Oplontis

Oplontis (ou Oplonti) est un site mentionné par la table de Peutinger sur l'emplacement de Torre Annunziata, ville actuelle de la Province de Naples, dans la région Campanie en Italie, enseveli comme Pompéi, Herculanum et Stabies sous l'éruption du Vésuve en 79[1].

Zones archéologiques de Pompéi, Herculanum et Torre Annunziata *

L'éruption du Vésuve en 79.
Coordonnées 40° 48′ 21″ nord, 14° 20′ 51″ est
Pays Italie
Type Culturel
Critères (iii) (iv) (v)
Superficie 98 ha
Zone tampon 24 ha
Numéro
d’identification
829
Zone géographique Europe et Amérique du Nord **
Année d’inscription 1997 (21e session)
Géolocalisation sur la carte : Italie
Géolocalisation sur la carte : Campanie
* Descriptif officiel UNESCO
** Classification UNESCO

Il s'agit vraisemblablement d'un faubourg semi-urbain de Pompéi dont les habitations sont de nouvelles résidences d'otium[2], ou des maisons confisquées aux Samnites par le système de la deductio[3] à l'issue de la guerre sociale qui a éclaté en 90 av. J.-C., et occupées par les colons romains.

Fouillé a minima sous les Bourbons, ce n'est qu'à partir de 1964 qu'a pu être mise au jour sur le site une fastueuse villa romaine (Ier siècle av. J.-C.), présumée avoir appartenu à Poppée, la seconde épouse de Néron. La demeure est à la mesure de sa propriétaire : une centaine de pièces, une quinzaine d'ailes desservant les différents quartiers et une gigantesque piscine. Sans oublier les peintures, qui habillent presque tous les murs, colonnes incrustées de pierres précieuses du « triclinium » (salle de réception), jardins à fontaines de la cave à vin... On reste bouche bée devant ces fresques éclatantes, à dominante rouge et jaune. Les fouilles ont fait émerger une surface de 110 mètres sur 75 d'une couche de terre d'environ 6 mètres, dont 2 de lapilli et de sable volcanique (la villa a disparu sous le feu du Vésuve), plaçant la villa en contrebas de la ville environnante de Torre Annunziata.

Une autre construction imposante, la Villa de Crassus, a été découverte et les fouilles ont révélé la présence de bijoux ouvragés selon une admirable technique d'orfèvrerie.

Les résultats de recherches plus récentes ont permis de rattacher Oplontis aux Calpurnii Pisones, famille prestigieuse dont les membres furent alliés à Pompée[4].

Le site d'Oplontis est compris dans la zone archéologique de Pompéi, Herculanum et Torre Annunziata inscrite par l'UNESCO sur la liste du patrimoine mondial en 1997.

Découverte

Les premières fouilles menées pour retrouver l’antique Oplontis – une zone suburbaine de Pompéi incluant des zones d’activité commerciale et des villas de villégiature (ou d'otium) ensevelies au cours de l’éruption du Vésuve en 79 – sont entreprises au cours du XVIIIe siècle par Francesco La Vega. Ce dernier fait creuser un tunnel près du canal Conte di Sarno et met au jour un bâtiment antique qu’il nomme alors « Villa A », mais les fouilles sont abandonnées en raison de l’air malsain qui émane dans cette zone. En 1839, d’autres fouilles sont menées et révèlent le péristyle du quartier servile de la villa ainsi qu’une fontaine. À cause du manque de fonds, les travaux d’excavation sont suspendus en 1840, même si l’importance du site et les éléments découverts sont achetés par l’État italien[5].

Dame d'Oplontis, moulage en résine époxy.

Une nouvelle campagne de fouilles est organisée en 1964, sur le site de la villa de Poppée. Une partie des murs recouverts de fresques, les mosaïques, les toits et les planchers sont restaurés, permettant d'abriter ces nouvelles découvertes.

Pendant les travaux de construction d’une école en 1974, à environ 250 m de la villa, un nouveau bâtiment à deux étages avec péristyle central est mis au jour : il s’agit d’une villa rustique qui reçoit le nom de villa de Lucius Crassus Tertius ou « Villa B ». Près de cette villa sont également découverts un tronçon de voie romaine et plusieurs autres petits bâtiments[6].

