Pierre Letuaire

Pierre Letuaire, né le à Toulon et mort dans la même ville le , est un peintre et dessinateur français et un caricaturiste de thématique provençale en langue d'oc[1].

Biographie

Pierre Letuaire naît le à Toulon dans la rue Pradel qui porte aujourd'hui son nom, dans une famille d'artisans et de commerçants, impliquée dans la vie commerçante et politique de la cité[2], dont un négociant, Henri Letuaire, qui deviendra le doyen des commerçants toulonnais, et un maître tailleur[3].

En 1815, après ses études au collège de Toulon[4], il se trouve chef de famille à la mort de son père, maître taillandier à l'arsenal, en charge d'une mère infirme, d'un jeune frère et de deux sœurs. Il exerce divers métiers où il peut mettre en valeur ses talents de dessinateur : il réalise des dessins pour des en-têtes de papier à lettres, des étiquettes pour liquoristes, etc.

Il devient l'ami d'un élève d'Anne-Louis Girodet, le marquis de Clinchamp, qui venait d'ouvrir le premier atelier de peinture de Toulon[5]. Il dessine ses premières lithographies.

En 1823, il succède à Laurent Julien comme professeur de dessin au collège de Toulon où il montre ses qualités d'ordre, d'intendance et d'organisation[4], poste qu'il occupera jusqu'en 1867.

Il est reçu membre de l'Académie du Var en 1835. La même année, il innove en créant des cours gratuits de dessins avec notamment des cours de dessins industriels ouverts aux maçons, charpentiers et autres professionnels. C'est pour cette activité bénévole qu'il sera décoré en 1860 de la Légion d'honneur par Napoléon III lors de sa deuxième visite à Toulon.

En 1837, il suit l'expédition de Constantine dont il rapporte des vues et des portraits[6].

En 1840, il expose à Toulon sa grande composition Un épisode de l'armée d'Algérie ; une attaque de bédouins dans un défilé. Il vit alors au 46, rue des Chaudronniers[7].

Pierre Letuaire devient en 1844 correspondant de presse pour le magazine L'Illustration et le restera durant un quart de siècle. Il participe aux illustrations de plusieurs journaux et revues Le Mistral, La Provence artistique et pittoresque et Le Monde illustré.

Le , on dépose à la préfecture maritime de Toulon un de ses dessins au fusain représentant Bonaparte à l'assaut du petit Gibraltar afin de décorer la chambre à coucher du prince-président en visite dans la ville.

Un album de dessins illustrant les cérémonies funèbres de la Princesse Marie est remis à la reine et conservé dans son cabinet[4].

Douze lithographies représentant les principaux ateliers des arts et métiers de l'arsenal sont offerts par le génie maritime au prince de Joinville, de passage à Toulon[4].

En 1867, il obtient les palmes académiques à l'occasion de la cessation de ses fonctions au lycée de Toulon et, l'année suivante, il est nommé conseiller municipal.

Il meurt du choléra à Toulon le [8].

Réception critique

Un de ses anciens élèves au collège de Toulon, Léon Alexandre, témoigne sur son professeur :

« Letuaire dirigeait la classe de dessin. Tout Toulon a connu et aimé cet artiste primesautier dont la verve intarissable a garni les albums et les cabinets des amateurs de plusieurs générations. Son coloris était le plus souvent fantaisiste, comme d'ailleurs l'anatomie de ses personnages. Mais il peignait et dessinait de chic, comme on dit dans les ateliers, et son pinceau facile, son crayon savoureux et infatigable donnaient de la valeur à ses moindres productions. Peu capable d'enseigner un art qui lui était si personnel, il terminait presque toutes ses leçons en laissant aux mains de ses disciples quelques-unes de ses pochades inimitables. Aussi avait-il beaucoup d'élèves et peu de rentes[9]. »

Il est surnommé le Gavarni de la Provence[10].

Pierre Letuaire apporte une aide précieuse aux historiens et aux chercheurs non seulement par ses dessins de la vie quotidienne mais aussi par ses Cahiers manuscrits dont une partie en a été publiée par L. Henseling en 1910 et 1914[11]. L'historien Maurice Agulhon décrit ainsi ce témoin de son temps : « C'est un petit-bourgeois que ses liens de famille rattachent au personnel révolutionnaire : libéral, anticlérical, patriote, favorable à 1830, déjà plus réticent devant 1848, et qui finira en bonapartiste conservateur ; d'un bout à l'autre de sa carrière, il aime l'armée française et ses entreprises[12], et c'est dans ce sillage qu'il glissera vers la droite par la suite ; son conservatisme virtuel a suivi l'évolution social du camp tricolore, et ne doit rien à la nostalgie du drapeau blanc »[13].

Élèves

  • Vincent Courdouan, peintre d'aquarelle et lithographe[4].
  • Emeric, paysagiste[5].
  • Barthélemy Lauvergne, peintre de marine[4].
  • Jean-François Mallet dit Paul Jolly (1845-1911), peintre et professeur d'arts plastiques à Toulon[14].
  • Joseph-Auguste Pélabon (1863-1932), portraitiste et ancien adjoint au maire de Toulon[15].
  • Pellegrin, paysagiste[4].

Œuvres dans les collections publiques

  • Toulon :
    • musée d'art de Toulon : Prisonnier arabe au fort Lamalgue, 1846.
    • musée d’histoire de Toulon et de sa région : fonds de dessins.

