Megachile pluto

Abeille de Wallace

Megachile pluto
Femelle Abeille de Wallace (dessin du Dr Heinrich Friese de 1911) comparée à une ouvrière Abeille mellifère.
Classification
Règne Animalia
Embranchement Arthropode
Classe Insecte
Ordre Hymenoptera
Famille Megachilidae
Genre Megachile
Sous-genre Callomegachile

Espèce

Megachile pluto
Smith, 1861[1]

Synonymes

  • Megachile pluto Smith, 1869
  • Megachile pluto B. Smith ex Wallace, 1869
  • Chalicodoma pluto (Smith, 1869)

Statut de conservation UICN


VU Liste rouge de l'UICN[2] : Vulnérable

Megachile pluto, l'Abeille de Wallace, est une espèce d'abeilles du genre Megachile endémique des forêts tropicales humides d'Indonésie. La femelle est la plus grosse abeille actuellement décrite, pouvant atteindre la taille d'un pouce humain, d'une envergure de 60 mm, soit trois fois la taille standard d'une abeille domestique. Elle est en outre dotée de mandibules et d'un labium inhabituellement grands qui lui servent à récolter de la résine végétale pour la construction de son nid. En symbiose avec des termites arboricoles, elle nidifie dans les arbres. Très rare, de par sa biologie mais également de par les menaces qui pèsent sur son biotope, elle est classée comme espèce vulnérable par l'UICN.

Description

Il existe un très fort dimorphisme sexuel au sein de M. pluto, au profit des individus féminins. Celles-ci sont des grandes abeilles Megachile noires, dont l'avant de l'abdomen est orné d'une bande de poils blancs. Elles sont munies d'immenses mandibules tridentés à leur sommet, à la manière d'un coléoptère. Leur tête massive, de 13 mm de large est également composée d'un labrum étendu finement saupoudré de poils rigides dressés (une sorte de pelle à l'avant de sa tête) ; caractéristique que l'espèce partage avec le sous-genre Callomegachile[3]. Leurs ailes sont sombres et brillantes. Ces femelles mesurent 39 mm de long pour une envergure de 63 mm. Il s'agit de la plus grande abeille décrite à ce jour. Par comparaison, une ouvrière Abeille domestique mesure en moyenne 12 mm de long pour une envergure de 22 mm. Les mâles, quant à eux, ont une taille de 23 mm de long, et ne présentent aucune des caractéristiques faciales des femelles. L'avant de leur abdomen est orné d'une bande rousse[4],[1].

Découverte et redécouvertes

L'espèce est découverte en 1858 par le naturaliste Alfred Russel Wallace lors de son exploration historique de l'Insulinde[5]. Il recolte un exemplaire femelle sur l'île de Bacan et le dépose, en compagnie de très nombreux spécimens d'insectes, au British Museum. L'espèce est ensuite décrite en 1861 par le spécialiste des hyménoptères d'alors : Frederick Smith[1]. En l'honneur de son découvreur, Megachile pluto est appelée en anglais Wallace's giant bee et en français Abeille de Wallace ou Abeille géante de Wallace. Localement, l'abeille est dénommée o ófungu ma kóana ou raja ofu, signifiant roi des abeilles[4],[6].

Malgré la récolte d'une autre femelle en 1953 dans les îles Obi[7], l'espèce est considérée comme étant probablement éteinte durant le XXe siècle[4].

En 1981, plusieurs spécimens sont redécouverts et étudiés par l’entomologiste américain Adam C. Messer[4]. Ce dernier identifie six nids à Bacan, Halmahera et Tidor, des îles montagneuses des Moluques du Nord. En 1991, une autre femelle est récoltée à Halmahera par Desmier de Chenon et déposée au Centre de biodiversité néerlandais Naturalis[8].

En février 2019, l'abeille géante est de nouveau observée et étudiée lors d'une expédition parrainée par le Global Wildlife Conservation visant à retrouver des espèces non revues (et peut-être disparues[9]) dans cette région[6],[10],[11].

