Mollah
Mollah[1] ou mollâ (en arabe : مَوْلى, en persan : ملا, en hindi : मुल्ला, dérivé de l'arabe mawlān, مولًى, pl. mawâlin, موالٍ : « maître » ou « seigneur ») désigne un érudit musulman dans les mondes turco-iranien et indien, par exemple en Iran, en Afghanistan, au Pakistan, en Inde ou encore en Turquie. Dans le monde arabe, on utilise plutôt le terme d'ouléma (ʿālim, pl ʿulamā') pour des fonctions analogues. Mais au-delà de la langue, l'emploi de l'un ou l'autre terme est lié à l'appartenance religieuse : on parle en principe de mollah dans l'islam chiite et d'ouléma (imam) dans l'islam sunnite[2].
Outre la signification « maître », le mot a en arabe, des sens très variés, voire parfois contraires : aide ; associé ; client ; champion ; défenseur ; maître ; propriétaire ; esclave affranchi ; patron ; suzerain[3]. Cette polysémie du terme explique la différence d’interprétation entre chiites et sunnites du hadith prononcé au bord de l'étang Ghadir Khumm par le prophète Mahomet peu avant sa mort: « Celui dont je suis le maître (mawlâ), Ali en est le maître ». Pour les chiites, Maomet aurait par là investi Ali de sa succession, tandis que pour les sunnites, le terme « mawlâ » signifie simplement « ami »[4].
Mollahs chiites
Dans l'islam chiite et tout particulièrement en Iran, les mollahs ont un rôle plus important que les oulémas des pays sunnites. Car pour les chiites, ils remplacent l'Imam (titre qui, dans le chiisme confère l'autorité sur la communauté des croyants, et qui a été porté par Ali et ses successeurs[5]), et sont ainsi les seuls détenteurs légitime de l'autorité légale, qui était détenu autrefois par l'Imam. On leur reconnaît la capacité d'interpréter la loi religieuse (charia) et de pratiquer ainsi l'ijtihâd, à savoir la clarification d'un problème pratique dû à l'application de la charia. Les mollahs forment un clergé organisé, et ils ont pu au cours de l'histoire s'opposer au pouvoir politique. Cela les a amenés à jouer un rôle important dans l'histoire moderne de l'Iran, ainsi que celle de l'Irak[2].
Les mollahs portent une cape (persan : `abā, عبا) et un turban. Le turban est noir s'ils sont des descendants de la famille du prophète de l'islam, Mahomet —ils sont alors appelés sayyids—, et blanc dans le cas contraire.
Certains mollahs peuvent porter des titres attribués par les universités islamiques et par un système de cooptation par les pairs qui reconnaissant à l'un d'eux le droit de recevoir ce titre[6] :
- Hodjatoleslam[7], preuve de l'islam
- Ayatollah[8], signe de Dieu. C'est le plus haut titre dans la hiérarchie chiite.
Mots dérivés
Le terme mollah est un dérivé de la racine arabe wâw - lâm - yâ' (و ل ي). Différents termes sont construits à partir de cette racine .
- Mawlânâ[9] ou maulânâ (notre maître) est le titre donné au mystique iranien Jalâl ad-Dîn Rûmî, fondateur de l’ordre des derviches tourneurs. En turc, l'expression est devenu Mevlana.
- Moulay[10] ou mawlay est le titre des souverains alaouites du Maroc.
- Mawâli[11], pluriel de mollâ, désignait les nouveaux convertis non arabes rattachés à une tribu arabe dont ils dépendaient.
- Mawlawiya[12] est le nom de l’ordre des derviches tourneurs fondé par Djalâl ad-Dîn Rûmî.
- Walîy[13]. Le Coran invite à choisir ses amis (ʾawlyâʾ) parmi les musulmans[14]. Pour les chiites, Ali est le plus grand des walîy : il est l’ami de Dieu, son lieutenant (parfois traduit régent). Les imams qui lui succèdent seront aussi investis de cette qualité d’« amis de Dieu[15] » . Ils ne reçoivent pas directement le message divin de la bouche de l’ange comme pour Mahomet, mais ils reçoivent son inspiration en songe.
Notes et références
- Il ne devrait pas avoir de « h » dans la transcription française (« molla », non pas « mollah »), car il n’y a de tāʾ marbūṭa final ni dans l'arabe مولًى, ni dans le persan ملا. (V. Dominique Sourdel, « Molla » in Dictionnaire historique de l'islam, PUF, 1996, p. 582.)
- Dominique Sourdel et Janinie Sourdel, Dictionnaire historique de l'islam, Paris, PUF, , 1009 p. (ISBN 2-13-047320-2), Article "Mollah", p. 582
- (ar + fr) Daniel Reig, Dictionnaire français-arabe, arabe-français, Paris, Larousse, (ISBN 2-03-451336-3), article n° 6019
- Dominique Sourdel et Janine Sourdel, Dictionnaire historique de l'islam, Paris, PUF, , 1009 p. (ISBN 978-2-13-054536-1), p. 67.
- Écrit avec une majuscule, Imam ne doit pas être confondu avec le même mot écrit avec une minuscule, qui désigne dans l'islam sunnite la personne qui dirige la prière.
- Yann Richard, L'islam chi'ite. Croyances et religions, Paris, Fayard, , 303 p. (978-2-213-02743-2), p. 111
- Arabe : ḥuja al-islām, حجة الإسلام ; persan : ḥojatoleslām, حجتالاسلام, preuve de l'islam.
- Arabe : ʾāya allāh, آية الله ; persan : ʾāyatollāh, آيتالله, signe de Dieu.
- Arabe : mawlānā, مولانا, Notre mollah, La syllabe nā finale est la marque du possessif notre en arabe turc : mevlana.
- Arabe : mawlāy, مولايّ, seigneur ; sire.
- Arabe : mawālin, موالٍ, clients
- Arabe : mawlawīya, مواويّة, derviches tourneurs ; seigneuriaux turc : mevlevi.
- Arabe : walīy, وليّ pl. ʾawlyāʾ أولياء : protecteur ; saint patron ; ami de Dieu ; tuteur ; celui qui sert de guide spirituel.
- Par exemple Le Coran, « La Vache », II, 8, (ar) البقرة.
- Arabe : walayā, وليا, amis de Dieu.
Voir aussi
Articles connexes
Bibliographie
- (en) Dale Hoiberg et Indu Ramchandani, « Mollah », dans Students' Britannica India, vol. 1-5, New Delhi, Encyclopædia Britannica (India), (ISBN 9780852297605, OCLC 45086947, lire en ligne), p. 32.
- (en) John L. Esposito, « Mawla », dans The Oxford Dictionary of Islam, New York, Oxford University Press, (ISBN 0195125592, OCLC 50280143, lire en ligne), p. 197.
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