Publications

  • Alger et ses environs, 24 lithographies par Vincent Courdouan et Letuaire, Toulon, Canquouin, 1837.
  • Album provençal. Études de mœurs locales, Marseille, Alexandre Gueidon, 1862[16].
  • Les cahiers de Pierre Letuaire (1798-1884). Notes et souvenirs sur l'histoire et les mœurs toulonnaises et arrangées par L. Henseling, Toulon, Éd. du petit Var, 1910, et deuxième série : Imprimerie Tissot, 1914. Réédition par Jeanne Laffitte, 1976.

Galerie

Hommages et distinctions

Notes et références

  1. Henri Beraldi ne connaît sous ce nom qu'« une imprimerie lithographique de Toulon d'où sont sorties des caricatures et aussi des pièces sur la marine, depuis 1830 jusqu'à 1870 », in Les graveurs du XIXe siècle : guide de l'amateur d'estampes modernes. T. 9, p. 167.
  2. Notamment dans le comité de défense des intérêts toulonnais (cf. La Lanterne, journal politique quotidien, édition du 24 août 1885, sous la direction de Victor Flachon).
  3. Il s'agit de Marius Letuaire. Son commerce se situait 19, cours Lafayette (cf. article de H. lesueur, Le Mousse, édition du 12 février 1865). Il est déclaré en faillite le 16 septembre 1878 (cf. Archives commerciales de la France, Paris, 1874-1955).
  4. Guyot de Fère et Vallotton-d'André (dir.), Journal des beaux-arts et de la littérature, Paris, 15 janvier 1842, p. 59.
  5. Annuaire biographique des artistes français, peintres, sculpteurs, architectes, graveurs, musiciens, Guyot de Fère et D. de B. [bon de Boissy]. Éditeur : bureau du Journal des beaux-arts, Paris, 1841.
  6. Valentin Devoisins, Pierre Letuaire, Vues et portraits, dess. (et lith.) par Letuaire pendant l'expédition de Constantine, avec Cartes et textes, Toulon, Turbert, 1837, cité par la Revue de l'art français ancien et moderne, Paris, Éditeur : Jean Schemit, 1935, p. 323.
  7. Pierre Joseph François Bosquet (1810-1861), Lettres du maréchal Bosquet à sa mère, 1829-1858, Tome 2, Pau, L. Ribaut éd., 1877-1879, p. 298. Letuaire est en lien avec Bosquet, et ce dernier lui fait envoyer des bérets susceptibles d'être plus pratiques pour le climat algérien, qu'il récupérera ensuite.
  8. La Croix, Paris, 5 septembre 1885.
  9. Léon Alexandre, Souvenirs d'un médecin de la marine, 1853-1867. Campagne du "Duchayla". Première période. 1858-1859. Mer Rouge, Cochinchine, Chine, Paris, 1895-1896, p. 16.
  10. « à juste titre », selon Laurent Mongin, op. cit..
  11. Émilien Constant, « Toulon sous le second Empire et la République conservatrice », in Maurice Agulhon (dir.), Paul-Albert Février, Mireille Forget, Michel Vovelle et al., Histoire de Toulon, Toulouse, Privat, coll. « Univers de la France et des pays francophones », , 400 p. (ISBN 2-7089-4719-2), p. 289.
  12. Il compile les faits et anecdotes liées à l'armée, comme par exemple une mention du mot de Pierre Cambronne antérieure à celui-ci, prononcée par le commandant du Melpomène, coulé par les Anglais le 30 avril 1815 devant Ischia, voir Le Pêle-mêle : journal humoristique hebdomadaire, Paris, édition du 21 septembre 1924, ou bien la façon dont Achille Murat a été caché à Toulon à la chute du premier empire.
  13. Maurice Agulhon, « Les débuts difficiles de l'époque contemporaine », in Maurice Agulhon (dir.), Paul-Albert Février, Mireille Forget, Michel Vovelle et al., Histoire de Toulon, Toulouse, Privat, coll. « Univers de la France et des pays francophones », , 400 p. (ISBN 2-7089-4719-2), p. 221.
  14. La Chronique des arts et de la curiosité : supplément à la Gazette des beaux-arts, numéro du 11 mars 1911-03-11, p. 79; identifiant : ark:/12148/bpt6k6343986k.
  15. Bulletin de l'académie du Var, Année 2011, Nouvelle série, Tome XII, p. 77.
  16. En ligne.
  17. Laurent Mongin, Toulon ancien et ses rues, T. 1, Draguignan, 1901, p. 194.
  18. Charles Ginoux, Notice des tableaux, sculptures et autres objets d'art exposés dans les galeries, Musée-bibliothèque de Toulon, 1900, p.41.

Annexes

Bibliographie

  • André Alauzen et Laurent Noet, Dictionnaire des peintres et sculpteurs de Provence-Alpes-Côte d'Azur, Marseille, Jeanne Laffitte, (1re éd. 1986), 473 p. (ISBN 978-2-86276-441-2, OCLC 920790818, notice BnF no FRBNF40961988), p. 285.
  • J.R. Soubiran, Hommage à Pierre Letuaire (1798-1885) : Catalogue d'exposition, Toulon, , 77 p..

Liens externes

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