amendement de la Constitution, ce fut à la Chambre des représentants que revint la tâche de départager les candidats. À l'issue des débats, Adams fut élu président des États-Unis. Jackson dénonça aussitôt un « marché corrompu » entre Adams et Clay, qui se vit offrir le poste de secrétaire d'État après l'investiture d'Adams en [1].

Quelques mois après l'élection, en , Jackson fut choisi par la législature du Tennessee pour être de nouveau candidat en 1828 ; c'était la première fois qu'une nomination de ce type avait lieu de façon aussi précoce. L'enthousiasme des partisans de Jackson était tel qu'à peine l'élection de 1824 achevée, la plupart restèrent mobilisés en vue de la campagne de 1828. De son côté, l'administration Adams, dont l'ambitieux programme de politique intérieure avait été en grande partie rejeté par le Congrès, rencontrait de nombreuses difficultés. L'opposition, au premier rang de laquelle Jackson, voyait dans les réformes entreprises par Adams un accroissement excessif et dangereux du pouvoir fédéral. Le sénateur Martin Van Buren, qui avait soutenu Crawford en 1824, et devenu depuis une des principales figures de l'opposition, se déclara publiquement en faveur de Jackson pour l'élection présidentielle de 1828. Ce dernier bénéficia également de l'appui du vice-président John C. Calhoun, qui dénonçait fréquemment les initiatives de l'administration Adams comme attentatoires aux droits des États[2].

Afin de promouvoir la candidature de leur champion, Van Buren et ses alliés créèrent de nombreux journaux et clubs pro-Jackson à travers le pays, tandis que le général recevait volontiers des visiteurs dans sa plantation de l'Hermitage[2]. Les historiens André Kaspi et Hélène Harter écrivent : « pour faire connaître leurs idées et mobiliser les électeurs, les démocrates multiplient meetings, barbecues, banquets et parades. Ils s'adaptent à l'extension du corps électoral »[3]. La campagne électorale fut marquée dans les deux camps par de nombreuses attaques personnelles, même si les candidats, selon la tradition de l'époque, ne faisaient pas eux-mêmes campagne et déléguaient cette tâche à leurs partisans. Jackson fut critiqué pour son passé de marchand d'esclaves et sa conduite personnelle fut la cible de nombreux pamphlets[4]. Son épouse Rachel ne fut pas épargnée par les attaques et se vit accusée d'être bigame en raison des circonstances controversées de son mariage avec Jackson[5].

En dépit de ces attaques, Jackson remporta triomphalement l'élection de 1828 avec 56 % du vote populaire et 68 % des voix au sein du collège électoral. Il arriva en tête dans tous les États à l'exception de la Nouvelle-Angleterre[2]. Les élections législatives, qui eurent lieu en même temps que l'élection présidentielle, donnèrent aux partisans de Jackson la majorité dans les deux chambres du Congrès, même si beaucoup de ceux qui avaient soutenu Jackson lors de sa campagne prirent leurs distances avec lui sous sa présidence[6]. L'élection de 1828 mit un terme définitif à l'« ère des bons sentiments » en précipitant la chute du Parti républicain-démocrate, qui dominait la vie politique américaine depuis 1801. Le règne du parti unique fit place à une nouvelle donne politique configurée en deux pôles majeurs : le Parti démocrate, rassemblant les jacksoniens, et le Parti national-républicain formé par Adams et ses partisans[2]. Rachel Jackson, mise à rude épreuve lors de la campagne électorale, succomba à une crise cardiaque le , trois semaines seulement après la victoire de son mari[7]. Jackson, intimement convaincu que les accusations portées contre sa femme par ses adversaires avait précipité sa fin, ne le pardonna jamais à Adams[8].

Cérémonie d'investiture

La première cérémonie d'investiture de Jackson, le , fut la première à se dérouler devant le portique Est du Capitole des États-Unis[9]. En raison de l'atmosphère exécrable de la campagne et de son antipathie pour Jackson, Adams refusa d'assister à l'inauguration de son successeur[10]. Une foule d'environ 10 000 personnes se pressa à Washington pour assister à l'événement, inspirant à Francis Scott Key cette parole : « c'est magnifique ; c'est sublime ! »[11]. Jackson fut le premier président à convier le public au bal inaugural organisé à la Maison-Blanche ; parmi l'assistance se trouvaient de nombreux citoyens pauvres dont les habits de tous les jours et les manières bourrues firent jaser. Les gardes, débordés, ne purent empêcher la foule de pénétrer dans la résidence présidentielle, où de la vaisselle et des pièces décoratives furent brisées. À la suite de cet épisode, l'opposition attribua à Jackson le surnom de King Mob (le « roi de la populace ») afin de railler sa démagogie[12]. Même si la présidence d'Adams et la sienne furent marquées par de nombreux désaccords politiques, Jackson entra en fonction à une période de prospérité et de stabilité pour les États-Unis[10]. Il n'annonça aucun objectif politique clair dans les mois qui précédèrent la réunion du Congrès en , en dehors de sa volonté de rembourser la dette nationale[13].

