Opus sectile

L'opus sectile appareil découpé ») est une technique artistique ancienne qui utilise des marbres (ou, dans certains cas, des pâtes de verre) taillés pour la décoration de pavages et de marqueteries.

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Pavement en opus sectile d'une maison d'Herculanum.
Panneau de la basilique de Junius Bassus, à Rome.
Opus sectile en verre (IVe siècle), trésor de San Ambrogio à Milan.
Omniprésent dans l'art décoratif paléochrétien et du haut Moyen Âge, l'opus sectile reste un décor fréquent dans l'architecture romane. Ici l'église d'Issoire, Auvergne.

Les plaquettes de marbre ou de pierre de couleur (pouvant aussi parfois inclure du verre coloré, de la nacre ou du métal) sont découpées et assemblées de façon à constituer un dessin géométrique ou figuratif. Il est destiné au pavement des sols ou aux décors muraux. De nos jours on l’appelle aussi « marqueterie de marbre » ou « marqueterie de pierre ».

Il fut très employé dans les derniers siècles de l'Empire romain et perdura au Moyen Âge (pavements et décors architecturaux byzantins, le style cosmatesque italien, ou encore le célèbre pavement du Duomo de Sienne), il fut également répandu à la Renaissance et il est très abondant dans les décors baroques (surtout en Italie).

Technique et évolution

Opus sectile en marbre

L'opus sectile est considéré comme l’une des techniques de décoration du marbre les plus raffinées et les plus prestigieuses, à la fois pour les matériaux utilisés (parmi les marbres les plus rares et donc les plus chers) et pour la difficulté de réalisation, car il est nécessaire de disséquer le marbre en feuilles très minces (crustae), pour le façonner avec une grande précision et utiliser les qualités les plus diverses du marbre, afin d'obtenir les effets chromatiques souhaités.

Pline l'Ancien décrit cette technique dans le livre XXXVI, VI-IX de son Histoire Naturelle, indiquant l'invention du procédé par les grecs en Carie et sa première application au Mausolée d'Halicarnasse (IVe siècle). L'introduction à Rome de la décoration murale en opus sectile, beaucoup plus tardive, serait redevable, selon Pline, au chevalier Formiano Mamurra, qui avait été chef des ingénieurs de César en Gaule - la faisant remonter au Ier siècle avant notre ère[1].

Rapidement, et malgré les déplorations moralistes de Pline[2] et d’autres nostalgiques de l’austérité républicaine, les décorations en opus sectile se répandent des sols aux murs, dans les bâtiments publics et dans les quartiers les plus somptueux, pour magnifier l'opulence et le raffinement des propriétaires. Au début, les dessins étaient composés de motifs géométriques (comme ce sera le cas par la suite pour les œuvres des Cosmates), mais au fil du temps, ils ont développé des formes iconographiques naturalistes de plus en plus raffinées et de tailles diverses, allant des grandes scènes de chasse aux panneaux ornementaux, en passant par des motifs floraux, jusqu'au revêtement de pièces entières, développant une véritable « peinture de pierre ».

Les caractéristiques qui mesuraient la qualité de l’opus sectile étaient la continuité de la nappe de marbre (dont les joints devaient être invisibles) et la richesse des couleurs, qui dépendaient des marbres utilisés, mais aussi des traitements modificateurs, tels que la combustion du jaune antique, afin de créer des nuances avec des effets de volume. Enfin, un trait essentiel de cette technique est le rendu bidimensionnel des figures.

La technique sera utilisée en Occident pendant toute la durée de l'Empire romain et continuera à être appliquée en Orient dans les basiliques byzantines.

L'opus sectile de la domus de la Porte Marine à Ostie

Un exemple extraordinaire d'une salle entière décorée en opus sectile (pavement et lambris géométriques, scènes de tigres et lions chassant, délicates frises de rinceaux) est la salle de la domus de la Porte Marine à Ostie, actuellement (en 2009) exposée au musée du Haut Moyen Âge de Rome. L’ensemble, découvert en 1949, dont la première restauration a été réalisée entre 1959 et 1966, peut être daté des dernières années du IVe siècle. Son intégrité relative (qui a permis sa restauration exceptionnelle) est due à ce que les murs se sont effondrés alors que les travaux de construction étaient encore en cours, comme en témoigne l'existence de zones non encore pavées, mais dont les matériaux avaient déjà été préparés sur place, et la présence de deux fosses pour éteindre la chaux dans la zone de travail.

