Petite paix de l'Église

La Petite paix de l’Église est une période d’une quarantaine d’années dans l’histoire du christianisme et de l’empire romain, à la fin du IIIe siècle, où la religion chrétienne peut se développer sans opposition officielle du gouvernement. Elle est particulièrement rattachée au règne de l’empereur Gallien (253268), auteur du premier édit de tolérance à l’égard des chrétiens[1]. Elle prend fin en [2]. Cette petite paix de l’Église, principalement décrite par Eusèbe de Césarée, est un préliminaire à la Paix de l'Église initiée par l'édit de Milan promulgué par Constantin Ier et Licinius.

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Gallien

Parmi la série d’édits impériaux ayant fait cesser la persécution, un en particulier, adressé aux évêques d’Égypte, est parvenu jusqu’à nous[3], reconnaissant les lieux de culte et cimetières en tant que propriétés ecclésiastiques, et les restituant à leurs propriétaires chrétiens[4]. Durant cette période, pour la première fois, l’Église demande même à un empereur d’arbitrer une dispute interne : en 272, après que Paul de Samosate fut accusé d’hérésie mais refuse d’être déposé de son siège épiscopal d’Antioche, Aurélien dut trancher en faveur de son successeur, privilégié par la hiérarchie ecclésiastique[5],[4].

Instauration

Dès le début de son règne seul en 260, l'empereur Gallien met fin à la persécution déclenchée deux ans plus tôt par son père Valérien. Les communautés chrétiennes sont de nouveau autorisées à administrer leurs biens et à recevoir des legs, retrouvant ainsi une existence sociale reconnue[6].

Une période de coexistence

Durant cette période, les communautés chrétiennes s’intègrent dans la société romaine des provinces. Cette possibilité d’intégration est reconnue par des intellectuels chrétiens dès le IIe siècle : Tatien le Syrien, converti au christianisme, explique que toute l’humanité devrait partager une seule loi et une seule organisation politique ; attitude qui conduit à la coexistence avec l’Empire[5]. Cet objectif d’unité trouve son pendant dans les Constitutions Antonines, qui étendent la citoyenneté romaine à tous les habitants libres de l’Empire[7].

Les pratiques intellectuelles associées à la Seconde sophistique sont adoptées par les apologistes chrétiens, qui se basent sur les techniques rhétoriques des classes éduquées pour prouver qu’ils ne constituent pas une menace contre l’ordre social établi. La petite paix aide à consolider le développement du discours chrétien selon la méthode hellénistique[5]. Les conditions sont également plus favorables à la conversion religieuse au christianisme[4].

Eusèbe de Césarée, qui grandit durant cette période, la met en contraste avec les temps durant lesquels il écrit : « Quelle et combien grande, avant la persécution de nos jours, fut la considération et la liberté dont jouissait auprès de tous les hommes grecs et barbares la doctrine de la religion du Dieu de l'univers annoncée au monde par le Christ, il serait au-dessus de nos forces de le raconter dignement. »[8]

Fin de la période

Cette période de coexistence pacifique se termine durant le règne de Dioclétien[5],[9]. Les efforts de celui-ci pour promouvoir la stabilité et l’unité de l’empire à la suite de la crise du troisième siècle comprennent le retour en vigueur de la conformité religieuse, souhaitée afin que les citoyens expriment leur loyauté au travers de leur participation à la religion publique romaine. Les chrétiens sont donc considérés comme incapables de remplir leurs obligations de citoyens romains, d’où l’édit de 303 qui conduit à la grande persécution de Dioclétien[10].

La fin des persécutions surviendra en 311, avec un édit de Galère faisant obligation aux chrétiens de soutenir l’État au travers de leurs propres formes de dévotion[11], avant la reconnaissance de la liberté de culte pour l'ensemble de la communauté chrétienne par l'édit de Milan en 313.

Références

  1. Levillain, Monfrin et Pietri 1994, articles «Milan» et «Persécutions»
  2. Perrin 2000, p. 58.
  3. Mitchell, Young et Frend 2006, Persecutions: Genesis and Legacy, p. 516
  4. Levillain, Monfrin et Pietri 1994, article «Persécutions»
  5. Butcher 2003, p. 378
  6. Paul Petit, Histoire générale de l’Empire romain, Seuil, 1974, (ISBN 2020026775), pp. 479-480
  7. DePalma Digeser 1999, p. 52-53
  8. Eusèbe de Césarée (trad. Emile Grapin), Histoire ecclésiastique, (lire en ligne), p. 8, 1, 1
  9. Drake 2002, p. 114-115
  10. DePalma Digeser 1999, p. 52-55
  11. DePalma Digeser 1999, p. 56

Voir aussi

Bibliographie

  • Philippe Levillain (dir.), Françoise Monfrin (article «Milan») et Charles Pietri (article «Persécutions»), Dictionnaire historique de la Papauté, Paris, Fayard, (ISBN 2-213-61857-7, EAN 978-2213618579)
  • (en) Margaret Mitchell (dir.), Frances Young (dir.) et W.H.C. Frend (Chapitre «Persecutions: Genesis and Legacy»), Cambridge History of Christianity, vol. 1 : Origins to Constantine, Cambridge, Cambridge University Press, , 776 p. (ISBN 0-521-81239-9, EAN 978-0521812399)
  • (en) Kevin Butcher, Roman Syria and the Near East, Getty Publications, , 474 p. (ISBN 0-89236-715-6, EAN 978-0892367153, lire en ligne)
  • (en) Elizabeth DePalma Digeser, The Making of a Christian Empire : Lactantius and Rome, Ithaca, Cornell University Press, , 224 p. (ISBN 0-8014-7787-5, EAN 9780801477874)
  • (en) H.A. Drake, Constantine and the Bishops : The Politics of Intolerance, Baltimore, Johns Hopkins University Press, , 632 p. (ISBN 0-8018-7104-2, EAN 978-0801871047, lire en ligne)
  • [Perrin 2000] Jean-Louis Perrin, « La persécution et les persécuteurs dans Lactance, Institutions divines, V : éléments pour une étude historique et littéraire », Vita Latina, no 160, , part. I (« De litteris »), art. I.6, p. 58-69 (DOI 10.3406/vita.2000.1099, lire en ligne, consulté le ).
  • Eusèbe de Césarée, Histoire ecclésiastique [archive] (trad. Émile Grapin), 1905 (+ texte grec)

Articles connexes

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