Moïse Tshombé

Moïse Tshombé, également retranscrit Tshombe ou Tchombe (), est un homme d'État congolais, président de l'État du Katanga de 1960 à 1963 et Premier ministre de la République démocratique du Congo de 1964 à 1965.

Moïse Tshombé

Moïse Tshombe en 1963.
Fonctions
Président de l'État du Katanga

(2 ans, 6 mois et 4 jours)
Prédécesseur Poste créé
Successeur Poste supprimé
Premier ministre du Congo

(1 an, 3 mois et 3 jours)
Président Joseph Kasa-Vubu
Gouvernement Tshombe
Prédécesseur Cyrille Adoula
Successeur Évariste Kimba
Biographie
Nom de naissance Moïse Kapend Tshombe
Date de naissance
Lieu de naissance Musumba, Congo belge
Date de décès
Lieu de décès Alger, Algérie
Nature du décès crise cardiaque
Sépulture enterré en Belgique
Nationalité Congolais
Parti politique CONAKAT de 1958 à 1964, CONACO à partir de 1964
Profession Homme d'affaires
Religion Protestant méthodiste

Biographie

Jeunesse

Fils d'un homme d'affaires, Joseph Kapend Tshombe, premier millionnaire africain de l'époque coloniale belge, aîné de 11 enfants et descendant direct de Mwata Yamvo ou Mwant Yav Mushid Ier, empereur des Lundas (ou Aruund), Moïse Tshombé est né à Musumba au Congo belge. Il étudia dans une école des missionnaires américains méthodistes à Mulungwishi dans la province actuelle du Haut-Katanga puis à Kanene dans la province actuelle du Haut-Lomami. L'administration coloniale lui refusa l'autorisation d'aller poursuivre des études supérieures à l'étranger comme l'avait prévu son père. C'est ainsi qu'il fût contraint de poursuivre des études supérieures de comptabilité par correspondance (Canada).

Dans les années 1950, il développa une chaîne de magasins au Katanga, et s'impliqua en politique, fondant le parti CONAKAT, prônant un Katanga indépendant.

L'indépendance du Katanga

Aux élections législatives de 1960, la CONAKAT obtint ses meilleurs résultats dans son fief de la province du Katanga. La République démocratique du Congo devint indépendante, et Tshombe et la CONAKAT déclarèrent la sécession de la province du reste du Congo le . De graves troubles ethniques éclatèrent alors, les Katangais se mirent à chasser les immigrés kasaïens, de l'ethnie luba, que l’administration coloniale avait fait venir pour travailler dans les mines. Il y eut de nombreux morts.

Chrétien, anti-communiste, pro-occidental, Tshombe fut élu président du Katanga en , annonçant : « Nous faisons sécession du chaos » (en référence aux troubles apparus dans le pays dès la proclamation de l'indépendance). Certains analystes pensent que Tshombe a fait sécession parce qu'il n'était pas dans le gouvernement de Lumumba.

Souhaitant la continuation des liens privilégiés avec la Belgique et notamment avec l'Union minière du Haut Katanga, Tshombe demanda au gouvernement belge une aide pour constituer et former une armée katangaise, et reçut un soutien important de l'ancienne métropole coloniale, conduisant à une détérioration notable des relations entre le nouvel État indépendant du Congo et le gouvernement belge.

La France voulant profiter elle aussi de minerais katangais, envoie à Moïse Tshombe le renfort du mercenaire Bob Denard et de ses hommes. Il bénéficie en effet du soutien des réseaux de Jacques Foccart, le « monsieur Afrique » de l’Élysée[1].

Le Premier ministre Patrice Lumumba et son successeur Cyrille Adoula demandèrent de leur côté l'intervention des forces des Nations unies pour préserver l'unité du Congo ; les Nations unies répondirent favorablement à cette demande.

Rôle dans la mort de Lumumba

Le Premier ministre du Congo, Patrice Lumumba, est arrêté en à la suite de ses tensions grandissantes avec le Président Joseph Kasa-Vubu et le chef de l'armée Joseph Mobutu. Il s'évade peu après et tente de gagner Stanleyville pour y organiser un contre-gouvernement. Arrêté à Port-Francqui le , il est placé en détention à Thysville.