Opus sectile en pâte de verre

Une variante de cette technique est l'opus sectile en pâte vitreuse couramment définie comme « verre architectural ».

Dans ce cas, le matériau ne consiste pas en des feuilles de marbre, mais en des plaques de pâte de verre qui, dans le cas du revêtement, ont été colorées à l’imitation des marbres.

Un exemple pertinent de ces sectilia est représenté par les quelque 30 000 dalles de la villa de Lucius Verus située près de l’Acqua Traversa, sur la Via Cassia et appartenant à la collection Gorga[3].

Les Cosmates

Une reprise notable de la technique se produira par le travail des maîtres Cosmates, entre le XIIe et le XIIIe siècle, principalement en Italie centrale et en Sicile .

Les pavements italiens cosmatesques, d'inspiration byzantine, utilisent entre autres du porphyre rouge et vert, du marbre jaune et du granite gris, récupérés dans les ruines antiques, dans un fond de marbre blanc.

Le commesso fiorentino ou mosaïque florentine

La « mosaïque florentine », apparue à la Renaissance, est une technique de luxe incluant de nombreuses pierres dures de couleurs vives (lapis-lazuli, cornaline, améthyste, agate...). Cette technique d'insertion de pierres semi-précieuses a été encouragée au XVIe siècle par les Médicis et s'est perfectionnée au fil des siècles grâce à la création, en 1588, de l'Opificio delle Pietre Dure (musée de la Manufacture de pierres dures de Florence) par le grand-duc Ferdinand Ier de Médicis pour promouvoir la virtuosité de ses artisans. Les dessins, fleurs, paysages et figures peuvent être réalisés avec cette technique à l'aide de pièces de pierres de couleur, assemblées les unes à côté des autres, jusqu'à obtenir des effets chromatiques d'effet particulier, semblables à un tableau, tel que défini par Vasari en 1550. Le terme commisso vient du latin committere joindre ») des morceaux de pierre taillés avec un fil métallique selon une conception initiale, à partir desquels un carton était composé de sections servant de composition. Les différentes pièces collées sur un support rigide, puis polies.

De ce modèle florentin naquirent plus tard les célèbres manufactures de Prague (en), à la demande de Rodolphe II de Habsbourg, et des Gobelins, sous l'impulsion de Louis XIV, en .

À la fin du XVIIe siècle, les Corbarelli (it), une importante famille de marqueteurs de pierres semi-précieuses florentins qui travaillèrent à Brescia, Padoue, Vicence, Modène et Mantoue, introduisirent l’art du commisso alla fiorentina dans les incrustations naturalistes dans l’architecture sacrée de décoration des autels. Ce sont eux qui furent chargés de réaliser les décorations de l'autel de l'église San Domenico de Brescia, aujourd'hui disparu. D'autres sculpteurs de Brescia étaient passés maîtres dans cette technique, en particulier ceux de la famille Gamba[4].

Notes et références

  1. Primum Romae parietes crusta marmoris operuisse totos domus suae in Caelio monte Cornelius Nepos tradit Mamurram, Formiis natum equitem Romanum, praefectum fabrum C. Caesaris in Gallia, ne quid indignati desit, tali auctore inventa re. (Naturalis historia, XXXVI, VII, 48)
  2. Sed quisquis primus invenit secare luxuriaque dividere, importuni ingenii fuit. (ibidem, 51)
  3. Per la ricerca relativa si veda il progetto Sectilia in vetro di età romana
  4. Rita Venturini, Massimo Telò, I colori del sacro-Tarsie di marmi e pietre dure negli altari dell'alto mantovano 1680-1750, Mantoue, 1997.

Annexes

Bibliographie

  • Maria Turchiano, I pannelli in opus sectile di Faragola (Ascoli Satriano, Foggia)
  • Maria Saguì, Storie al caleidoscopio. I vetri della collezione Gorga: un patrimonio ritrovato, Edigiglio 1998
  • Maria Stella Arena, Ostia: l'opus sectile di Porta Marina, in Archeologia viva n. 128-2008
  • Rita Venturini, Massimo Telò, I colori del sacro-Tarsie di marmi e pietre dure negli altari dell'alto mantovano 1680-1750, Mantoue, 1997.
  • Henri Stern, « Mosaïques de pavement préromanes et romanes en France », dans Cahiers de Civilisation Médiévale, 1962, 5e année, no 17, p. 13-33 (lire en ligne)

Articles connexes

Pavement de l'abbatiale de Saint-Benoît-sur-Loire
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