Mohamed Boudia

Mohamed Boudia, né le [1] à la Casbah d'Alger et mort le à Paris, est un militant indépendantiste algérien et de la cause palestinienne, également dramaturge.

Ne doit pas être confondu avec Mohamed Boudiaf.

Biographie

Jeunesse

Issu d'une famille modeste, il a effectué son service militaire et a résidé pendant deux années à Dijon. Dans cette ville, il multiplie les contacts avec les milieux nationalistes et se rend régulièrement dans les théâtres. Il commence d'ailleurs à rédiger des pièces de théâtre.

En 1954, après le début de la Guerre d'Algérie, il rejoint la France et devient membre de la Fédération de France du FLN. Il participe à plusieurs opérations en tant que fedayin. Chef du commando « La Spéciale », il fomente l'attentat contre les dépôts pétroliers de Mourepiane. Blessé lors d'une de ces opérations en 1956, il est arrêté en 1958 après avoir perpétré un attentat à l'explosif à Marseille contre un pipeline. Il est condamné à vingt ans de prison. Considéré comme un élément « dangereux et perturbateur », il navigue d’une prison à l'autre : Fresnes, la Santé, les Beaumettes et Angers ont été ses lieux de détention.

Engagement médiatique

En 1963, il occupe le poste de directeur du Théâtre national algérien à Alger, premier théâtre créé en Algérie après l'indépendance, qu'il a contribué à nationaliser avec Mustapha Kateb[2]. Après l'indépendance de l'Algérie, il est le fondateur de deux journaux « Novembre » revue culturelle et « Alger ce soir »[2] quotidien lui permettant de s'exprimer en tant que poète, écrivain, artiste ou polémiste.

Le , le coup d'État du colonel Boumédiène qui met fin au régime de Ben Bella pour lequel il avait beaucoup d'admiration, l'oblige à quitter le territoire algérien car il est recherché. Il trouve refuge en France et continue ses activités politiques et culturelles. Il exprime son opposition au colonel Boumédiène en devenant membre actif de l'ORP, « Organisation de la résistance populaire ». En 1967, il est un des fondateurs du FLN Clandestin (RUR) dont il occupe un poste de direction. Administrateur du Théâtre de l'Ouest Parisien[2], il constitue la troupe du Théâtre Maghrébin qu’il autofinance.

Lien entre théâtre et politique

Boudia effectue des allers-retours incessants entre la politique et le théâtre. Ces pièces de théâtre sont en lien avec la quête de l'indépendance de l'Algérie. De 1955 à 1957, le théâtre est pour lui un combat politique. À cette époque, plusieurs personnes du milieu du théâtre engagées dans les mouvements nationalistes servent d'étendard à la question algérienne à Saint-Denis, Barbès, Clignancourt, Marseille et dans d’autres villes françaises. Mohamed Boudia et son ami Mohamed Zinet forment un couple d'agitateurs. Ils participent activement aux actions de la Fédération de France du FLN, font connaître au public les objectifs et les prises de positions du mouvement nationaliste. Ils organisent des rencontres avec les émigrés et dispensent des formations pour les jeunes comédiens. Administrateur du Théâtre de l'Ouest parisien, il rejoint le mouvement national palestinien Fatah. Les autorités administratives décident la dissolution de toutes ces troupes théâtrales soupçonnées de faire une propagande d'idées révolutionnaires.

En prison, Boudia continue de militer : aux Beaumettes, il monte plusieurs pièces de théâtre avec pour but d'expliquer les causes et l'importance de la lutte de libération. Il souhaite aussi faire partager sa passion du théâtre aux prisonniers pour contribuer à les sortir de leur apathie carcérale et de favoriser leurs pratiques culturelles. Il crée deux pièces de théâtre Naissances et L’Olivier et traduit en arabe « dialectal » quelques textes dramatiques français dont ceux de Molière[2]. Il réussit à s'évader de la prison d'Angers grâce à la complicité du réseau Jeanson pour se réfugier temporairement en Belgique. Puis, il rejoint la troupe culturelle du FLN basée à Tunis.