Les 12 et , une mutinerie militaire éclate dans la ville, pour des raisons financières. C'est « la panique à Léopoldville. « On » craint que la libération de Lumumba et son retour soient imminents […]. Le collège des commissaires demande à Kasa-Vubu de transférer Lumumba « dans un endroit plus sûr ». […] Au nom du collège des commissaires [congolais], Kandolo insiste auprès du président Tshombe pour que Lumumba soit transféré au Katanga »[2]. L'ambassadeur belge au Congo, Dupret, en informe son gouvernement et conseille « il vous apparaîtra sans doute indiqué appuyer opération envisagée et insister auprès autorités katangaises[2] ».

À cette date, le gouvernement congolais et le gouvernement katangais sont encore en négociation[3] et se sentent tous les deux menacés par Lumumba et ses partisans. Le gouvernement katangais est ainsi à cette date en proie à des attaques de troupes lumumbistes dans le Nord-Katanga[4]. Une action commune contre Lumumba est donc dans leur intérêt commun.

Le gouvernement congolais livre finalement son prisonnier au gouvernement katangais de Moïse Tshombe le . Il meurt le même soir, entre 21 h 40 et 21 h 43 d'après le rapport d'enquête belge.

Tshombe refuse d'assumer le décès de Lumumba affirmant, d'une part qu'il ne savait rien du transfert de Lumumba vers le Katanga, et d'autre part que son prisonnier est mort lors d'une tentative d'évasion.

Concernant la première affirmation, la commission d'enquête belge de 2001 est formelle « il y a trois déclarations du 18 janvier qui contredisent la version de Tshombe[5] ». Pour la commission, Tshombe a bien donné son accord au transfert de Lumumba sur son territoire. Elle cite en particulier une déclaration officielle katangaise confirmant l'accord du gouvernement sécessionniste.

Concernant la seconde affirmation de Moïse Tshombe sur son absence d'implication dans la mort de Lumumba, la commission d'enquête indique d'abord : « il apparaît que la reconstitution détaillée et illustrée des faits de ce 17 janvier est aléatoire[6] ». Mais elle considère que plusieurs faits sont assez précis. À 16 h 50 l'avion de Lumumba atterrit. De 17 h 20 à 20 h 30 Lumumba et ses deux compagnons sont enfermés à la « maison Brouwez », « où il est certain que les prisonniers ont subi des mauvais traitements de la part de leurs gardiens, mais aussi de la part de ministres katangais[6] ». Il est possible « que le président katangais [ait] participé aux sévices, même si aucune source ne le prouve. […] Il semble hors de question qu'il n'ait pas vu les prisonniers dans la maison Brouwez, au moins lors du départ des prisonniers vers le lieu d'exécution[6] ». La décision de Tshombe de l'exécution de Lumumba est donc certaine pour la commission, mais quatre représentants belges qui soutiennent la sécession katangaise y participent aussi : « le commissaire de police Frans Verscheure, le capitaine Julien Gat, le lieutenant Michels et le brigadier Son[6] ». « Vers 21 h 15-21 h 30, Lumumba [et] ses compagnons arrivent sur le lieu de leur exécution. Ils vont être tués par balle, en présence du président Tshombe et de plusieurs de ses ministres. […] Lumumba […] meurt en dernier[6],[7]. »

La fin de l'indépendance

Peu après la mort de Lumumba, les relations sont rompues entre les gouvernements congolais et katangais et la guerre reprend.

Les Nations unies mirent deux ans à reprendre le contrôle du Katanga pour le compte du gouvernement congolais.

En 1963, la prise du Katanga par les forces des Nations unies contraint Moïse Tshombe à l'exil vers la Rhodésie du Nord (actuelle Zambie), et plus tard vers l'Espagne.

