Partie prenante

Une partie prenante (en anglais : stakeholder) est un acteur, individuel ou collectif (groupe ou organisation), activement ou passivement concerné par une décision ou un projet ; c'est-à-dire dont les intérêts peuvent être affectés positivement ou négativement à la suite de son exécution (ou de sa non-exécution).

Pour les articles homonymes, voir Partie.

La notion de partie prenante est centrale dans les questions de développement durable, de responsabilité sociétale, de démocratie participative ainsi que dans certaines normes (écocertification…). On retrouve également cette notion dans les démarches d'architecture d'entreprise.

L'identification des parties prenantes et le dialogue avec celles-ci font l'objet de la cinquième partie de la norme ISO 26000 sur la responsabilité sociétale des organisations, parue en 2010. Le standard TOGAF (The Open Group Architecture Framework) contient également des bonnes pratiques sur la façon de mener cette analyse des parties prenantes dans le cadre d'une transformation du système d'information, sans préjuger des parties prenantes de la transformation.

Domaines d'application

Sciences politiques

  • les associations d'usagers (clubs sportifs, randonneurs...), de protection de l'environnement ou du patrimoine, d'habitants ou de riverains, etc.

L'Américain Ronald Mitchell propose de classer les parties prenantes pour décider dans quelle mesure il est important qu'elles participent ou non à la concertation : voir Grille de Mitchell.

Économie/management

En économie, l'expression « partie prenante » désigne tout acteur interne ou externe à une entreprise et concerné par son bon fonctionnement sur le plan de la responsabilité sociétale.

Citons par exemple :

La notion de partie prenante est née d'une exigence éthique nouvelle de la société civile, qui demande que les entreprises rendent compte des conséquences sociales et environnementales de leur activité. C'est dans ce sens que les parties prenantes de la société civile ont des intérêts dans le bon fonctionnement de l'entreprise. La notion de partie prenante recouvre donc des questions d'éthique, qui couvre le champ de l'éthique de l'environnement, de l'éthique financière, elle-même incluse dans le champ plus large de l' éthique des affaires et aussi, dans certains cas, de l'éthique sociale.

On peut donc distinguer les parties prenantes de premier rang c'est-à-dire celles dont l'entreprise ne peut se passer sans remettre en cause son fonctionnement ou sa survie (pérennité) et les parties prenantes de deuxième rang c'est-à-dire celles qui ne sont pas essentielles pour le fonctionnement ou la survie de l'entreprise.

La théorie des parties prenantes va au-delà de l’aspect éthique (anthropocentrisme). Il est possible de déplacer l’attention sur les problématiques environnementales (biocentrisme). Lire les articles de Jérôme Ballet et Damien Bazin de 2004[1],[2] où la théorie des parties prenantes dépasse la vision gestionnaire en prenant au sérieux l’éthique de l’entreprise et non plus l’éthique dans l’entreprise. Cette théorie intègre les problématiques environnementales via des approches participatives liées aux processus de décision.

Management de projet

  • Les parties prenantes d'un projet sont selon ISO 21500 les personnes, groupes ou organismes intéressés qui peuvent affecter, être affectés ou se sentir affectés par un quelconque aspect du projet.

Système d'Information (SI)

La notion de partie prenante dans une transformation du système d'information d'une organisation est utilisée pour déterminer la meilleure architecture possible qui répond aux exigences et préoccupations de l'ensemble des parties prenantes, des plus évidentes (le métier ou maîtrise d'ouvrage) aux traditionnels oubliés (la production informatique, la maîtrise d'œuvre, la sécurité, les utilisateurs, etc.). Cette notion accompagne la complexification du SI et cherche à identifier l'ensemble des problèmes au départ plutôt que d'avoir, par exemple, la conception remise en cause une fois la construction finie. La forme de relations MOA - MOE traditionnelle, si elle est encore efficace dans certains contextes a prouvé ses limites dans des grandes transformations.

Évolution de la définition

Origines

À l'origine, une « partie prenante » était une personne à qui l'on confiait une somme d'argent ou un bien en attendant de déterminer son propriétaire légitime, ou une tierce personne à qui des parieurs confiaient leur argent en attendant de connaître le gagnant.

Les tribunaux peuvent parfois remplir ce rôle en attendant de trancher un litige de propriété ou en désignant, lorsque des biens sont légués à un enfant, un administrateur dans l’attente de sa majorité. C'est un concept légal ancien.

En France, la comparaison la plus évidente est le notaire ou l'huissier de justice.