Éthologie

Tous les nids de Megachile pluto découverts se situent dans des termitières actives de Microcerotermes amboinensi où ils sont complètement dissimulés. Ces termites arboricoles construisent leur propre nid à partir de fibres de bois mâchées dans les troncs ou les branches d'arbres. L'association de cette espèce avec les termites semble être obligatoire et par définition symbiotique[4],[12].

Munie de ses mandibules, la femelle M. pluto racle de la résine végétale, la ramène devant elle, puis la fait rouler vers l'avant le long du tronc en utilisant la plaque antérieure de sa tête à la manière d'un tractopelle. Elle en constitue une boule d'environ 10 mm de large qu'elle transporte au nid, la boule serrée entre ses mandibules et le labrum, celui-ci appliquant une tension par effet de levier afin de sécuriser le transport durant le vol. Cette résine provient des fissures verticales des troncs d'arbres de la famille Dipterocarpaceae, probablement Anisoptera thurifera, dont le genre représente de grands arbres sempervirent d'Asie du Sud-Est. La femelle M. pluto récolte également des fibres de bois, sous la forme de fagots cylindriques, qu'elle unit avec la résine pour construire des tunnels et des cellules ; ce mélange, durcissant en un matériau imperméable noir, isole le nid d’abeille des termites. De plus, la résine ayant des propriétés fongicides, elle permet de protéger le nid contre les spores fongiques transmises par le pollen. Il y a de une à six femelles dans chaque colonie mais la division du travail et le niveau de sociabilité ne sont pas encore bien établis pour cette espèce. Elles construisent un seul tunnel d'entrée horizontal débouchant dans un tunnel principal vertical suffisamment large pour permettre à deux femelles de se croiser. Les cellules pour le couvain, horizontales, sont construites à partir du tunnel principal[4],[12].

Le plus petit nid étudié contenait quatre cellules de couvain, d'autres 49 et le plus grand nid, 157, bien que seulement 25 aient été utilisées, les autres étant scellées et abandonnées. Les cellules de mâles (15 × 27 mm) sont plus petites que celles des femelles (19 × 41 mm). En effet, chaque cellule est soigneusement aménagée avec de la résine et des fibres de bois pour le couvain femelle, puis souvent réutilisée après un passage de résine sur les résidus de nymphose pour le couvain mâle. De ce fait, les cellules rétrécissent, deviennent trop petites et sont progressivement scellées de résine avant d'être abandonnées. Transportant le pollen sous son ventre et non sur ses pattes, la femelle fabrique du pain d'abeille qu'elle dépose dans chaque cellule avant de pondre un œuf de 9 mm de long. Elle butine le pollen d'un large éventail d'espèces végétales mais semble préférer les Myrtacées[4],[12].

Il n'a été trouvé aucun mâle à l'intérieur des colonies ou récoltant de la résine ou du pollen. Au lieu de cela, ils se perchent sur un poste d'observation tel qu'une plante grimpante, près des sources de résine ou dans le voisinage du nid. Faisant le guet, ils poursuivent les femelles pour les féconder et chassent les mâles intrus[4],[12].

La symbiose entre Megachile pluto et Microcerotermes amboinensi est dite termitophile. Son intérêt pourrait être de l'ordre de la protection contre les prédateurs ou les parasites. Nicher au sein d'une termitière permettrait également d'assainir plus efficacement les galeries et le couvain et de les protéger contre l'humidité. Pour les termites, le coût spatial est probablement élevé mais la mutualisation de leur force, en cas d'agression de la part d'un prédateur, peut être bénéfique.[13]. La termitophilie existe chez d'autres espèces d'abeilles comme certaines Mélipones. Une Apinae, Centris derasa est également en association avec une Microcerotermes d'Amérique du Sud, mais contrairement à M. pluto, elle souffre d'une grande mortalité de son couvain à cause de l'invasion des termites[4],[14].

Distribution, habitat et menaces

Megachile pluto n'a été aperçue que sur quatre îles des Moluques du Nord (Bacan, Halmahera, Tidore et Obi) toutes situées à l'est de la ligne de Wallace. Elle vit dans les forêts primaires de plaines de basse altitude de ces îles. Bien que les sites de nidification et les plantes hôtes soient abondants, M. pluto est apparemment rare aux endroits où il a été trouvé[4]. De plus, ces forêts sont abattues au profit de la culture intensive d'huile de palme ; ce qui pousse l'UICN à placer Megachile pluto sur sa liste des espèces vulnérables[2].