Le geste de trop

En , il prend contact avec la revue belge Pourquoi pas ? et remet à Pierre Davister[8] à Madrid le récit signé et paraphé à chaque page pour confirmation sur l'assassinat de Lumumba (première partie). La revue (no 2357) paraît le mais est immédiatement retirée par l'autorité belge des kiosques et des librairies pour cause d'affront à un président d'un pays ami. Cette revue datée du vendredi 64, non expurgée, est devenue rarissime[9]. En couverture, le portrait de Lumumba lié[10] signé par J. Remy. Un second article intitulé « Que sont devenus les corps ? » était prévu pour la semaine suivante.

Il est reçu à Paris par le président de Gaulle en [1].

Premier ministre du Congo réunifié

En 1964, il retourna au Congo pour prendre part à un nouveau gouvernement de coalition en tant que Premier ministre. Il prit la décision d'expulser de Kinshasa les Congolais de Brazzaville (les 2 capitales se font face). Il négocia avec la Belgique la question de la répartition entre les deux pays de la charge des dettes publiques et le sort des participations dans les compagnies minières et autres sociétés coloniales[11]. Il fut démis un an plus tard par le président Joseph Kasa-Vubu. En 1966 Joseph Mobutu, qui avait évincé Kasa-Vubu un an plus tôt, accusa Tshombe de trahison ; celui-ci prit de nouveau la fuite pour l'Espagne.

Arrestation et mort

En , un tribunal congolais le condamne à mort par contumace lors du procès Tshipola pour : avoir proclamé la sécession du Katanga ; avoir aliéné l’indépendance économique du pays lorsqu'il était Premier ministre en signant les accords réglant le contentieux belgo-zaïrois ; avoir constitué une armée de mercenaires ; avoir maintenu la subversion dans les unités katangaises de l’Armée nationale congolaise en vue de renverser le nouveau régime.

Le , le jet BAe 125 dans lequel il voyageait est détourné vers l'Algérie par une de ses relations d'affaires qui voyageait avec lui, Francis Bodenan. « Pour autant que l'on puisse faire la lumière sur ce genre d'affaires, l'opération, de toute évidence, est l'œuvre de Mobutu et ses services. Bernardin Mungul Diaka, ambassadeur à Bruxelles, a sans doute reçu pour mission de l'organiser : quoique toujours à demi-mot, il l'admettra plus tard[12]. » Francis Bodenan, dans une interview dans Jeune Afrique[13] déclare d'ailleurs qu'il a agi sur ordre direct de ce dernier.

Considéré comme le meurtrier de Lumumba, Tshombé est placé en résidence surveillée par le pouvoir algérien de Houari Boumédiène. Le régime de Mobutu demande son extradition, refusée par Boumédiène qui déclare préférer un procès international.

En , toujours privé de liberté, il meurt en Algérie, officiellement d'une crise cardiaque[14].

Citations

Peu après avoir proclamé l'indépendance du Katanga : « On nous reproche, n'est-ce pas, de vouloir garder les richesses pour nous. Nous, nous voulons aussi partager avec les États qui sont pauvres mais, quant aux affaires intérieures, nous voulons les diriger nous-mêmes. »

Lorsque les troupes de l'ONU essayent de reconquérir le Katanga pour le Congo : « Du côté katangais, n'est-ce pas, nous ne voulons pas la guerre, mais si l'ONU persiste… (sourire) c'est la fin de l'ONU. »

Lorsque le Premier ministre Adoula dit à un journaliste : « Je me méfie de Tshombe, car je connais le joueur et je connais le jeu », Tshombe répond : « Moi je suis d'abord né dans une famille de chefs, mon père est riche, mes frères sont riches, Adoula c'est un ancien commis de la Cofaco qui gagnait quoi ? … 2 000 francs. »

