Orlando (roman)

Orlando (titre original Orlando: A Biography) est un roman de Virginia Woolf, paru en 1928.

Orlando

Auteur Virginia Woolf
Pays Royaume-Uni
Genre Roman
Version originale
Langue Anglais
Titre Orlando: A Biography
Éditeur Hogarth Press
Lieu de parution Londres
Date de parution 1928
Version française
Traducteur Charles Mauron
Éditeur Delamain et Boutelleau
Lieu de parution Paris
Date de parution 1931
Nombre de pages 261
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L'œuvre

Le livre se présente comme une biographie imaginaire et par moments parodique. Virginia Woolf elle-même le définit comme un « livret » ; et c'est un fait, cependant, qu'elle continue dans ce livre à expérimenter des formes de narration nouvelles pour l'époque, trois ans avant Les Vagues. Alors que dans des œuvres antérieures  par exemple Mrs Dalloway et La Promenade au phare  les expérimentations du récit se concentrent surtout dans le dépassement de la trame comme élément conducteur, Orlando présente au contraire une trame très élaborée qui se développe dans une aventure qui se prolonge sur quatre siècles.

Et pourtant le lecteur n'a pas l'impression d'avoir entre les mains un livre d'« aventures » grâce à la capacité de Virginia Woolf à peindre la psychologie, les sentiments et les relations des personnages en donnant l'impression que la trame vise à exalter ces aspects plutôt que ces personnages. L'élément central du roman est la figure androgyne d'Orlando, et l'œuvre laisse transparaître une analyse des rapports entre les sexes dans les sociétés anglaises des quatre siècles au long desquels s'articule l'intrigue, de la fin du XVIe siècle jusqu'en 1928, année où Virginia Woolf achève la rédaction du roman. Orlando, en effet, déjà androgyne et réfractaire à la société patriarcale au point de refuser, en tant que courtisan, toute proposition de mariage, change tout à coup de sexe au XVIIIe siècle en se réveillant femme.

Le roman est dédié à la poétesse Vita Sackville-West, avec laquelle Virginia Woolf a entretenu une relation amoureuse, et le fils de Vita, Nigel Nicolson, a défini Orlando comme « la plus longue lettre d'amour de l'histoire[1] ». On retrouve des éléments biographiques de l'inspiratrice (Vita Sackville-West, par exemple, avait coutume de sortir dans le monde en vêtements masculins, exactement comme Orlando). Virginia Woolf lui a d'ailleurs envoyé les épreuves avant de le publier.

Résumé

La Procession de la reine Élisabeth Ire (c. 1600), attr. à Robert Peake l'Aîné

Orlando est un jeune noble anglais ; lorsqu'il rencontre la reine Élisabeth Ire, elle décide de l'emmener à sa cour de Greenwich et, jusqu'à la mort de la reine, la vie d'Orlando est celle de son courtisan favori ; par la suite il reste à la cour de son successeur Jacques Ier.

Pendant le Grand Gel de 1608, Orlando tombe amoureux de Sasha, fille de l'ambassadeur de Russie, qui l'abandonnera. Revenu dans sa demeure natale, Orlando fait l'étrange expérience de s'endormir pendant une semaine, à la suite de quoi il décide de partir comme ambassadeur en Orient, à Constantinople.

Là, au moment où il est annobli, une révolution se produit, et il refait la même expérience d'un sommeil d'une semaine, mais cette fois il se réveille femme. Dans son incarnation féminine, Orlando passe quelque temps en compagnie de Tziganes à partager leur vie nomade, en appréciant la condition des femmes dans ces tribus itinérantes, la jugeant plus libre qu'en Angleterre. Elle n'en retourne pas moins à Londres, poussée par son amour pour la poésie, et par une vision.

Son existence se partage alors entre la demeure natale, où elle a la possibilité de se consacrer à la poésie et de recevoir des poètes célèbres, et Londres, où elle fréquente indifféremment la bonne société et les prostituées.

Orlando trouve par hasard l'amour auprès de l'aventurier Lord Marmaduke Bonthrop Shelmerdine. Le roman se termine en 1928, très précisément « le jeudi  », alors qu'Orlando est devenue une femme-écrivain à succès grâce au poème Le Chêne qu'elle a écrit et réécrit pendant une grande partie de sa vie et qui lui a valu un prix littéraire.

Éditions

Édition originale en anglais
  • Orlando: A Biography, Londres, Hogarth Press, 1928
Éditions françaises
  • Orlando, (traduction de Charles Mauron), Paris Delamain et Boutelleau, 1931
  • Orlando, (traduction de Catherine Pappo-Musard), dans Romans et nouvelles, Paris, LGF, « Le Livre de poche. La Pochothèque », 1993
  • Orlando, (traduction de Jacques Aubert) dans Œuvres romanesques complètes, tome II, Paris, Gallimard, « Bibliothèque de La Pléiade », 2012

Références culturelles

L'action se déroulant sur plusieurs siècles, certains personnages réapparaissent, identiques à eux-mêmes ou inversés, Sasha, Nicholas Greene, l'archiduchesse Harriet Griselda transformé en archiduc Harry, à la poursuite d'un Orlando (Quelle jhambe, quelle allure) devenue presqu'Orlanda.