Philosophie politique

Le nom de Jackson est étroitement associé au concept de « démocratie jacksonienne », c'est-à-dire un système démocratique reposant non plus entre les mains d'une élite mais sur la participation des citoyens ordinaires organisés en partis politiques. L'« âge de Jackson » fut, à ce titre, un moment fondateur de l'histoire des États-Unis[14]. La philosophie de Jackson en tant que président était assez proche de celle de Thomas Jefferson, en particulier dans sa défense des valeurs républicaine héritée de la guerre d'indépendance[15]. Il croyait en la capacité des individus à « parvenir aux bonnes conclusions » et pensait que leurs droits ne se résumaient pas à élire mais également à « instruire leurs agents et représentants »[16]. Opposé au principe d'une Cour suprême influente et indépendante au motif que « le Congrès, le pouvoir exécutif et la Cour doivent agir en fonction de leur propre interprétation de la Constitution »[17], il était favorable à l'idée d'obliger les juges de la Cour à se présenter aux élections et considérait le constructionnisme strict, désignant dans le champ judiciaire le fait d'être fidèle au sens originel des lois, comme le meilleur moyen de pérenniser la démocratie[18]. Il plaida également pour une limitation du nombre de mandats présidentiels et pour l'abolition du collège électoral[19].

Composition du gouvernement

Plutôt que de mettre en avant les chefs de file du Parti démocrate, Jackson nomma au sein de son cabinet de « simples hommes d'affaires » afin d'exercer sur eux une plus grande influence[20]. Le New-Yorkais Martin Van Buren et le Pennsylvanien Samuel D. Ingham furent choisis pour occuper respectivement les fonctions importantes de secrétaire d'État et de secrétaire au Trésor[21]. John Branch fut nommé secrétaire à la Marine, John M. Berrien devint procureur général[22] et John Eaton, un ami et soutien politique fidèle de Jackson, prit la tête du département de la Guerre[20]. Ayant pris acte de l'importance grandissante du Bureau des postes, Jackson éleva la fonction de Postmaster General au rang de cabinet et désigna William T. Barry pour occuper ce poste[23]. Des six premiers membres du cabinet de Jackson, seul Van Buren bénéficiait d'une véritable réputation sur le plan politique. Les choix ministériels du président furent diversement critiqués : Calhoun et Van Buren furent déçus du peu de poids accordé à leurs factions respectives dans la composition du gouvernement tandis que les représentants de Virginie et de Nouvelle-Angleterre se plaignaient au contraire d'en être exclus[22]. En dehors de son cabinet, Jackson s'appuya fortement sur un groupe de conseillers restreint, surnommé le Kitchen Cabinet[24], dont faisaient partie le général William B. Lewis et le journaliste Amos Kendall. Le président fit appel à son neveu, Andrew Jackson Donelson, pour lui servir de secrétaire particulier, et ce fut l'épouse de celui-ci, Emily, qui fit office d'hôtesse de la Maison-Blanche[25].

L'action du premier gouvernement de Jackson fut fortement obérée par des rivalités internes, notamment entre Eaton, Van Buren et le vice-président Calhoun ; tous les membres de l'administration  à l'exception de Barry et de Calhoun  démissionnèrent au milieu de l'année 1831. Une nouvelle équipe fut formée au pied levé, avec le gouverneur du Michigan Lewis Cass à la Guerre, le diplomate et ancien parlementaire Louis McLane au Trésor, le sénateur de Louisiane Edward Livingston au département d'État et enfin le sénateur du New Hampshire Levi Woodbury à la Marine. Roger B. Taney, qui avait servi précédemment en tant que procureur général du Maryland, remplit cette même fonction à l'échelon fédéral en remplacement de Berrien. Contrairement aux nominations initiales du cabinet de Jackson, les ministres investis en 1831 bénéficiaient tous d'une envergure nationale et étaient idéologiquement aux antipodes des positions de Calhoun[26]. Bien que ne siégeant pas au cabinet, le journaliste Francis Preston Blair fut un conseiller écouté tout au long de la présidence de Jackson[27].