En 1997, les fouilles d’Oplontis sont inscrites sur la liste du Patrimoine mondial de l’UNESCO. À ce jour[Quand ?], l’excavation de l’intégralité de ces deux villas n’est pas achevée, entravée par le manque de fonds et l’urbanisation de la zone[7].

La Villa de Poppée

Ses dimensions, 3650 mètres carrés fouillés à ce jour sans compter la piscine et les jardins, 130 mètres sur 110, en font l'ensemble architectural le plus vaste de Campanie après la villa des Papyrus à Herculanum (260 mètres sur 70).

Oiseau picorant des figues

Hypothèse d'attribution

La villa donnait sur les monts Lattari et la mer
Accès à la Villa de Poppée
Péristyle
... une époustouflante continuité de perspective
Oecus
Triclinium
Pièce 66
Pièce 81
Viridarium
Le paon, attribut de Junon, épouse de Jupiter, surreprésenté sur les murs de la villa de Poppée

Sa datation coïncidant, pour sa deuxième phase architecturale, avec la période néronienne, et son caractère somptueux permettant difficilement de l'imaginer occupée par un simple particulier, l'hypothèse de l'attribution de cette villa à Poppea Sabina, est unanimement admise, l'appartenance de l'impératrice à la Gens Poppea, riche famille pompéienne, venant encore corroborer cette conjecture. Cependant, une incertitude demeure au sujet de la date de cette acquisition par Poppée ou par sa famille et l'on peut également s'interroger quant à l'occupation de la villa entre 65 (date de la mort de Poppée) et 79.

La villa donnait alors sur les monts Lattari, désormais masqués par les constructions récentes de la ville, et sur la mer Tyrrhénienne, dont le rivage est maintenant plus lointain, le sommet du Vésuve se détachant sur l'arrière[8]. Elle semble avoir eu une position relativement isolée parmi de vastes jardins, qui pourrait témoigner du souci de ses propriétaires de ne pas se mêler au peuple, confirmant par là son caractère aristocratique.

Des statues, certainement destinées à l'ornementation des jardins et de la piscine, ont été retrouvées dans un dépôt ; des tambours de colonnes et divers matériaux étaient entreposés le long des parois d'un salon ; aucun des accessoires nécessaires à la vie quotidienne n'a été découvert. Tout ceci permet de supposer que la villa, au moment de l'éruption du Vésuve, était en travaux et de ce fait inhabitée.

Architecture

Lors de sa première phase de construction, (environ 45 av. J.-C.), la villa a pu appartenir au préteur Marcus Pupius Piso[9]. La pars urbana[10] est alors constituée de deux séries de pièces distribuées de part et d'autre d'un axe central rectangulaire formé par un atrium[11] ouvert sur un impluvium[12], un jardin intérieur et un triclinium[13], de très vastes dimensions.

Le corps de logis situé à l'ouest est résidentiel et composé de diaetae[14] avec des cubicula[15] disposées autour d'un autre triclinium moins important, et d'un ensemble thermal constitué de praefurnium[16], caldarium[17] et tepidarium[18] et organisées autour d'un oecus[19] et d'un portique tétrastyle[20].

Les locaux intérieurs de la zone sont en partie consacrés aux fonctions serviles avec, à l'étage supérieur, le quartier des esclaves. Les graffitis en grec trouvés sur les murs de la villa démontrent un degré de culture correspondant au niveau indispensable pour assurer des fonctions auprès de maîtres de la classe aristocratique. Cette aile dans laquelle se trouve le laraire[21] est organisée autour d'un péristyle[22]. Les chambres, donnant sur l'extérieur, sont dotées d'un caldarium et d'une latrine.

Encore plus à l'est et séparé de l'édifice principal existait alors une pars rustica[23] dans laquelle a été conservé un torcularium[24] qui indique l'appartenance de la villa rustica à un praedium[25] planté de vignes ou d'oliviers.