En 2018, deux spécimens femelles Megachile pluto collectés à Bacan en février et à Halmahera en sont apparus sur un site international de vente aux enchères en ligne et ont été vendus des milliers de dollars US à des collectionneurs privés. Malgré son inscription sur la liste rouge de l'UICN, le commerce international de cette espèce n’est actuellement pas prohibé, car elle ne figure pas dans les annexes de la Convention sur le commerce international des espèces menacées d’extinction[15].

Notes et références

  1. Description originale : Megachile pluto : (en) Frederick Smith, « Catalogue of hymenopterous insects collected by Mr. A. R. Wallace in the Islands of Bachian, Kaisaa, Amboyna, Gilolo, and at Dory in New Guinea. », Journal of the proceedings of the Linnean Society. Zoology, Oxford University Press (OUP), vol. 5, , p. 93-143 (DOI 10.1111/j.1096-3642.1860.tb01022.x, lire en ligne)
  2. Kuhlmann, M., « Megachile pluto », Liste rouge de l'UICN, vol. 2014, , e.T4410A21426160 (DOI 10.2305/IUCN.UK.2014-1.RLTS.T4410A21426160.en)
  3. (en) Charles Duncan Michener, The Bees of the World, Baltimore, Johns Hopkins University Press, , 992 p. (ISBN 978-0-8018-8573-0).
  4. (en) Messer A.C (1984) Chalicodoma pluto: the world's largest bee rediscovered living communally in termite nests (Hymenoptera: Megachilidae). Journal of the Kansas Entomological Society, 165-168.
  5. (en) Alfred Russel Wallace, The Malay Archipelago : the land of the oranguatan, and the bird of paradise. A narrative of travel, with studies of man and nature., Harper, (DOI 10.5962/bhl.title.58478, lire en ligne).
  6. (en-US) « Rediscovering Wallace’s Giant Bee: In search of Raja Ofu, the king of bees », sur Global Wildlife Conservation, (consulté le )
  7. (nl) Naturalis, « Megachile pluto : specimen RMNH.INS.108875 », sur bioportal.naturalis.nl, (consulté le ).
  8. (nl) Naturalis, « Megachile pluto : specimen RMNH.INS.108876 », sur bioportal.naturalis.nl, (consulté le ).
  9. (en) « Wallace's Giant Bee — The Search for Lost Species », sur The Search for Lost Species (consulté le ).
  10. (en-GB) Patrick Barkham, « World's largest bee, missing for 38 years, found in Indonesia », The Guardian, (ISSN 0261-3077, lire en ligne, consulté le )
  11. « Abeille géante de Wallace : on a retrouvé la plus grosse abeille du monde », Le Monde, (lire en ligne)
  12. (en) Dr Anne Dollin, « The largest bee in the world », Aussie Bee (Australian Native Bee Research Centre), (lire en ligne).
  13. (en) T. F. Carrijo, R. B. Gonçalves et R. G. Santos, « Review of bees as guests in termite nests, with a new record of the communal bee, Gaesochira obscura (Smith, 1879) (Hymenoptera, Apidae), in nests of Anoplotermes banksi Emerson, 1925 (Isoptera, Termitidae, Apicotermitinae) », Insectes Sociaux, Springer Nature, vol. 59, no 2, , p. 141-149 (ISSN 0020-1812, DOI 10.1007/s00040-012-0218-x, lire en ligne).
  14. FD Bennett, Notes on the nesting site of Centris derasa (Hymenoptera: Apoidea), Pan-Pacific Entomology, 1964
  15. (en) Nicolas J. Vereecken, « Wallace’s Giant Bee for sale: implications for trade regulation and conservation », Journal of Insect Conservation, Springer Nature America, Inc, vol. 22, nos 5-6, , p. 807-811 (ISSN 1366-638X, DOI 10.1007/s10841-018-0108-2, lire en ligne).

Voir aussi

Articles connexes

Liens externes

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