Au début de son second mandat, Jackson procéda à un remaniement partiel de son cabinet : McLane fut transféré à la tête du département d'État, William J. Duane remplaça McLane au Trésor et Livingston fut envoyé comme ambassadeur en France[28]. En raison de son opposition au retrait des fonds fédéraux de la Deuxième banque des États-Unis, Duane fut renvoyé à la fin de l'année 1833 et remplacé par Taney, Benjamin F. Butler succédant à ce dernier au poste de procureur général[29]. En 1834, Jackson fut contraint de remanier une nouvelle fois son gouvernement après le refus du Sénat de confirmer la nomination de Taney. McLane ayant entre temps donné sa démission, le Géorgien John Forsyth hérita de la fonction de secrétaire d'État tandis que Woodbury, remplacé à la Marine par Mahlon Dickerson, fut le quatrième  et dernier  secrétaire du Trésor de l'administration Jackson[30]. En 1835, le président limogea son ministre des Postes Barry jugé incompétent et le remplaça par Amos Kendall[31].

Le président Andrew Jackson. Huile sur toile de Ralph Eleaser Whiteside Earl, 1836-1837, Smithsonian American Art Museum.
Cabinet Jackson
FonctionNomDates
PrésidentAndrew Jackson1829-1837
Vice-présidentJohn C. Calhoun1829-1832
Aucun1832-1833
Martin Van Buren1833-1837
Secrétaire d'ÉtatMartin Van Buren1829-1831
Edward Livingston1831-1833
Louis McLane1833-1834
John Forsyth1834-1837
Secrétaire au TrésorSamuel D. Ingham1829-1831
Louis McLane1831-1833
William J. Duane1833
Roger B. Taney1833-1834
Levi Woodbury1834-1837
Secrétaire à la GuerreJohn Eaton1829-1831
Lewis Cass1831-1837
Procureur généralJohn M. Berrien1829-1831
Roger B. Taney1831-1833
Benjamin F. Butler1833-1837
Postmaster GeneralWilliam T. Barry1829-1835
Amos Kendall1835-1837
Secrétaire à la MarineJohn Branch1829-1831
Levi Woodbury1831-1834
Mahlon Dickerson1834-1837

Nominations judiciaires

Jackson nomma six juges à la Cour suprême des États-Unis[32], inconnus pour la plupart[33]. Sa première nomination fut celle de John McLean, allié proche de Calhoun et ancien ministre des Postes du président Adams. McLean n'avait pas été reconduit dans la nouvelle administration en raison de sa réticence à faire usage de son pouvoir de patronage, et Jackson l'écarta discrètement en lui proposant de siéger à la Cour suprême[34]. McLean rallia par la suite le Parti whig dont il essaya à plusieurs reprises  mais en vain  d'être le candidat à l'élection présidentielle. Les deux nominations suivantes de Jackson, Henry Baldwin et James Moore Wayne, n'étaient pas des approbateurs inconditionnels du président mais étaient généralement tenus en faible estime, y compris par les adversaires de Jackson[35]. En , Jackson proposa le nom de Roger B. Taney pour combler une vacance au sein de la Cour mais son choix fut rejeté par le Sénat[33]. La mort du juge en chef John Marshall quelques mois plus tard créa une deuxième vacance : Jackson suggéra alors de remplacer Marshall par Taney et désigna Philip Pendleton Barbour en tant que juge assesseur ; le Sénat, à majorité démocrate depuis les élections législatives de 1834, confirma ces nominations[36]. Taney servit comme juge en chef jusqu'en 1864 et entérina la plupart des décisions prises par la cour Marshall[37]. Le , quelques heures avant son départ de la Maison-Blanche, Jackson procéda à la nomination de John Catron qui rencontra une fois encore l'approbation du Sénat[38]. Au moment de quitter ses fonctions, Jackson avait renouvelé l'ensemble des juges siégeant à la Cour suprême, à l'exception de Joseph Story et de Smith Thompson[39]. Il nomma également dix-huit juges aux cours fédérales de district.

Politique intérieure

Affaire Petticoat

Le secrétaire à la Guerre John Eaton. Huile sur toile de Robert Walter Weir, 1873.

Les premières années du mandat de Jackson furent marquées par l'affaire Petticoat (aussi appelée « affaire Eaton »)[40]. Des commérages circulaient en effet à Washington, relayés notamment par l'épouse du vice-président Floride Calhoun, à propos du secrétaire à la Guerre John Eaton et de sa femme Peggy. Cette dernière, qui avait travaillé un temps comme serveuse dans la taverne de son père, fut accusé d'avoir eu des comportements sexuellement inconvenants et même de s'être livrée à la prostitution[41]. D'autres rumeurs reprochaient aux Eaton d'avoir entamé une liaison alors que l'ancien mari de Peggy, John B. Timberlake, était encore en vie[42]. L'affaire commença à prendre une tournure politique lorsque les épouses des membres du cabinet refusèrent de s'afficher aux côtés des Eaton[41], affirmant que les intérêts et l'honneur de toutes les femmes américaines étaient en jeu, et qu'une femme responsable ne devrait jamais accorder de faveurs sexuelles à un homme en dehors du mariage. L'historien Daniel Walker Howe soutient que l'initiative des femmes des ministres constitua un prélude à l'émergence du mouvement des droits des femmes dans la décennie suivante[43].