Lors de la seconde phase architecturale, à l'époque julio-claudienne, est ajouté à cette première implantation orientale un impressionnant quartier résidentiel ouvrant sur une natatio[26] de 60 mètres sur 17 qui n'a rien à envier à celle de la Villa des Papyrus à Herculanum (66 mètres sur 7). Deux nouveaux ensembles d'habitation destinés à l'otium sont organisés autour de la piscine. Le premier, situé au nord est construit entre deux portiques et constitué d'une immense salle centrale prolongée de chaque côté d'une symétrie de salles à peine plus modestes. Entre le salon central et ces salles viennent s'intercaler des viridaria[27] où l'on voit l'antique hortus entrer dans la maison pour devenir salon de verdure. Les ouvertures percées en vis-à-vis dans chacune de ces pièces offrent une époustouflante continuité de perspective sur toute la longueur de l'ensemble.

Un second ensemble vient fermer le portique à l'angle sud-ouest de la piscine. Il abrite notamment une pièce sophistiquée dont Donatella Mazzoleni précise :

"… dont les fenêtres s'ouvraient sur la natatio et qui était doté d'un décor rarissime à lambris de bois sur les murs (malheureusement perdu), et de marbres colorés en opus sectile sur le dallage. La comparaison avec une diaeta similaire dans la villa de saint Marc, à Stabies, montre qu'il s'agissait d'un élément architectural en vogue pour les portiques bordant les piscines."[28]

L'hiatus, que l'on retrouve dans la villa des Papyrus à Herculanum et la villa San Marco à Stabies, dans la liaison entre l'ancien et le nouvel ensemble architectural témoigne du caractère nouveau de l'intérêt des riches Romains pour les bassins, dont Pline confirme dans une de ses Lettres[29] l'utilisation effective comme natatoriae.

Ces espaces de la première et de la deuxième phase sont savamment articulés avec l'immensité des jardins extérieurs ornés de statues et plantés de platanes ou cultivés en prairie et prolongés par un bosquet grâce aux talents conjugués d'un architecte et d'un topiarius[30].

Rappel de la définition des 4 styles de peinture pompéiens

  • 1er style (du IVe au début du Ier siècle av. J.-C.)  : imitation avec de simples revêtements de stuc polychrome des grandes dalles ou des incrustations de marbre des palais hellénistiques. Les tableaux de chevalet sur panneau de bois sont placés dans des encadrements de stuc. Des éléments en saillie divisent la paroi.
  • 2e style (80 à 15 av. J.-C.) : introduction de la perspective, "dématérialisation" des murs, création d'une illusion théâtrale de vastes volumes ouverts sur d'autres espaces encore plus amples et encore plus somptueux. Les tableaux originaux sont reproduits directement sur les murs, comme de véritables tableaux de bois ou comme s'il s'agissait, en trompe-l'œil, de vues par les fenêtres, qui ne s'ouvrent jamais sur des scènes du quotidien mais décrivent des épisodes mythologiques ou historiques
  • 3e style (15 av. J.-C. à 50 apr. J.-C.) : parfois qualifié de julio-claudien. Plus de trompe-l'œil, le décor devient plat. Le mur est divisé horizontalement et verticalement et subdivisé en carrés et rectangles colorés. Les paysages idylliques remplissent tout le panneau central. Des miniatures aux couleurs vives sont peintes sur des fonds noir ou blanc.
  • 4e style (50 à 79 apr. J.-C.) : retour de la perspective et de l'illusionnisme du trompe-l'œil. Accumulation et superposition baroques d'animaux exotiques ou fantastiques et d'éléments architecturaux imbriquées. Scènes mythologiques à caractère initiatique ou à intention morale. Les couleurs sont plus nettes et des oppositions chromatiques apparaissent. De petites figurines et des festons ornent des trompe-l'œil figurant des tapis muraux.

Décor de la villa

  • Corps de logis ouest :
Atrium, Triclinium, oecus, cubitula et diaetae : 2e style
Cuisine et thermes : 3e et 4e styles
  • Aile orientale :
Aires de service : bandes jaunes et bleues
Chambres : 2e, 3e et 4e styles
Portiques sud et nord : 4e style

Cette première partie de la villa, d'époque républicaine, a fait l'objet d'une rénovation du décor pictural lors de la construction de la deuxième phase, d'architecture impériale : il est donc malaisé de déterminer pour certains des décors s'ils relèvent de la 1re ou de la 2e phase.

