Narcisse (Le Caravage)

Narcisse est un tableau fréquemment attribué à Caravage et probablement peint vers 1598-1599, désormais conservé à la galerie nationale d'art ancien de Rome, au palais Barberini. Il représente le personnage mythologique de Narcisse qui se mire dans l'eau.

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L'attribution du tableau, sa date précise de réalisation et son commanditaire sont autant de sujets de débats parmi les historiens de l'art.

Historique

L'attribution de ce tableau à Caravage fait débat. Certains chercheurs proposent à sa place une attribution à divers artistes comme Orazio Gentileschi, Bartolomeo Manfredi ou d'autres contemporains, mais des experts reconnus comme Mina Gregori ou Denis Mahon y voient bien une œuvre autographe de Caravage[1]. C'est l'historien d'art Roberto Longhi qui postule le premier qu'il s'agit d'une œuvre de Caravage, en 1914[2], sans pourtant se baser sur la moindre source ancienne[3]. Toutefois, une trace d'un Narcisse attribué à Caravage apparaît dans un document daté de 1645  soit près de 40 ans après la disparition du peintre  qui évoque son expédition en direction de Savone en Ligurie[4].

La date de création du tableau, et son éventuelle place dans l’œuvre de Caravage, font également l'objet de débats : bon nombre d'auteurs estiment qu'une production tout à la fin du XVIe siècle est probable, mais certains comme John T. Spike optent pour une production très tardive (entre 1608 et 1610)[5]. La résolution de ces débats est d'autant plus complexe que la toile est en état de conservation médiocre[6].

Dans l'hypothèse d'une création vers 1597, il est possible que cette œuvre fasse partie de celles réalisées pour le cardinal del Monte, principal mécène et protecteur de Caravage à Rome[7].

Une fois que Robert Longhi a attribué la toile à Caravage au début du XXe siècle, elle quitte la collection privée milanaise où elle était conservée jusqu'alors pour être achetée par B. Kwhoshinsky qui en fait don en 1916 à la galerie nationale de Rome[8],[5].

Description

Dans ce tableau de 1903, John W. Waterhouse met en scène Narcisse plongé dans la contemplation de son reflet, et ignorant complètement la malheureuse Écho.
Walker Art Gallery, Liverpool.

Le mythe de Narcisse est raconté dans le livre III des Métamorphoses d'Ovide[9]. Narcisse, superbe jeune homme, est indifférent aux sentiments qu'il provoque autour de lui, et il rejette en particulier l'amour que lui porte sa malheureuse prétendante Écho. Ovide décrit ainsi l'événement qui poussera ensuite Narcisse à sa perte :

« Un jour, après la chasse, le jeune homme veut se désaltérer à une source d'eau pure, et s'éprend de son propre reflet dans l'eau. Éperdument amoureux de l'être qu'il aperçoit, il tente désespérément de saisir sa propre image, incapable de s'arracher à sa propre contemplation. »

 Ovide, Métamorphoses, livre III (légendes thébaines)[10].

Dans l'interprétation picturale de Caravage, Narcisse se contemple effectivement dans l'eau, à genoux, les bras ouverts marquant les bords droit et gauche du tableau, en une composition formant un cercle avec son reflet en double inversé (et dont un genou marque le centre)[11] : son genou joue un rôle de pivot dans cette composition élaborée[9],[7]. Dans son étude séminale de 1922, le critique d'art Matteo Marangoni évoque ce genou en le rapprochant du poing replié de l'apôtre au milieu du tableau (désormais disparu) Le Christ au Mont des Oliviers : pour lui, ce sont là d'« admirables » exemples de l'art de Caravage, révélés dans « la vérité plastique du clair-obscur »[12].

Le motif circulaire peut être rapproché des choix effectués par Caravage dans des tableaux comme la Madeleine repentante ou la Conversion de saint Paul de la chapelle Cerasi[1].

Bien que le mythe de Narcisse soit très ancien, les habits du personnage correspondent plutôt à l'époque du peintre qu'à l'Antiquité[13]. Caravage s'oppose ainsi à ses prédécesseurs en faisant de Narcisse un contemporain[7].

Notes et références

  1. Gregori et alii 1985, p. 266.
  2. Spike 2010, p. 371.
  3. Berne-Joffroy 2010, p. 201.
  4. Gregori et alii 1985, p. 265.
  5. Spike 2010, p. 370.
  6. Spike 2010, p. 373.
  7. Bolard 2010, p. 71.
  8. Berne-Joffroy 2010, p. 202.
  9. Fiche de l’œuvre au palais Barberini.
  10. Traduction nouvelle annotée par Anne-Marie Boxus et Jacques Poucet (2006), Bibliotheca Classica Selecta, Université de Louvain.
  11. Salvy 2008, p. 86.
  12. Berne-Joffroy 2010, p. 279.
  13. Spike 2010, p. 372.

Annexes

Bibliographie

Articles connexes

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