Jackson refusa d'accorder le moindre crédit aux rumeurs concernant Peggy Eaton et déclara à ses ministres : « elle est aussi chaste qu'une vierge ! »[41] Il fut particulièrement ulcéré par ceux qui, en essayant de chasser les Eaton, tentaient de lui dicter les choix de ses ministres ; cette situation n'était pas non plus sans lui rappeler les attaques similaires qui avaient été dirigées contre sa femme[44]. Après avoir un temps soupçonné Henry Clay d'être à l'origine de la manœuvre, Jackson parvint à la conclusion, à la fin de l'année 1829, que l'affaire avait été orchestrée en sous-main par le vice-président Calhoun afin de semer la discorde au sein de son cabinet[45]. La controverse pesant sur les Eaton persista jusqu'en 1831, les épouses des membres du cabinet continuant d'ostraciser le couple Eaton[46]. Le cabinet présidentiel et les conseillers de Jackson se scindèrent en deux groupes, l'un mené par le vice-président Calhoun et l'autre autour du secrétaire d'État Martin Van Buren, un veuf qui entretenait toujours des relations amicales avec les Eaton[47]. Dans les premiers mois de l'année 1831, alors que l'affaire continuait de battre son plein, Van Buren proposa à l'ensemble des ministres de se démettre de leur fonction, et le scandale prit fin avec la démission de Eaton en [48]. Le reste du cabinet fit de même, à l'exception du ministre des Postes Barry, ce qui en fit la première démission ministérielle massive de l'histoire américaine[49].

En récompense de ses services, Van Buren se vit offrir le poste d'ambassadeur au Royaume-Uni mais le Sénat rejeta sa nomination[50]. Le vote décisif contre Van Buren fut apporté par le vice-président Calhoun qui espérait ainsi mettre un terme à la carrière politique de son rival ; son geste eut toutefois l'effet inverse en augmentant la popularité de Van Buren auprès de Jackson et de nombreux démocrates[51]. À l'issue de l'affaire Petticoat, Van Buren apparut ainsi comme l'héritier naturel du président. Dans les années 1860, le biographe James Parton écrivit : « l'histoire politique des États-Unis de ces trente dernières années a pour origine le moment où la main délicate de Mr. Van Buren a frappé à la porte de Madame Eaton »[49]. Dans le même temps, les relations entre Jackson et Calhoun se dégradèrent considérablement[52], et le président fit peu après l'acquisition du journal Globe afin de se prémunir d'éventuelles rumeurs compromettantes[53].

Déportation des Amérindiens

L’Indian Removal Act et les autres traités signés sous la présidence de Jackson entraînèrent la déportation de plusieurs tribus amérindiennes de leurs terres ancestrales.

Avant son entrée en fonction, Jackson avait passé la plus grande partie de sa carrière à combattre les Amérindiens dans le Sud-Ouest, et il en avait tiré la conclusion que ces derniers étaient inférieurs aux Blancs d'origine européenne[54]. Alors que ses prédécesseurs avaient par moment soutenu le déplacement ou les tentatives de « civiliser » les Amérindiens, sans ériger les affaires indiennes en priorité à l'échelle nationale, la présidence de Jackson mit en place une politique de déportation systématique à l'encontre des tribus amérindiennes[55],[56]. Au moment de l'investiture de Jackson, environ 100 000 Amérindiens vivaient en territoire américain à l'est du fleuve Mississippi, pour la plupart en Indiana, en Illinois, dans le Michigan, le territoire du Wisconsin, le Mississippi, l'Alabama, la Géorgie et le territoire de Floride[57]. Jackson se concentra tout d'abord sur l'expulsion des tribus amérindiennes du Sud car il pensait que les tribus du Nord-Ouest seraient facilement « repoussées »[58]. Dans son message annuel au Congrès de 1829, le président se montra favorable à octroyer les terres situées à l'ouest du fleuve Mississippi aux Amérindiens et assura de faciliter ceux d'entre eux qui choisiraient de partir volontairement ; à l'inverse, tous ceux qui se refuseraient à quitter leurs terres ancestrales s'exposeraient à la perte de leur indépendance et à leur soumission aux lois de l'État fédéral[59].