  • 2e phase architecturale :
milieu ou fin du 4e style (fresques du portique comparables à celles de la chambre 7 de la maison du Centenaire à Pompéi)

Contrairement aux fresques de Pompéi ou d'Herculanum dont une partie a été transportée au Museo archeologico nazionale Napoli ou à celles de la villa de Boscoreale exposées au Metropolitan Museum of Arts, la totalité des fresques d'Oplontis, parmi les plus belles du monde romain, sont gardées sur site en parfait état de conservation. La qualité du 2e style pompéien porté ici à son apogée, permet de supposer que l'on a fait appel pour cette demeure prestigieuse aux maîtres du genre.

Synthèse de l'architecture de la sculpture et de l'art topiaire, l'art pictural le plus abouti entre en effet ici en jeu pour renforcer celui des autres techniques dans la représentation des thèmes chers aux Romains cultivés, férus d'hellénisme, de théâtre et de mythologie, mais aussi, vieux peuple de paysans, attachés à la nature.

Les scénographies théâtrales, les scènes mythologiques, les paysages bucoliques ou les natures mortes se trouvent ici représentés dans une débauche de paysages fantastiques, d'espaces imaginaires, d'horizons multipliés, et dans un délice de raffinements.

Volutes, festons, guirlandes de pierres précieuses, viennent enlacer des masques, des objets rituels, des vases de fleurs, des coupes de fruits, posés sur des corniches feintes ou encadrant des fenêtres en trompe-l'œil. Les fontaines, les prairies en fleurs, les espaces peuplés d'oiseaux ou d'insectes figés sur les murs se confondent avec les fontaines, les prairies, les oiseaux ou les insectes voletant alentour.

Un thème est cependant particulier et récurrent dans la décoration picturale de la villa et semble être une allusion à Poppée, épouse de Néron : la représentation du paon. L'oiseau est en effet un attribut de Junon, épouse de Jupiter, équivalent divin de l'Empereur, et se trouve reproduit à maintes reprises dans les différentes pièces.

Annexes

Bibliographie

  • Guzzo, Pier Giovanni ; Fergola, Lorenzo (trad. Bresson-Lucas, Anne ; Bresson-Lucas), La villa d'Oplontis [« Oplontis, la villa di Poppea »], La demeure de Poppée, Milan ; Paris, Actes Sud ; Motta, , 95 p. (ISBN 978-2-7427-2669-1)
    Photographies de Diego Motto
    .
  • Donatella Mazzoleni et Umberto Pappalardo (trad. de l'italien par Denis-Armand Canal), Fresques des villas romaines, Paris, Citadelles & Mazenod, coll. « Fresques et retables », , 416 p. (ISBN 2-85088-204-6)
    Photographies de Luciano Romano
    .

Notes et références

  1. Catherine Virlouvet (dir.), Nicolas Tran et Patrice Faure, Rome, cité universelle : De César à Caracalla 70 av J.-C.-212 apr. J.-C, Paris, Éditions Belin, coll. « Mondes anciens », , 880 p. (ISBN 978-2-7011-6496-0, présentation en ligne), chap. 4 (« L'Empire en quête de continuité »), p. 224.
  2. loisir, repos
  3. confiscation
  4. Agnès Rouveret, La peinture romaine de l'époque hellénistique à l'antiquité tardive, page 98
  5. (en) « Oplontis », sur sites.google.com (consulté le ).
  6. (en) « The Oplontis Project », sur The Oplontis Project (consulté le ).
  7. (en) « The Oplontis Visualization Project », sur The Oplontis Project, (consulté le ).
  8. Position d'Oplontis par rapport au Vésuve « Copie archivée » (version du 5 décembre 2008 sur l'Internet Archive)
  9. Encyclopédie Universalis
  10. partie d'un domaine réservé au maître
  11. vestivule
  12. bassin destiné à recevoir les eaux pluviales
  13. salle à manger
  14. appartements
  15. chambres à coucher
  16. cuisine et chaufferie
  17. bain chaud
  18. bain tiède
  19. salon d'apparat
  20. à quatre colonnes
  21. autel destiné au culte des dieux lares (du foyer)
  22. galerie à colonnade abritant un jardin intérieur
  23. bâtiment agricole
  24. pressoir
  25. domaine
  26. piscine
  27. jardins intérieurs
  28. Cf. bibliographie : Fresques des villas romaines, page 130
  29. Ibid.
  30. jardinier-paysagiste

Sites

Éruption de 79

Ressources

Autres cités antiques ensevelies par des éruptions

Divers

Liens externes

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