Théories du management

Une théorie de management[3] (Stakeholder view) utilise cette définition : « Dans une corporation, les parties prenantes sont des individus et des groupements qui contribuent, volontairement ou non, à la capacité de créer de la valeur et de l'activité et qui en sont ses bénéficiaires potentiels et/ou en assument les risques ».

Cette définition varie de celle de Freeman[4] qui inclut les concurrents comme « partie prenante » d'une société.

Évolutions récentes : notion d'intérêt

Dans les dernières décennies du XXe siècle, la notion de « partie prenante » a évolué pour désigner une personne ou une organisation qui a un intérêt légitime dans un projet ou une entité. En ce qui concerne les processus de décision dans les institutions, dont les grandes entreprises, les organismes d'État et les organisations non gouvernementales, le concept a été élargi pour inclure quiconque ayant un intérêt dans les actions de l'entité. Ceci comprend non seulement ses distributeurs, ses employés, et ses clients, mais aussi les membres de la commune où ses bureaux ou usines pourraient affecter l’économie locale ou l’environnement. Dans ce contexte, les « parties prenantes » ne sont pas seulement ses directeurs et ses administrateurs siégeant au Conseil d’administration ou de surveillance dans le sens traditionnel du terme.

Par exemple, dans un projet de réhabilitation immobilier dont les immeubles sont habités durant les travaux, les « parties prenantes » sont les résidents et les voisins subissant des nuisances, l'équipe de gestion du projet, le propriétaire terrien, les financeurs, l'architecte et les constructeurs.

Les tenants de chaque type d'intérêt dans les affaires de l’entité (l'entreprise) peuvent se regrouper. Il peut avoir un ou des groupements d’actionnaires, de propriétaires voisins, de banques d’investissement, etc. Dans ce contexte, le groupement est un synonyme de « partie prenante ».

Dans cette optique l'entreprise est considérée comme un « nœud de contrats », plus ou moins formalisés, entre ces divers agents économiques. Cette approche suppose que l'entreprise satisfasse un certain équilibre entre les intérêts respectifs de ces diverses parties. De même que les diverses parties sont supposées respecter certains intérêts de l'entreprise. Cela suppose de définir les intérêts communs (ou non) entre les parties, autrement dit de définir des communautés d'intérêts adéquates.

La satisfaction des intérêts des parties prenantes passe par une analyse approfondie des usages des informations dans les métiers de l'entreprise, lors des échanges avec les parties prenantes, ce qui doit faire l'objet d'un processus de veille et d'intelligence économique !

Responsabilité vis-à-vis des parties prenantes ou intéressées

Ce type de responsabilité est parfois appelé responsabilité sociale des entreprises.

La responsabilité sociale d'entreprise est en fait l'application des principes de développement durable à l'entreprise. À l'origine (sommet de la Terre de Rio de Rio en 1992, et agenda 21), le développement durable s'est appliqué aux États et aux collectivités territoriales. Le concept s'est élargi au sommet de la Terre de Johannesburg (2002) pour inclure les entreprises.

L'Union européenne a publié un livre vert pour définir les principes de Responsabilité sociale (ou sociétale) des entreprises (RSE).

Le gouvernement français (Jean-Pierre Raffarin) a lancé à partir de 2003 une politique d'intelligence économique, qui met l'accent sur les questions de veille plus que de communication.

Des cabinets d'avocats d'affaires peuvent assister les entreprises sur les questions juridiques, lors de la négociation de grands contrats.

Entreprises

Gouvernance d'entreprise et parties prenantes

Selon Gond et Mercier, l'émergence du concept dans le champ de la gouvernance remonte à Berle et Means [5], qui dès 1932 font le constat de l'apparition d’une pression sociale dirigée vers les dirigeants d'entreprise afin de les amener à prendre en considération leur responsabilité vis-à-vis des personnes dont le bien-être peut être affecté par les décisions de l’entreprise[6],[7].