Un fort courant politique, composé en grande partie de chrétiens évangéliques du Nord, refusa de cautionner la déportation des Amérindiens et continua de plaider en faveur d'une « civilisation » progressive des tribus[60]. Surmontant l'opposition dirigée par le sénateur Theodore Frelinghuysen, les alliés de Jackson firent adopter l’Indian Removal Act en . Le projet de loi fut avalisé à la Chambre par 102 voix contre 97, la majorité des parlementaires sudistes s'exprimant en faveur du texte alors que la plupart des représentants du Nord votèrent contre[61]. La loi autorisait le président à négocier des traités pour l'achat de terres appartenant aux tribus à l'est en échange de terres situées plus à l'ouest, en dehors des frontières de l'État[62]. Cette législation concernait en particulier les tribus du sud des États-Unis dont le choix se résumait à partir vers l'ouest ou rester et se soumettre à la loi fédérale[63]. Les peuplades en question, surnommées les « cinq tribus civilisées », étaient les Cherokees, les Muscogees (aussi connus sous le nom de Creeks), les Chicachas, les Chactas et les Séminoles, qui avaient pour point commun d'avoir adopté un ou plusieurs aspects de la culture européenne, notamment un certain degré d'agriculture sédentaire[64].

Le président Jackson peint par Ralph Eleaser Whiteside Earl en 1830.

Avec le soutien de Jackson, la Géorgie et d'autres États cherchèrent à étendre leur souveraineté sur les tribus à l'intérieur de leurs frontières, en dépit des traités existants[65]. Les tensions entre la Géorgie et les Cherokees culminèrent avec l'arrêt Worcester v. Georgia rendu par la Cour suprême en 1832. À cette occasion, le juge en chef John Marshall déclara au nom de la Cour que la Géorgie ne pouvait pas empêcher des Blancs de pénétrer en territoire amérindien, comme elle avait tenté de le faire avec deux missionnaires suspectés d'encourager la résistance parmi les tribus[66]. La décision de la Cour suprême contribua à forger le concept de souveraineté tribale mais la Géorgie ne relâcha pas pour autant les deux missionnaires[67]. On attribue souvent à Jackson cette réplique : « John Marshall a pris sa décision. Maintenant, qu'il la fasse appliquer ! » L'historien Robert Remini affirme cependant que cette formule n'a jamais été prononcée par le président car, bien qu'elle « ressemble fortement à Jackson… il n'avait, en l'occurrence, rien à faire appliquer[68]. » La Cour suprême avait réclamé la libération des prisonniers par la Géorgie mais n'avait pas requis l'intervention du gouvernement fédéral. À la fin de l'année 1832, Van Buren intervint au nom du gouvernement pour reprendre la situation en main et persuada le gouverneur de Géorgie Wilson Lumpkin d'accorder son pardon aux missionnaires[69].

Une fois rendue la décision de la Cour suprême, l'administration Jackson n'avait aucun intérêt à freiner le déplacement des Amérindiens et la Géorgie fut libre d'étendre son influence sur le territoire occupé par la tribu des Cherokees. En 1832, les autorités de l'État organisèrent une loterie afin de distribuer les terres appartenant aux Cherokees à des colons blancs[70]. Sous l'égide du chef John Ross, la plupart des Cherokees refusèrent d'abandonner leurs terres, mais un groupe mené par John Ridge et Elias Boudinot négocia le traité de New Echota qui officialisait la cession du territoire cherokee aux États-Unis en échange de 5 millions de dollars et de terres à l'ouest du fleuve Mississippi. Malgré le départ effectif d'une fraction de la tribu, bon nombre de Cherokees s'opposèrent à cet accord qui fut cependant ratifié à une courte majorité par le Sénat en [71]. Le successeur de Jackson à la Maison-Blanche, Van Buren, fit appliquer le traité de New Echota qui se solda par la mort d'au moins 4 000 Cherokees sur la « piste des Larmes » en 1838[72].

Jackson, Eaton et le général John Coffee négocièrent ensuite avec les Chicachas qui acceptèrent rapidement de quitter leur territoire[73]. Le président confia aussi à Eaton et Coffee le soin de traiter avec les Chactas, mais les deux hommes n'avaient pas les talents diplomatiques de Jackson et ils soudoyèrent fréquemment les chefs de tribu afin d'obtenir leur soumission. Les dirigeants de la nation Chactas se résignèrent à bouger avec la signature du traité de Dancing Rabbit Creek ; le déplacement des Chactas se déroula pendant l'hiver 1831-1832 et donna lieu à de nombreuses scènes de misère et de souffrance[74]. En 1832, les Creeks ratifièrent de leur côté le traité de Cusseta qui autorisait les Creeks à vendre ou à conserver leurs terres[75]. Un conflit éclata par la suite entre les Creeks demeurés sur place et les colons blancs, déclenchant la seconde guerre Creek de 1836[76]. La révolte des Creeks fut rapidement écrasée par l'armée américaine et les survivants de la tribu furent expulsés au-delà du fleuve Mississippi[77].