L'existence solitaire à l'extérieur du personnage principal dispose d'une solide fortune, et se satisfait de logis de 365 chambres et 52 escaliers, et du nombre correspondant de serviteurs et servantes, et des fêtes qu'ils permettent. Une ébauche d'un catalogue intégral des possessions d'Orlando (mobilier, coffres, boîtes, objets, végétaux, animaux). Effectivement, il manque trop de documents (incidents et incendies) pour mener efficacement une biographie. Ou tel document incongru apparaît, qui fausse la narration.

« Le temps passa », une heure, un mois, un an, un siècle, peu importe. La double catalepsie autorise des métamorphoses. La chronologie absolue est primesautière : le chapitre 4 achève le XVIIIe siècle, et le 19ème commence au chapitre suivant. Et telle vision ou tel rêve prémonitoire accélère le mouvement du personnage.

Des nombreux ouvrages écrits par Orlando (47 avoués, mais 57 brûlés), ne reste que le poème Le Chêne, commencé sur le tertre sous le chêne, souvent repris, finalement publié vers 1925 et aussitôt apprécié. Sans doute parce qu'enfin la plume s'est mise à rédiger toute seule en mode automatique.

Shakespeare, entraperçu dans une taverne, et dont les écrits sont souvent évoqués, est rejoint dans les révérences et les fréquentations par Dryden, Addison, Pope, Swift (et Lady R., cette autre Mme du Deffand), et par les filles de Druny Lane (Nell, Prue, Kitty, Rose) à la langue acérée.

Après les trop religieuses Notres Dames de Pureté, Chasteté, Modestie (et Curiosité), le XIXe siècle est redoutable : l'humidité, l'esprit du siècle, la crinoline, la modestie, la prudence. Faudrait-il finalement s'y soumettre ? (Puis-je m'appuyer ?).

Le biographe défend son travail, avec la désinvolture de Laurence Sterne : elle avait une grande variété de moi à sa disposition. Mais qu'est-ce donc, dira à bon droit le lecteur exaspéré, qui se passa dans l'intervalle (p. 206) ? Faire une relation véridique de la société londonienne en ce temps-là ou à vrai dire en tout autre temps excède les capacités du biographe ou de l'historien (p. 200). Qu'il nous soit permis, à nous qui jouissans de l'immunité propre à tous les biographes et historiens quel que soit leur sexe (p. 226)... Autant de raisons, qui nous font laisser un grand blanc, ce que l'on doit considérer comme indiquant que l'espace est occupé à replétion (p. 256).

L’épousée de la nature, cheville cassée, est alors enfin ramassée par Marmaduke Bonthrop Shelmerdine (Shel ou Mar)...

Analyse

Les analyses récentes se résument à l'article Au-delà de la différence sexuelle : Orlando de Virginia Woolf et Seven Gothic Tales de Karen Blixen de Merete Stistrup Jensen en 2008[2].

Adaptations

Roman

La romancière belge Jacqueline Harpman dans son ouvrage paru aux éditions Grasset Orlanda donne, à travers la narratrice, une autre interprétation du roman : ce serait en fait une autobiographie dans laquelle le changement de sexe d'Orlando correspondrait au passage de la puberté de l'auteur elle-même qui, de enfant garçon-manqué (on connait la bisexualité de V. Woolf) se transforme en femme adulte mariée et romancière.

Cinéma

Théâtre

En 1993, le metteur en scène Robert Wilson a adapté Orlando pour l'Odéon-Théâtre de l'Europe à Paris et le théâtre Vidy-Lausanne, avec Isabelle Huppert dans le rôle-titre.

En 2019, la metteure en scène Katie Mitchell (en) propose une nouvelle mise en scène, également à l'Odéon-théâtre de l'Europe, avec la troupe de la Schaubühne.

Opéra

Bande dessinée

En 2010, le scénariste Alan Moore et le dessinateur Kevin O'Neill font d'Orlando l'un des membres de La Ligue des gentlemen extraordinaires pour la trilogie Century. Le personnage y conserve sa capacité de changer de sexe, mais celle-ci se manifeste de manière aléatoire. De plus, ses origines deviennent beaucoup plus anciennes, Orlando ayant alors vécu environ 3000 ans, et se révélant être un grand guerrier, ce qui suggère un rapprochement avec le personnage de Roland de La Chanson de Roland, ce dernier étant appelé également Orlando dans divers opéras.

En , Delphine Panique publie une adaptation libre en roman graphique, aux éditions Misma. L'album mêle références à la littérature et à la culture populaire, récits de voyage et inventions. Dans un style de dessin épuré, et un rythme narratif parfois contemplatif, parfois humoristique, cet album présente, sous la forme classique du roman initiatique, la quête identitaire d’Orlando[3].

En 2019, Rei Kawakubo, directrice de Comme des garçons, dédie son défilé de mode à Orlando, le roman de Virginia Woolf[4].

Notes et références

Voir aussi

Bibliographie

  • Quentin Bell, Virginia Woolf, une biographie, 2 vol., Stock, 1973.
  • Nigel Nicolson, Portrait d'un mariage, Stock, 1974.
  • Frederic Monneyron, Bisexualite et litterature, autour de D.H Lawrence et Virginia Woolf, L'Harmattan, 1998.

Articles connexes

Liens externes

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