Engagement pour la cause palestinienne

Son engagement militant en faveur de l'indépendance algérienne terminé, il épouse ensuite la cause palestinienne en intervenant au Front populaire de libération de la Palestine (FPLP). Sa rencontre avec Wadie Haddad, responsable militaire du FPLP, à Cuba est un élément déclencheur dans son militantisme palestinien. Il est recruté pour faire partie d'une formation à l'Université Patrice Lumumba, au milieu des années soixante. Il veut exploiter son expérience passée pour la cause algérienne pour la mettre au service de la cause du peuple palestinien. Proche de Georges Habache, responsable du FPLP, il est un des membres les plus actifs en France. D'abord trésorier, il participe à des actions armées extérieures. Mohamed Boudia est ensuite nommé à la tête de l’organisation spéciale du FPLP en Europe, qui était chargée de recruter des militants et de mener des actions violentes contre de cibles israéliennes en Europe. 

Attentats

En 1971, Boudia provoque l'explosion d'une raffinerie de pétrole à Rotterdam. Boudia recrute des jeunes femmes pour des attentats, dont trois de ces femmes qu'il envoie à Jérusalem pour bombarder une série d'hôtels. À nouveau accompagné d'une jeune femme, Boudia attaque un château en Autriche qui servait de camp de transit pour les réfugiés juifs russes en route pour Israël. Cette attaque également échoue mais il parvient à faire sauter une raffinerie de pétrole à Trieste, avec vingt kilos d'explosifs : 250 000 tonnes de pétrole en feu et un pipeline détruit[3].

Mort

Le Mossad l'avait listé parmi ses cibles à abattre après les attentats en Europe dans les années 1970, notamment la prise d'otage des jeux olympiques de Munich, ciblant les membres de la délégation israélienne en 1972[2], le soupçonnant de faire partie de l'organisation palestinienne « Septembre noir ». D'après le journaliste Ronen Bergman, le Shin Beth aurait déjoué un projet d'attentat de Boudia visant à faire exploser des bombes simultanément dans sept grands hôtels de Tel Aviv durant le seder de Pessa'h[4].

L'origine de sa mort à Paris est incertaine. Selon une hypothèse, il a été victime d'une mauvaise manipulation en déposant la bombe qu’il transportait sur le siège arrière de sa voiture. L'autre hypothèse imputant sa mort à un attentat organisé par les renseignements israéliens[2]. Ronen Bergman dans un ouvrage consacré aux assassinats ciblés israéliens affirme que son assassinat a été organisé par des agents du Kidon après qu'un nouveau projet d'attentat ait été découvert. Ces agents auraient disposé une bombe sensible à la pression sous le siège conducteur de sa voiture[4].

Ses funérailles ont été organisées en toute discrétion à Alger. Aucune personne de l'establishment culturel ou politique ne lui a rendu hommage hormis les Palestiniens qui ont manifesté en solidarité de sa mémoire.

Notes et références

  1. Achour Cheurfi (2004), Écrivains algériens: dictionnaire biographique, Casbah éditions
  2. ISM - International Solidarity Movement - Palestine, « Algérie : Hommage à Mohamed Boudia au Forum d’El Moudjahid : Le combattant et l’intellectuel - El Moudjahid », sur www.ism-france.org (consulté le )
  3. http://www.magpictures.com/terrorsadvocate/boudia.html
  4. (en) Ronen Bergman, Rise and Kill First : The Secret History of Israel's Targeted Assassinations, Random House Publishing Group, , 784 p. (ISBN 978-0-679-60468-6, lire en ligne), p. 176-177

Bibliographie

  • Jeune Afrique, no 230 du , p. 30–31
  • Patrice Pavis, Dictionnaire du Théâtre, Paris, Dunod, 1996
  • Mohamed Boudia, Naissance, suivie de L’olivier, Lausanne, La Cité - 107 pages, 1962
  • Mohamed Boudia, Mohamed Boudia : œuvres : écrits politiques, théâtre, poésie et nouvelles (1962-1973), Toulouse, Éditions Premiers matins de novembre, , 310 p. (ISBN 978-2-9559174-1-1, SUDOC 224403613)
  • Mohamed Karim Assouane, L'Espace intérieur dans le théâtre de Mohamed Boudia et de Jean Genet. Analyse théâtrologique, Presses Académiques Francophones, 2016.

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