De toutes les tribus du Sud-Est, les Séminoles furent ceux qui opposèrent la résistance la plus acharnée aux tentatives de déportation. L'administration Jackson était parvenue à négocier un traité allant dans ce sens avec un petit groupe de Séminoles mais cet accord fut rejeté en bloc par la tribu. Jackson dépêcha alors des troupes en Floride afin d'expulser les Séminoles par la force. La guerre qui s'ensuivit dura jusqu'en 1842 et plusieurs centaines de Séminoles vivaient encore en Floride après cette date[78]. Un conflit plus bref survint en 1832 dans le Nord-Ouest après qu'un groupe d'Amérindiens conduits par le chef Black Hawk eût franchi le Mississippi afin de retourner dans leurs terres ancestrales en Illinois. Un détachement composite de troupes fédérales et de miliciens de l'État repoussa définitivement les combattants amérindiens au mois d'août, ce qui mit un terme à la « guerre de Black Hawk »[79]. À la fin de la présidence de Jackson, près de 50 000 Amérindiens avaient été contraints de s'installer au-delà du fleuve Mississippi, et cette politique de déportation massive se poursuivit après son départ de la Maison-Blanche[80].

Élection présidentielle de 1832

Dans les années qui précédèrent l'élection de 1832, personne ne savait si Jackson, dont la santé était fragile, allait briguer un second mandat[81]. Le président annonça finalement en 1831 qu'il était candidat à sa réélection[82]. Les principaux débats concernèrent dès lors le choix du candidat démocrate à la vice-présidence. Diverses personnes étaient envisagées parmi lesquelles Van Buren, le juge Philip Pendleton Barbour, le secrétaire au Trésor McLane, le sénateur William Wilkins, le juge assesseur John McLean ou même Calhoun. Afin de se mettre d’accord sur la composition du ticket, les démocrates tinrent leur première convention nationale en [83]. Van Buren, qui avait la faveur de Jackson depuis son attitude lors de l'affaire Eaton, fut désigné comme colistier dès le premier tour de scrutin[51]. Le de la même année, Calhoun démissionna de ses fonctions de vice-président après avoir été élu au Sénat[84].

Pour l'élection de 1832, les opposants à Jackson étaient structurés en deux grands groupes : le Parti antimaçonnique et le Parti national-républicain[85]. Depuis la disparition et le possible meurtre de William Morgan en 1827, un fort courant hostile à la franc-maçonnerie s'était développé aux États-Unis[86]. En 1830, une assemblée des antimaçons réclama l'organisation d'un congrès national, prélude à la nomination d'un candidat à l'élection présidentielle. Ce fut chose faite en avec la formation d'un ticket national mené par l'ancien procureur général William Wirt, du Maryland[87]. Au mois de décembre, les nationaux-républicains se réunirent à leur tour et choisirent Henry Clay pour les représenter. Clay, qui avait rejeté les offres des antimaçons, tenta de convaincre Calhoun d'être son colistier, mais ce dernier refusa, laissant l'opposition à Jackson profondément divisée au moment de se lancer dans la course à la présidence[85]. Les nationaux-républicains désignèrent pour candidat à la vice-présidence l'avocat John Sergeant qui avait récemment défendu la Deuxième banque des États-Unis et la nation cherokee dans des litiges les opposant à l'administration Jackson[88].

Le conflit entre le gouvernement et la banque fédérale devint le principal enjeu de la campagne de 1832, même si la question des droits de douane et surtout la déportation des Amérindiens furent aussi des sujets de débat importants dans plusieurs États[89]. Les nationaux-républicains dénoncèrent dans leurs attaques la « tyrannie de l'exécutif » instaurée selon eux par Jackson, qu'une caricature de l'époque avait surnommé le « roi Andrew Ier »[90]. Sous la direction de Biddle, la banque nationale dépensa plusieurs milliers de dollars dans la campagne pour provoquer la défaite de Jackson, ce qui semblait conforter l'opinion du président selon laquelle l'institution n'hésitait pas à intervenir dans le champ politique[91]. Le , Clay déclara à son entourage : « la campagne est terminée, et je crois que nous avons remporté la victoire »[92].