Dans le domaine de la gouvernance d’entreprise, un débat majeur traverse la littérature consacrée aux parties prenantes depuis les années 70 pour déterminer si l’entreprise doit être gérée dans l’intérêt des « parties prenantes » ou seulement dans l'intérêt des actionnaires. Freeman lui-même, que l'on considère comme le père du concept, l'a créé comme un clin d'œil au mot stockholder que l'on utilise pour désigner les actionnaires[8]. Milton Friedman a cru clore le débat en affirmant que l'entreprise n'a qu'une responsabilité, celle d'assurer le profit de ses actionnaires (1970[9]). Ceux qui défendent le point de vue des « parties prenantes » basent leur argumentation sur trois affirmations principales :

  1. La création de valeur est plus forte lorsque ses bénéficiaires sont multiples. Par exemple, selon cette ligne de pensée, un projet qui satisfait les besoins des employés et des attentes des actionnaires a une double valeur car il cible en même temps, deux groupements légitimes de « parties prenantes ».
  2. Ils disputent également le rôle prééminent accordé aux actionnaires par un grand nombre d’économistes. Ils argumentent que les financeurs, les salariés et les fournisseurs prennent également des risques dans le succès d’un projet.
  3. Ces arguments normatifs auraient peu d’importance si les actionnaires avaient un contrôle total dans la gouvernance de l’entreprise.

A contrario, les tenants du primat actionnarial, estiment qu'étant donné que le profit pour les actionnaires ne peut provenir que de la satisfaction du client consommateur, il n'y a pas opposition entre les deux. L'entreprise qui veille aux intérêts de ses actionnaires, assure in fine la satisfaction des clients.

Il faut néanmoins savoir que les clients ne sont pas considérés comme des parties prenantes. Cependant, beaucoup pensent que les Conseils d’administration ou de surveillance sont à l’image de la structuration du capital et des actions de l’entreprise, et le pouvoir réel de l’entreprise entre les mains des Directeurs Généraux.

En France : ce pays a été l'un des derniers pays occidentaux à transformer la législation sur la gouvernance d'entreprise. Aujourd'hui, la loi accorde beaucoup moins de pouvoirs aux dirigeants, le pouvoir est plus réparti entre les membres du conseil d'administration, de sorte que le Directeur Général est souvent dans l'obligation d'appliquer des directives imposées pas les actionnaires, lesquels dépendent le plus souvent des marchés financiers. Les consommateurs sont absents de la gestion. L'arrivée de l'actionnariat populaire dans les années 1990 a permis la montée en puissance des petits actionnaires. Leur impact dans la gestion des péripéties de la société Eurotunnel est en cela symptomatique. Certains auteurs spécialistes du gouvernement des entreprises comme Pierre-Yves Gomez voient dans l'arrivée d'un actionnariat populaire la nécessité de réformer et démocratiser les instances du gouvernement des entreprises (assemblée générales, conseils d'administration, comités) afin d'élargir les points de vue et intégrer dans le fonctionnement des entreprises les attentes des parties prenantes.

Au Canada, les professeurs Yvan Allaire, Ph.D. (MIT) et Stéphane Rousseau, S.JD., LL.M., précise dans un rapport intitulé Gouvernance et parties prenantes: l'obligation du conseil d'administration d'agir dans l'intérêt de la société[10] qu'en droit canadien, l’obligation des administrateurs d’agir au mieux des intérêts de la société inclut le devoir de traiter de façon juste et équitable chaque partie prenante touchée par les actes de la société. Ainsi, l’intérêt de la société est un concept large et contextuel puisqu’il réfère à une entité ayant une existence perpétuelle. Pour cette raison, selon la Cour suprême, l’obligation de loyauté « ne se limite pas à la valeur des actions ou au profit à court terme ». Selon la Cour, dans une perspective économique, ce concept réfère à « la maximisation de la valeur de l’entreprise ». En termes plus simples, il enjoint aux administrateurs d'agir de manière à faire de la société une « meilleure entreprise ». En effet, en agissant dans l’intérêt de la société, les administrateurs prendront des décisions bénéficiant généralement du même coup à l’ensemble des parties prenantes à long terme. Dans certaines circonstances, leurs décisions feront toutefois des gagnants et des perdants parmi les parties prenantes.

Parties prenantes

En matière de développement durable, les parties prenantes expriment des attentes, dont l'entreprise devrait tenir compte en en faisant la synthèse.