Bibliographie

  • Moise Tshombe Mémoires Editions 1975
  • Moise Tshombe Quinze mois de gouvernement au Congo Editions Table ronde 1966
  • Jacques Burlion Moise Tshombe abandonné
  • Guy Weber Le Katanga de moise Tshombe ou le drame de la loyauté Editions Louis Musin 1983
  • Jules Chome Moise Tshombe et l'escroquerie Katangaise
  • Joseph Kayomb Tshombe "Le rapt de Tshombe. La mise à mort du leader congolais" Editions Quorum 1997
  • Kayemb Uriel Nawej Moise Tshombe Visionnaire assasiné Editions Booksurge Publishing 2006
  • Pierre De Vos Tshombe
  • Ikos Rukal Diyal, Joseph Emmanuel, Moise Tshombe: Sécessioniste ou Nationaliste Editions L'harmattan 2014
  • Florent sené Tshombe à Alger: Une certaine histoire de la décolonisation africaine Editions L'harmattan 2014
  • Kyoni Kya Mulundu Moise Kapenda Tshombe. La renaissance du Katanga Tome 1 Editions Edilivres 2015
  • Kyoni Kya Mulundu Moise Kapenda Tshombe. Premier ministre du Congo-Lépoldville Tome 2 2ème Partie Editions Edilivres 2015
  • Jacques Brassine de la Buissière La sécession du Katanga:Témoignage Editions L'harmattan 2016

Dans la fiction

Article connexe

Liens externes

Références

  1. Claude Wauthier, « Jacques Foccart et les mauvais conseils de Félix Houphouët-Boigny », Les Cahiers du Centre de Recherches Historiques. Archives, no 30, (ISSN 0990-9141, DOI 10.4000/ccrh.512, lire en ligne, consulté le )
  2. ENQUÊTE PARLEMENTAIRE visant à déterminer les circonstances exactes de l'assassinat de Patrice Lumumba et l'implication éventuelle des responsables politiques belges dans celui-ci, Chambre des représentants de Belgique, 16 novembre 2001, DOC 50 0312/006, pages 306-308.
  3. ENQUÊTE PARLEMENTAIRE visant à déterminer les circonstances exactes de l'assassinat de Patrice Lumumba et l'implication éventuelle des responsables politiques belges dans celui-ci, Chambre des représentants de Belgique, 16 novembre 2001, DOC 50 0312/006, page 243.
  4. ENQUÊTE PARLEMENTAIRE visant à déterminer les circonstances exactes de l'assassinat de Patrice Lumumba et l'implication éventuelle des responsables politiques belges dans celui-ci, Chambre des représentants de Belgique, 16 novembre 2001, DOC 50 0312/006, page 305.
  5. ENQUÊTE PARLEMENTAIRE visant à déterminer les circonstances exactes de l'assassinat de Patrice Lumumba et l'implication éventuelle des responsables politiques belges dans celui-ci, Chambre des représentants de Belgique, 16 novembre 2001, DOC 50 0312/006, page 319.
  6. ENQUÊTE PARLEMENTAIRE visant à déterminer les circonstances exactes de l'assassinat de Patrice Lumumba et l'implication éventuelle des responsables politiques belges dans celui-ci, Chambre des représentants de Belgique, 16 novembre 2001, DOC 50 0312/006, pages 374-382.
  7. Joseph Okito et Maurice Mpolo, « Le 17 janvier 1961, les assassinats de Patrice Lumumba », Pressafrique.
  8. Envoyé spécial à Madrid de cette revue bruxelloise.
  9. « Tshombe nous révèle Comment est mort Lumumba », Pourquoi pas ?, article préfacé par Pierre Davister, envoyé spécial à Madrid.
  10. Lumumba est en chemise blanche ouverte. Seul un bout de corde apparaît.
  11. « Les relations belgo-congolaises », Courrier hebdomadaire du CRISP 14/1966 (no 321-322), p. 1-44.
  12. Pierre-Michel Durand, L'Afrique et les relations franco-américaines des années soixante : Aux origines de l'obsession américaine, L'Harmattan, 2007, coll. Études africaines (ISBN 2296046053), p. 466.
  13. Jeune Afrique, no 772, 24 octobre 1975.
  14. Tshilombo Munyengayi, « Tshombe est enlevé le 30 juin 1967 et meurt mystérieusement le 30 juin 1969 », Le Potentiel, 17 juillet 2006.
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