Jackson parvint cependant à présenter son refus de renouveler la charte de la banque comme une défense de l'homme ordinaire face à la tyrannie gouvernementale. De plus, la popularité de Clay et le dynamisme de sa campagne étaient bien loin d'égaler ceux de Jackson et du Parti démocrate[93]. Le jour du scrutin, Jackson remporta l’élection par un raz-de-marée avec 54 % du vote populaire et 219 voix au sein du collège électoral[94]. À l'échelle nationale, le total des suffrages obtenus par le président sortant (54,2 %) était en réalité légèrement inférieur au score qu'il avait réalisé en 1828 ; ses performances furent toutefois excellentes dans les États au sud du Kentucky et du Maryland où il récolta 88 % des voix. À l'inverse, Clay n'obtint aucun vote de grand électeur en Géorgie, en Alabama ou au Mississippi[95]. Le candidat national-républicain arriva en deuxième position avec 37 % des suffrages et 49 votes de grands électeurs, loin devant Wirt qui ne rassembla que % du vote populaire et seulement sept grands électeurs[94]. L'assemblée législative de Caroline du Sud attribua le vote des grands électeurs de l'État au gouverneur de Virginie John Floyd, partisan de Calhoun et des « annuleurs »[96]. En dépit de la victoire de Jackson à l’élection présidentielle, ses alliés perdirent la majorité au Sénat[97].

Travaux publics

Dans les années qui précédèrent l'arrivée au pouvoir de Jackson, l'idée d'utiliser des fonds fédéraux pour construire ou développer les infrastructures — en particulier les routes et les canaux — avait fait son chemin au sein de la classe politique[98]. Jackson avait critiqué lors de sa campagne le soutien d'Adams à des projets d'infrastructures financés par le gouvernement mais, contrairement à certains défenseurs du droit des États, il ne remettait pas en cause le bien-fondé constitutionnel de ces travaux du moment qu'ils contribuaient à l'amélioration de la défense nationale ou au développement de l'économie[99]. Sous son mandat, la National Road (« route nationale ») fut étendue de l'Ohio jusqu'à l'Illinois, ce qui en faisait l'un des chantiers les plus ambitieux de l'époque[100]. En , la Chambre des représentants adopta une loi créant la Maysville Road, qui devait relier la National Road à la piste Natchez en passant par la ville de Lexington, dans le Kentucky. Fortement encouragé par Van Buren, Jackson mit son veto à la loi en affirmant que le projet était trop modeste pour justifier l'intervention du gouvernement fédéral. Il mit également en avant le fait que le soutien du gouvernement au développement des infrastructures nécessitait des dépenses élevées et que cela mettait en péril son intention de rembourser la dette nationale. La décision de Jackson fut bien accueillie par les « vieux républicains » partisans du droit des États, à l'instar de John Randolph, mais agaça parmi les alliés de Jackson ceux qui étaient favorables à une politique de travaux publics[101].

En dépit de l'opposition de Jackson à la Maysville Road, le financement fédéral à des projets d'infrastructures augmenta sensiblement sous sa présidence, dépassant même en volume global le total de toutes les administrations précédentes[99]. En raison d'une économie en pleine expansion et de l'importance des revenus perçus par le gouvernement, l'administration Jackson fut en mesure de rembourser l'intégralité de la dette nationale même en tenant compte de la hausse des dépenses en matière de travaux publics[102].

Expédition Wilkes

Au cours de son premier mandat, Jackson refusa d'accorder l'appui de son gouvernement à la préparation d'expéditions maritimes et scientifiques. Son prédécesseur, en la personne de John Quincy Adams, avait déjà tenté de lancer une expédition de ce genre en 1828, mais le Congrès avait refusé de voter les crédits nécessaires et le projet fut abandonné par Jackson au moment de son investiture en 1829. Désireux de laisser une empreinte comparable à celle de Thomas Jefferson, qui avait soutenu en son temps l'expédition Lewis et Clark, Jackson décida néanmoins de favoriser les missions d'exploration lors de son second mandat. Le , il promulgua une loi qui donnait corps à la United States Exploring Expedition (aussi appelée « expédition Wilkes » du nom de son commandant). Jackson confia les préparatifs de l'expédition au secrétaire à la Marine Mahlon Dickerson, mais celui-ci ne se révéla pas à la hauteur de sa tâche et l'expédition ne put être lancée avant 1838[103].

Politique étrangère

La politique étrangère de l'administration Jackson ne connut guère d'événement marquant avant 1835[104]. La Maison-Blanche se concentra principalement sur l'ouverture de nouveaux débouchés au commerce américain[105]. Un accord commercial négocié avec le Royaume-Uni favorisa les exportations américaines aux Antilles britanniques et au Canada, en dépit du refus de Londres d'autoriser les navires battant pavillon des États-Unis à commercer avec les Antilles[106]. L'entrée en vigueur de cet accord, vainement recherché par les présidents précédents, fut l'une des grandes réussites de la politique extérieure de Jackson[107]. Le département d'État conclut également des accords commerciaux avec la Russie, l'Espagne, l'Empire ottoman et le Siam ; en conséquence, les exportations américaines  essentiellement de coton  bondirent de 75 % tandis que les importations connurent une hausse de 250 %[108]. Jackson augmenta aussi le budget de la marine qu'il utilisa pour défendre les intérêts économiques de son pays dans des régions éloignées telles que l'archipel des Malouines ou Sumatra[109].