Tableau synthétique présentant les parties prenantes et leurs intérêts ou attentes principales :

partie prenante Exemples des intérêts
Équipe de direction / Décideurs Gouvernance , Culture d'entreprise, ventes à l'exportation, risque juridique, risque de réputation, stratégie (court et moyen terme), responsabilité civile, risque de perte de compétence, performance, rémunération, lien de subordination
Actionnaires Profit, valeur de l'action en bourse, information, stratégie (long et moyen terme)
Clients Qualité et absence de défaut des produits/Coût et délai de livraison des produits/qualité de service, relation de confiance et partenariat
État, Mission économique Souveraineté, sécurité collective (défense), indépendance énergétique, sécurité des approvisionnements (énergie, matières premières), exportations, respect des principes du droit (sécurité juridique), respect des règles (comptabilité publique, loi), monnaie, impôts
Citoyens des communautés locales Information sur les impacts environnementaux et sociaux (emplois), taxes et contributions financières, risque juridique
Salariés Rémunération, sécurité de l'emploi, intérêt du travail, conditions de travail, hygiène et sécurité au travail (CHSCT)
Syndicats Négociation d'accords, rémunération, conditions de travail, hygiène et sécurité au travail (CHSCT)
Fournisseurs / sous-traitants Prix et volume d'achat, continuité, retombées technologiques, partenariat
Banques Fiabilité des systèmes de paiement
Investisseurs Informations sur la solvabilité, la liquidité,
Compagnie d'assurance Informations sur la gestion des risques et la solvabilité, sur la sécurité informatique (profil de protection)

Notion de partie intéressée « pertinente »

L'AFNOR (association française de normalisation) définit une partie intéressée « pertinente » comme étant une partie intéressée qui, par ses actions, peut avoir un impact négatif (ou positif) significatif sur les résultats de l’organisme. Il n’est pas obligatoire de les écouter toutes. Les parties intéressées sont des entités qui sont concernées par une transaction entre fournisseurs et clients[11].

Notes et références

  1. Jérôme Ballet et Damien Bazin, « Prendre au sérieux les enjeux environnementaux : l’ambiguïté de l’approche par les parties-prenantes », VertigO - la revue électronique en sciences de l'environnement, vol. 5, no 2, (ISSN 1492-8442, DOI 10.4000/vertigo.3382, lire en ligne, consulté le )
  2. Damien Bazin et Jérôme Ballet, « L'éthique d'entreprise : intérêt pour soi, intérêt d'autrui, intérêt pour autrui », Entreprise Éthique, Association Francophone de Comptabilité, , p. 78-84 (lire en ligne)
  3. Post, Preston, Sachs (2002).
  4. Freeman R.E., Strategic Management: A Stakeholder Approach, éd. Pitman. 1983 (ou 1984).
  5. (en) Berle, Adolf A., Jr., 1895-1971., The modern corporation and private property, New Brunswick/London, Transaction Publishers, , 380 p. (ISBN 0-88738-887-6 et 9780887388873, OCLC 22490666)
  6. Samuel Mercier, « Une analyse historique du concept de parties prenantes : Quelles leçons pour l'avenir ? », Management & Avenir, vol. 33, no 3, , p. 142 (ISSN 1768-5958 et 1969-6574, DOI 10.3917/mav.033.0142, lire en ligne, consulté le )
  7. Jean-Pascal Gond et Samuel Mercier, « Les théories des parties prenantes: une synthèse critique de la littérature », Décider avec les parties prenantes, (lire en ligne)
  8. (en) R. Edward Freeman, « The Politics of Stakeholder Theory: Some Future Directions1 », Business Ethics Quarterly, vol. 4, no 4, , p. 409–421 (ISSN 1052-150X et 2153-3326, DOI 10.2307/3857340, lire en ligne, consulté le )
  9. « Le blog de la communication responsable | « La responsabilité sociétale de l’entreprise est d’accroître ses profits » » (consulté le )
  10. Yvan Allaire et Stéphane Rousseau, « Gouvernance et parties prenantes: l'obligation du conseil d'administration d'agir dans l'intérêt de la société », IGOPP, (consulté le )
  11. Yvon Mougin - AFNOR - Qu’est-ce qu’une partie intéressée « pertinente » et faut-il toutes les écouter ? 24 mars 2017

Voir aussi

Bibliographie

  • R. Edward Freeman, Alexander Moutchnik (2013): Stakeholder management and CSR: questions and answers. In: UmweltWirtschaftsForum, Springer Verlag, Vol. 21, Nr. 1. https://link.springer.com/article/10.1007/s00550-013-0266-3
  • (en) Yvon Pesqueux et Maria Bonnafous-Boucher, Stakeholder Theory : A European Perspective, Palgrave-macmillan, Basingstoke, UK, 2005 (Eds.)
  • (fr) Yvon Pesqueux et Maria Bonnafous-Boucher, Décider avec les parties prenantes, La Découverte, collection « Recherches », Paris, 2006 (Eds.)
  • (en) R.E. Freeman, J. Pierce et H. Dodd, Environmentalism and the New Logic of Business, Pitman, .

Articles connexes

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