La Maison-Blanche accorda beaucoup d'importance au dossier de la réparation des dommages matériels infligés aux États-Unis[110]. Le principal contentieux concernait le règlement d'une dette par la France en reconnaissance des préjudices subis par la nation américaine pendant les guerres napoléoniennes. La France avait accepté de verser la somme demandée mais continuait en pratique d'ajourner le paiement. Jackson alla jusqu'à brandir la menace d'une guerre pour faire plier les autorités françaises mais son bellicisme fut tourné en dérision par ses adversaires politiques. En 1836, l'ambassadeur américain en France, William Cabell Rives, obtint finalement de Paris un dédommagement de 25 millions de francs (environ 5 millions de dollars de l'époque)[111],[112]. Le département d'État perçut également des sommes plus modestes de la part du Danemark, du Portugal et de l'Espagne[108].

Tentative d'assassinat

Tentative d'assassinat d'Andrew Jackson par Richard Lawrence le 30 janvier 1835, vue par une gravure contemporaine.

Le , Jackson est victime de la première tentative d'assassinat contre un président américain en exercice. Alors que le président quittait le Capitole des États-Unis par le portique Est à l'issue d'un enterrement, Richard Lawrence, un peintre en bâtiment au chômage originaire d'Angleterre, braqua un pistolet sur Jackson mais le coup de feu ne partit pas. L'assassin dégaina alors un second pistolet qui s'enraya également, probablement en raison de l'humidité ambiante[113]. Jackson, furieux, attaqua l'individu avec sa canne tandis que des témoins se précipitèrent sur Lawrence et le mirent hors d'état de nuire[114]. Lawrence déclara par la suite qu'il était un roi anglais déchu et que Jackson était son employé[115]. Il fut reconnu coupable de folie et interné en établissement psychiatrique. Jackson suspecta un temps ses adversaires politiques d'avoir fomenté cet attentat contre lui mais ses allégations ne furent jamais prouvées[116].

Élection présidentielle de 1836

À l'approche de l'élection présidentielle de 1836, Jackson refusa de briguer un troisième mandat et soutint la candidature de son vice-président Martin Van Buren. Fort de cet appui, Van Buren décrocha la nomination du Parti démocrate sans opposition. La principale incertitude était celle concernant le choix du vice-président. Deux noms étaient en lice : le représentant Richard Mentor Johnson du Kentucky et l'ancien sénateur de Virginie William Cabell Rives. Les démocrates du Sud ainsi que Van Buren penchaient fortement en faveur de Rives mais le président sortant avait une nette préférence pour Johnson. Une fois de plus, l'influence de Jackson fut déterminante et permit à Johnson de rassembler la majorité des deux tiers requise parmi les délégués[117].

Les adversaires de Van Buren, au nombre de trois, appartenaient au Parti whig, une coalition d'opposants divers à la politique de Jackson[117]. Les whigs présentèrent plusieurs candidats régionaux afin d'empêcher Van Buren d'obtenir la majorité des voix et de reporter ainsi l'élection à la Chambre des représentants, où chaque délégation disposait d'un vote par État, ce qui donnait aux whigs une meilleure chance de l'emporter[118]. Le principal candidat whig dans le Sud était le sénateur Hugh Lawson White, qui faisait campagne contre le Force Bill, l'action de Jackson vis-à-vis des banques et les prises de positions de Van Buren dont l'impopularité était grande dans le Sud. Le général William Henry Harrison, propulsé au rang de héros national après sa victoire à la bataille de Tippecanoe en 1811, s'affirma rapidement comme le candidat whig favori dans les États du Nord, devançant Daniel Webster[119].

Le jour de l'élection, Van Buren arriva en tête avec 764 198 voix au suffrage populaire (soit 50,9 % du total) et 170 voix au sein du collège électoral. Harrison termina en deuxième position avec 73 votes de grands électeurs, contre 26 pour White et 14 pour Webster[120]. Les 11 électeurs de Caroline du Sud se prononcèrent en faveur d'un cinquième candidat, Willie Person Mangum[121]. La victoire de Van Buren était due tout à la fois à ses talents politiques et personnels, à la popularité et au soutien du président Jackson, à la bonne organisation du Parti démocrate et à l'inefficacité générale de la campagne menée par les whigs[122].

Notes et références

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